Les congrès du PCF

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Les communistes ne seront utiles que s'ils sont ambitieux ! Gabriel Gau - 75

Depuis le 34e Congrès du PCF, tenu en décembre 2008, les communistes ont fait des « transformations profondes » de leur Parti la condition du maintien de la raison d’exister du PCF, à savoir être un outil utile à ses objectifs révolutionnaires.

Le chantier de ces transformations a consisté en plusieurs initiatives politiques du Parti, centrées pour l’essentiel autour :

  • de son projet (avec des tentatives, non encore abouties, d’une nouvelle cohérence idéologique pour guider notre action politique),

  • de sa stratégie, avec la création puis l’animation du Front de gauche comme nouvelle forme de rassemblement politique

  • et de son organisation, avec plusieurs réformes, dont celle des statuts lors du 36e Congrès.

Je trouve donc assez logique que ces trois grandes questions soient de nouveau mises à l’ordre du jour de notre prochain Congrès. Bien sûr, le bilan des actions entreprises devra être un point de départ de l’élaboration de nos orientations. Cependant, l’urgence de nous montrer utiles à l’alternative au chaos politique ambiant et au faux choix Hollande-Juppé/Sarkozy-Le Pen impose de produire un Congrès d’actes forts et non un Congrès de déclarations d’intention.

Il me semble que l'essentiel sera de passer un cap qualitatif dans la formulation du lien indissociable entre ces trois piliers de notre démarche politique : un projet avec et pour notre peuple ; une stratégie de conquête des pouvoirs pour confronter ce projet au réel ; une organisation ouverte et conquérante pour mettre en œuvre la stratégie choisie. Pour dire les choses de façon plus prosaïque, je pense que rien ne serait pire que de céder au penchant que nous pouvons avoir de saucissonner ces trois enjeux. Dans une période aussi troublée que la nôtre, ne traiter du projet que sur le mode d’un (nécessaire) programme de réformes, ne traiter de la stratégie qu’en termes de tactique électorale ou ne traiter des transformations du Parti que pour améliorer ce qui peut l’être dans le fonctionnement de ses instances, sera nécessairement insuffisant pour créer du sens et de l’espoir dans l’avenir.

J'ai voulu, par cette contribution, faire le point sur les pistes que j'aperçois sur ces trois questions.

  1. Que propose le PCF au monde de 2016 ?

Rendre explicite un projet de société basé sur le bien-vivre, le partage et la coopération

C'est ainsi que je formulerais la question du projet. Plus que d'une actualisation programmatique, j'estime que c'est d'une mise sur le tapis explicite du mode de changement révolutionnaire proposé pour ce siècle par les communistes français que nous avons besoin. L'érosion de notre influence, l'absence de "modèle socialiste international"... tout cela a pu contribuer à faire apparaître le PCF comme un parti comme les autres, certains le situant à l'extrême gauche de ce qui est stigmatisé comme la "classe politique". Ce n'est pas ce que nous revendiquons. Bien sûr, nous devons incarner la gauche, surtout au moment où celle-ci a été désertée par la social-démocratie. Mais nous ne trouverons une crédibilité et une originalité nouvelle que s'il est audible que c'est bien non seulement des réformes de gauche, que nous proposons à notre peuple, mais aussi et surtout un chemin vers un tout autre fonctionnement de la société, que ce soit du point de vue économique et institutionnel, mais aussi en terme de valeurs et de culture dominantes.

Être compris comme révolutionnaires en 2016, c'est ne défendre les acquis sociaux du 20e siècle qu'en ayant une visée bien plus globale à rappeler sans cesse. Par exemple, sur la question du travail. Dire beaucoup plus fort qu'aujourd'hui que, dans les conditions actuelles et futures (technologiques, écologiques…), une société sans chômage est possible à moyen terme, comme nous commençons à le faire avec la campagne décidée par le CN de janvier, constitue déjà, selon moi, un progrès. C'est un progrès par rapport à une promotion ponctuelle, non politisée, de nos propositions économiques, qui conduit à promouvoir une sécurité d'emploi et de formation lorsque le débat médiatique porte sur les chiffres du chômage, à parler de fonds régionaux quand se présentent les élections régionales, à évoquer le rôle de la BCE au moment des élections européennes, etc. En bref, on sort du zapping technocratique. Parler d'une société sans chômage, cela peut et doit nous conduire à nous positionner sur la question du salariat et de son nécessaire dépassement. Parler projet, c'est dire comment nous concevons le travail libéré de l'exploitation capitaliste, donc de l'emploi salarié : par une indemnité à vie ? un système de sécurité professionnelle inspirée du régime des intermittents ?

