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A propos de Notre-Dame-des-Landes - Thomas Lermusiaux - 93

Militant communiste, aiguilleur du ciel dans le civil, je suis depuis plusieurs années l'épineux dossier de Notre-Dame-des-Landes. Je n'aurais pas l'outrecuidance de me prétendre "expert" sur le sujet, mais au regard de mon expérience professionnelle, de mes quelques formations sur l'économie du transport aérien, je pense pouvoir apporter quelques éléments de réflexion au débat, débat que je souhaiterais national dans notre parti, plutôt que voir des fédérations se déchirer entre les pro et les anti...
Si au regard des conditions économiques, environnementales et techniques, le projet pouvait avoir un certain intérêt à la fin des années 90 avec la libéralisation totale du transport aérien et une croissance qui semblait encore sans limite, je regrette aujourd'hui que les thuriféraires du projet refusent de prendre en compte ce qui a changé depuis... Et je ne parle pas seulement des consciences. Des éléments techniques et économiques ont fondamentalement changé la donne. Ne pas en tenir compte, c'est faire preuve d'aveuglement, c'est refuser de penser dialectiquement, ce qui nous éloigne de toute pensée d'émancipation réellement communiste. Je pense, en tant que communiste, que nous ne devons pas, nous ne devons plus soutenir ce projet. Pour le démontrer, j'essayerai de contre-argumenter point par point l'argumentaire favorable au projet produit par la Fédération du PCF 44 "8 raisons essentielles du transfert à Notre-Dame-des-Landes"

  • Pour commencer, refaisons un peu d'histoire. Je n'évoquerai pas les origines du projet fin des années 60, début des années 70, où dans la France des 30 Glorieuses au pétrole bon marché, les projets gigantesques et fantasques naissaient un peu partout sur le territoire. Certains étaient nécessaires, comme l'aéroport de Roissy pour désaturer Le Bourget et Orly, mais même dans ces cas-là, le culte du béton, de l'espace sans limite, ont souvent conduit à des hérésies architecturales et fonctionnelles (le fameux terminal 1 "rond" de Roissy)... Quoi qu'il en soit, les élus de l'Ouest prévoyants ont gelé des terres dès cette époque au cas où... Suite à la crise de 1973, le projet n'a pas connu d'avancée majeure jusqu'à la fin des années 90. A l'époque l'aérien est en pleine effervescence. La libéralisation du transport aérien et un pétrole bon marché conduisent à des taux de croissance de 10% sur de nombreuses plate-formes, à des politiques tarifaires agressives, à l'illusion d'une démocratisation. Dans le même temps, les deux grands constructeurs mondiaux vivent sur leurs rentes pour développer d'autres projets et les compagnies en pleine concurrence réduisent leurs investissements, ce qui fait que les renouvellements de flotte se font plus lentement que le progrès technique ne le permet. Des avions très bruyants volent encore alors qu'ils auraient pu être remplacés et les riverains exaspérés commencent à s'organiser. Surgit alors le débat sur le troisième aéroport parisien. 

 

  • Parlons donc un peu bruit et survol à basse altitude (les deux sont liés). Aujourd'hui, les nuisances sonores sont mesurées par un indicateur standardisé, le LDEN, qui tient compte du nombre de mouvements, du type d'aéronef et de l'heure de survol (avec majoration pour les vols de nuit). Plus il est élevé, plus les nuisances sont fortes. C'est la valeur LDEN50 qui est utilisée par exemple pour dire qu'aujourd'hui 42000 Nantais sont soumis aux nuisances sonores de Nantes-Atlantique, et entre 58000 et 79000 en 2030 selon les hypothèses. A Orly, on n'a pas défini la valeur LDEN50, on part directement du LDEN55 : 99000 personnes sont concernées (18000 à Nantes aujourd'hui, 24000 en 2030). A Roissy, on a défini le LDEN50 qui permet de comparer avec Nantes : 620000 personnes sont concernées (et 172000 personnes concernées par le LDEN55). Le troisième aéroport, s'il avait été réellement parisien, et quelle que soit l'option choisie (100% fret ou mixte passagers-fret, à Vatry ou ailleurs), aurait considérablement réduit les nuisances sonores, mais aussi la sécurité des populations, puisque globalement, si l'on se trouve dans une zone LDEN50, c'est que l'on est survolé régulièrement par des avions à basse altitude. A l'époque on parlait d'une division par deux des populations concernées soit plus de 300000 personnes ! Il est donc terrible de lire dans l'argumentaire favorable à Notre-Dame-des-Landes du PCF 44, que l'aéroport NDDL a été préféré au troisième aéroport parisien au début des années 2000, sans même évoquer les conséquences dramatiques de ce choix pour les riverains de la région parisienne. Il ne s'agit pas de mettre en concurrence 42000 Nantais contre 620000 Franciliens, mais il faut bien comprendre que des choix comme NDDL ont bel et bien une incidence nationale.

