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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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En finir avec la gauche qui écoeure par André Tosel

1. Un triste constat. Nous avons beau savoir que la tradition du parti qui se nomme encore socialiste pour capturer un électorat populaire consiste à ne jamais appliquer le programme des réformes sur lequel il a été élu et qu’une fois au gouvernement il se rend sans combattre aux diktats du néolibéralisme, cette conception du monde organique du capitalisme mondialisé. Nous découvrons après six mois de la présidence Hollande que le triste scénario est déjà rejoué en pire. Aujourd’hui ce grand écart structurel entre la parole et les actes n’a plus aucun avenir. Il n’a d’autre effet que de démoraliser toux ceux qui ont cru au changement et d’ouvrir un boulevard aux forces qui font partie du bloc dirigeant au service de la stratégie de l’accumulation pour l’accumulation et l’enrichissement sans limites d’une oligarchie aussi cynique que cruelle. Si quelques réformes sociétales ne sont pas négligeables, si certaines mesures sociales sont acceptables, tout ceci s’opère à la marge consentie par le bloc hégémonique qui domine l’Europe, dévaste les peuples et impose des sacrifices irrationnels. Le PS des Hollande, Ayraut, Aubry et autres Vals et Moscovici a imposé le Traité Européen qui sanctionne l’assujettissement de la volonté nationale aux stratégies financières et aggrave la concurrence sans perspective entre tous les éléments de la force de travail salariée française, européenne, africaine, mondiale, avec pour horizon la réduction des salariats au niveau des plus faibles, en attendant la relégation des hommes superflus dans l’enfer de l’inexistence sociale. Les politiques de santé, de sécurité sociale, d’éducation un peu retouchées, s’inscrivent dans le droit fil de la politique de Sarkozy qui triomphe en quelque sorte paradoxalement par le moyen de sa défaite électorale. La laïcité est remise en cause. La vérité est que le PS n’a aucune analyse alternative des rapports économiques et sociaux, politiques et culturels que celle du néolibéralisme simplement présenté en version soft. La gouvernance néolibérale est le lien qui arrime le PS à ses concurrents politiques et qui fait de lui une aile du même  parti unique du capital (avec le chantage au choc des compétitivités, avec l’hymne permanent à la réduction du travail au rang d’une variable d’ajustement à merci).

 

2. Un échec assuré. Si le mouvement populaire ne reconstitue pas des forces capables d’une insurrection civile, l’échec du PS est à l’horizon proche. Les partis qui constituent l’expression politique du bloc hégémonique capitaliste sont en recomposition et leur alliance tacite ou expresse avec le Front National est une affaire de jours. Le mécontentement populaire est en passe de se transformer en écoeurement et ce dernier inclut aussi les forces de la gauche de la gauche qui n’ont pas réussi à réorienter le déplacement des opinions populaires et indiquer des alternatives désirables et praticables. A terme se profile une solution de type nouveau, une dé-démocratie néo-bonapartiste qui légitimera les atteintes à la démocratie en s’appuyant sur des majorités apeurées. Celles-ci en effet risquent d’être induites à transposer sur le plan des conflits identitaires (refus de l’immigration, racisme anti-arabe, délire sécuritaire) leur malaise existentiel et peuvent se conduire en majorités prédatrices, violentes à l’égard de minorités « ethniques ». A leur tour ces dernières, souvent insécurisées et stigmatisées, devront réagir pour ne plus être assimilés au statut de « racaille » et seront tentées de s’enfoncer dans des attitudes de violence improductive et de succomber à des politiques de régression politique, morale et intellectuelle Cette dé-démocratie se donnera une version institutionnelle fondée sur les thèmes d’un nationalisme exclusif, raciste et xénophobe ; elle sera non seulement compatible avec les forces dirigeantes du capitalisme transnational mais acceptables par des masses populaires excédées et désorientées. Se réalisera le grand écart entre un universalisme économique financier qui est une force domination et divers localismes et exclusivismes engagés dans des réactions impuissantes. Pour un temps ce grand écart se fera ciment entre ces éléments contradictoires ; il pourra cacher et gérer ses contradictions internes, fût-ce en rendant possibles l’engagement de l’Etat dans les multiples guerres de la mondialité.

