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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Coopérons ! par Erwan Autès

Au bout de 7 ans d’engagement dans le Parti Communiste Français, en tant que militant, de membre de diverses instances, de participant à plusieurs campagnes, à de belles rencontres et à de nombreux échanges, je n’ai pas envie de m’auto-censurer.

Je laisse aux coryphées le soin de rallumer les étoiles. Je ne comprends pas bien d’ailleurs si c’est une allusion aux propos de Ségolène Royal au congrès de Reims de 2008 et son fameux « Rallumons tous les soleils », si c’est un retour à la source de la mystique jaurèsienne, ou si définitivement les instances nationales ont adopté un parti pris poétique : les rapports d’introduction au Conseil national étant de plus en plus truffées de références littéraires souvent lyriques. Quand je lis la base commune, visiblement c’est à notre tour de causer yeux dans les yeux avec le génie de la Bastille. Pourquoi pas. De même qu’on a imposé les mémoires de guerre du général de Gaulle au programme de terminale L, peut-être étudiera-t-on un jour en classe de français la base commune de notre 36ème Congrès ? Je badine, mais à la lecture du texte, peut-être serai-je le seul dans ce cas, j’ai l’impression que les nobles intentions se noient dans des grandes phrases, et que l’emphase masque à beaucoup d’endroits la clarté de la réflexion politique à mener pour une stratégie efficace de notre parti dans le champ politique actuel.

Je ne reviendrai pas sur les développements dans la base commune (point 1 à 4) de notre vision du monde, de la crise, de l’austérité comme remède pire que le mal et de la souffrance psychosociale voire somatique afférente. Je partage ces constats. Je me sens appartenir à la matrice communiste qui ne renonce pas à une société plus démocratique, plus juste et plus égalitaire, même dans une période sombre. Je ne crois pas une seconde que ma génération est condamnée à l’austérité à vie, à vivre dans un monde pollué, à perdre en qualité de vie, et in fine, à mourir plus jeune que les générations précédentes, en léguant à nos descendants une société pourrie.

Je crains en revanche que les réencastrements à venir des marchés mondiaux « autorégulés » ne se fassent, comme ce fut le cas dans les années 1930 dans plusieurs pays d’Europe, par des utopies dangereuses, pour reprendre les termes de Karl Polanyi, plutôt que par la montée des protections sociales et écologiques dans des sociétés plus démocratiques. C’est pour moi le sens de notre combat, sortir du capitalisme par le haut, travailler et rendre crédible une alternative de progrès social.

Dans notre projet, « nous proposons de démocratiser tous les espaces de la société », et je vois une idée critique dans le texte, qui peut être une avancée décisive pour l’efficacité de notre organisation dans les années à venir. C’est l’idée énoncée dans le paragraphe « Engager une nouvelle étape du Front de gauche » page 21 :

« C’est pourquoi nous nous proposons qu’une « coopérative » initiée par le Front de gauche puisse être le lieu où les apports et les expériences d’actrices et d’acteurs du mouvement social, associatif, intellectuel et culturel pourraient se croiser, chercher ensemble à produire du sens, et alimenter la recherche d’une nouvelle perspective politique. »

 

Nous organiser sous forme de coopérative, non seulement le Front de gauche, mais notre propre parti, j’y vois une véritable perspective de redéploiement de notre influence dans la société.

Pour plusieurs raisons opérant plusieurs gains :

  1. Un gain démocratique : être communiste pour un marxiste, c’est faire partie d’une avant-garde, le parti guidant le peuple. Etre communiste pour un proudhonien, c’est participer à des ensembles coopératifs, qui s’auto-organisent librement. Je ne dis pas qu’il faut verser du centralisme démocratique à un fédéralisme autogestionnaire, de Marx à Proudhon. Certainement une synthèse est à inventer qui remixe les cartes et les cartels. Une synthèse qui rééquilibre le pouvoir des dirigeants, le pouvoir des militants, le pouvoir avec nos partenaires du Front de gauche, et le pouvoir des citoyens hésitant à nous rejonidre. Une forme plus coopérative qui ouvre vraiment les fenêtres, du bureau de section au Colonel Fabien.

Je m’arrête un instant sur notre proposition – dans la base commune - d’élaborer un statut de l’élu-e et de lutter contre la professionnalisation politique (page 10). Déjà en 1919, Max Weber faisait le constat suivant dans sa conférence La politique comme profession : « Tout ce que nous voulons faire ressortir, c'est le fait suivant : le recrutement non ploutocratique du personnel politique, qu'il s'agisse des chefs ou des partisans, est lié à cette condition évidente que l'entreprise politique devra leur procurer des revenus réguliers et assurés. Il n'existe donc jamais que deux possibilités. Ou bien l'on exerce « honorifiquement » l'activité politique, et dans ce cas elle ne peut être menée que par des personnes qui sont, comme on dit, « indépendantes », c'est-à-dire par des personnes qui jouissent d'une fortune personnelle, avant tout par des rentiers. Ou bien l'on ouvre les avenues du pouvoir à des personnes sans fortune et, dans ce cas, l'activité politique exige rémunération ».