Mais parler projet, c'est aussi assumer un rapport nouveau à la croissance, donc à la consommation, à l'industrie, à la production de l'énergie. C'est, dans la priorité de nos combats, moins subordonner le modèle futur de bien-vivre, de partage et de coopération (le communisme) à la défense d'acquis sociaux et politiques du 20e siècle. C'est convaincre que, plus qu'une force défensive, donc du passé, nous pouvons apporter du neuf, de l'amélioration, vers un changement radical qui sera culturel avant d'être économique.

 

  1. Quelles conclusions tirer de ce projet en terme de stratégie ?

Se doter d'une solide stratégie de conquête du pouvoir, donner le pouvoir d'agir au peuple

 

Je le redis, avoir une stratégie de conquête du pouvoir par et pour notre peuple ne se résume pas à un choix de tactique électorale. Je trouve qu'on a trop tendance à orienter nos débats stratégiques sur un positionnement par rapport aux autres forces politiques. Un rapport classique en début de réunion du PCF commence d'ailleurs le plus souvent par une analyse (indispensable mais pas suffisante) de la situation des différents partis français. Et beaucoup de militant-e-s, en panne d'une feuille de route stratégique nationale, sur le long terme et suffisamment explicite, peuvent se retrouver réduits à être les spectateurs de la stratégie des autres. Cela peut amener soit un désir de plus grande radicalité, soit le retour d'un repli identitaire sur l'organisation.

Pour être clair, afin de sortir de l'impasse "soit le reniement avec le PS, soit l'enfermement avec Mélenchon", il faut, à mon sens, répondre à deux questions :

 

  • A qui s'adresse le PCF ?

Aux électeurs de gauche ? A la classe ouvrière ? Au peuple ? Aux "99%" ?

Afin de trouver une entité populaire cohérente qui constitue "notre camp" et incarne une nouvelle conscience de classe, je trouverais nécessaire, de même que de nombreuses sections analysent leurs résultats électoraux pour déterminer des bureaux de vote où prioriser l'activité militante(1) que le Congrès du PCF se penche sur les catégories sociales et géographiques qui constituent le peuple français, sur leurs aspirations divergentes et convergentes et sur leur rapport au politique : des urbains politisés en quête de « mieux vivre » à la classe ouvrière précarisée, de la jeunesse « des quartiers » qui ne rejette même plus la société mais vit à côté d'elle aux nouveaux entrepreneurs qui veulent travailler autrement, des péri-urbains effrayés par la crise et le déclassement, etc.

  • Comment le PCF peut-il être un outil pour mettre ce peuple fragmenté en mouvement ?

Je l'ai dit, je suis assez définitif, à présent, sur le fait que la question stratégique doit s'inscrire toute entière dans le projet de société que nous souhaitons porter. Il ne suffira plus de décréter a priori que telle ou telle alliance (union de la gauche, Front de gauche…), tel ou tel accord est incontournable. D'abord parce que les évolutions politiques des forces de droite, d'extrême-droite et de la social-démocratie ont rebattu les cartes, ce qui rend anachronique la prescription de faire « comme ont toujours fait les communistes dans leur Histoire(2)». D'autre part parce que, quelque soit le choix tactique décidé au moment des élections, si ses motivations, son inscription dans une visée politique à moyen et long terme échappe au peuple, celui-ci, désormais, s'en détourne. Pourquoi ? Parce que, d'une part, le rapport "aux politiques" s'est tellement dégradé que la tactique électorale semble désormais déconnectée des enjeux du monde réel ; d'autre part, parce que l'aspiration à la participation et aux modes coopératifs de prise des décisions est montante. Or, justement, une conception participative et coopérative de la démocratie et de la République sera certainement un des piliers de notre projet pour la France, alors pourquoi attendre l'avènement de cette démocratie nouvelle quand nous pouvons l'expérimenter dans nos pratiques politiques ?

