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Ne produire que des déchets utilisables et compatibles avec la biosphère : l’émergence d’une société humaine nouvelle - Roland Charlionet - 76

Tout être vivant dans le cours de son développement utilise des ressources et produit des déchets. Dans la nature, les écosystèmes en équilibre fonctionnent en cycles : les déchets des uns sont réutilisés par d’autres, limitant ainsi la pollution et renouvelant constamment les ressources. Ces cycles écosystémiques s’inscrivent eux-mêmes dans des processus naturels plus larges, également cycliques. En effet sur la Terre, grâce aux apports énergétiques intérieur et extérieur auxquels elle est continuellement soumise, tout se transforme : les atomes passent sans cesse d’une structure à une autre. Tout processus naturel opère donc en cycle plus ou moins long (de quelques secondes pour certains cycles métaboliques des êtres vivants à quelques semaines pour le cycle de l’évaporation/précipitation de l’eau ou des centaines de millions d’années pour le cycle des roches métamorphiques !). Ces cycles sont souvent très complexes et intriqués les uns avec les autres.

 

Qu’en est-il des êtres humains ? Si la nature par l’évolution des espèces a produit Homo sapiens, c’est l’humanité qui a produit l’être humain d’aujourd’hui. Les humains actuels ont à assumer pleinement la responsabilité de prolonger l’hominisation biologique d’avant Homo sapiens puis sociale jusqu’à aujourd’hui en une humanisation future de plus en plus civilisée, porteuse de sens pour l’ensemble de la société et respectueuse dans ses liens à la nature. Les êtres humains possèdent donc deux en-communs fondamentaux, le monde naturel et le monde de l’être humain qui ne sont pas indépendants l’un de l’autre : le monde de l’être humain est issu du monde naturel, il se nourrit et se développe à partir de lui. Il doit reposer sur le socle du monde naturel, tout en cherchant les voies de son émancipation. Les relations de ces deux mondes sont donc forcément complexes, parfois même conflictuelles. Pour les comprendre et les maitriser Marx part de la notion de métabolisme, qui caractérise classiquement les flux de matières et d’énergie entre les cellules et l’organisme auquel elles appartiennent. Il l’étend aux échanges de matière et d’énergie des humains avec la nature et propose, par la visée communiste, d’organiser la société pour combattre toute rupture du métabolisme. La pensée marxienne dans ce domaine peut être résumée ainsi :

  • inscrire toute activité humaine dans les cycles naturels ;

  • reconnaître le double rôle de l’humain comme producteur et consommateur, lui permettant par l’intermédiaire de son travail, de rendre la société compatible avec le renouvellement des écosystèmes ;

  • analyser concrètement le métabolisme des rapports homme-nature pour déceler et combattre à chaque instant toute contradiction entre eux ;

  • développer les biens communs de l’humanité.

 

Marx se servait donc du concept de métabolisme pour décrire, dans toute la complexité des rapports êtres humains / nature, ce qui est appelé maintenant l’économie circulaire.

 

Pour bien comprendre cette notion, il faut partir du problème de la gestion des ressources. Certaines ressources minérales ne sont disponibles qu’en quantités limitées (parfois très faibles) et non renouvelables à l’échelle du temps humain. Une première évidence s’impose : il faut les économiser en les recyclant. Certes beaucoup est déjà fait en ce domaine. Mais les limites du recyclage apparaissent rapidement. Le verre et la plupart des métaux sont certes recyclables indéfiniment… quand ils sont purs. Si le matériau de base est composite (et ils le sont presque toujours), le recyclage coûte cher, la dépense énergétique est élevée et les qualités du produit recyclé sont détériorées. En outre certains produits, même purs, se recyclent mal (le papier par exemple). Il faut donc aller plus loin. Deux principes d’action complètent celui du recyclage.

 

Le premier est l’écoconception Il s’agit tout d’abord de concevoir les produits pour leur fonction propre mais aussi pour les préparer à leurs vies ultérieures après l'usage initial (prévoir les opérations de recyclages à venir ou s’orienter vers la biodégradabilité). Ensuite il faut les concevoir pour durer longtemps (c’est le contre-pied du paradigme productiviste où l’usure et l’obsolescence rapide des produits sont programmées) et mettre en place de véritables services d’entretien. L’agencement d’un produit doit être modulaire afin de ne devoir remplacer que la partie usée ou technologiquement dépassée. Enfin le produit doit être prévu pour fonctionner avec le minimum de pollution durant tout son cycle de vie. Le deuxième principe est l'inscription des activités productives humaines dans les cycles naturels. Il faut étudier de près la résilience des écosystèmes, c'est-à-dire leur capacité à résister et à survivre à des altérations. Le rejet non maîtrisé de déchets dans la nature peut conduire à des situations catastrophiques comme par exemple les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère qui entraînent le réchauffement climatique avec ses conséquences.