 

3. Un moratoire sémantique : s’abstenir d’utiliser le terme de « gauche ». Une première conclusion s’impose. Elle est sémantique et intellectuelle. Le mot de gauche est durablement démonétisé et ne recouvre rien de pensable avec rigueur. Il faut abandonner les illusions rémanentes d’une union de gauche encore présente dans l’idée datée et fantomatique d’un Front populaire style 1936. C’est une mesure d’hygiène mentale de ne plus prononcer pour le moment le mot de gauche ; ce mot peut être remplacé par d’autres, comme révolutionnaire, réformisme radical, cosmopolitisme citoyen, ou, pourquoi pas, communisme. Mais une cure d’abstinence linguistique s’impose à la fois pour exprimer l’écoeurement qui nous envahit et pour le transformer positivement en sentiments et pratiques d’insurrections civiles et d’expérimentations transformatrices. Nous sommes écrasés inconsciemment par le souvenir de ce qui fut la dernière expression mobilisatrice de la politique de gauche, le Front populaire de 1936 et la stratégie frontiste qui a utilisé l’opposition droite vs gauche, fortement inscrite historiquement en France depuis la révolution et associée aux vicissitudes de la République. L’Union de la Gauche a ranimé après 1968 cet inconscient que certains contre toute évidence désirent faire ressurgir à l’occasion de telle ou telle échéance électorale. Il faut en prendre son parti et en faire son deuil. Le PS est résorbé et digéré dans le parti multiple et unique du capital, il faut éviter de se leurrer en nourrissant tout espoir en sa transformation. Il faut surtout développer des analyses permettant de comprendre le monde de la globalisation capitaliste et explorer des stratégies débarrassées de ces fantômes.

 

4. Fin des stratégies frontistes. Le Front populaire reposait sur des présupposés économiques, sociaux politiques et culturels qui ont été liquidés par les transformations du capitalisme mondialisé et qui ont été encore postulées lors de l’Union de la Gauche à quelques modifications près (reconnaissance des couches moyenne et des forces intellectuelles, insistance sur la révolution scientifique et technique).

-La stratégie de Front Populaire a pour référence une alliance de classes qui comprend comme élément de force une classe ouvrière dont la forme majeur est fordiste et appartient à des industries classiques et des fractions de classes moyennes de tradition critique. Face à lui la classe dirigeante coalise autour de grandes industries fordistes et des banques une galaxie de petites entreprises et de vastes zones d’une paysannerie encore importante. La bataille pour gagner la petite paysannerie est importante, mais difficile. Une certaine bipolarité forte structure donc l’espace social et l’imaginaire ouvrier implique une foi dans la vertu d’une civilisation des producteurs associés.

- Existent deux partis populaires, frères ennemis, mais encore reliés à une culture commune, celle d’un marxisme simplifié et des Lumières. Ces deux partis ont des liens avec les forces sociales qu’ils sont supposés représenter. L’opposition réforme vs révolution, encore vive, est partiellement neutralisée ou différée par l’accord sur un programme de réformes de structures (services publics, début d’une planification). Tous deux se disent anticapitalistes. Ces partis se présentent comme porteurs d’alternatives qui sont objet d’une sphère active de l’opinion publique et de ses débats.

- Cette stratégie a pour cadre l’Etat Nation sous sa forme républicaine dont le fonctionnement élargi est l’enjeu proprement politique. Cet Etat peut être contraint à donner forme à des compromis en fonction du rapport de forces et à un renouveau démocratique. Il peut sanctionner des avancées sociales que n’acceptent pas les forces patronales.

- Une conception du monde organisée à la fois autour par du marxisme et du droit naturel républicain, mâtiné de solidarisme, peut rivaliser avec le libéralisme classique et un fort courant clérical qui subsiste encore. L’utilitarisme économiciste est concurrencé par une pensée de la solidarité et la liberté n’est pas réduite à la défense de la propriété privée. La laïcité ne se réduit pas à la seule tolérance.

