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Le débat de la semaine

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Débat n°5 : quelles pratiques militantes pour améliorer notre action ?

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Hâtons la venue des temps nouveaux ! François Sikirdji - 93

Chères et chers camarades,

Cette « lettre ouverte », envisagée depuis longtemps, vient ici par défaut, face à la mobilisation prioritaire de notre section de « Saint-Ouen-sur-Seine » sur de décisifs enjeux locaux, et tardivement, suite à la production de notre « base commune », pour y apporter, sinon sa pierre, du moins un modeste caillou ! Plutôt sorte de retour sur un parcours militant, que simple contribution, elle pêchera sans doute par sa longueur et son côté un peu littéraire, comme par sa faiblesse sur la dimension de l’international ou les contours politiques du rassemblement nécessaire. De même ferai-je l’impasse sur des éléments prégnants de l’actualité. Mais elle se veut surtout affirmation de priorités, et notamment sur la nécessité de ressourcer un combat politique « à l’entreprise » qui nous fait aujourd’hui, il me semble, particulièrement défaut. Elle part d’une modeste volonté : comment faire vivre, dans la Ville qui m’emploie, une « cellule » des employés territoriaux qui peine à reprendre ses marques, suite au retour revanchard d’une droite locale arrogante et liquidatrice .

Elle ne se veut pas plus « texte alternatif », mais reste pour moi la façon la plus rigoureuse que possible de prendre date avec notre parti, dans l’espoir que la mutation annoncée prenne toute la mesure des exigences du présent, avant de me mêler verbalement au débat local. Elle est aussi évidemment liée à une sensibilité personnelle de musicien et d’enseignant de ma pratique d’interprète dont je ne fais pas l’abstraction.

J’espère, en tout cas qu’elle rencontrera une volonté partagée de ressourcement d’une politique au long terme de notre expérience collective.

 

Notre préparation de congrès est donc en chemin. Nous sommes face à un défi que nous n’avions jamais imaginé devoir affronter depuis les années d’après guerre: l’influence du parti communiste n’est plus portée que par la volonté vaillante d’une frange de militants, et reste, depuis ces dernières années, masquée derrière une affiliation organique au Front de Gauche qui la rendait plus discrète encore.

 

Mes interrogations - et suggestions - portent sur de nombreux aspects de notre apport, mais je ne cache pas mes très fortes interrogations sur deux points essentiels : la politique économique que nous portons, et la conception nouvelle de notre structure d’organisation, ce qu’au-delà de la nécessaire amélioration de la vie militante, elle permet d’efforts pratiques, symbolise de possibles, ou cristallise toujours de crispations.

 

En toutes choses je préfère à la « fidélité » la « Constance »! N’avons-nous pas souvent, dans le feu des urgences politiques, rabattu « l’intérêt de classe » sur l’attachement au « Parti » ? Dans l’eau trouble du bain, quelle sorte de rejeton s’était-il ébroué? Et aujourd’hui, de quelles lenteurs anticipatrices sommes-nous, malgré nous, encore les héritiers, dans les laborieux méandres de la recherche d’une alternative politique à celle de « l’austérité »?

De même, cette notion « d’identité communiste », bien courte, au regard de ce que l’ami Karl prétend du vaste « mouvement réel du monde qui abolit l’état actuel», et à laquelle nous devrions préférer la notion de « culture communiste », plus vivante et plus ouverte aux questionnements ! Car, si nous prétendons encore et toujours affirmer l’idée du « communisme » (« l’hypothèse », dit Badiou) comme signifiante du « mouvement réel du Monde », la notion ne peut se réduire à ses quelques acteurs les plus impliqués, mais nous interroger, avec ambition mais modestie, sur ce dont ce mouvement réel est vraiment porteur et en quoi nous contribuons à l’aider à lui donner sens et ainsi « accoucher de lui-même ». D’autant que, si dans de nombreux pays, des luttes politiques produisent quelques avancées, les dangers et régressions sont multiples. Et, parmi celles que nous estimons prometteuses, elles se font, la plupart hors de « nous », portées par des forces qui apprennent à régénérer les formes révolues de l’intervention populaire.

 

Je ressens aujourd’hui extrêmement, dans mon entourage syndical, professionnel, familial, amical, la possibilité que nous aurions de commencer à rassembler de nouveau avec et entre nous. Mais les centralités ont changé, et avec le temps la majorité  des regards s’est de nous détournée. Certes, notre peuple a fait presque toutes les expériences sauf une, celle d’une gauche largement majoritaire avec en son sein une influence prédominante du courant que nous représentons. Mais il serait bien naïf de croire qu’il nous suffirait d’attendre notre tour en nous contentant de rester nous-mêmes ou de procéder à quelques améliorations. Certes, toutes les forces adverses finiront par s’épuiser dans des jeux d’alternance stériles, destructrices de la confiance comme de la perspective (le FN, pour l’instant indemne, n’est pas en dehors de cette « épreuve du feu »). Mais la question de la construction ou de la re-construction reste entière !

Face à nous une « ubérisation » à marche forcée de l’économie, un libéralisme qui tombe le masque par des bouleversements institutionnels les plus liberticides de l’après-guerre, une précarisation générale du monde du travail, des divisions xénophobes qui gagnent jour après jour les mentalités. La droite se nomme « Les Républicains, mais foule aux pieds nos trois devises nationales, le parti socialiste ne change pas de nom pour mieux masquer sa droitisation, la droite extrême, le vent en poupe, se dit « populaire et nationale » pour mieux enrober sa radicalité exploiteuse et dominatrice!

Un en mot, tout en nourrissant de graves destructions du « vivre ensemble », l’adversaire n’a, lui, qu’une devise : « tout changer pour conserver l’essentiel ! »

Naguère, la demande de « rénovation » fut taxée par la direction de notre parti d’entreprise de « liquidation », et considérée comme telle par une majorité des adhérents. Il ne suffit certes pas de vouloir rénover pour le faire dans le bon sens. Nous ne partageons plus la même actualité, et sommes loin des âpres confrontations de la période. Mais, nous l’affirmons aujourd’hui avec urgence : les questions de la refondation de la gauche, de la refondation de la politique, et indissociablement de ce « communisme à la française » que nous voulons incarner sont posées! Le terme le plus approprié serait sans doute celui de « Mutation ».

Être utile à nous-même comme à d’autres, c’est bien moins « revenir aux fondamentaux », que de « monter au fondamental », au sens de ce que Lucien Sève prodiguait : « Commençons par les fins ! ». Tâchons donc d’identifier ensemble les exigences de l’heure, sans tabous sur ce qui demeure peut-être en nous d’un esprit de conservation illusoirement protecteur, ni fausse modestie sur ce que nous avons à l’évidence commencé à engager. 

 

Au centre, cette question: comment affronter ce paradoxe de prétendre rassembler contre 1% des plus nantis, 99% de la population sur le même projet fédérateur, alors que nous comptons si peu désormais dans la balance des choix politiques ?

 

Au tournant des années 70-80, nous évoquions l’effort à conduire pour réduire l’écart entre le « possible » et le « nécessaire « . Au-delà du fléchissement majeur de notre influence sur le long terme, notre « perte de crédit » porte sur deux points essentiels : notre capacité à impulser un mouvement d’ampleur majoritaire et celle à nous faire connaître et reconnaître comme la force politique capable de le faire vivre durablement et de le symboliser. Autrement formulé, la  contradiction centrale à affronter réside entre le rassemblement populaire majoritaire que nous voulons construire et la force politique utile à lui donner force et durée, et permettre ainsi que derrière les jeux des alternances politiques, se dessine de l’irréversible. 

Mais le déploiement de cette problématique, va dépendre d’une construction patiente, et c’est sur celle-ci que je souhaite centrer mon propos. Qui pourra et qui voudra, en tirera, je l’espère, observations et propositions. Elle ne peut s’aborder, à mon sens, que dans une réflexion approfondie sur les rapports entre le long et le court terme. Et je propose de la décliner ici en trois points inégaux:

 

- d’où venons-nous ?

 

- quels sont les défis d’aujourd’hui ?

 

- quelles sont nos réponses et que devons- nous changer ?...

 

 

I) D’où venons-nous ?

Sur le long terme, le XXe siècle fut nommé « Siècle des Révolutions ». Il se solde par les deux plus grands conflits planétaires jamais imaginés, et, au moment où « nous communistes » affirmions le « bilan globalement positif » du « socialisme réel », celui-ci s’effondrait. Cette amère expérience compte, à mes yeux, pour l’essentiel dans la perte de crédibilité acquise dans les pages héroïques de la Résistance, comme ensuite dans nos laborieux efforts à rendre crédible la perspective d’un socialisme fondé sur l’essor de la démocratie.

Nos illusions quant à la capacité de ce système à réaliser sa propre mutation y sont sans doute pour beaucoup (et Alain Badiou a raison de souhaiter que nous poursuivions l’analyse), mais surtout le bouleversement majeur du rapport des forces mondial : les forces de « l’Argent Roi » se sont engouffrées dans la brèche, le système capitaliste a remporté la « guerre froide », et nous payons aujourd’hui encore le solde de cet héritage.

