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Quelle société ? Quel développement - Jean-Pierre Israël - 75

Penser notre avenir en termes de croissance ou de décroissance enferme le débat et obère l'essentiel : dans quelle société voulons-nous vivre et de quel développement parlons-nous ?

Accroissement des inégalités, dérèglement climatique, raréfaction des ressources fossiles et des matières premières sont irréductibles à cette controverse. Par exemple, il est nécessaire de produire plus d'énergie au niveau mondial afin de permettre l'accès à ce produit vital dont tant de citoyens sur la planète sont privés, mais en intégrant la contrainte de la préservation du climat, la contrainte de la pollution minimale, la contrainte de l'économie des ressources, la contrainte d'une juste répartition. Va-t-on continuer à brûler du pétrole dans des moteurs à explosion ? Il faut investir considérablement dans la recherche et la production de véhicules propres (moteur à hydrogène, à air comprimé …), dans le stockage du CO2, dans le stockage de l'électricité. Investir massivement dans les énergies renouvelables, arrêter les essais nucléaires par simulation et lutter pour le désarmement nucléaire au plan international est urgent. Une priorité s'impose urgemment : la décroissance des émissions des gaz à effet des serre. En même temps, éviter les guerres qui visent toutes à l'accaparement des ressources, réduire les inégalités entre les peuples et entre les citoyens, alors qu'une minorité détient les richesses de la planète et s'accapare les fruits du travail exige de remplacer la recherche du profit capitaliste par la recherche de la satisfaction des besoins.

 

Quoi produire ? Comment le produire ? Selon quels critères ? Pourquoi et pour qui ?

 

La nécessité de produire différemment, de se poser la question de l'utilité sociale de la production en partant des besoins et la nécessité de se poser la question du développement comme devant permettre l'émancipation humaine et l'accomplissement de la personne, sont à prendre en compte dans chacune de nos activités.

 

Le travail – sa place, son rôle, sa nature, son écartèlement entre conception et réalisation, sa division entre ce qui relève de l'intellectuel et du manuel, son atomisation en tâches empêchant d'en appréhender le sens,… centre le débat. Il est au cœur du développement, englobé dans un concept compatible avec notre écosystème sans épuiser les ressources et générer des pollutions destructrices. Questionner notre mode de développement, c'est partir des besoins (qui ouvrent un débat à part entière), de l'appareil productif nécessaire pour les satisfaire, de la nature de la production dans un cadre durable, économe des ressources. C'est engager l'économie circulaire, l'écoconception ; mettre en place la formation initiale et continue des salariés (sécurité-emploi-formation) ; viser l'élévation du niveau de connaissances ; impulser la recherche , débattre de son rôle, de la maîtrise citoyenne de ses applications, de la place de la science dans la société ; développer l'accès de tous à la révolution numérique, avec les logiciels libres, les pate-formes collaboratives, développer les biens communs de l'humanité et leur gestion collective, développer l'économie sociale et solidaire avec les réseaux de coopératives ; développer l'appropriation sociale du système bancaire, la gestion démocratique et l'extension des services publics ; territorialiser l'économie : étape indispensable de la transition vers une économie écologique et équitable, croisement fondamental entre ESS et économie circulaire.

 

Structurer le débat en demandant de choisir son camp dans une opposition croissance-décroissance conduit à une impasse et nous fait passer à côté de l'essentiel. A l'échelle de la planète, nombre des exigences les plus basiques du développement humain sont loin d'être satisfaites. A titre d'exemple, les prévisions démographiques d'ici à 2050 et l'impérieuse nécessité de vaincre la faim et la pauvreté impliquent une forte croissance de la production alimentaire mondiale (+60 % dit la FAO) ainsi que de la production énergétique.

A l'inverse, il est indispensable qu'à cet horizon, bien des activités parasitaires aient connu une décroissance substantielle. C'est le cas des transports de marchandises sur des milliers de kilomètres engendrés par les logiques de délocalisation des productions et de dumping social, fiscal et environnemental. Ou celui des dépenses d'armement qu'impliquent les politiques de confrontation pour la captation impérialiste des richesses ou les stratégies de domination. C'est le cas également de « l'industrie » financière, dont la partie spéculative a pris le dessus au regard du financement de l'économie réelle et de la réponse aux besoins.

La croissance ou la décroissance dans le cadre du capitalisme ne permettra pas de sortir de la crise, le problème essentiel n'est pas l'augmentation ou la diminution du P.I.B. mais la satisfaction des besoins fondamentaux de l'humanité.

