Les congrès du PCF

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Contribution de Roland Weyl - 94

Avec la « mutation »,le Parti a été gravement malade. Il est maintenant en convalescence mais pas encore complètement guéri

La maladie de la mutation peut être caractérisée par deux composantes essentielles :

D'abord l' « électronisation » du Parti. :

Jusque là le Parti avait tenu son rôle hérité des clubs de la Révolution d'être un organisateur de l'action citoyenne populaire, avec ce que cela comportait de bataille idéologique pour en nourrir la motivation, où les élections étaient un front parmi les autres, et où on les gagnait moins par les campagnes électorales que par l'action à longueur d'année.

En cela, il se targuait d'être différent des autres, et c'est aujourd'hui une nécessité encore plus vitale.

Dans sa campagne pour la 5è, De Gaulle avait dit « Finie la république des partis ». De fait, la 5è en a fait des instruments de clientélisme électoral.

Et les médias qui sont devenus le principal moyen de domination de classe, s'emploient à dissuader d'agir, à faire de la politique.un spectacle de jeux politiciens, et à cultiver la démission citoyenne au profit d'une expertocratie.

Au surplus,si l'on se réfère à l'enseignement de Marx concernant l'effet des rapports de production sur la conscience de masse, cela est favorisé par le fait que le développement de la révolution scientifique et technique produit une idéologie moderniste répudiant tous les acquis culturels du passé et une conception purement techniciste et spécialisée des rapports sociaux.

Le fléau contemporain est donc la délégation de pouvoir, qu'il faut combattre mais pour cela d'abord s'en préserver dans sa propre pratique, car, comme le disait Maurice Thorez, le parti ne peut pas être imperméable à l'idéologie dominante,

Alors qu'il était capital que le parti se démarque de cette idéologie dominante, la « mutation » nous y a fourvoyés : on devenait comme les autres un parti réduit à un rôle de clientélisme électoral, qui devait « répondre aux attentes des gens », et donc penser comme ils le souhaitaient, c'est-à-dire comme la télé le leur suggérait, au lieu de leur suggérer, nous, l'exigence d'autres réponses.

La deuxième tare de la « mutation » a été que, devant l'effondrement soviétique, au lieu de donner à voir que l'URSS avait été un accident de l'Histoire et que le parti français avait de profondes racines historiques en France, on a pris profil bas pour se faire pardonner de s'y être compromis

Les médias se sont largement employés (et continuent sous toutes les formes les plus subtiles et à toute occasion) à cultiver l'idée que le communisme est mort avec l'effondrement soviétique dont il était un produit.

Et encore aujourd'hui nous restons retardataires et déficitaires dans l'analyse marxiste qui n'avait pas prévu le socialisme dans un pays sortant de la féodalité mais dans un pays où le capitalisme aurait achevé son rôle intermédiaire de développement, et nous restons tout aussi déficitaires dans la démarche qui faisait dire par Aragon et Vaillant Couturier « nous continuons la France », et qui faisait aussi que l'Union Française Universitaire avait publié en 1945 une brochure sur le fait que la philosophie du Parti avait ses sources chez les philosophes des lumières, et encore sur le fait que le congrès de Tours fondateur du Parti était un congrès du Parti socialiste sanctionnant la trahison de ses dirigeants, et que le communisme se situe dans la continuité du mouvement communal qui tisse la l'histoire de la démocratie en France depuis le XVème siècle, que la commune de Paris en a été un pic, que le premier parti communiste a été celui de Babeuf en 1793, etc....

On peut penser que les déficits dont nous souffrons encore sous ces deux aspects expliquent au moins en partie les 50 % d'abstentionnistes qui sont nos orphelins et que le Front national braconne par défaut ceux à qui il apporte des réponses fausses à des questions justes auxquelles il nous incombe d'apporter les réponses justes.

C'est ainsi, par exemple que, s’agissant de la délégation de pouvoir, lorsque le parti présente sa vision des combats à mener et son programme d'action, il doit se garder que ce soit compris comme une publicité racoleuse pour « ce qu'on va faire pour vous » mais au contraire pour «ce qu'on vous propose de faire avec nous, et qu'on s'offre à vous aider à faire ».

Certes, nous devons, pour être compris, et pour que notre discours soit reçu, tenir compte de la dégradation de l'état de réceptivité mais quand ce discours est trop exclusivement programmatoire et gestionnaire, il entretient à sa manière la délégation de pouvoir

Il est important de donner à voir la société alternative dans la logique de laquelle se situent tous nos combats au jour le jour, que notre démarche s'inscrit dans une alternative à la politique politicienne., mais autre que la démagogie populiste du FN (ou celle de Mélenchon)

Sartre disait « ils veulent désespérer Billancourt ». Il nous incombe de redonner espoir à la classe ouvrière, et avec elle au peuple tout entier, en lui donnant confiance en ce qu'il peut faire

Revenir aux adages  « l'union dans l'action », «on ne convainc pas le peuple par des discours mais par les expériences qu'on l'aide à faire » rappeler que le « communisme » c'est mettre en commun les moyens communs (service public contre la confiscation privée) pour la mise des biens communs au service des besoins communs.

Donner à voir une autre société, et inscrire les petits combats quotidiens dans cette logique globale.

C'est bien d'être raisonnables pour être crédibles, mais il ne nuirait pas d'y remettre un peu de romantisme révolutionnaire, sans se limiter au gestionnaire au jour le jour, en ne le résumant pas dans un « humain » passe-partout, mais en lui donnant toute sa dimension sociale.

Pourquoi ne pas revenir à la véritable mutation, qui fut celle de 1966 ; le passage au socialisme (disons aujourd'hui « à une société plus juste ») par la démocratie jusqu'au bout, cette démocratie reposant sur le pouvoir citoyen y compris dans le domaine économique

Sans passéisme, il faut revenir aux sources fondamentales enseignées par les luttes dont le parti est l'héritier historique, en les actualisant.

Et, sans aucune agressivité, assumer et donner à voir la fierté d'être communiste.

Et reprendre notre traditionnelle conception du rassemblement, en tenant compte de ce que plus que jamais la lutte de classes est à l'ordre du jour, mais que le front de classe a changé pour passer de l'opposition prolétariat-bourgeoisie à peuples-capitalisme mondialisé, et en ne concevant pas ce rassemblement de façon défensive pour nous désisoler, mais de façon offensive,, pour isoler l'adversaire en n'en étant pas le tuteur mais quand même le moteur. Sans doute est dépassé le débat qui vilipendait la notion d'« avant-garde » parce que grevée d'une tonalité militaire et à prétention élitiste dominante. Aujourd'hui, certaines voitures ont le moteur à l'arrière et les bateaux le moteur au milieu, et l’essentiel est la dynamique que l'on met au service de l'ensemble...avec aussi, évidemment la boussole.

Enfin il est impératif de mieux prendre en compte la question de l’État, en ne se bornant pas à des analyses économiques, mais en posant constamment et dans tous les domaines la question du pouvoir de qui sur quoi et comment, et donc de l’État, en opposant l’État-citoyen à l’État régalien.

Alors que dans le passé le Parti avait, sur cette question du pouvoir, une culture d'exceptionnelle qualité, elle est aujourd'hui en déshérence quasi totale aussi bien dans, la démarche quotidienne que dans tous les textes dans tous les domaines. (cf à ce sujet ci-joint brèves notes sur la base commune).

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