À ce qu’il paraît, la jeunesse actuelle n’a que faire de cette déroute, qui n’appartiendrait plus qu’à l’Histoire, mais la tâche à son égard est d’autant plus rude : nous devons lui faire désormais la preuve, et de notre existence, et de notre utilité !

Si l’on fait le compte, cela fait au moins 32 ans qu’en France derrière le jeu des alternances politiques, s’affirme une continuité sans faille ou prioritaire des gouvernants au service des mêmes intérêts financiers. Et la première élection de Mitterand en mai 81 accompagnée de quelques progrès économiques – nationalisations, conquête de quelques droits pour les salariés et sociétaux – abolition de la peine de mort - fut une trop brève avancée, contrairement au ressenti affiché à l’époque par G Marchais, au regard de celle conduite à la Libération. Notre jeunesse n’a donc connu que des politiques de renoncement à tout progrès de société. Aujourd’hui, sont largement grignotées les 35h, la retraite à 60 ans, la nationalisation d’une part du secteur bancaire et les velléités de création d’un large secteur public dans l’industrie, le soutien nécessaire à tous les Services Publics, le maintien d’une haut niveau de salaires pour la dignité de tous, ou la « demande plutôt que l’offre » dans l’économie, et le « précariat » prend force de Loi contre le « salariat » !

 

Nous restons donc, en France comme dans le Monde, face à deux échecs majeurs :

- celui d’un socialisme autoritaire dépossédant le peuple du droit d’inventer lui-même son histoire,

- celui d’une « social-démocratie » accompagnant le système d’exploitation capitaliste jusqu’à ses pires extrémités, en alternance avec une droite elle-même de plus en plus radicale.

 

Notre Parti a été associé, directement ou pas, à plusieurs des expériences gouvernementales qui ont jalonné ce siècle… Le Front Populaire et la période de la Libération restent les deux grands épisodes de référence, sur lesquelles on peu timidement évoquer les prémices d’une sorte de « communisme à la Française ». Mais depuis le « manifeste de Champigny », de décembre 68, notre participation momentanée et minoritaire à des gouvernements jusqu’au mois d’avril 2002, dans le cadre de la « Gauche Plurielle », nous n’avons connu qu’une lente érosion. La raison en est simple: si l’ensemble de la Gauche pâtit de ce manque de détermination contre les forces du Capital, le Parti Communiste, force la plus associée à l’idée d’un changement radical, marqué au moins symboliquement par ces épisodes gouvernementaux, en a pâti d’autant plus. Et son engagement au service du « Front de Gauche » n’a pour l’instant pas effacé ce discrédit.

Nous avons, pas à pas, pris en compte la « dimension démocratique » comme « but et moyen » d’un changement de société, mais l’ensemble des forces politiques a joué de tous les atouts de la 5e République pour, d’alternances en alternances, écarter les décisions de tout vrai contrôle citoyen, jusqu’à produire aujourd’hui un sentiment d’impuissance majoritairement partagé.

Et malgré nos qualités d’engagement reconnues, nous sommes dorénavant frappés d’une double perception : lorsque « nous » tenons le pouvoir, nous en abusons, et lorsque nous nous contentons de nous y associer, la preuve par la pratique nous prive de la crédibilité nécessaire.

 

Point commun entre ces deux échecs: ce sont deux périodes de dépossession populaire des pouvoirs de décision. Si on ne fait pas le bonheur des gens à leur place, on peut considérer que le Capitalisme est désormais face à une crise systémique analogue à celle qui a vu s’effondrer le « socialisme réel », mais il jouit d’un avantage considérable sur celui-ci : il règne en maître presque partout et l’idée même d’alternative reste à reprendre entièrement.

De quoi confirmer ces deux avis apparemment contradictoire du vieux Karl : s’il est sans doute toujours vrai que « l’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle peut résoudre », on dirait qu’elle ne s’oriente vers les solutions réelles à ceux qu’elle a engendré que lorsqu’elle a poussé jusqu’au drame collectif et l’impasse, vécus comme telle, pour commencer seulement à envisager les bonnes!

Et, ce qu’il n’avait pu prévoir, c’est qu’en aucun cas le renversement radical d’une société ne peut se conditionner à une sorte de préalable autoritaire. La « dictature du prolétariat » se mue dès lors en dictature sur le prolétariat et s’écarte du processus de démocratisation d’ensemble de la société.

 

Dans nos démarches d’accompagnement des différentes expériences gouvernementales récentes dites « de gauche », nous avons, non sans débats, « pris nos responsabilités », mais force est de constater que le glissement de plus en plus net de nos « partenaires » vers l’adaptation au « libéralisme » a coupé court à notre volonté opposée et prioritaire de la recherche d’une dynamique populaire de progrès. Et c’est sur cet effort, rassembler tout en nous démarquant de la fausse gauche comme de la vraie droite, que nous devons pour longtemps concentrer nos forces.

Plus conjoncturellement, nous ne sommes pas restés sans de saines tentatives de solutions pour à la fois permettre des réappropriations de la politique et un renouvellement de notre rôle comme de notre image. Notamment sur trois aspects:

- notre rôle moteur pour construire une gauche qui continue de poser les questions d’une alternative de transformation. Mais pour l’heure le « Front de Gauche », né de la difficulté à affronter les conditions d’une élection présidentielle, pêche à développer une dynamique citoyenne à la hauteur de l’ambition, et par un risque de clivage réducteur vis-à-vis de l’ensemble des forces qu’il faudrait parvenir à déployer.

- notre volonté d’élaborer des orientations, ni dans le seul temps des congrès ni dans le seul espace de notre organisation , mais avec toutes les forces sociales concernés dans une démarche de co-élaboration. Cette démarche n’a pas encore porté ses fruits lors du précédent scrutin, peut-être en raison de la faible dimension de cette démarche citoyenne, qui n’implique pour l’instant que les acteurs « les plus éclairés » et responsables du mouvement social. Les « lundis de la gauche », pour utiles et ouverts qu’ils soient, participent encore des mêmes limites.

- (j’y reviendrai) notre vision plus souple de notre « vie interne », plus ouverte aux motivations et aux compétences, ainsi qu’à des compagnonnages divers.

 

II) Quel défis ?

Certes, nouvellement contredite ces derniers jours, en France, par l’hirondelle d’une jeunesse et de salariés nouvellement mobilisés contre une des Lois les plus destructrices du vivre ensemble, la période est surtout marquée par l’accroissement des dominations, la montée de divisions et de fractures prenant un tour apparemment irrémédiable au fil des scrutins électoraux.

Oui, corollaire de la pagaille « libérale », prenons le danger xénophobe très au sérieux. Si l’Histoire, certes, pour personne ne ressert les plats, elle est à présent porteuse de lourds et d’inédits dangers!

 

Mais, hors ses aspects très immédiats, dans le Monde comme en France, les défis du moment comportent deux traits majeurs :

- un déploiement plus drastique que jamais des inégalités de vie,

- une menace à terme sur notre survie collective, composée elle-même de deux aspects : des prédations sans limites sur les ressources naturelles conjointes d’un recul massif de la biodiversité, et un réchauffement climatique à tendance exponentielle et irrémédiable, rendant l’un et l’autre la terre prochainement en incapacité de simplement nous abriter tous.

 

Ils nous renvoient à deux problématiques :

 

- s’ils sont l’expression la plus globale de la vie qui nous est faite, ils ne perdurent et se déploient que grâce un système de domination et de dépossession perfectionnant sans cesse ses moyens. Elle nous interroge sur la nature des pouvoirs alternatifs à lui opposer pour construire autrement.

- ils ne renvoient pas spontanément au même type de réflexions et d’engagements, mais doivent être impérativement mieux travaillées ensemble, si l’on veut accorder les besoins du présent à une saine vision de l’avenir.

 

Il y aura évidemment de quoi dire et concevoir collectivement, mais ces deux traits m’évoquent la thèse de Pierre Rabhi, ce philosophe écologiste militant nous invitant à pratiquer une « sobriété  heureuse ». Elle ne peut faire programme politique, mais doit, il me semble, inspirer nos orientations.

Car ce que la période contredit fortement, c’est, autant un capitalisme mondialisé étendant ses prédations à tout ce qui vit, que l’illusion d’un développement sans limites de tous les besoins d’humains, tous ensemble plus délibérément autistes aux contraintes de la nature. Plus l’on puise dans les ressources plus l’on rapproche l’échéance de leurs limites, et Engels avait raison : « on ne peut commander à la nature qu’en lui obéissant ! ».