Je crois qu'il est indispensable, sans nier la souveraineté de l'adhérent au Parti, de trouver des formes nouvelles d'association libre des citoyens aux choix que nous faisons avant, pendant et après les périodes électorales. Or, les expériences faites ces dernières années (notamment les Assemblées citoyennes) proclamaient cet objectif sans laisser de réel pouvoir d'agir à ses participants quant au dispositif électoral national. Nous avons assez proclamé notre audace, notre confiance dans le peuple, notre capacité d'innover. Traduisons-les en actes et nous en serons d'autant plus communistes, j'en suis convaincu.

Je veux faire le pari que 2017, avec ses pièges mais aussi son potentiel de politisation de masse, est une occasion pour inventer une stratégie de prise de pouvoir par et pour le peuple. La volonté de saisir cette occasion justifie pour moi de donner sa chance à l'appel de militant-e-s de gauche à organiser une primaire pour désigner le candidat, mais aussi le programme que la gauche devra porter à l'élection présidentielle.

Les conditions pour éviter les écueils dénoncés par les détracteurs de la primaire (confusion du spectre politique couvert par un tel rassemblement, présidentialisme exacerbé), ce sont à la fois un projet politique plus clair que nos militant-e-s se seront pleinement approprié et défendrons d'autant plus fermement, la relance du Front de gauche avec les forces qui y sont disposées, mais aussi et surtout un dispositif opérationnel de participation populaire à cette dynamique nouvelle. Ce qui suppose de renforcer spectaculairement notre implantation sociale et géographique.

 

  1. Quelle organisation peut être utile à un tel processus ?

 

Pour une activité militante planifiée et évaluée, développer la transversalité et l'horizontalité

 

C'est peut-être une porte ouverte que j'enfonce, mais peut-être pas tant que ça : tout ce dont je viens de parler ne peut avoir un effet réel sur le pays que par une implantation populaire renforcée du PCF et du Front de gauche. Si "front du peuple" il doit y avoir, il ne saurait (là encore en lien avec notre projet et la conception démocratique qui le traverse) émerger seulement d'accords entre les directions nationales d'organisations politiques.

Mener la bataille de l'implantation populaire, c'est avoir une stratégie de conquête dans les territoires, adaptée aux réalités locales : c'est donc faire, ou refaire de la politique au sens le plus essentiel. C'est mener le plus efficacement possible la bataille idéologique contre toutes les divisions ethniques, religieuses et culturelles qui empêchent le peuple de prendre conscience de l'unité de ses intérêts objectifs.

Comment sortir de la proclamation de cet objectif ? En partant de l'existant. Il y a, je pense, un gros travail de recensement à faire des innovations en terme de pratiques politiques qui existent dans le Parti à l'échelon local, non pas pour se faire plaisir, mais pour que la direction nationale puisse jouer son rôle, en proposant des outils aux fédérations et aux sections, mais aussi en tirant toutes les leçons des expériences positives pour transformer l'organisation politique nationale. Les instances nationales et fédérales du Parti devraient alors, sous peine de ne plus jouer du tout leur rôle de direction, consacrer tout leur travail à produire des feuilles de route opérationnelles pour les organisations du Parti, puis à l'évaluation régulière, à partir d'indicateurs objectifs et du vécu militant, des actions entreprises. Je prends un instant pour évoquer l'enjeu des quartiers populaires, à partir de ce que je connais le mieux, c'est-à-dire, les sections de l'est parisien.