-L’ennemi principal est défini autant les fascismes émergents que par le capitalisme. Les rapports internationaux sont structurés par le triangle constitué par les démocraties libérales, les pays communistes et les nations fascistes. La question des alliances demeure flottante, les démocraties libérales ne perdant pas espoir d’une alliance anti-communiste avec l’extrême droite. Il faudra le traumatisme de la politique agressive et impérialiste des fascismes pour que l’alliance se renforce temporairement avant de se briser lors de la guerre froide.

Cette stratégie, vaincue en 1936 malgré des acquis importants, trouve une actualité après 1945 avec le programme du Conseil National de la Résistance. Elle ne peut suffire cependant pour interpréter les transformations du monde en 1968 et elle trouve sa limite dans l’échec de l’Union de la Gauche et le tournant néo-libéral du PS qui suit et qui n’a cessé de s’accélérer.

 

5. Une stratégie à hauteur de la modification du monde. Toute stratégie qui veut dépasser les impasses de la gauche doit tenir compte a minima des transformations qui ont rendu obsolètes les présupposés frontistes.

- La division sociale du travail est à la fois nationale et transnationale. La bourgeoisie classique n’existe plus et elle est remplacée par la couche oligarchique économique et politique qui gère la gouvernance d’une économie dominée par la hantise de l’accumulation sans limites ni partage et impose le modèle de l’entreprise comme organisation totale et la dette comme mode de gouvernement des subjectivités. La classe ouvrière existe bien sûr comme existe le travail. Mais elle est divisée et fragmentée en fonction des aléas de l’accumulation ; c’est un privilège aujourd’hui d’être exploité sans interruption, de vivre la tragédie d’un travail de plus en plus séparé de sa puissance humanisante, si on est exempté du chômage. Le salariat est miné par le précariat et par les nouvelles figures de l’exclusion sociale qui ont pour nouvelles figures limites l’homme endetté et la population superflue. Les mouvements de populations imposent le terrain d’une multiculturalité inégalitaire qui se dit dans des conflits identitaires souvent en concurrence avec les conflits sociaux existentiels. L’unification de ce multivers est devant nous et elle présuppose une pensée et une pratique de l’inter-culturalité. A ce propos la liquidation de l’inconscient colonial est urgent alors que de nombreux pays qui ont accédé à une soi disant indépendance sont pillés par des castes prédatrices indigènes soutenues par les anciennes métropoles et sont livrés à des conflits internes ethnicistes destructeurs.

-Les partis politiques de masse ont disparu. Le PS est devenu appareil idéologique intérieur à l’appareil de l’Etat néolibéral, source de prébendes pour ses fonctionnaires. Le Front de Gauche peine à s’affirmer comme tel et le parti communiste est privé d’un rapport organique avec l’ensemble des masses subalternes qui sont sans représentation politique réelle. Le populisme identitaire traverse les partis pro-capitalistes dits de droite. Pour l’instant l’alternance remplace l’alternative en même temps que se profile une restructuration faisant de la démocratie affirmée en paroles une dé-démocratie en acte.

-Le cadre politique ne se définit plus par l’Etat souverain pais par une surimposition de regroupements qui vont de la région autonome à la quasi fédération d’Etats. L’Europe actuelle est le lieu où s’effectue la désappropriation de la souveraineté populaire et la capture ses subjectivités individuelles et collectives par le mécanisme de la dette que les Etats relaient. Des instances non élues remplacent l’Etat libéral pour désapproprier irréversiblement les citoyens de tout pouvoir politique réel et les travailleurs de toute bribe de pouvoir économique et social. Les compromis sont rendus structuralement impossibles comme le prouvent en France le conflit social exemplaire de PSA et le passage en force de la « règle d’or ».

 

- Enfin la guerre est aux portes d’une Europe  imposant les diktats financiers à ses peuples. L’Europe est toujours disposée e à rejoindre les diverses guerres impériales possibles au nom des droits de l’homme à se faire interventionniste dans des conflits douteux en imposant la loi de l‘Occident capitaliste. Hollande prend un plaisir évident à décorer tous les cercueils de soldats morts dans des conflits douteux.