 

  • Le deuxième argument du document publié par le PCF 44 est l'impact économique et en particulier sur l'emploi. Il fait croire que 5000 emplois attendent d'être créés sur l'emprise actuelle de Nantes-Atlantique quand il sera démantelé. La réponse de la CGT 44 est cinglante : " La CGT ne peut se contenter de chiffres et de promesses". En effet, si l'on peut comprendre qu'Airbus aimerait avoir un peu plus d'espace pour ses sous-traitants (mais sera-ce alors des créations d'emplois ou plus probablement des transferts d'emploi ?), il est difficile de penser que si l'IRT Jules Verne a réellement des perspectives de développement, la localisation soit un frein à celui-ci. D'ailleurs il suffit de se rendre sur le site de l'IRT pour voir que 1000 emplois vont être créés les prochaines années sur Nantes, Saint-Nazaire et au Mans et qu'ils estiment à 5000 les emplois induits par ce développement. Bref pas grand chose à voir avec l'ouverture de NDDL... On parle ensuite de 1,6 Millions d'habitants supplémentaires en Bretagne et Pays-de-la-Loire d'ici 2040. Premièrement, ils ont déjà été pris en compte dans l'estimation haute des 9 Millions de passagers en 2030. Deuxièmement, j'aimerais lire plus souvent dans nos publications communistes que seuls 10% des Français prennent l'avion chaque année et que la démocratisation de l'aérien est une chimère d'autant plus éloignée qu'il n'y a pas de service public de l'aérien...  

 

  • Je ne m'attarderai pas sur le troisième argument du PCF 44. Car si ce dernier rejette le référendum (et somme toute, c'est une position défendable, en particulier en démontrant que de nombreux élus ouvertement favorables au projet ont été réélus), il ne peut pas se prévaloir d'enquêtes d'opinion ou de sondages pour dire que la population est favorable au projet ! Depuis quand les communistes justifient leurs positions sur la foi de sondages ?

 

  • Le quatrième argument "Le défi des passagers et du nombre de vol" m'intéresse au plus haut point. Parlons d'abord des 135 jours de saturation destinés à faire peur. Qu'on se rassure ce n'est pas de la saturation dans les airs ou sur les écrans radars des contrôleurs ! Ces 135 jours correspondent aux nombres de jours où il y a eu plus de 14000 passagers dans les aérogares, c'est donc juste un problème d'accueil des passagers. Mais alors là pas de chance, car NDDL ne sera guère plus grand que Nantes-Atlantique et aura même moins de postes de stationnement avion... Et comme l'aéroport a été élu "Meilleur aéroport français" par ses utilisateurs, il semblerait que la satisfaction de l'usager n'est pas trop influencée par cette "saturation"... Ensuite les chiffres sur les mouvements. On mélange un peu tout, on ajoute des carottes avec des navets et on essaye de faire peur aux gens. 200 avions par jour à Nantes-Atlantique, ça ferait 73000 mouvements par an. Donc déduire des "futurs" 65000 mouvements, 200 mouvements par jour, c'est une exagération. Mais admettons. Sur ces 200 mouvements par jour, à supposer que l'aéroport soit modestement ouvert de 8h à 22h, cela fait 15 mouvements par heure (soit un mouvement toutes les 4 minutes, et pas toutes les 3 comme le dit le document). Si on part du principe que les avions décollent et se posent dans la même direction (c'est le principe de base de mon métier...), cela fait un décollage toutes les 8 minutes et un atterrissage toutes les 8 minutes. A terme, les habitants les plus exposés au bruit et au survol à basse altitude, verront un avion au-dessus de leur tête toutes les 8 minutes grand maximum. C'est bien évidemment trop. Mais si l'on compare aux nuisance subies par les riverains de l'aéroport de Roissy (avec 200 vols chaque jour entre minuit et 5 heures du matin, et 1500 au total), et si l'on rappelle que NDDL a mis fin aux réflexions sur le troisième aéroport parisien, cela pose quand même quelques questions... Pour ce qui est des 12500 avions qui survolent le centre-ville a moins de 500m d'altitude, j'y reviendrai dans les évolutions techniques.