Depuis la création du Front de gauche, on peut remarquer un mouvement croissant de progrès électoral de notre force politique dans la capitale. Ces signes encourageants ont mis les sections de l'est de Paris, où ces progrès sont concentrés, dans une posture de conquête. On peut d'ailleurs parler de reconquête, puisque ces territoires étaient dotés de député-e-s communistes jusqu'aux années 1980.  Cette ambition retrouvée donne du souffle, du dynamisme local, qui tranche avec le manque désolant de perspective à l'échelle nationale. Et le dynamisme pousse aux efforts d'innovation, à la rupture progressive mais réelle des routines militantes, qui font que le porte-à-porte avait été rangé aux oubliettes, certains quartiers délaissés faute d'une cellule organisée, etc.

Cela peut prendre des formes tout à fait diverses : ainsi, dans ma section, celle du 19e, nous nous appuyons depuis la campagne des régionales sur les résultats bureaux par bureaux pour prioriser notre présence dans les quartiers où le Front de gauche fait les meilleurs scores (avec une population politisée dominée par les jeunes actifs) et ceux où l'abstention et le vote FN sont les plus forts (quartiers excentrés où se concentrent les plus grandes difficultés sociales et les obstacles au vivre ensemble). De ces objectifs, nous déroulons plusieurs modes d'action : création de points de rencontre hebdomadaires, organisations de moments participatifs en pied d'immeuble, porte-à-porte outillé afin de rendre active la personne visitée (au moyen de pétitions locales ou nationales, de campagnes à animer), implication des élu-e-s dans des quartiers dédiés pour lier davantage leur action institutionnelle à l'activité militante du Parti, recensement systématique des contacts pris, etc.

Cela prend du temps d'installer ces pratiques nouvelles, car les militants ont d'abord l'impression que cela va leur demander un investissement beaucoup plus chronophage. En réalité, l'implantation locale rend l'activité militante plus satisfaisante car plus efficace et permet d'introduire de la transversalité et de l'horizontalité dans une organisation, allégeant la tâche des responsables les plus impliqués.

Je sais que ces expériences, dans ce qu'on appelle les quartiers, sont nombreuses en Île-de-France et dans tout le pays. Les mutualiser est urgent pour transformer le Parti du local au national. Car, de la plus petite cellule à la coordination nationale, un temps fou serait gagné à s'inspirer plus des pratiques innovantes qui existent dans les associations d'éducation populaire, dans les structures de l'économie sociale et solidaire, etc. Gagner du temps sur ce qui ne fonctionne pas et concentrer nos efforts et les moyens financiers et logistiques qui vont avec sur l'implantation populaire du PCF me paraît être la tache majeure des fédérations et du CN en terme d'organisation.

Un dernier mot : cette stratégie peut paraître électoraliste. En effet, son objectif est de favoriser une conquête des pouvoirs qui passe nécessairement par des victoires électorales pour notre courant politique. Cependant, je reviens une dernière fois sur le lien entre projet, stratégie et organisation. Si notre projet est conforme à nos slogans ("L'Humain d'abord", "Prenez le pouvoir"), alors c'est des "gens", de leur mise en mouvement, de leur prise de conscience d'appartenir à un camp social, donc politique, que dépend tout changement. Et s'implanter dans un quartier, sur un lieu de travail, auprès des femmes et hommes de culture, du sport, etc., c'est leur donner la parole et le pouvoir d'agir. C'est trouver des formes nouvelles pour transformer les spectateurs en acteurs. C'est, alors que le CN de janvier dernier a fait émerger cette idée de campagne, faire de nos militants les porteurs permanents d'une "enquête nationale" sur les aspirations populaires.Nous pouvons faire le pari que cette enquête-ci peut faire mentir nombre de « leurs » sondages. Que les aspirations populaires, lorsqu'on se met à les écouter avec ouverture d'esprit et dialectique, vont vers le bien vivre, le partage et la coopération. Ce sera tout l'objet de notre Congrès : nous révolutionner nous-mêmes pour devenir un outil moderne au service du peuple. Et que celui-ci devienne le propre maître de sa révolution future.

 

(1)Ce dont je parlerai dans ma troisième partie, patience !

(2)Formule qui blesse les oreilles de nos camarades historiens.

 

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