Notre responsabilité collective est immense et plus urgente que jamais ! Le temps des civilisations est très court, eu égard au temps long de la préhistoire, mais en moins de trois siècles, et plus encore sur les toutes dernières décennies, le capitalisme a tant accéléré le développement des forces productives , qu’elles commencent déjà à saper les conditions d’une habitabilité partagée de la « maison commune ». C’est et ce doit être Notre Actualité ! Sortons, sans doute, d’une opposition un peu stérile entre « croissance et décroissance ». Mais la question posée est celle d’un « développement humain raisonnable et partagé pour tous, dans un lien éclairé et prudent à l’égard des données (et des beautés ?) de notre unique Terre Nature ».

 

Mais, par ailleurs, derrière les masques de la Démocratie, ce « libéralisme » dominant n’est que l’expression d’un vaste retournement dans l’ordre des pouvoirs. Dans le cadre de ce que nous nommions naguère le « capitalisme monopoliste d’Etat », nous percevions la direction des affaires comme essentiellement au service des « grands possédants », mais au moins assurant de son autorité la marche de l’économie, et observant une sorte d’équilibre entre exigences populaires et celle de la course au profit immédiat. Selon les orientations d’un gouvernement, il pouvait faire pencher la balance dans le sens du progrès social ou de son contraire.

Aujourd’hui le rapport est inversé : les forces de l’argent ont pris le dessus sur les décideurs et dictent leur Loi aux institutions quelles façonnent à leur convenance. Vaste jeu de dupes qui nous fait croire que dorénavant toute volonté de souveraineté populaire ne serait que vaine prétention face aux nouvelles Lois du Marché.

Si en effet, un vaste chantier se présente à nous, « du local au mondial », de conquêtes de nouveaux pouvoirs, l’exploitation du travail gît toujours dans l’usage, ou bien privé ou plus ou moins public que l’on tire au quotidien de son exploitation, salarié par salarié. Chaque effort, même minime, de réappropriation de cette usage de la force de travail, sera immédiatement taxée de menace sur la liberté d’entreprendre, mais, par défaut, témoigne de la fragilité de l’édifice.

 

III) Nos réponses et ce que nous devrions « bouger » :

Tentons maintenant d’aborder, un peu en vrac, quelques réflexions, parmi les plus actuelles. Elles se veulent au service de ce que notre parti pourrait être capable de proposer et faire grandir dans les luttes, comme au service d’une volonté populaire majoritaire, plus décisive et plus consciente.

 

A- Des orientations au service d’une nouvelle culture du commun

 

1) une exigence simple à partager : la dignité pour tous.

Paradoxalement, si l’expression collective dans la lutte, puis la satisfaction de besoins sociaux a servi de moteur aux progrès de la société, les dominants savent exprimer avec toute l’arrogance de leur caste leurs propres « besoins », tout en travaillant sans cesse à l’invisibilité de celles des laborieux.

Du côté du monde du travail, l’expression de besoins cruciaux doit s’étendre, puis se traduire par l’acquisition de droits nouveaux, partagés par tous, et sanctionnés par les Lois, pour se transformer en acquis pérennes et parvenir à une légitimité. En France, les deux critères principaux des progrès de la société peuvent s’évaluer à deux aspects :

- Le niveau et l’équilibre des revenus,

- Ses Services Publics, forme universelle du salaire socialisé, et leurs champs d’application.

Abordons ces deux domaines :

a) La justice sociale, basée sur une échelle raisonnable des revenus, fut et reste un marqueur fort de notre conception de la vie en commun. Mais aujourd’hui, si la Liberté … d’entreprendre est désormais le seul critère vaguement retenu de nos trois principes fondateurs de la République, celui de l’Egalité est relégué aux oubliettes, quand la Fraternité se distend derrière des méfiances corporatistes anxiogènes. Et les niveaux de revenus, inclus ceux issus des prédations capitalistes, n’ont jamais été aussi drastiquement inégalitaires. Du dealer local à l’actionnaire, la course à l’argent facile est devenu la règle. Le prix et la valeur du travail ne sont plus qu’un « coût » à réduire, face à la liberté de circulation sans rivages des marchandises et des capitaux.

Si les expressions d’indignation face aux difficultés partagées du quotidien ne sont pas amoindries, le sentiment d’impuissance a lui fortement gagné du terrain.

Pourtant, si l’on considère la moyenne du temps désormais consacré au travail, hors les périodes d’études, de chômage, de retraite, de congés, elle est plus courte que jamais ! Et ce, grâce au développement global de la productivité, malgré les entraves et les désordres sur l’organisation du travail qu’on lui impose.

Nous le disons : l’essor de la demande, plutôt que celle de l’offre serait un moyen de relancer l’économie grâce au débouché de la consommation, mais c’est surtout une façon de mettre l’accent sur deux principes de la cohésion sociale :

- chacun doit pouvoir jouir, au moins des conditions minimales de subsistance, indépendantes de ce qu’il peut apporter à la société, donc non directement inhérente à l’emploi.

- chaque travailleur au sens large devrait recevoir une rémunération ou un traitement tenant compte de critères rigoureux : son niveau de qualification, mais aussi de pénibilité, voire, du pompier au chirurgien, de son exposition aux risques.

Ces deux principes sont, non seulement à la base de la cohésion sociale, mais un gage de l’efficacité économique, et dès lors que l’on échappera à la course aveugle à la rentabilité, également source de rationalité écologique. Car, lorsqu’un individu peut gagner dix, vingt fois, voire beaucoup plus que ce que ses aptitudes le justifieraient, il s’écartera irrémédiablement du sens commun et les rapports de prédation l’emporteront et prendront le devant sur tout autre considération.

Au delà des difficultés de mises en œuvre et des résistances que ces principes peuvent susciter, ils me semblent rester la « porte d’entrée » principale d’une vision partagée de la vie en commun.

En ce sens, la limitation à un pour vingt des revenus que nous envisagions dans notre précédent « programme » me semble encore excessif, car ils correspondent, il me semble, hors revenus financiers, aux écarts conventionnels actuels entre les salariés. Et dans la mesure ou la priorité devrait être au relèvement massif des bas revenus, et de façon légèrement différenciée, hors et dans le travail, revenir à une proportion de un pour cinq à six permettrait de satisfaire beaucoup plus de gens honnêtes qu’il ne produirait de mécontents à l’autre pôle!

 

b) Des Services Publics nombreux, aux missions à élargir en fonction des débats publics et citoyens. Ce sont ces missions qui aujourd’hui, souffrent le plus de l’abandon du sens commun à l’avantage des calculs égoïstes. Il s’agirait de mettre un terme à tous les abandons et ségrégations territoriales qui concernent la santé, l’éducation, les transports, les communications, le sport, l’enfance, la culture, y compris la sécurité et la justice. Mais il faudrait les étendre, entre autres en matière de logement ou de revenu minimum universel, dans le sens simultané d’un élargissement du principe de gratuité, que l’ont pourrait progressivement appliquer à tous les élément fondateurs de la vie en commun. Car, contrairement à ce qu’affirmait un Nicolas Sarkozy : dans la dialectique des droits et devoirs, ce ne sont pas les devoirs qui doivent conditionner l’accès à des droits, mais l’exercice de droits largement et même universellement partagés qui peuvent donner un nouvel essor à l’exercice commun de la responsabilité!

 

 

2) à partir de qui rassembler ?

Naguère, nous confions à la « Classe ouvrière » la mission, et de se libérer elle-même, et de se poser en force motrice d’un mouvement d’ensemble de la société. Depuis, les lieux de production se sont massivement déplacés et émiettés sur des territoires extérieurs, en direction de la main-d’œuvre la plus corvéable, et la France, plus encore que ses voisins développés, s’est appuyée sur les bouleversements informationnels pour se spécialiser dans une « tertiarisation » plus propice à assurer notre place dans les hégémonies du Monde, comme à « flouter » les frontières d’un rassemblement des « producteurs de richesses ». Elle l’a fait et continue de le faire, au prix d’abandons massifs d’atouts et de compétences industrielles essentielles à la vie de tous, du développement chronique du chômage, et d’une véritable déstabilisation des territoires.

La perte de substance touche massivement aussi les anciennes capacités populaires de résistance et de solidarité.

Et certaines « différences culturelles » liées à l’origine de chacun et l’ancienneté de leur admission sur le territoire ressurgissent comme autant de divisions potentielles. Ayons ici en tête que, si « l’unité de la classe  ouvrière » s’est construite dans de rudes combats toujours recommencés, et dans des périodes où elle se sentait collectivement utile à l’essor du pays, ses divisions ne datent pas d’aujourd’hui. L’immigré n’a été admis que parce qu’il venait remplacer ou aider le collègue dans la tâche la plus dure et la plus subalterne. Dans cette crise de « déni de production » dans laquelle les dominants nous plongent, « l’autre » est, plus qu’auparavant, vécu comme un concurrent que comme un allier ou un camarade, et la conscience d’appartenir à une même communauté d’intérêts s’est délitée.