 

  • Venons-en au "financement exemplaire". Comment peut-on en arriver là ? Comment peut-on écrire que NDDL n'est pas un Partenariat Public Privé, que c'est une délégation de service public tout à fait conventionnelle et qu'il n'y a donc aucune crainte à avoir ? Depuis quand les communistes sont favorables aux délégations de service public ? Ne peut-on pas avoir l'honnêteté intellectuelle de dire que dans le rapport de force avec le capital, c'est le mieux que l'on ait pu obtenir, sans que l'on soit pleinement satisfait ? Et à regarder de plus près, est-ce vraiment une délégation de service public conventionnelle ? Et bien loin de là ! Tout d'abord Vinci ne met aucun fond propre. En effet, les 315 Millions que Vinci doit investir sont payés par un formidable "cadeau" : Vinci est devenu concessionnaire de Nantes-Atlantiques depuis 2010 sans sortir un centime ! Les bénéfices de l'aéroport actuel servent à financer l'investissement du deuxième. Or, jusqu'à preuve du contraire Nantes-Atlantique appartenait à la collectivité ! Vinci se sert donc gratuitement d'un équipement public pour financer un équipement dont il sera bénéficiaire. Comment peut-on se battre nationalement contre la privatisation de l'aéroport de Toulouse et celles de Nice et Marseille à venir, et accepter sans broncher que NDDL soit concédé plus de 50 ans à une entreprise privée reine du CAC40 et des dividendes aux actionnaires ? Vinci ne versera pas de dividendes tant que NDDL ne sera pas ouvert ? On se contente de cela ? Pas un mot en revanche sur le fait que si Vinci ne fait pas de bénéfice (la clause de meilleur fortune), il ne reversera rien aux collectivités ! Dans le coût du nouvel aéroport, on inclut le strict minimum, c'est-à-dire l'infrastructure routière pour amener les voitures dans les gigantesques parking de Vinci (5000 places pour 6 millions de passagers, c'est le plus haut ratio des aéroports français). Le ferroviaire avec la liaison Nantes-Rennes ou le tramway depuis Nantes sera à la charge INTEGRALE des collectivités. Or, comme le rappelle le document, les infrastructures ferroviaires coûtent cher. Et Vinci ne sera absolument pressé de voir ces lignes sortir de terre au regard de la rentabilité exceptionnelle des parkings voiture.... Pour conclure, sur cet argumentaire strictement financier, quelle tristesse de voir des communistes comparer le coût d'une LGV avec un aéroport... Car les deux n'ont absolument pas la même finalité, ni le même impact environnemental. Avec un argument aussi affligeant pour les défenseurs du rail, autant construire des aéroports tous les 50 km, cela reviendra moins cher...

 

  • Ensuite, nous cédons aux sirènes du "green washing". Comment peut-on écrire sans rire qu'une 2*2 voies sera de type "apaisé" ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'on va y mettre deux ponts pour la traversée des animaux comme on peut en voir sur certaines autoroutes ? On parle ensuite des projets ferroviaires mais à un horizon lointain, sans signaler que le même raisonnement (une meilleure desserte de l'aéroport par des transports ferroviaires) est tout à fait possible aussi à Nantes-Atlantique.