Le premier besoin c'est la paix ; au lieu de vendre des « Rafales » à l'Égypte on ferait mieux d'être en mesure de leur vendre des centrales solaires !

Se nourrir, se soigner, se loger, s'éduquer, se cultiver, se socialiser sont des besoins fondamentaux, et peut-être le plus important : avoir du temps libre pour une (ou plusieurs) libres activités ou inactivités, quelles qu'elles soient ! Par contre, la possession d'une voiture ou d'un téléphone portable ne sont pas des besoins fondamentaux !

 

On ne peut changer les rapports êtres humains-nature qu'en changeant simultanément les rapports entre les êtres humains. Il faut une transition révolutionnaire, matérielle et culturelle, vers un système productif qui viserait les valeurs d'usage et non plus les valeurs marchandes. Comment avancer dans cette voie ? Deux axes, liés entre eux, nécessitent, me semble-t-il, une prise en compte plus complète dans notre projet : l’économie sociale et solidaire ainsi que l’économie circulaire et des biens communs.

 

1) Économie circulaire et biens communs.

Il s'agit d'effectuer le bouclage des cycles de matière, réduire, réutiliser, refabriquer, recycler. Mais pas seulement, il s'agit de substituer la location, le prêt, le partage, l'usage à la possession du bien ; « mutualiser un bien c'est de l'économie circulaire ». « Dans une logique « d'économie circulaire » conçue de manière ouverte, il faut développer les mises en réseaux pour organiser la complémentarité des besoins et les coopérations mutuellement profitables car les déchets des uns peuvent et doivent devenir les matières premières des autres » Cela doit permettre de « promouvoir un nouveau système productif apte à répondre aux défis technologiques, sociaux et environnementaux de notre époque ». Une économie circulaire vise à l'emploi raisonné des ressources naturelles et doit porter le projet d'une autre croissance : la qualité pour tous, non destructrice mais créatrice d'emploi. (entre guillemets : extraits de la revue « Progressistes » n°6 dernier trimestre 2014)

Un des buts de l'économie circulaire est de tendre vers zéro déchet, mais il y a des urgences : sur les océans, des kilomètres carrés de déchets plastiques nuisent à la biodiversité ; voici une tâche qui créerait beaucoup d'emplois : l'O.N.U. devrait (avec l'accord des états) faire nettoyer ces nappes par les industries fabricant du plastique. Il y aurait aussi le nettoyage des rivières, des plages, des routes, des forêts . . .

 

La territorialisation de l'économie est une étape indispensable vers une économie écologique et équitable. L'ancrage local est nécessaire pour l'économie circulaire : par exemple les boucles entre les usines d'un même territoire, en collaboration pour optimiser leurs flux de production, de déchets, de recyclage. « La démarche de relocalisation ouvre des perspectives nouvelles pour un modèle productif rapprochant les lieux de production des lieux de consommation, au plus grand bénéfice des populations et des territoires concernés. S'agissant des petites productions locales, elle est un facteur de transformation des modes de consommation en favorisant la diversification des produits disponibles, les liens entre producteurs et consommateurs, les circuits courts ». (idem)

Pour aller vers un communisme territorial.

« Les entreprises de l'économie sociale et solidaire allient économie, social et écologie dans une démarche que l'on peut qualifier d'économie circulaire. On pourrait aussi parler des circuits courts alimentaires, des SEL, des monnaies locales de relocalisation...Les initiatives d'activités économiques à but social et écologique sont en plein développement. Territorialisées, ces initiatives fondées sur une citoyenneté active et une démocratie assumée, contribuent à la construction de mises en commun pour des objectifs utiles à la société, mettant au centre de leurs préoccupations l'humain dans son environnement. Un communisme territorial qui, allié à une démocratie locale participative, à des services publics développés et démocratisés, à un renouveau de la planification à toutes les échelles, à des nationalisations démocratiques de grands secteurs stratégiques, montre la voie d'une alternative au capitalisme. » (Sylvie Mayer)

 

La question essentielle posée aussi bien aux entreprises publiques qu’aux coopératives est la question du pouvoir pour les individus associés de décider de leur sort, de décider de la destination des activités humaines, et de décider des conditions dans lesquelles elles se réalisent. 