Mais, pour plus complexes qu’ils soient, ces enjeux ne restent pas moins décisifs. Si la « mondialisation capitaliste » et les transferts de lieux de production appellent à une nouvelle « mondialité des solidarités », elles ne nous dispensent pas de l’effort de préservation et de déploiement des « humaines ressources » dont nous disposons et dont nous avons besoin. La France n’a toujours « pas de pétrole », mais elle a d’immenses atouts ! En richesses et ressources matérielles, ainsi qu’en savoirs- faire et savoirs ! Elle reste un, sinon le pays où la productivité horaire est la plus élevée.

Et si des solidarités restent à réinventer, elles sont de l’ordre de l’échange d’une myriade de compétences possibles en terme de formation et de mises en commun, à partir des besoins réels des populations et d’une préservation des entités territoriales, plutôt que l’état de fait actuel. Les migrations de la survie se cognent, toujours plus nombreuses, sur les murs de nos égoïsmes, pendant que le capital circule partout sans passeports, à la microseconde près, à l’affût de l’affaire la plus juteuse.

Nous avons donc, il me semble, une responsabilité propre à faire grandir la conscience, à la fois de la nécessaire valorisation du travail productif au sens moderne du terme - sans surtout négliger les activités agricoles - et d’un recentrage de cette fonction vitale sur l’ensemble de nos territoires, compatible avec de saines coopérations.

« Vivre et travailler » au Pays, disions-nous ! Les données ont sans doute changé, mais la grande manipulation reste du côté de ceux qui nous font croire que n’importe quelle production courante a besoin de faire le tour du Monde avant de nous revenir comme produit consommable.

 

3) Décider au travail.

Une « classe sociale » ne peut se libérer que dans la mesure où elle a conscience d’elle-même, et la notion de « salariat » ne peut, à mon sens, suffire à rendre compte de la question de la production de marchandises, et de leur destination, soit soumise à la spéculation et les dépenses futiles, soit vers la satisfaction raisonnable des besoins individuels et collectifs.

Car, derrière cet attendu, toutes les questions sont posées: quelle est l’utilité du travail ? Dans la production de « plus-value », quelle part de la valeur est-elle utilisée à des activités et métiers utiles, et quelle part à des rôles et missions secondaires ou même parasitaires? Qui décide de ces conditions comme de ses finalités ? Comment faire évoluer les compétences en continu avec l’organisation de la production ? Quelle intelligence collective au service d’une réduction du temps de travail contraint ? Hors la recherche immédiate d’un « marché », quels besoins de consommation et aspirations légitimes une production vient-elle satisfaire, sans les réduire ni les séduire? Avant même de la lancer, comment intégrer sans pression financière à court terme, les exigences éthiques ou écologiques qu’elle requiert ? Quelles synergies d’activités diverses impulser au sein d’un même territoire ? La « production de valeur » est-elle le fait des seules entreprises à vocation privée, ou n’est-elle pas partagées par une partie de ce que l’on nomme les « Services Publics » et ce qu’il reste d’entreprises publiques ? Et dans ce cas, peut-on imaginer une autre logique que « toujours plus d’impôts pour plus de Services au Public » ?

Et enfin, si la notion de « démocratie » a un sens, on voit bien que sans le traitement largement partagé, au sein même des procès de travail, de toutes ces problématiques qui conditionnent notre quotidien, notre liberté d’agir est bien limitée, « formelle » disions-nous !

Mais ne nous cachons pas l’audace d’une telle conception de la vie au travail. Si la formule du « rôle dirigeant de la classe ouvrière et de ses alliés » a porté par le passé de fortes motivations collectives, elle n’a encore nulle part été authentiquement appliquée. Certes, il reste incontournable que libérer notre société de tous les avatars de l’enrichissement personnel et des relations ataviques aux pouvoirs passe par le rassemblement de tous ceux qui n’ont « que leur force de travail » à défendre. Mais devenir les décideurs du « commun » à la place des décideurs du « calcul égoïste » ne peut passer que par des processus multiples d’expériences et de prises de confiance collective, jusqu’au renversement radical de toutes les hiérarchies sociales acquises.

 

4) La question de la propriété et/ou de nouveaux critères de gestion.

Cette préoccupation découle de la précédente. Avec d’autres formations, peut-être « plus à gauche », nous avons toujours fait valoir le lien indissociable entre essor des forces productives et limites d’un mode de production qui, selon qu’il les organise ou les disperse, peuvent le conduire à sa maturité comme à son délitement. Le mouvement inhérent au Capital a connu, ces toutes dernières années, des évolutions spectaculaires qui exacerbent sa tendance profonde d’assujettissement d’une part toujours plus grande des populations à sa soif de profits immédiats.

Les années d’après-guerre et le Conseil National de la Résistance nous avaient conduits à inscrire durablement dans notre culture politique l’idée que de fortes nationalisations épaulées par des missions de bien public comme l’enseignement, l’éducation, les communications, les transports, la santé, la Culture, seraient à la source même de la cohérence sociale et de l’essor productif de notre pays.

Le travail de définition d’un Programme Commun de Gouvernement, dès la fin des années 60, avec le Parti Socialiste et d’autres forces dites de Gauche, était ancré dans la même logique. Jusqu’au début des années 2000, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour faire prévaloir la logique que ce programme contenait. Depuis le « plan Maurois » de rigueur, dès mars1983, et les abandons successifs de la « Gauche de gouvernement », en alternance avec une droite toujours plus radicale, nous avons peu à peu moins pesé dans la balance en faveur d’une évolution positive des politiques de gauche. L’expérience dite de la « Gauche Plurielle, de 1997 à 2002, fut la plus signifiante de ce discrédit. Pris dans la difficulté de faire entendre notre voix, nous défendions malgré tout, encore la notion d’une « économie mixte à prédominance sociale et publique ».

L’élection de jacques Chirac et le retour de la Droite en 2002 a coupé court à l’expérience.

Plus affaiblis que jamais, et face notamment au relatif bon score du NPA, nous avons cherché à construire à gauche sur de nouvelles bases. Et nous en avons tiré au moins deux leçons : le primat de l’essor d’un mouvement populaire et citoyen pour garantir l’élaboration et la préservation de conquêtes sociales durables, et un travail propre à notre organisation pour mieux comprendre les évolutions du mouvement du Capital et ses crises, et ce que cela implique de nécessaire appréhension des questions économiques.

Dès lors, un peu plus éloignés de l’idée d’un « seuil minimum de nationalisations », plutôt vécues comme des « étatisations » que comme capables d’impulser une autre logique, nous n’avons plus fait de la question du transfert global de propriété qu’elles sous-tendent, du privé vers le public ou le social, une question primordiale.

La campagne présidentielle de 2012, avec notre candidat « Front de Gauche », a surtout relancé l’idée qu’une « politique de la demande » était préférable à une « politique de l’offre », mais sans poser de nouveau frontalement la question des transferts de propriété. De notre côté, cette campagne a conforté les propositions nourries par notre secteur économique : passage partiel au public par la définition d’un pôle public bancaire, d’un pôle public du médicament ou de l’énergie, de fonds publics, du local jusqu’au niveau européen, orientés vers la promotion de critères sociétaux et environnementaux, d’une mise en cause de l’indépendance de la banque centrale européenne, etc …

Pour les défendre sans réticence, je ne nie pas l’opportunité de ces propositions ni l’intérêt qu’elles peuvent susciter. Mais il me semble que nous avons cédé sur l’essentiel. Parce qu’il nous apparaissait désormais hors de portée, n’avons-nous pas défini ces mesures, à la place, plutôt que comme un complément, à celles qui nourrissait antérieurement notre politique?

Certes, nous ne pouvons nous passer de l’expérience que font les gens eux-mêmes des avancées ou des reculs de la politique, ni nous dispenser d’une sorte de culture de l’accompagnement. Mais, après l’expérience de nationalisations/étatisations au diapason de plan de rigueurs successifs pour les salariés, n’est-ce pas le bilan globalement négatif des privatisations, et de l’imposition de critères de rentabilité financière auprès d’un secteur public résiduel, qui est à tirer ?

Ils ont séparé les Postes des Télécommunications, et aujourd’hui La Poste fonctionne comme une entreprise privée et déchoie à ses missions selon que l’on est bien situé ou ségrégué dans son territoire ! Pendant ce temps, les entreprises de téléphonie fleurissent et prospèrent au gré de la demande, mais sans aucune considération pour l’égalité territoriale! La SNCF, depuis la séparation des services du rail et du transport, abandonne la plupart des lignes utiles à son réseau et réserve ses grandes lignes à une clientèle aisée à riche ! Le prix de l’énergie est de plus en plus tributaire du prix du pétrole, et la protection des consommateurs modestes n’est plus assurées.

 

Par ailleurs, nous évoquons la question de la création de « nouveaux droits » dans l’entreprise ; ne faudrait-il pas avancer avec précision sur cette idée ? N’est-ce pas différent selon que l’entreprise est publique ou privé, voire « sociale et solidaire », selon sa taille, selon les missions qu’elle se donne ? Et, plus loin encore, la possibilité pour les salariés de prendre part de façon directe aux choix de gestion ? À part la nécessaire responsabilité des banques, n’est-il pas temps pour les travailleurs de veiller eux-mêmes sur les richesses et les productions générées par leur travail, de faire pièce au pouvoir impersonnel des actionnaires, pour tendre à leur autogestion, faisant ainsi place à un partage des richesses crées, plutôt qu’à leur seule redistribution par l’impôt?

