Les congrès du PCF

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Remarques sur la Base commune proposée au Congrès du PCF - Cellule Maria Rabaté -75

1 - Base commune = assemblage de constats et d’aspirations. Texte dont il convient de se demander à qui il s’adresse ? (les communistes ? la société civile ? les 99% ?) et quel est son objectif ? (On est loin d’un texte d’orientation proposé entre deux congrès). La Base commune est d’une manière générale floue, angélique et elle manque d’analyse précise d’ensemble sur la situation actuelle et sur quelques sujets que nous évoquons dans la présente contribution.
La Base pointe des questions nouvelles : le retrait par rapport à la politique et l’apport indispensable des générations les plus jeunes ; la révolution numérique (voir contribution de Yann le Pollotec) avec ses enjeux, ses dangers et ses atouts ; les transformations du salariat et la question de son dépassement ; la monnaie et le crédit ; les banques ; les exigences relatives aux biens communs et à la coopération multilatérale dans un monde désormais fini. Mais ces questions sont noyées dans un texte trop long et souvent verbeux qui ne s’appuie pas sur les travaux de qualité émanant de nombreux secteurs du parti ou de chercheurs (ex : Bernard Friot sur « le capitalisme rentier qui n’assume plus d’être employeur »…).

2 - Pas de bilan de nos insuffisances cumulées depuis des décennies, ce qui nous amène mécaniquement :
. à nous résigner à choisir l’issue jugée la moins mauvaise pour éviter le pire aux échéances électorales ;
. à mettre peut-être l’essentiel de nos moyens sur elles.
Le bilan de la droite et du social-libéralisme est politiquement et socialement calamiteux. Pourtant pas d’interrogations sur les alliances électorales avec le PS hier et aujourd’hui et éventuellement demain ni, dans un temps plus éloigné, sur la participation des communistes aux gouvernements de gauche (1981-1984, 1997-2002). Pas d’analyse sur le déclin du parti (résultats électoraux, adhérents, etc.), sur notre présence amenuisée sur les lieux de travail (ce qui contribue à accentuer la crise idéologique), sur la dislocation du Front de Gauche. Pas d’analyse non plus sur ce que nous avons préservé et sur nos forces : des militants présents dans la vie quotidienne (plus que les autres organisations politiques) et non de simples agents électoraux, des élus respectés, un parti qui a considérablement chuté en influence mais qui a maintenu son existence (différence par exemple avec le PCI, l’autre grand PC d’Europe capitaliste qui, lui, a disparu de la scène politique).  

3 - Pas d’analyse de la situation actuelle en France :
. Les classes sociales aujourd’hui, leurs transformations, leurs dynamiques propres, leurs intérêts. Quelles classes le PCF doit-il représenter et quelles alliances politiques - pas seulement électorales – doit-il bâtir ? Les communistes doivent défendre d’abord les plus exploités, les opprimés, les exclus.
. Le tableau de nos implantations géographiques et de leur cadre local fait défaut : un bon exemple d’un tel tableau est fourni par Claudine Goix dans la zone rurale du Boischaut (18). On pourrait s’en inspirer. Projet de résolution au Congrès ? Première proposition de la cellule.
. Quelles sont nos positions et les luttes à mener ? Le texte manque d’analyse économique sur le tissu industriel (où est le capital productif français ? qui contrôle l’industrie française ?), sur ce que serait la propriété collective des moyens de production, sur les besoins à satisfaire…Une révolution citoyenne certes mais qu’en est-il de la révolution économique ? Les révolutionnaires sont présentés comme étant « la société civile, le monde associatif et syndical comme celui de la création… » (p. 3). Et nous ?
. Quelle société voulons-nous ? Reparlons d’espérance, ne la laissons pas aux fondamentalistes religieux et à l’extrême-droite. Replaçons l’enjeu de la culture au centre du texte (combat d’idées, créativité, inventivité contre consentement à l’existant).

Le choix d’expressions telles que « société civile », « les 99% » et d’autres, traduit l’embarras (ou le refus ?) d’aborder la question de classe, question cruciale pour un parti communiste. De plus, certaines assertions sont en grande partie démenties par les faits. Par exemple : « le néolibéralisme est en crise profonde parce qu’il a de plus en plus de mal à faire accepter aux peuples les régressions et les inégalités sociales… » (p. 2). Or sa crise profonde n’est peut-être pas là pour l’essentiel, du moins aujourd’hui. Nombre d’études montrent au contraire que les inégalités sont, pour l’heure, davantage acceptées dans l’ensemble des pays. Résignation suite aux nombreux échecs des mouvements sociaux ? Probablement. « Naturalisation » des inégalités dans les consciences après trente ans de propagande « par tombereaux »? Probablement aussi. Jusqu’à quel degré et jusqu’à quand le seront-elles encore compte tenu des destructions de tous ordres du capitalisme néolibéral ? On ne voit pas pourquoi il s’arrêterait en chemin, de lui-même, dans un accès d’humanisme. L’inversion du rapport de force idéologique et morale ne se fera pas spontanément. On mesure ainsi l’ampleur de la tâche à accomplir.

4 - Analyse à peine esquissée de la situation internationale et européenne.