Les coopératives représentent une rupture délibérée avec les sociétés de capitaux -une personne, une voix- constitution de réserves impartageables. Mais dans le cadre du capitalisme, se pose le problème des « fonds propres ». Une autre approche du financement de l'entreprise dans la logique des communs consisterait à réfuter les fonds propres en tant que concept capitaliste au profit d'un financement exclusif par endettement. Et si c'était un secteur financier public qui fournissait ce financement ? Nous aurions alors une nouvelle forme d'entreprise dont le caractère public serait évident mais dont la gestion par les travailleurs et d'autres parties prenantes serait un gage de bonne utilisation des fonds publics, non pas dans une optique patrimoniale mais dans un objectif social et écologique.

En associant travailleurs et usagers dans la définition de la production, en dépassant les relations marchandes, les différentes parties prenantes forment du commun, niveau d'appropriation sociale largement supérieur au seul statut juridique, public ou coopératif, qui garantira son inaliénabilité. Une telle politique ne pourra fonctionner qu'avec l'appropriation sociale du secteur bancaire et financier. D'où la nécessité de fonds publics régionaux gérés par les travailleurs, les collectivités territoriales, et toutes les parties prenantes .

 

2) L’eau, l’agriculture, l’élevage, la pêche, doivent devenir des biens communs de l’humanité ; pour y parvenir, les techniques préconisées ici : agroécologie, agroforesterie ne sauraient suffire, il est nécessaire qu’elles s’incrivent dans une transformation profonde des rapports entre les êtres humains et la nature (transition écologique, sauvetage des sols, mise en commun des ressources, des semences, mutualisation des moyens, création de réseaux de coopératives de production, transformation, distribution dans des circuits courts…) et entre les êtres humains entre eux (coopérations pour satisfaire les besoins fondamentaux, émancipation des individus, …).

L'agro-écologie peut être une solution à condition de sortir l'agriculture, l'élevage et la pêche du marché capitaliste : tant que le prix du blé se décidera à la bourse de Chicago, qu'on n’aura pas empêché la spéculation sur les ressources alimentaires et textiles, tant qu'on n’aura pas mis en cause la domination sur les semences mondiales par les trusts de l'agro-alimentaire, on restera dans les pénuries, les famines et les catastrophes écologiques.

En 2013, Oxfam (ONG) avait calculé que la valeur totale des 18 fonds permettant aux quatre grandes banques soupçonnées de spéculer sur les matières premières agricoles était de 2583 millions d'euros. Après engagement pris par les banques de faire diminuer ces chiffres, ces mêmes fonds représentent aujourd'hui … 3561 millions d'euros ! « Les marchés agricoles se financiarisent de manière spectaculaire » souligne Oxfam, qui précise que, « conjuguée à la promotion des agrocarburants, à l'abandon des politiques de stockage, aux effets du changement climatique et au manque d'investissements structurels dans les agricultures paysannes, cette spéculation excessive . . . pousse des millions de personnes dans la pauvreté absolue, et augmente l'insécurité alimentaire mondiale » (800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, une sur neuf, alors que la production de nourriture à l'échelle mondiale est largement suffisante pour tous nous rassasier).

 

Conclusion

« Approfondir le rapport des humains à la nature implique d'aller au bout de la logique de l'économie circulaire et des biens communs, c'est à dire de mener de front les réflexions sur l'organisation de la production, de la distribution et de l'utilisation des produits, sur les conditions du partage et de l'exercice individuel du pouvoir de gérer collectivement. Ce afin de permettre à chacun de satisfaire d'abord ses besoins de sécurité – ce qui est un besoin de paix, mais aussi de respect du droit à la santé,à l'alimentation, à l'énergie, au travail, à un cadre de vie de qualité… – , de maîtriser sa vie dans une temporalité respectée de la nature – temps des apprentissages, du développement personnel – et d'être en capacité concrète de décider en ayant accès à la formation, à la connaissance, à la culture scientifique et artistique. Tout cela conduit à repenser le concept de travail et la manière dont les femmes et les hommes produisent leur existence dans leur rapport à la nature et entre eux, et ce faisant se produisent eux-mêmes. Travailler est alors agir avec les autres et pour les autres, avec le sentiment fort de l'appartenance à la société humaine et de l'utilité sociale de ce que l'on produit. Avec cet horizon, le travail – au-delà de la vision rabougrie et aliénante qu'en donne le libéralisme – devient cette part essentielle, personnelle et collective de l'activité humaine qui crée de la valeur en respectant l'environnement naturel. » (l’Humanité)

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