Le patronat et les dominants ont conforté leurs pouvoirs sur l’illusion qu’ils étaient seuls maîtres à bord, à gérer en intelligence et définitivement, à la place des salariés. La conquête de quelques avantages sociaux ne peut suffire, si un véritable transfert de pouvoirs et de compétences ne commence à s’exercer. La difficulté présente majeure est certes dans ce bras de fer contre une « Loi du Travail » qui tend à écarter chaque salarié de la velléité d’un tel exercice partagé des responsabilités, et de la « prise de confiance » collective qu’elle encouragerait. Mais l’aspiration montante à une sécurité et un respect du travail rassemble d’emblée une part de la jeunesse et du monde salarié. La volonté de chacun de ne plus être le jouet des fantaisies patronales et de prendre sa vie en main est aujourd’hui prometteuse.

Et plus globalement : sans revenir à la notion de « seuil minimum de nationalisations » et aux vains efforts de « négociation par le haut » auxquels elles restent attachées, la question de la somme de réalisations à entreprendre, ne serait-ce que pour penser « tous ensemble » une authentique alternative, et engager ainsi un processus de conquêtes tangibles, me semble incontournable. Il faudra bien que quelque chose se construise qui un jour engage un progrès véritable de l’ensemble de notre société ! Et ce « quelque chose », c’est la prévalence du « commun » sur les intérêts privés dans tous les domaines. « L’avenir se construit au présent ! », disions-nous. Et la dynamique à entreprendre peut tenir entre l’affirmation de cette logique d’ensemble, et la déclinaison de tous les secteurs où elle s’avère immédiatement pertinente. 

 

Outre les domaines cités plus haut, d’autres peuvent retenir notre attention :

- l’idée est massivement partagée de la nécessité de la préservation de tout ce que relève des « Bien Commun ». Cela concerne l’accès à l’eau potable, à l’énergie, autant du côté des énergies fossiles que les énergies renouvelables. Pourquoi ne pas y associer l’idée, dans la logique d’une économie circulaire la collecte, la transformation et la requalification à prix coûtant des déchets, tous ainsi considérés comme nouvelle « matière première » à disposition de, et maîtrisée par la collectivité?

- l’ONU identifie désormais comme Droits Humains Fondamentaux tout ce qu’on peut identifier comme des manques à la subsistance élémentaire. Il ne sont pas que le fait des pays les plus pauvres, mais concernent la question du droit à la dignité d’une part croissante de nos populations, et qui pour l’instant dépend, plus du bon vouloir d’organisations humanitaires que de la responsabilité publique. Que de nouveaux Services (au) Public inventer pour y faire face !

- l’économie « sociale et solidaire » témoigne d’un dynamisme et d’un intérêt grandissant. N’est-ce pas le creuset d’expériences qui se démarquent volontairement des logiques dominantes actuelles ?

- Il apparaît de plus en plus vital de construire ou de reconstruire des filières industrielles sous contrôle public, face aux véritables dépeçages auxquels se sont livrés les divers prédateurs financiers, soutenus pas les gouvernants. Et ce contrôle doit pouvoir s’exercer, bien sûr à tous niveaux territoriaux, avec la volonté de rapprocher, d’une part les salariés eux-mêmes, et de l’autre les «usagers- consommateurs » et les élus qu’ils se donnent, des cœurs de décisions de l’entreprise.

- Les connaissances scientifiques concernent aujourd’hui des domaines excessivement variés. Depuis les microprocesseurs à l’usage de pesticides dans nos aliments, en passant par la marchandisation du médicament, la question de l’usage éthique et citoyen de ces connaissances est de plus en plus posé. Au delà des prérogatives de l’ancien CNRS, ne faudrait-il faire grandir une sorte d’Autorité Scientifique Globale, indépendante de tous lobbies financiers ou institutionnels, chargée d’impulser la recherche ou de faire le point sur les connaissances en tous domaines, et de prévenir autant que d’éventuellement interdire les risques d’exposition à des dangers sanitaires de toute sortes, depuis les pratiques industrielles jusqu’aux détails des produits de consommation? Et dans la foulée, prendre sur les gaspillages de la publicité, en la réduisant, de quoi réserver au consommateur citoyen les informations utiles à des dépenses et à un mode de vie raisonnables …

- Au delà du temps de travail salarié, le relatif temps libre dont nous disposons pourrait être mieux régulé en échappant à l’anarchie destructrice du chômage, et réduit encore, pour ne se concentrer que sur la satisfaction des besoins essentiels à tous. Car, dès aujourd’hui, depuis le travail domestique ou bricoleur, en passant par l’attention à porter à ses proches, jusqu’à une profusion d’activités à caractère associatif, le temps libre utilement employé est un élément indispensable à la cohésion sociale. De même la part invisible mais de plus en plus importante de travail gratuit résultant de la surexploitation du travail vivant, et aux gains de productivité de la « révolution informationnelle » et de l’automation, crée les bases d’une réduction des tâches attachées au seul travail salarié, et pourrait se déployer dans des formes de coopérations nouvelles dont nous ne voyions aujourd’hui que les prémisses !

Ainsi, les gains de temps libre ne sont pas assimilables à du temps vide, mais à du temps gagné pour inventer toutes sortes de sociabilités nouvelles au service d’activités authentiquement productives mais réciproquement généreuses et gratuites, et qui échappent aux contraintes du « marché »! Plus encore : ces activités, justifiées par leur utilité, peuvent se concentrer immédiatement sur les contenus qui rassemblent leurs acteurs, plutôt que sur des conditions de réalisation contraignantes. Elles participent à interroger l’ensemble des pratiques sociales, et par retour, les pertinences du travail contraint. On voit ici, par exemple, à quel point le risque d’un allongement du « temps de vie libre et en bonne santé » lié à l’âge officiel de la retraite participait peut-être plus encore, pour les forces de l’argent, d’une hantise sur un « nouveau sens de la vie » qu’elle permettait que la seule crainte sur leurs profits immédiats.

 

5) La sécurité, dans et hors du travail contraint :

L’une de nos visées les plus en phase avec l’exigence d’une vie digne pour chacun est cette proposition de « sécurité d’emploi et de formation ». Elle contredit toutes les orientations actuelles qui font de la précarité la règle. Mais, portée sous d’autres acceptions par le monde syndical (« sécurité sociale professionnelle ») ou certains économistes (avec le « salaire à vie » ou celle d’un « revenu minimum universel »), elle reste une réponse fondamentale aux exigences modernes de la vie d’aujourd’hui. Mais l’on doit, pour enfin la faire avancer, balayer les objections qu’elle suscite. Elles sont à mon avis de deux ordres : les moyens économique de sa pérennité et la dimension « morale », et même « comportementale » qu’elle suppose.

Au plan économique, en effet, en quoi cette mesure audacieuse dispenserait telle ou telle entreprise de licencier à tout va dès lors que la responsabilité de la charge d’un salarié serait assurée et protégée par l’Etat? Quels moyens publics devrait-il mettre en œuvre pour assurer cette mission ? Et avec elle la démultiplication des tâches de formation en moyens financiers, mais aussi en moyens humains de «formations de formateur »? Et par ailleurs, dès lors que le temps passé au travail ne relèverait peut-être plus d’une contrainte, même réduite, ne risquerions-nous par d’assister un déséquilibre entre ces deux aspects, dès lors que l’un apparaîtra comme plus souple que l’autre ?

J’esquisse une réponse personnelle à ces questions: tout d’abord, l’argent ne manque pas. À ma connaissance, l’actuel coût du capital par rapport à l’ensemble des richesses produites est de l’ordre de 30%. Il y a de quoi investir, dès lors qu’on accepte de « prendre l’argent où il est »! Il faudrait également appliquer conjointement à l’égard de toutes les entreprises des critères de gestion stricts : une modulation des aides publiques en fonction de la pérennité des emplois, du respect de normes environnementales ou de la santé au travail, de la relation entre les niveaux de salaires et les rémunérations… Et il existe déjà un modèle pérenne à cette volonté : le statut de la Fonction Publique. L’absentéisme y est, là comme ailleurs, contrôlé, mais y est, quoi qu’on dise, moins fort que dans le privé, et le droit à la formation, même restreinte, est un droit intégré au temps de travail qui participe du droit à la qualification de chacun. De même le statut sans cesse raboté des intermittents du spectacle, qui requiert, au delà d’un légitime rééquilibrage des revenus d’artistes, tant de travail invisible avant de paraître à tous, et engage néanmoins de façon si forte toute la personnalité du sujet!

