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Partir des classes populaires - Et travailler notre identité - Benjamin Lécole - 60

Depuis « La fin de l’Histoire », les tenants du libéralisme à l’anglo-saxonne n’ont pas cessé de décréter la fin de la lutte des classes et prôné une analyse sociologique des catégories sociales détournée, se limitant aux relations inter-individus, allant jusqu’à faire la part belle aux notions de tribues. Au-delà d’imposer leur vision du monde, cela leur a permis d’amener une fin des individus eux-mêmes, les réduisant à des comportements et des usages – facilement remplaçables - , que le « business » peut manipuler.

Pour autant, les sociologues et les historiens de « gauche » ne se sont pas détournés de la question « des classes populaires » : ces trente dernières années, un travail d’analyse des transformations en cours – territoires et travail salarié – a permis de préciser les nouveaux contours de ces classes populaires.

Afin d’affiner notre triptyque « projet/stratégie/initiatives » commençons par nous mettre d’accord sur ce qu’est, ce que sont, les classes populaires.

 

  • Classes populaires : des prolétaires aux dépossédés

S’il ne peut y avoir de débat sur l’identification d’une telle classe - en terme économique – pour les catégories pauvres ou très précarisées de la société, nous devons dépasser une vision encore trop attachée aux représentations des « trente glorieuses ». Les transformations profondes du salariat, les nouvelles mobilités qui en découlent, ne permettent plus de réduire ces classes populaires aux « travailleurs » ou aux « habitants des quartiers populaires ».

Les historiens et les sociologues s’accordent aujourd’hui pour partir d’un statut social « inférieur » - où les conditions de déclassement menacent – et qui produit ensuite une distanciation culturelle avec les classes dominantes. En effet, la multitude des situations actuelles de cette classe dominée concoure à une forme de contrôle social : comment croire que l’on peut changer les choses quand on a les revenus d’un employé de la fonction publique, d’un auto-entrepreneur, d’un petit agriculteur ou d’un simple employé de bureau… Comment s’évader, croire qu’un autre monde est possible, quand on est enfermé dans son quartier avec un taux de chômage à 60%, ou coincé dans les transports pendant 1h30, avant et après 7 à 8 heures de travail journalier aliénant…

Cette conception est essentielle pour notre compréhension des classes populaires et pour adapter notre discours. Prenons l’exemple de la dernière provocation du ministre de l’économie : « La vie d'un entrepreneur est souvent bien plus dure que celle d'un salarié. ». S’il ne s’agit pas d’opposer les travailleurs entre eux, nous aurions quand même tort de ne pas considérer les auto-entrepreneurs et les gérants de microentreprises – +95% des entreprises, environs 3 millions de travailleurs - comme autant de précaires des classes populaires.

Mais ces catégories ne font pas tout et il faut prendre en compte une dimension culturelle des classes populaires qui dépasse le cadre simple d’une « soumission » à un statut social inférieur : ces catégories trouvent une extension dans une conception exigeante du bien commun et donc de la démocratie. Ainsi des cadres ou des individus, jouissant d’un certain statut, se revendiquent du « populaire » parce qu’ils considèrent « la chose publique », et attestent de leur impuissance face à la dégradation qui lui est faite. Cette considération, se trouve encore majoritairement dans les statuts sociaux dits « inférieurs », et bat en brèche toute tentation populiste de faire de ces couches précarisés des incultes politiques.

Partant de là, et face à une concentration médiatique qui tend à augmenter la distance entre « culture des élites » et « culture populaire » (culture poubelle), nous faut-il encore parler de « classe dominée » ?

Afin de positiver les choses et pour créer des dynamiques potentielles, parlons plutôt des « dépossédés » : privés de travail, privés de revenus décents, privés de temps, privés de structures publiques, privés d’éducation et de culture de haut niveau, privés de paroles, privés de pouvoir et aujourd’hui, privés de « data »

 

 

  • Travailler notre identité

L’ascension du Front National, si elle est due pour partie à une manipulation médiatique liant « la culture du fait divers » au « tous pourris », est issue aussi du travail d’identité initiée par Marine Le Pen et ses idéologues. « La dédiabolisation », prise bien trop souvent comme un le déploiement d’un racisme acceptable, a surtout eu pour but de retravailler l’identification du parti POLITIQUE : l’affirmation de l’identité « patriote », le protectionnisme des nationaux, et le rapt de la posture antisystème (et/ou anti-élite) en sont les piliers. A cela, s’est ajouté un travail de fond culturel et historique du Front National, en sourdine mais efficace, et qui a permis une forme de libération de la parole nationaliste, voir raciste.

Qu’en est-il de nous ?

Force est de constater que l’abandon de la dictature du prolétariat nous a conduit à abandonner ou à ignorer le prolétariat lui-même : si le FN s’adresse au patriote, alors nous, à qui nous adressons-nous ?

Les salariés (et les chômeurs ?) ? Les sans-papiers, les sans-paroles, les sans-dents ? Les progressisto-écolo-féministo-LGBTo-partageux ? Les majorités silencieuses ? Ceux qui luttent ? Les alters ? Les « humains d’abord » ? Le peuple ?!

Nous n’avons pas réussi à mener le travail intellectuel, sociologique et politique, pour créer la vision, l’identification d’une classe nouvelle à laquelle nous nous adressons « naturellement ».

Sans vouloir achever ce travail ici, et face à la situation que nous connaissons, essayons-nous à une proposition. Notre essence est révolutionnaire, et son carburant est la révolte. De nos jours, cela s’entendrait plus comme le définissait Camus : ne pas se résigner à l’absurdité de la vie, d’abord dire « non » (cf. réf. 2005), pour ensuite faire sens commun ensemble, pour une société de partage, de paix et de bonheur.

Adressons-nous « aux révoltés », ou à ceux qui ne se résigne pas à l’état du monde.

Ensuite, tissons à travers le temps les marqueurs nécessaires à notre identification. Pour avoir un futur, il nous faut un passé et des références. On ne peut résoudre le Parti communiste français à Marx (ou à Staline).

De notre absolue résistance à tous les fascismes, de 1789 à La Commune, des Congés Payés à la sécurité sociale, de la contre société des années 50/60, des luttes pour la liberté des peuples et de la décolonisation, de la réduction du temps de travail à ce qui nous reste à inventer… de tout temps, les communistes ont affirmé des valeurs fortes et identifiables qu’il nous est facile de remettre sur le devant de la scène, surtout depuis l’avènement de la société de l’information.

Nous pouvons affirmer :

- Que tous les hommes sont des frères [impératif d’humanité]

- Qu’il n’y a pas de libertés sans Egalité [impératif de justice]

- Que le bonheur collectif est plus important que les désirs (ou comportements) individuels [impératif d’efficacité]

- Que l’usage est supérieur à la propriété [impératif d’utilité]

Maintenant, pour reprendre l’analogie avec le Front National, nous pourrions dire que nous affirmons notre identité « de révoltés », que la véritable protection viens de l’égalité (qui libère), et qu’enfin, si nous voulons y parvenir, il faudra être résolument antisystème (et sûrement anti-élites).

 

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