 

  • "L'environnement préservé". Dans cette partie, il y a un des arguments les plus solides en faveur de NDDL : la densification du cœur de l'agglomération grâce aux terrains libérés par Nantes-Atlantique. On parle de 15000 habitants. On est cependant loin des chiffres évoqués il y a quelques années. En effet, depuis qu'Airbus a annoncé qu'ils souhaitaient continuer à utiliser la piste de Nantes-Atlantique, difficile de faire un projet complet de logements comme à Berlin-Tegel. C'est néanmoins un élément "favorable" pour le transfert à NDDL, je le reconnais sans difficulté. L'autre argument me convainc moins : les fameux 17300 ha placés dans le PEAN (Périmètre de Protection des Espaces Agricoles et Naturels). Ou du moins, il faudrait que les communistes soient plus offensifs sur le sujet. Car comment croire que sans une mobilisation citoyenne permanente, ces espaces ne finiront pas par être grignotés (c'est ce qu'il s'est passé aux alentours de tous les aéroports de France) ? Car s'il y a de l'emploi à NDDL, il est logique que des gens souhaiteront se rapprocher de l'aéroport (c'est même bénéfique d'un point de vue environnemental). Comment vont réagir des maires qui ne pourront plus délivrer un seul permis de construire alors que la demande sera forte ? Auront-ils tort de demander un assouplissement des règles du PEAN ? Beaucoup de questions qui partent du réel et qui ne permettent pas d'être catégoriques sur l'avenir de ces 17300 ha. Pour ce qui est de la préservation du lac de Grand Lieu, je n'ai pas d'avis tranché sur la question mais il semblerait que des études contradictoires montrent qu'il pourrait rester Natura 2000 même si Nantes-Atlantiques restait en place.

 

  • Le dernier argument proposé par le document édité par le PCF 44 va me permettre d'aborder la question technique. En effet, la technologie évolue souvent plus vite que les rapports... Jusqu'à aujourd'hui, l'ILS est la technologie la plus sûre pour l'atterrissage des avions. Et effectivement, difficile d'un point de vue réglementaire (et de sécurité) de garder des approches désaxées pour éviter le survol de Nantes. L'un des arguments les plus solides en faveur du transfert était donc que pour des raisons de sécurité il fallait installer un ILS en piste 21 et donc accentuer le survol du centre-ville par les avions en finale quand le vent est du sud-ouest. Mais voilà, les approches GNSS (basées sur des moyens satellites) sont désormais bien rodées et permettent une précision équivalente à un ILS pour des plafonds supérieurs à 200ft (ce qui est le cas 99,99% du temps à Nantes). Pour preuve, cet été, à Roissy-CDG, un ILS va être arrêté et pendant 4 mois tous les avions qui se poseront sur la piste sud de l'aéroport devront utiliser ces approches satellitaires (en tout sécurité avec les approches pour la piste Nord). En gros 50000 atterrissages auront lieu de juillet à octobre 2016 grâce à ce nouveau type d'approche. Aujourd'hui 95% des flottes sont équipées/qualifiées. D'ici 2020, on sera à 100%. Ces nouvelle approches ont de plus des particularités remarquables : elles permettent dès aujourd'hui de faire des approches désaxées avec des conditions ILS (on pourrait donc maintenir la procédure actuelle à Nantes-Atlantiques) et même d'ici quelques années de "slalomer" entre les zones denses (alors qu'aujourd'hui les approches sont forcément en ligne droite). Ce n'est pas de la science-fiction, c'est le monde d'aujourd'hui. Et le développement des approches GNSS sera d'autant plus rapide que le coût d'entretien est quasi-nul par rapport à une infrastructure au sol comme un ILS.

 

On le voit, j'ai essayé d'être le plus rigoureux possible pour montrer que le transfert de Nantes-Atlantique vers NDDL ne se justifie peut-être pas tant que ça, qu'il comporte plus de risques que de bénéfices pour la population. D'ailleurs quand un projet est soutenu aussi unanimement par le MEDEF, la droite et toutes les forces du capital, cela doit au minimum nous mettre la puce à l'oreille. J'ai essayé de ne pas rentrer dans des considérations plus générales comme quel mode de développement ou sur quelle croissance nous voulons. Ces questions sont elles aussi essentielles mais elles ont conduit à des prises de position extrêmes des deux côtés du spectre et ont fini par rendre aveugle sur le projet en lui-même. Ouvrons les yeux. Il est encore temps...

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