Et concernant la formation, pourquoi ne pas mieux puiser dans les effectifs existants pour aider les salariés les plus qualifiés sur telle ou telle mission à transmettre à leur mesure leurs compétences? La pratique de l’apprentissage, faute de formations scolaires de haut niveau, était générale et palliait autrefois à moult besoins d’adaptation de la main-d’oeuvre aux métiers proposés.

Enfin, il me semble décisif de comprendre que la motivation au travail ou à la formation ne relève pas, et de loin, de la seule gratification par la rémunération directe ou mutualisée. La relation au travail est l’outil principal de la socialisation de chacun, de son intégration dans des processus de coresponsabilité qui permettent que l’on existe pour soi dès lors que l’on existe pour les autres. Ce n’est donc pas le risque de le perdre qui nous fait nous impliquer au travail, mais le droit et éventuellement le plaisir d’en partager les finalités! Admettre ces données serait nous faire faire à tous un véritable bon d’humanité !

 

Il résulte de ces quatre paragraphes une nécessité évidente, celui de recentrer, progressivement mais sûrement, l’essentiel de notre combat « à l’entreprise ! »

 

6) À propos de la prudence à produire et à consommer.

L’exigence écologique est devenue incontournable des préoccupations du quotidien comme des critères d’évaluation du politique. Elle doit donc devenir plus encore une donnée permanente de nos propres choix. Mais, participant de craintes, la plupart légitimes, celles-ci ne sont pas, toutes, bonnes conseillères, et autorisent, notamment du côté des forces qui se réclament de la notion, des atermoiements politiques difficilement tenables!

Nous le savons, dans la mesure ou l’accroissement des capacités de production marche d’un même pas avec les capacités de destruction, nous devons prendre ces questions avec d’autant plus d’esprit de responsabilité ! Mais avec la rationalité d’une sorte de « hiérarchie des normes ».

Le danger majeur, même s’il est déjà vécu de façon très différencié selon les régions du monde, est celui du réchauffement climatique. Il impacte notre façon de produire de l’énergie comme les modes de consommation afférente. Chacun proclame l’urgence de la transition énergétique, pour immédiatement la détourner de ce qui fait principalement problème. Et même du côté de nos « partenaires » du Front – électoral – de Gauche. De Clémentine Autain à Jean-Luc Mélenchon, la seule option présentée tient dans l’opposition entre énergies renouvelables et énergies fossiles. Chacun est prêt, ainsi que l’a fait le Parti Socialiste auprès de la Mouvance Verte, à brader la question: pour l’heure le danger central tient dans l’expansion de l’usage des énergies carbonées que sont le charbon ou le pétrole , et désormais, le gaz de schiste. L’usage encore majoritaire de l’énergie nucléaire en France fait de notre pays le moins responsable de la dette carbone , entre les pays européens, quand il place l’Allemagne en tête. Tout en contribuant ainsi à interdire l’accès des pays dits « en voie de développement » à une énergie dont seuls bénéficient les plus puissants, nous retardons d’autant plus la prise de responsabilité collective radicale qu’un abord plus raisonné de la question autoriserait !

Certes, tous les morts immédiats et successifs de Tchernobyl, immédiats de Fukushima sont des morts de trop ! Comme le furent plus encore les génocides programmés d’Hiroshima et Nagasaki (merci l’Oncle Sam’)!

Mais, à ma connaissance, le nucléaire français s’est développé sur d’autre bases. La question des déchets n’est certes, pour l’instant, résoluble que dans leur enfouissement, et le « parc » des centrales souffre d’un vieillissement qui nous met devant une nouvelle croisée des chemins, mais la filière reste fiable et il est temps, il me semble, plutôt de veiller à sa modernisation qu’à sa disparition pure et simple!

Je suis totalement favorable à la préservation et à l’encouragement de la recherche du côté des énergies renouvelables, et notamment des plus pérennes : la « houille blanche » ou la force des marées, car le solaire ou l’éolien n’y suffiront pas! Et, faute de solution viable à court terme, et d’un contrôle citoyen suffisant, ce sont aujourd’hui les énergies carbonées qui « exponentialisent » ce risque mondial de … montée des eaux -concomitant des reculs de l’accès .. à l’eau potable -, de fonte des pôles, d’anarchie climatique, de poussées migratoires de plus en plus massives du côté des calcinés de la sécheresse et de la misère … Ne participons pas de l’invisibilité des problèmes les plus vitaux en cédant au court-termisme d’enjeux électoraux immédiats!

 

Quant par ailleurs, les visions dominantes nous évitent d’aborder en lucidité des questions qui n’affleurent encore nulle part. Je pense par exemple aux questions démographiques, qui sont une autre façon tout aussi actuelle d’envisager notre relation globale à la « Terre-Patrie » ! Je pose ici discrètement la question : la question de la contraception et du contrôle des naissances a été et reste, dans nos pays dits développés, le champ d’affrontements idéologiques d’ampleur, en voie d’être surmontés. Mais la terre est ronde, et irons-nous vers un dépassement des dix milliards d’êtres humains sans commencer à aborder ce champ d’action comme un terrain éminemment politique ??... Affaire à suivre …

 

Bien sûr, les problèmes multiples, d’une agriculture responsable, de la pollution des villes, du droit, sinon au « bio pour tous », à celui d’une consommation saine et maîtrisée, de la lutte, au-delà de « l’obsolescence programmée » des marchandises, pour leur intégration dans une économie circulaire soutenable, d’une économie des énergies ancrées sur leur relation aux besoins sociaux, du recul inquiétant, sur Terre comme dans les océans, de la biodiversité, restent des urgences de l’heure. Sachons les aborder sans attendre, et dans un sens proportionné de nos responsabilités citoyennes !

 

 

7) Quelle sens à l’éducation?

Chargé moi-même « d’éducation », et peut-être grâce au volet artistique qui m’emploie, j’ai une vision un peu décalée vis-à-vis de la notion de « réussite à l’école pour tous ».

Le sentiment et la réalité de l’échec scolaire sont tels aujourd’hui que, tout jeunes, nos enfants sont soumis à un stress de la réussite, sans quoi « pas d’avenir »! Nous avons dénoncé avec détermination, par exemple, la volonté de la droite de ramener la scolarité obligatoire, je crois, à un âge inférieure à 16 ans, et de même, interrogé, derrière le leurre des « rythmes scolaires », la volonté de la fausse gauche de faire payer par les collectivités le choix d’options considérées comme secondaires, voire facultatives, ajoutant ainsi de la ségrégation territoriale à celles déjà existantes.

Mais, adepte d’un Célestin Freinet (« communiste » génial, mais déplorablement « exclu du Parti », en son temps), je pense que nous devons nous attacher à revoir de fond en comble la question des contenus de l’enseignement. Petit fils d’ouvrier, j’ai toujours constaté la myriade , non seulement de « savoirs », mais de « savoir-faire » dont la société est porteuse. Les hiérarchies institutionnelles restent entièrement organisées autour de l’adaptation prioritaire des dominants à une certaine idée de la pyramide des connaissances. On aura beau faire : la « réussite à l’école » reste attachée, et de plus en plus, à la condition de « sortie de sa classe sociale » pour accéder à une dignité durable. Le montre avec une incroyable crudité l’admirable film sorti récemment et à une heure très tardive sur une chaîne publique, sur la « classe ouvrière » du Nord de la France. Nous ne sortirons pas de ce dilemme sans accorder au « travail vivant » toute la dignité qu’il mérite, ni sans une mise en cause radicale de toutes les hiérarchies des connaissances, depuis la valorisation des doubles cultures dont sont porteurs nos hôtes émigrés, à l’établissement d’un droit à la « philosophie pour tous », dès l’âge de raison!

Et il s’agira dans la foulée d’accorder autant d’attention à l’apport de connaissances « par en haut », telle que les prodiguent les pratiques dominantes, qu’au développement de curiosités collectives que l’enfant sait déployer dans ses jeux, avant qu’elles ne soient bridées par l’éducation.

 

 

8)Paradoxe de la démocratie représentative et accès à la citoyenneté.

Thème de plus en plus assumé dans notre action quotidienne, porté par ce qu’il y a de plus fondateur depuis la Révolution française, la notion de « citoyenneté » ne va toujours pas de soi. À l’origine, la production des « cahiers de doléance », puis la convocation des « Etats Généraux » avait, non seulement permis une mise en cause définitive de tout pouvoir de « Droit Divin », mais conféré à l’apparition de notre République la responsabilité d’un nouvel ordre, basé sur l’élection de représentants ne devant leur légitimité qu’à l’exercice d’une souveraineté populaire en actes.

Depuis lors, et notamment depuis l’invention de la 5e République, ses valeurs fondatrices ont été sans cesse détournées au profit d’une adaptation de plus en plus rétrécie des institutions au service d’une caste prédatrice dirigeante, influençant de ses mœurs « court-termistes » une bonne part de nos concitoyens. Et nous agissons, en quelque sorte, pour remettre ces valeurs à l’endroit!