- Le néolibéralisme est devenu la conception du monde hégémonique ; il fait un absolu de son universalisme, gestionnaire au profit du capital ; il en fait le modèle de l’existence. Il unit en un même bloc capital industriel et capital financier. S’imaginer moraliser le capitalisme par une disjonction des deux aspects du capitalisme est une pieuse illusion ou un mensonge cynique. Cette conception suscite en contre-champ les affirmations identitaires qui souvent compromettent leur légitimité par un ethnicisme raciste. Mais ces affirmations sont indispensables srtruturellment à la réalisation de l’hégémonie néolibérale qui ne peut éviter le choc en retour des différenciations anthropologiques. Saurons-nous les analyser et les évaluer autrement qu’en répétant notre légitime position laïque ? Saurons-nous purifier les thèmes de laïcité et de république de leurs relents coloniaux en cessant de rêver d’une religion civile laïque ? Saurons-nous promouvant la sphère publique d’une interculturalité fondée sur la reconnaissance de l’union des singularités culturelles et la recherche de biens communs ?

 

6. Ce n’est pas de l’entité « La Gauche » que viendra une réponse. Cette gauche est irréductiblement subalterne. Le recours ne peut venir que des mouvements de résistance capables de converger dans une unité plurielle positive, donc de se faire forces de proposition d’une politique capable d’interpréter les transformations du monde en traduisant le multivers bigarré de ces résistances en un univers pluriel où il s’agit de traduire les raisons des uns dans les raisons des autres. S’ouvre une multiplicité horizontale de fronts qu’il s’agit de transformer en force politique trans-fronts et d’interpréter en force politique hégémonique au niveau de l’Etat. Cette tâche ne peut se formuler que dans un langage commun autour des interfaces communes que partagent ces fronts. Aux militants socialistes actifs dans ces fronts d’œuvrer pour une mutation du PS. Mais nous n’avons ni à les attendre ni à regarder le derrière du parti socialiste et de ses hiérarques locaux pour des raisons électorales. Ce sont les multitudes subalternes trans-fronts qu’il s’agit de prendre en compte en interprétant leurs luttes, et cela pour s’engager dans les luttes, à leurs côtés en les rendant compatibles les unes avec les autres. Il s’agit notamment nouer des liens avec tous ceux qui sont hors politique représentative et sont marginalisés durablement pour qu’ils puissent s’inscrire comme forces dans le travail multipletiple qui doit redéfinir le travail lui-même. Maintenir une alliance sans principe pour une politique morte née peut conduire à une survie électorale, à sauver des sièges, mais cela ne conduit ni à produire une plus value de vie politique à la base, ni à inventer des partis qui soient révolutionnaires « autrement ». 

 

7. Une ultime précision s’impose. Il ne s’agit pas de transformer le PS en ennemi, mais de ne plus oublier que sa ligne politique est étrangère à tout projet de transformation émancipatrice civile. Il s’agit encore moins par gauchisme irresponsable d’imaginer une ridicule reprise de la stratégie classe contre classe qui a fait le malheur de la révolution communiste en Allemagne et empêché de lutter contre la menace nazie. Où sont d’ailleurs ces classes ? Il s’agit de conquérir une nouvelle autonomie intellectuelle et morale en développant une stratégie rassemblant transversalement et à la base toutes les luttes des couches subalternes en les rendant aptes à se faire des acteurs, à cesser des subir le destin de masses d’hommes endettées et enchaînés aux dettes que le capital produit pour gouverner. Nous découvrons que la gouvernance par le management est en fait la dictature politique exercée par le moyen de la dette privée et publique qu’ensemble et sans opposition interne le capitalisme financier dominant et le capitalisme industriel font peser pour se les assujettir, sur toutes les couches sociales non intéressées à l’hégémonie néolibérale. Aucune avancée, aucune mesure positive n’est à négliger par sectarisme. Mais l’essentiel est ailleurs. Il fait avoir le courage de se dégager d’années d’alliances sans principes et de pratiquer l’esprit de scission pour mieux rassembler sous de nouvelles modalités, des luttes hétérogènes en les traduisant les unes dans les autres. Ainsi pourront être dégagées et construites les interfaces communes, les notions communes qui constituent une intelligence et une volonté politiques communes.

 

André Tosel, novembre 2012

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le 14 novembre 2012

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