 

L’économie circulaire qu’il est nécessaire de construire est un système économique, social et environnemental intégré. Elle commence par l’identification des principaux flux de matière générés par l’activité humaine qui ont un impact environnemental significatif (on parle alors de l’étude du métabolisme des différents secteurs d’activité), afin de dégager des synergies entre les différents secteurs. Elle doit être incorporée à la production dés la conception du produit (écoconception). Elle doit intervenir à tous les niveaux de la société afin que les démarches telles que la réutilisation, le recyclage et la biodégradation à réaliser au sein d'une communauté d'acteurs (travailleurs-consommateurs, collectivités territoriales, fournisseurs, distributeurs…), soient intégrées à l'ensemble du système économique. Elle doit impliquer les citoyens au sein d’un grand nombre de structures (enseignement et recherche, groupements d'entreprises ou de coopératives, organismes municipaux, régionaux ou d'Etat…). Elle doit faire partie des échanges internationaux. Elle s’élabore à tous les échelons de la société, du local au mondial ! Elle inclut toutes les activités productives, y compris industrielles et agricoles : le mouvement actuel de l’agriculture biologique ainsi que les réalisations de l’écologie industrielle s’intègrent parfaitement dans cette perspective L’économie circulaire renverse les pratiques actuelles : on passe de la production et de la vente d’objets neufs à la fourniture de prestations de qualité, c’est à dire on se dirige vers une véritable économie de la fonctionnalité s’inscrivant dans une société de satisfaction des besoins (substitution de la notion de valeur d’échange par celle de la valeur d’usage). Elle se construit à partir des progrès scientifiques et techniques qui peuvent apporter des solutions neuves et assurer le partage et la gestion démocratique des biens communs.

 

L’économie circulaire que nous souhaitons, celle de l’humain d’abord !, prend le contre-pied exact des vues néolibérales qui cherchent à mettre en place uniquement des circuits courts rentables avec l’intention illusoire de pouvoir réaliser par des opérations combinées d’obsolescence programmée et de recyclage, le vieux rêve capitalistes d’exploitation de ressources inépuisables. L’objectif des révolutionnaires que nous voulons être est de rendre le système productif compatible avec la biosphère tout en satisfaisant les besoins d’une population croissante et ses aspirations à l’émancipation, au bien être et au bien vivre. En améliorant l’ensemble du métabolisme des activités humaines, l’économie circulaire porte véritablement en elle un développement renouvelé de l’humanité mettant en œuvre des actions productives citoyennes de proximité, réalisant un aménagement du territoire inventif et favorable au développement humain, organisant harmonieusement les zones industrielles, agricoles et urbaines, inventant la planification environnementale à l’échelle de la France mais aussi de l’Europe, conduisant à une société de satisfaction des besoins… L’économie circulaire peut engendrer, si elle est bien conçue, une décroissance conséquente des flux de matières mises en jeu et une minimisation réelle de l’impact anthropique sur la planète. Bien sûr, l’état d’équilibre des cycles n’est jamais établi pour l’éternité et ne fonctionne jamais à 100%. Il faudra sans cesse intervenir par un énorme effort de recherche et d’organisation pour orienter l’économie circulaire vers une trajectoire humainement viable à long terme et compatible avec le respect de la biosphère. L’émergence de cette société nouvelle ne se fera pas sans luttes !

Il y a actuellement 1 réactions

  • Marier le social et l'écologie

    Bonjour et merci Roland pour cette contribution si intéressante parce que riche et innovante (j'ai lu le livre écrit avec Luc)

    Ma préoccupation porte sur le fait que nous sommes arrivés à un tel niveau de consommation, et notamment en énergie, que pour être assurés de construire la société nouvelle dont tu nous parles, il va d'abord nous falloir nous restreindre rapidement et fortement.

    Et cela en acceptant que les peuples des pays en développement atteignent le même niveau réduit que nous devons donc atteindre au plus vite pour disposer ensuite d'une base équivalente de développement dans le monde entier et parce que les catastrophes sont plus qu'imminentes.

    Et ce nouveau développement que certains qualifient de développement humain durable devra être beaucoup plus orienté sur ce que tu appelles "le monde de l'être humain" que sur l'autre versant de notre humanité "le monde naturel", sauf à avoir la capacité à aller conquérir d'autres planètes, voire plus tard encore d'autres systèmes planétaires. Mais comme chacun le sait ce n'est pas pour demain et nous avons donc obligation de faire avec notre planète.

    Il va donc falloir clairement prendre position sur l'urgence d'une décroissance de la production de biens matériels et de notre consommation d'énergie: cela signifie qu'il faut à la fois partager beaucoup plus, renoncer à certains produits de plaisirs et de conforts. Ces sacrifices sont acceptables si la très grande majorité d'entre nous joue le jeu et les autres sont évidemment punis par la loi.

    Ainsi le nouvel objectif sera de développer l'intelligence humaine, autant individuelle que collective, peut-être pour l'objectif ultime qu'un journaliste portugais a révélé dans son roman fabuleux "La formule de Dieu" dont la découverte y est attribuée à Einstein

    Mais revenons à maintenant: la formation permanente va devenir essentielle pendant toute sa vie. Celle des militants et adhérents de notre parti est primordiale tant notre monde devient complexe, et de plus à une allure accélérée.

    Merci encore pour cette contribution essentielle à mes yeux.

    Par Hervé RADUREAU, le 25 février 2016 à 04:18.