Notre difficulté réside évidemment dans les préjugés tenaces à notre encontre, évoqués plus haut, mais plus encore dans l’effort pour faire grandir une nouvelle forme de citoyenneté basée sur la coresponsabilité permanente de tous sur tous les aspects de la vie en commun.

Nous le savons, toute tentative qui nous priverait de la possibilité d’élire des représentants serait à juste titre assimilée à une dictature. On ne peut s’en passer, mais nous vivons un paradoxe ressenti toujours plus fortement d’élections en élections : lorsque la droite vient au pouvoir, moins élue par les milieux populaires que par la bourgeoisie, elle attire contre elle, souvent, des résistances plus résolues. Lorsque c’est le tour de la gauche, la « paix sociale » est la plupart du temps plus forte, et ce sont souvent les forces rétrogrades qui tiennent le haut du pavé! Il est vrai, les récentes et espérons, prochaines manifestations dérogent à cette règle consensuelle, et nous assistons aux premières manifestations populaires d’ampleur contre un gouvernement qui a failli à des promesses « de gauche ». Mais nous ne sommes pas sortis de l’auberge, et la tâche la plus urgente de l’heure est bien, au moins à partir du périmètre des opposants actuels à la Loi Travail, d’entrer dans une démarche partagée, mettant la question de la Sécurité de tous au centre d’une défense d’un Code du Travail plus protecteur encore que celui d’origine, donc d’une sécurisation de tous les parcours professionnels. Et au-delà de l’urgence, de commencer à tisser une tout autre relation entre « mouvement social » et forces politiques qui ne tiennent leurs objectifs que de projets élaborés en commun, et soutenus sur la durée par des forces vives et majoritaires.

Certains évoquent dans la perspective de la prochaine élection la construction d’Etats généraux de la Transformation Sociale, vers la Constitution d’un nouveau «Front populaire » de la Gauche. Mais, hors ce moment de possible réinvestissement de la politique, concomitant de celui d’aggravation des risques de rejet dans l’abstention, ou de divisions dans le vote xénophobe, personne à notre place ne mettra à l’ordre du jour de l’actualité la question de l’invention d’une « 6e République ». Cette notion ne peut se réduire à la seule possibilité de révocation des élus, mais contribuer en effet, dans tous les sens, à une sorte de « déprofessionnalisation » de la politique. Nous ne pouvons compter que sur notre résolution pour mettre en place une sorte de campagne permanente, insistant sur les formes à inventer d’expression de « démocratie directe » ne se donnant que les formes de représentation aptes à la faire vivre, et notamment vis-à-vis de tous ceux qui sont encore aujourd’hui privés de citoyenneté comme de liberté d’agir à égalité. Je pense à quelques aspects non exhaustifs :

- retour à la « proportionnelle » pour toutes les élections, seule garante de l’universalité du suffrage

- inversion du calendrier électoral, donnant la primauté au parlement, et pourquoi pas, renonçant à l’élection du président de la République au suffrage universel, mais en la rendant tributaire de la volonté majoritaire de l’Assemblée Nationale ou même du Congrès.

- renoncement à l’élection au suffrage indirecte du Sénat, et transformation de ses missions, au service de l’initiative citoyenne,

- élargissement des prérogatives des collectivités les plus proches de l’intervention populaire, et d’abord la Commune,

- de celles de la Souveraineté nationale sur les décisions de l’Europe,

- ouverture du droit de vote local et européen à tous les ressortissants,

- création de lieux permanents d’expression populaires, de l’entreprise à la localité comme des lieux de co-responsabilité entre ces deux instances …

 

9) Refuser l’intolérable.

Il fut un temps où s’opposer à des expulsions locatives ou participer à l’occupation d’une entreprise en lutte étaient des actions vécues par nos soutiens comme des marqueurs de l’action des communistes. De même nous avons fait remplir des centaines de milliers de pages de « cahiers de la misère et de l’espoir» lorsqu’il s’agissait de décliner des urgences pour la construction d’une gauche digne de ce nom, et lorsque l’accès à un gouvernement du « programme commun » devenait probable. Aujourd’hui, les « pauvres » prolifèrent un peu plus et sont traités en invisibles, et les exilés apatrides se cognent aux murs des cynismes d’Etat. Je n’ai pas la proposition immédiate qui permettrait de résister au mieux à cet inacceptable. Il est de généreux combattants de ces causes, notamment ceux qui, à Calais sont sur le terrain auprès des sans logement, sans toit, sans soins, sans éducation, et même « sans nom ». Les démarches caritatives, voire humanitaires ne peuvent suffire, et notre réengagement vis-à-vis des causes les plus sensibles ne devrait en rien céder à la fatalité du moment! Les interpellations d’un Charlie Chaplin avec « La ruée vers l’or » ou la pièce plus récente d’une Ariane Mnouchkine sur les migrants n’ont pas encore trouvé réponse : il n’y toujours pas de pays pour les pauvres!

Mais il y a des actions possibles, et des réponses politiques à travailler, notamment sur les nouveaux enjeux de solidarités entre les peuples, sans jamais considérer ces questions, qui taraudent parfois dans le plus mauvais sens les mentalités, comme secondes dans la perspective que nous voulons tracer !

 

 

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10) Notre symbolique.

Si la notion de Communisme reste attachée à des formes révolues de « pouvoir sur la société », la question de faire émerger des formes nouvelles de « mise en commun » transparaît par « tous ses pores ». Et avec elles la question sans cesse recommencée d’une mise en mouvement populaire majoritaire autour de valeurs partagées. En ce sens, il n’y a pas de petites initiatives, toutes celles qui vont dans le sens de rapports de collaboration plutôt que de domination ou de rapine sont les bienvenues.

Et il y a dans ces relations de co-construction quelque chose qui se démarque de l’idée d’un grand chambardement préalable. Nous avons, lors de notre Histoire, accumulé nombre de richesses, qui pour certaines, une fois passées de mains privées au Bien Commun, sont considérées comme le patrimoine de tous. C’est bien cette notion de « Patrimoine de l’Humanité », incluant la protection des humains, que nous avons aujourd’hui à faire grandir. Il y a dorénavant un déplacement des « valeurs ». Ce n’est plus la Révolution contre le Conservatisme qui doit finir par triompher, mais le Bien Commun, incluant toute l’Humanité dans la singularité de ses milliards de figures, contre les forces de la destruction qui noient aujourd’hui plus encore la société elle-même dans «les eaux glacées du calcul égoïste ». La belle Ville de Saint-Denis que j’habite est riche de cet aspect patrimonial, auquel il « suffirait » d’ajouter un égal accès aux ressources matérielles comme de l’intelligence pour la rendre franchement vivable!

Et la quantité de richesses accumulées est telle que la question n’est plus tant de s’acharner à accroître « leur quantité » que de veiller ensemble à leur « qualité » au service du partage, et non de leur confiscation. Il y a là place pour une perspective apaisée, et franchement égalitaire, ou les conflits et insécurités qui pourrissent le quotidien trouveraient des solutions enfin durables !

Et j’effleure ici, il me semble, un point nodal de notre « culture communiste »: l’idée que la « lutte des classes » a été jusqu’à ce jour le moteur de l’histoire » n’a pas pris une ride, depuis que Karl Marx et son meilleur ami ont énoncé cette vérité centrale. Mais que nous en ayons conscience n’en fait pas de nous des adeptes « ad vitam eternam » de la lutte pour la lutte! Au contraire, c’est bien à travers l’idée que cette lutte contient déjà en elle l’idée de son dépassement que nous apprendrons à nous débarrasser, sans retour en arrière possibles, de toute forme d’exploitation et d’aliénation. Le « combat pour la Paix » que porte le mouvement du même nom est, par exemple une expression implicite de cette réalité matérielle. Si l’idée que l’issue réelle au capitalisme n’a pas d’autre forme possible que sa négation radicale, elle implique la construction au présent de formes de citoyenneté « apaisées » qui contiennent cette négation. Cette altérité se nomme Démocratie, Humanité, Partage, Paix, Commun, Citoyenneté, etc..

Faire vivre au quotidien des pratiques citoyennes et démocratiques pour les étendre progressivement à tous les domaines, et à commencer par les lieux où elles manquent le plus, là est notre tâche fondamentale.

Pardonnez l’expression, mais cette responsabilité assumée fait de nous avant tout des « impulseurs », plus que des « dirigeants », car il s’agit, comme nous l’affirmions à ce si déterminant XXIIe congrès de février 1976, de considérer « la démocratie comme but et comme moyen » de notre démarche, et porte en elle notre raison d’être comme force politique.

Et dans ce processus de conquêtes possibles, nul besoin désormais d’envisager « d’étape préalable ». Elle porta le nom de « démocratie avancée ouvrant la voie au socialisme » avec le « manifeste de Champigny ». Et les « socialisme réel » était déjà pensé par nous comme une sorte d’étape au communisme. Il s’agit de faire grandir dans notre formation sociale des formes d’appropriations sociales et publiques qui contredisent d’emblée l’usage privé ou abusif de la force « du travail et de la création ». Quel plus bel exemple que celui qui, à la Libération partit du principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » pour inventer la Sécurité Sociale !