La sortie de l’OTAN est juste évoquée presque pour mémoire. La question de la légitimité de l’UE (à travers la cruelle expérience de la Grèce, entre autres), de l’euro et de la BCE (taux d’intérêt 0 aux banques privées mais taux d’intérêt lorsqu’elles prêtent aux Etats légalement obligés d’en passer par elles). Cette question n’est pas posée. Question taboue ? Alors qu’elle est posée presque partout, et de la pire manière (nationalisme, concurrence entre les peuples) par nos pires adversaires : au sein de l’électorat populaire qui était notre base politique. Dans la Base commune la question de l’Europe n’est évoquée que de manière vague et bien intentionnée (« L’Europe des peuples », p. 7). Ouvrons le débat sur l’Europe, sur l’Allemagne (sa domination économique et financière au sein de l’UE), sur le traitement différencié de la Grèce et de l’Angleterre, sur le « deal » sordide entre l’UE et Erdogan (« argent contre réfugiés »), sur  le commerce des armes,…
La Base constate, en son début, que l’Occident capitaliste n’est plus le centre de gravité du monde. Oui, mais quelles conséquences et quels choix proposer en politique extérieure ? Le rôle de l’ONU et des institutions internationales est valorisé – c’est bien - face à l’expansion conquérante d’institutions supranationales qui jouent le rôle de cheval de Troie ou de bélier du capitalisme mondialisé : FMI, Banque mondiale, OMC, Partenariats transatlantique et transpacifique (ce dernier non mentionné). Mais quid des relations bilatérales et de la coopération que pourrait avoir la France avec les autres pays européens (hors cadre actuel de l’UE, la question mérite d’être posée ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse) et extra-européens : BRICS, Chine, Russie, Inde, pays de l’Union africaine et du Mercosur, etc. Il ne faut pas non plus sous-estimer la montée des tensions internationales :

. Au Proche Orient, tragiquement pris dans l’étau du terrorisme djihadiste et des interventions étrangères d’une part, et d’autre part bloqué depuis 70 ans par le conflit israëlo-palestinien : la reconnaissance immédiate d’un Etat palestinien pleinement souverain serait un puissant facteur de paix dans la région. Idem en ce qui concerne les droits nationaux du peuple kurde.

. En Asie orientale et du Sud, lieu de rivalités et d’affrontements récurrents, où entrent en jeu de grandes puissances (Chine, Inde, bloc Etats-Unis-Japon-Australie) et des puissances importantes : Indonésie, Vietnam, Thaïlande, Philippines, Pakistan. La moitié de l’humanité avec un poids économique et politique énorme.

. En Europe orientale (OTAN-UE-Ukraine versus Russie).
Il faut affirmer dans notre Base que la France doit fonder sa politique extérieure sur les droits (décidés dans les institutions internationales type ONU, COP 21,…) et impulser une mise en application de ces droits. Développons davantage la question de la paix (montrer qu’il y a une culture de paix que nous avons toujours portée et que la paix est possible). Autre question non traitée : l’arme nucléaire.

5. Les élections de 2017 devraient-elles figurer comme une partie spécifique de la Base (7 pages, soit plus que les autres parties) ? Ces élections ne devraient-elles pas figurer dans les projets de résolutions à soumettre au vote du Congrès ? Et compte tenu d’une stratégie politique pérenne (pas seulement électorale) qui, elle, aurait du être proposée dans la base. Nous proposons de retirer cette partie de la Base soumise au congrès, qu’elle fasse cependant l’objet de discussion entre les communistes. Une année sur deux ou presque, nous courons derrière des élections alors qu’on sait depuis longtemps que peu d’entre elles (sauf partiellement au niveau local) ne constituent un exercice démocratique ni un véritable enjeu de progrès pour notre peuple (la Base commune montre bien les limites imposées par le régime de la Vème République). Le balancement prudent de cette partie consacrée à l’échéance de 2017 interdit d’aborder franchement cette question dont on voit bien néanmoins qu’elle tourne essentiellement autour d’une « primaire à gauche » et dont on devine qu’elle tourne aussi autour de la candidature éventuelle de Martine Aubry. Il y a d’autres choix possibles en dehors d’une candidature Aubry ou similaire et il faut les mettre eux aussi carrément sur la table, au Congrès, et à part (pas dans la Base). Pour nous, ces choix (quels qu’ils soient) devraient relever, particulièrement aujourd’hui, de la tactique politique et non de la stratégie (bien absente de la Base). De la façon dont nous répondrons à ces choix rapprochés dépendra notre existence future en tant que parti communiste. Serons-nous intégrés au parti social-libéral ? En serons-nous une annexe, un « micro-parti » ? Ou serons-nous un vecteur du rassemblement des forces progressistes de demain ? Nous avons beaucoup d’expérience et de culture politique à apporter à un tel rassemblement. Excellente raison pour ne pas les dissoudre dans une mixture sociale-démocrate affadie.

Monde complexe et non plus bipolaire, système financier hégémonique mais en crise sérieuse depuis 2007-2008 (voir contribution d’Yves Dimicoli et de Frédéric Boccara), guerres « asymétriques », banalisation de la brutalité et de la violence étatique ou terroriste, montée en puissance de la réaction liberticide partout : oui le monde est instable et dangereux. Mais à ces facteurs de déshumanisation s’opposent les possibilités offertes par les changements technologiques, des aspirations progressistes tenaces et les luttes en cours. Tout cela anticipe un « mieux-vivre ». Et malgré le pessimisme ambiant (y compris dans nos rangs) la véritable sagesse révolutionnaire ne consiste-t-elle pas à se préparer rationnellement à toutes les issues ?

Y compris les plus favorables. D’ordinaire celles-ci ne s’annoncent pas longtemps à l’avance.
Les camarades de la cellule Maria Rabaté ont par ailleurs souligné la nécessité d’être inventif sur le plan de la démocratie afin de pousser davantage le système politique actuel fermé, dans ses contradictions. Un exemple parmi d’autres et immédiatement : une pétition pour inverser les législatives et les présidentielles ?
 

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