Les congrès du PCF

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Le socle de la statue de la place… - Jean-Jacques Barey - 75

Il n'est pas dans mes habitudes de signer les « textes alternatifs » aux documents de congrès, ayant jusqu'à présent toujours pensé qu'il valait mieux participer aux discussions, pointer les thèmes à approfondir, exprimer sereinement mes désaccords, amender… C'est un peu ce que j'avais commencé à répondre aux camarades qui me proposaient de signer la base commune alternative « L'ambition communiste pour un Front de gauche populaire et citoyen », ajoutant que jusqu'à présent les textes alternatifs n'avaient fait qu'enfermer leurs signataires dans une aimable marginalité, et renforcé les postures identitaires. Et puis, comme beaucoup de communistes de ma génération, je suis un peu légitimiste…

Une lecture plus attentive de la « base commune de discussion » m'a fait changer d'avis. Décousu, disparate, sans colonne vertébrale, ce texte (tout au moins sa première partie) procède beaucoup plus par énumération de questions que par organisation de la réflexion. On ne peut qu'être d'accord avec la plupart des items de ce texte, mais il manque son objectif de mise en perspective de la société que nous voulons, et la faiblesse de son organisation rend sa lecture aride et improductive. La forme, c'est le fond qui remonte à la surface, disait Victor Hugo ! Ajoutons qu'il fait silence ou presque sur quelques grandes questions d'actualité, comme celle des réfugiés et de la crise du Proche et Moyen-Orient. Sans remonter à la chute de l'Empire ottoman, on aurait pu en attendre quelques clés de lecture sur un sujet qui menace la paix et porte en lui les germes d'un conflit mondial. D'autant plus que les connaissances (et les compétences) ne font pas défaut à notre parti sur ces questions.

À bien des égards il reste très en deça de La France en commun, qui date de moins d'un an et aurait pu constituer, au prix d'une légère actualisation, une authentique « base commune ». Il reste aussi très en deça de ce que nous avions écrit, collectivement, dans L'Humain d'abord.

Ce qui, soi dit en passant, indique que seul le travail collectif et unitaire permet de dépasser les désaccords, les malentendus, les incompréhensions, les mauvaises habitudes à surmonter, les différentes « cultures de partis »… Les camarades qui ont peu ou prou participé à l'écriture du programme du FdG savent que ce n'est pas facile, qu'il faut beaucoup s'écouter, beaucoup échanger, beaucoup travailler, mais que pour cela il faut créer les conditions du travail commun. Cela a été le cas. Nous avons non seulement réalisé une belle campagne présidentielle, mais constitué une « logistique » militante de première grandeur : après L'Humain d'abord, les Fronts thématiques se sont mis au travail, et ont produit secteur par secteur une véritable innovation politique tant dans la méthode de production que dans ses résultats. De nombreuses publications thématiques, toujours disponibles, en témoignent. Je ne prendrai pour exemple que le chantier auquel j'ai participé, le Front de gauche de la culture : entre le mois de décembre 2010 et le mois de mars 2012, plus de 90 personnes de tous horizons, issus des partis du FdG ou inorganisés (ces derniers étant d'ailleurs majoritaires) se sont réunies et ont produit. Cela a donné un livre : Quelle humanité voulons-nous être ? dont le beau titre emprunté à Lucien Sève résumait bien la démarche.

On peu juger un tel rappel nostalgique, voir angélique… Il n'est là que pour rappeler la place et la force de l'élaboration collective de notre propos : militants politiques, syndicaux, associatifs, professionnels de tous métiers ou citoyens simplement concernés ont mobilisé leur capacité d'expertise collective et se sont mis au travail, horizontalement, ont produit du savoir, et ont sû dépasser des contradictions ou des divergences souvent secondaires à l'aune de ce qui les rassemblait.

C'est cette machine-là qu'il s'agit de remettre en marche.

J'avais commencé à écrire cette contribution au retour de la manifestation du 31 mars contre la « loi travail », dont la pétition sur change.org recueille à ce jour près de 1 300 000 signataires. Je la poste au soir de la manifestation du 9 avril. Si j'ai signé la base commune alternative, c'est pour qu'on se remette tous ensemble au travail, dans la clarté. Sinon, c'est sans nous que ça va se passer, candidature Mélenchon, primaire(s) à gauche (ou pas), sujets dont je n'ai pas beaucoup entendu parler dans les rangs des manifestants. Comme le disent Roland Leroy, Danièle Leroy et Claude Mazauric dans leur brève déclaration du 29 février : « La condition d'une alternative véritable (…) passe par le développement d'une résistance populaire persévérante et conquérante. » Encore faut-il que nous prenions notre part dans ce développement. C'est notre tâche la plus urgente ; ce que nous faisons, mais il faut changer d'échelle : ça commence… De fait les communistes étaient dans la rue le 31 mars, le 5 avril et le 9 avril. Nos groupes parlementaires bataillent ferme en commission, et nous sommes à l'écoute (et même un peu plus que ça) de ce qui est en train de naître sur les places.

Mais aujourd'hui les communistes français sont placés devant un double bind impossible qui nous entraine dans une impasse : l' « offre » de candidature de JLM versus l' « offre » d'une primaire à gauche. Il est urgent pour les militants du PCF comme pour toutes elles et ceux qui se réclament du FdG et au delà de sortir de cette cisaille infernale !

Contrairement à ce que pensent certains contributeurs, je ne vois pas dans le fait que beaucoup de communistes soient signataires de cet appel une manière de se démarquer du positionnement de la direction du PCF, mais plutôt une contribution à la clarification de cette dernière. Un pas important a d'ailleurs été fait avec cette proposition d'États Généraux interrogeant d'ici l'été 500 000 personnes. Cette proposition inédite dans notre histoire récente peut à mon sens être vraiment utile mais à plusieurs conditions :

  • Qu'elle ne se borne pas à collecter une pile de « cahiers de doléances » mais s'efforce de déboucher sur une plate-forme d'objectifs, d'engagements à court, moyen et long terme. C'est cela pour moi un « socle commun ».

  • Qu'elle soit appropriée, au delà du PCF, par l'ensemble des composantes du FdG et au delà par la « gauche critique » (écologistes, socialistes en rupture, Nouvelle Donne…) mais aussi et surtout par le mouvement social dans ses composantes associatives, syndicales et « inorganisées ».

  • Qu'elle déborde donc largement des « logiques d'organisation(s) » et aille directement au contact de notre peuple : des États Généraux, c'est ça.

  • Que du « grand débat » voulu par les communistes, accouchant d'un « socle commun », découle une proposition concrète : par exemple la mise en place d'une primaire législative dans chacune des 577 circonscriptions de notre pays et désigne ainsi les 577 candidat-e-s (et autant de suppléant-e-s) à l'Assemblée nationale pour 2017, procédant ainsi à une inversion symbolique du calendrier.

D'abord le débat, ensuite le socle commun, puis les candidat-e-s. Ces derniers réunis en « convention » pouvant, si cette question est encore d'actualité, enfin désigner le-la candidat-e à l'élection présidentielle…

Et puisqu'on parle de « socle », n'oublions pas celui de la statue de la Place de la République, la nuit debout, convergence des luttes, on vaut mieux que ça… Et n'éludons pas le risque que notre « socle » soit vite renversé par tout ce que l'imaginaire collectif inventera, commence déjà d'inventer !

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