 

 

B- Une organisation de notre temps, au centre du nouveau projet

Venant ici en fin de parcours, la proposition que je viens formuler aurait pu, par la nouveauté qu’elle exprime, venir en tête. Mais elle découle précisément de toute la logique antérieure.

 

On ne peut nier les immenses capacités, avérées, du capitalisme à se ressourcer. Lénine voyait dans « l’impérialisme » sa forme ultime. Nous avions vu à notre tour le « capitalisme monopoliste d’Etat » comme voué à une contradiction indépassable, hors la radicalité d’un alternative systémique. Et aujourd’hui, le capitalisme mondialisé vit des crises sporadiques, les pays se réclamant encore du communisme jouent le jeu de la concurrence mondiale, et ce n’est qu’au cas par cas que des résistances apparaissent, durement contredites, comme en Amérique latine, par les forces rétrogrades qui se lèvent contre elles.

Sans doute, lorsque Lénine affirmait qu’une sorte de décrochage de ce système ne pouvait venir que d’un « maillon faible », n’avait-il, sur le moment, pas tord. La chose est moins sûre aujourd’hui car des certitudes craquent de toutes parts, aussi lourdes d’inquiétudes que porteuses de bonnes surprises.

De notre côté, nous ne prétendons pas deviner les obstacles nouveaux que nous aurons à surmonter, ni à quel rythme des transformations d’ampleur pourront intervenir. Mais nous avons acquis au moins trois certitudes :

 

1) Ce que nous appelons communisme n’est rien d’autre qu’un processus de démocratisation global de la société, jusqu’au dépassement de toutes les formes d’exploitation et d’aliénation. Il est l’advenue d’une véritable liberté pour chacun de déployer ses forces dans une utilité élargie au service des proches et de la collectivité, débarrassée des gênes et des inquiétudes comme des drames qui entachaient cette sorte de préhistoire de la survie et du chacun contre tous, que nous vivons toujours. Cette orientation centrale ne fera pas de nous, ni des seuls « humanistes », malgré le rôle si fédérateur que tient le journal « l’Humanité », ni des «généralistes », car la notion d’intérêt général, malgré sa portée, renvoie néanmoins à la cohabitation possible et durable entre intérêts de « classe » possiblement inconciliables. Peut-être le mot pourrait-il se passer de son « -isme », tant ce suffixe fait toujours système, mais nous ne saurions nous passer de l’idée, neuve comme le bonheur, du « Commun ! »

 

2) Ce sont « les masses qui font l’histoire », disait-il, et combien de Partis Communistes installés aux commandes ce sont ingéniés à le démentir ! Nous avons bien compris, et à nos dépens, que sans un processus profond, continu de conquêtes élaborées par le peuple lui-même, dont il serait et le promoteur et le garant, il n’y aura pas « d’issue systémique » à l’enfoncement dans les inégalités, aux risques guerriers et sécuritaires toujours recommencés, comme même à celui, encore négligé, d’un recul massif de civilisation dans notre rapport au Vivant et à la maison Terre-Mer. La mise en œuvre de l’intelligence et du travail utile de tous est requise ! Cela s’appelle la Démocratie.

 

3) Et cette relation à la Démocratie doit devenir plus vivante que jamais ; Elle doit dépasser les pièges que lui tend son caractère délégataire ou institutionnel, devenir une exigence populaire incontournable et permanente. Pour cela, un mouvement populaire permanent, conférant en toutes circonstance la primauté à la délibération et à l’action de tous et des plus concernés doit pouvoir se déployer, pour imposer sa souveraineté face aux pièges tendus des faux amis comme des vrais ennemis.

 

Et avant de revenir à ses trois valeurs, je tiens rappeler en trois mots sur quel parcours militant elles ont poussé : j’ai comme la plupart des nouveaux « vétérans » traversé moult évènements internes, dont je ne saurais me dédire, mais dont je mesure aujourd’hui la vanité, et même l’effet destructeur d’une crédibilité. Pour ne prendre que les exemples les plus discutables, et sans nier tous les justes combats menés ensemble :

J’ai

- vivement défendu la pérennité du « centralisme démocratique » en conférence fédérale de Paris,

- valorisé avec d’autres le débat inopiné sur « la morale » lorsque la vraie question lancée était celle de l’abandon de la notion de « dictature du prolétariat »,

- mouillé la chemise pour le « bilan globalement positif des pays socialistes » tandis que le château de cartes déjà s’effondrait,

- justifié le nécessaire « arrêt de l’immigration » tant que la « crise » perdurerait,

- trouvé de bonnes circonstances la nécessaire rénovation de l’arsenal nucléaire, tombée comme un cheveu sur la soupe de la direction de notre parti …

Et j’étais vécu par la plupart de mes camarades comme un militant fiable, durable, peut-être intelligent, et même « proche des ouvriers ». Mais lorsque, pris dans les contradictions de notre participation gouvernementale au premier gouvernement Mitterand, j’ai suggéré en conférence de section, pour éviter la prise en main des entreprises publiques par des commis de l’Etat, l’élection pure et simple de leurs dirigeants par les salariés eux-mêmes, un seul mandaté m’a suivi! Et le brave volontaire qui m’a répondu a utilisé un argument qui ne s’opposait en rien à ma proposition : « mais que fais-tu des usagers dans ce cas? », et a entraîné avec lui un vote massif contre cette proposition, à deux exceptions prêtes !! Sa pertinence peut sembler toujours discutable, mais cela m’a fait brutalement prendre conscience que, pris dans une logique consensuelle et « partidaire » que nous ne maîtrisions pas, toute proposition un peu originale, dès lors qu’elle n’émanait pas de la seule direction, était rejetée comme insignifiante.

 

Celle que je viens porter aujourd’hui, et que je ne prétends pas sans retouche possible, a subi au précédent congrès dans ma section, strictement le même sort. Elle part d’un constat simple. Au-delà du dépassement du « droit régalien » de l’Ancien Régime, l’usage et les mésusages des pouvoirs que confère le suffrage universel aux partis qui nous dominent nous a entraînés dans une sorte de crise de confiance qui fait désormais planer un doute majeur sur les formes acquises de la « démocratie représentative ». Il ne suffit pas de dire que, « hors des partis », c’est la dictature ! Car aujourd’hui, « avec les partis », c’est une vrai « dictature de l’argent » qui s’exerce en toute impunité et en toute impuissance. La notion de « classe politique » a remplacé celle de la « politique de classe ».

Et pour ce qui nous concerne, nous portons le double fardeau d’avoir participé de cette impuissance comme d’avoir nettement abusé des pouvoirs, là où « nous » l’avions principalement exercé. Pour mettre en accord la novation dont nous nous voulons porteurs, il nous faudrait enfin toucher à cet unanimisme, je dirais même à ce tabou, d’une organisation qui croirait pouvoir se contenter de quelques améliorations pour se survivre à elle-même, sans mettre en accord ses principes fondateurs et d’organisation avec le projet qu’elle entend promouvoir. Il ne s’agit pas de céder à une mode, mais de devenir la force, et d’entraînement, et de propositions que requiert cette nouvelle époque.

Que je sois le seul de ma section à proposer de nouveau, et conformément aux trois principes énoncés plus haut, que nous devenions le « Mouvement du Commun et de la Démocratie » en lieu et place du feu « Parti Communiste Français » ne me convainc pas du caractère aventureux de cette demande. Le danger serait plutôt celui d’une nouvelle crispation collective autour d’un bien qui nous est si cher, un « entre soi » immuable alors qu’autour de nous, tous les paradigmes ont changé. Bien sûr, rien ne nous dispense des efforts d’améliorations précises de l’existant dans le sens « horizontal », comme aussi « vertical ». Nous avons, par exemple, perdu de cette transparence utile entre les débats et choix d’actualité opérés par notre direction et leur appréhension par des réunions d’information auprès de tous les adhérents, même si nous avons gagné en acceptation de la pluralité des opinions et des initiatives.

Mais oui, le signal à donner et cet effort sur nous-même est comparable à ce qu’a été un congrès de Tours, parce que les changements dans le chemin à tracer sont au moins de même ampleur.

À la différence près qu’à l’époque, la participation de l’ex SFIO à « l’Union Sacrée » de la première guerre mondiale, son enfoncement dans la « collaboration de classe » qui a suivi, et l’événement de la Révolution d’octobre nous mettait dans un conflit qui nous obligeait à un choix radical. Aujourd’hui, si cet effort ne vient pas de nous-même, face à une érosion qui n’a pas tout à fait dit le mot de la fin, la franche renaissance ne pourra, à mon avis, avoir lieu ! Et au delà des conditions de notre survie politique, c’est la construction d’une vraie perspective de progrès qui en restera compromise !

 

Très fraternellement à chacun !

 

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