Dans mon militantisme au sein du PCF, j’ai toujours constaté ceci : des camarades motivés par leurs idées plutôt que par les revenus. Mon propos n’est pas ici de dire que certains vivent pour la politique et d’autres de la politique. Certains ont même sacrifié, de manière sacerdotale si je puis dire, une carrière professionnelle à laquelle leurs prédispositions et compétences leur ouvraient la voie. Et combien il est difficile après avoir eu des fonctions politiques de ré-intégrer le salariat, ou d’autres voies professionnelles. Ceci étant dit, je constate que dans le parti il y a quasiment deux mondes : celui des permanents, voir des élus, voir des élus permanents, ceux qui font cela toute la journée pour ainsi dire, et celui des militants politiques non professionnels, qui donnent le coup de main. Ceci n’est pas une critique encore une fois envers les uns qui s’impliqueraient trop ou les autres qui ne s’impliqueraient pas assez. Selon moi toutefois, cela manque de brassage et peut créer le sentiment d’un groupe restreint décisionnaire voire discrétionnaire dans différentes instances du parti. Pour ma part, c’est mon choix personnel, je n’ai pas souhaité que mes revenus dépendent de mon engagement. Quand j’ai été au Conseil national au 34e puis au 25e congrès, et siéger dans cette instance généralement en posant des congés, combien j’ai pu me sentir déconnecté de débats de qualité, mais d’un tel degré de spécialisation qu’ils en devenaient pour moi presque d’une nature scolastique.

Dans une forme coopérative, le déglaçage des rôles aurait son importance. Par une prise en compte des trajectoires professionnelles des camarades et en favorisant les entrées et sorties dans une place de permanent ou d’élu, on favoriserait la diversité des apports dans les instances mais aussi certains sorts individuels. C’est-à-dire d’un côté doter par la formation professionnelle les camarades qui acceptent un poste de permanent-e ou un mandat d’élu-e des compétences politiques nécessaires à l’exercice de leurs missions ; d’un autre côté doter toujours par la formation professionnelle les permanent-e-s ou élu-e-s de compétences pour faciliter leur déploiement dans d’autres sphères professionnelles. C’est dans cette logique que je conçois un statut de l’élu rémunéré, un statut qui faciliterait les entrées et sorties. Non un statut qui renforcerait paradoxalement la professionnalisation du champ politique. Cette professionnalisation n’est pas anodine, elle aussi peut participer au sentiment que la politique ce n’est pas pour tout le monde, que c’est un champ dans lequel il faut accepter un certain nombre de règles et disposer d’un certain capital économique et social pour y perdurer. Certains débats stratégiques seraient peut-être également tranchés plus rapidement ou différemment si les choses étaient plus claires de ce côté-là.

  1. Un gain d’efficacité : militer sous forme coopérative, avec un véritable pouvoir de décision collégial à chaque échelon, dans une plus grande horizontalité du pouvoir, c’est une machine à se réapproprier son action. Non seulement pour les militants, mais certainement pour plus de citoyens. C’est distribuer de manière plus égale les responsabilités. C’est travailler à chaque échelon des réponses communes et partagées.

Prenons les échéances électorales à venir. Des listes pensées au niveau du réseau européen des forces progressistes n’aurait-elle pas fière allure et une grande cohérence ? De même, des listes construites au niveau communal avec des stratégies selon les contextes locaux ne seraient-elles pas les plus pertinentes ? Bien évidemment les décisions se prendraient dans un cadre global décidé collectivement.

  1. Un gain communicationnel : si nous sommes figés dans des processus décisionnels encore par trop d’aspects descendants et verticaux, comment pouvons-nous être crédibles dans la proposition de société coopérative à laquelle nous appelons ? Comment échapperions nous-mêmes du fait d’une démocratie imparfaite de notre parti à la critique que nous sommes accusables de récupération de mouvements, même si ce n’est pas notre intention ? Par une évolution de notre organisation, nous enverrions un signal fort et crédible dans notre optique de révolution citoyenne.

 

Ces raisons étant dites, je mesure l’écart entre ma vision d’un fonctionnement coopératif tel que je l’ai développé et celle de la base commune. La coopération vue comme un bidule en plus qui permette d’associer des intellectuels et des artistes, c’est mieux que rien, mais est-ce le niveau suffisant de réponse organisationnel à notre projet de dépassement du capitalisme? Repenser notre organisation sous forme plus coopérative, dépasser notre forme actuelle, c’est faire œuvre de communiste qui prépare l’alternative au capitalisme en la construisant dans le quotidien de son action. Le contexte institutionnel, social et économique nous oblige à ne pas rester figés : Le front de gauche porte un immense espoir, à condition que nous accélérions la croissance de notre mouvement.

Face à l’accélération de l’histoire, aux catastrophes en vue, pouvons-nous rester au milieu du gué ? Combien de temps ? Comment faire pour peser plus dans le débat politique sans travailler différemment ? Prenons le temps de cette réflexion, discutons des solutions, dans les sections, dans les fédérations, au conseil national et lors du congrès. Expérimentons d’autres formes d’organisation. C’est selon moi un objet central de notre 36ème congrès.

 

 

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le 29 octobre 2012

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