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Un spectre hante l'actualité - Hugo Pompougnac - 92

Le mouvement contre la loi travail sonne comme un réveil

 

Le mouvement contre la loi travail sonne comme un réveil – c'est la formule d'un participant à la Nuit Debout. Un réveil ? Mais qui était assoupi ? Ils ne dormaient pas, les militants progressistes qui, d'ANI en déchéance de nationalité, de loi Macron en réforme des collèges, ont été de tous les combats depuis des années et sont restés debout malgré les défaites. Ils ne dormaient pas, les salariés : chacune de leurs journées a été un nouveau combat pour faire un travail utile et reconnu, pour se projeter dans l'avenir, pour rentrer à la maison en paix. Ils ne dormaient pas non plus, les étudiants et les jeunes engagés dans une véritable course d'obstacles pour braver le chômage et la prison sociale. Elles ne dormaient pas, les femmes, toutes les femmes, mobilisées en permanence pour être respectées et pour être libres de leurs choix, au travail, dans la rue, à la maison, en famille.

 

Notre société toute entière, loin d'être assoupie, était en combat quotidien. Elle a remporté des victoires – mais bien des défaites et des déceptions aussi. Pourtant, le fond de l'air a indiscutablement changé. Plus d'un million de manifestants ont choisi de passer l'après-midi sous la pluie au lieu de se taire le 9 mars. Le film « Merci patron » est devenu un pavé que des centaines de milliers de spectateurs s'empressent de jeter au visage du patronat, du gouvernement, de la finance. Des aspirations tues depuis longtemps s'expriment partout : dans le métro, autour de la machine à café, sur les réseaux sociaux. On n'entend plus guère le FN ni les terroristes, dont le duo faisait fortune jusqu'ici. Leur proposition de loi commune en faveur de la déchéance de nationalité elle-même s'évanouit comme par magie. Alors, sans doute le mouvement contre la loi travail sonne-t-il effectivement comme un réveil. Reste à savoir ce qu'il a réveillé, exactement, dans notre pays.

 

« On vaut mieux que ça »

 

Les idées qui envahissent aujourd'hui le débat public ont mûri en silence durant des années. Elles ont mûri au cœur même du capitalisme le plus sauvage et des politiques les plus libérales. Pour contourner les protections collectives des salariés, on leur a dit : devenez auto-entrepreneurs, partez à l'aventure ! 3 millions de travailleurs s'y sont engagés aujourd'hui, sans compter les Über que l'on a pris dans les mêmes filets. Ils y ont beaucoup perdu, mais ils y constatent, dans leur activité quotidienne, qu'ils n'ont pas besoin de patrons pour faire du bon travail, pour organiser leur temps, pour faire des choix économiques. Lorsqu'on prend conscience qu'on est peut-être capable d'être aux commandes de sa vie, on ne l'oublie pas facilement.

 

Un autre exemple. Pour permettre aux employeurs de traiter chacun comme du bétail, on a dit : le chômage fait partie de votre vie, il est normal que vous vous retrouviez régulièrement à Pôle Emploi, acceptez-le car c'est la norme. Là aussi, les salariés y ont beaucoup perdu : du temps, de l'estime de soi, des compétences, du salaire, de la sérénité. Mais ils y ont appris, pour l'avoir vécu dans leur chair, que les périodes d'inactivité professionnelle n'empêchent pas le monde du travail de fonctionner. Ils y ont appris que la société n'a pas besoin de cadences infernales, que nous sommes suffisamment productifs pour libérer du temps. Le même raisonnement s'impose à celles et à ceux qui enchaînent les contrats de travail à temps partiel. Libérer du temps ! Lorsqu'on prend conscience que c'est possible, cette exigence devient le combat d'une vie.

 

L'énumération pourrait continuer longtemps, entre ces salariés au pied du mur qui engagent la bataille de la production coopérative parce qu'on détruit leur outil de travail, ces étudiants que l'on contraint à être plus compétents que leurs futurs patrons pour être « employables », ces femmes dont on rabâche les « qualités naturelles » pour mieux raboter leur salaire… Jusque dans leurs formes les plus anti-sociales, les transformations économiques de notre temps murmurent à l'oreille de chacun : « on vaut mieux que ça ». On créée les richesses, on sait travailler, on n'a pas besoin de patrons, on n'a pas besoin non plus de tous ces sacrifices. Bien sûr, ces exigences s'expriment d'abord de manière confuse, maladroite, indistincte : au travers d'un coup de gueule sur Facebook, d'un bavardage à la pause, d'une rêverie dans le métro. Et puis, la loi travail est arrivée. Elle leur a donné, partout, la force de l'évidence.

 

Les aveux de la loi travail

 

Qu'a-t-elle dit à la France, la loi travail ? Le licenciement n'est plus qu'une formalité, vous pouvez tous vous retrouver au chômage du jour au lendemain. Les négociations priment sur la loi : vos salaires et vos horaires de travail à tous sont menacés. Tous travailleurs, tous chômeurs ; il n'y a plus de différences de métier ou de statut, il n'y a plus d'écarts de diplômes ou d'ancienneté, la même violence et le même arbitraire s'appliquent partout. Vous êtes ensemble dans l'invisibilité, dans la soumission, dans la privation.

 

La réforme a dit autre chose encore. Elle a dit que les patrons ne sont pas responsables de la situation économique, qu'ils n'y peuvent rien : les salariés doivent accepter des sacrifices car, seuls, ils peuvent sortir les entreprises de l'ornière. Dans son arrogance et son aveuglement, le gouvernement n'a pas compris qu'il proclamait du haut des ministères et des plateaux télé ce que chacun savait sans oser le dire  : les salariés sont l'avenir de l'entreprise !

 

Les travailleurs sont ensemble dans l'exploitation, et ils sont l'avenir de l'entreprise. El Khomri a mis des mots, les mots explicites et impitoyables d'un texte de loi, sur tout ce qui avait pris des années à mûrir à l'abri des caméras. Voilà ce qui s'est réveillé au printemps 2016 : la conscience d'être une classe, et d'avoir un monde à gagner.

 

L'équation insoluble des dernières années semble trouver ici l'ébauche fragile d'une solution : comment rassembler les forces de progrès dans la diversité des préoccupations particulières ? Certains autour du collectif « on vaut mieux que ça », de jeunes urbains à la Nuit Debout, des salariés auprès de leurs cortèges syndicaux, des étudiants dans leurs Assemblées Générales… Toutes les franges de la population impliquées dans le combat et chacune à sa manière, elles scandent les mêmes mots d'ordre, regardent les mêmes films, et prennent rendez-vous aux mêmes dates de mobilisation nationale.

 

La question du communisme est posée

 

La lutte contre la loi El Khomri met au grand jour le mouvement profond qui est en marche pour en finir avec l'exploitation et rendre à chacun la maîtrise de sa vie. Nous avons donné son nom à notre Parti : c'est le communisme. Du progrès énergétique à la révolution numérique, de l'organisation du travail à la recherche scientifique, tout ce qui grandit dans notre société se heurte, bien souvent sans en prendre conscience, au carcan étroit de la propriété capitaliste. Partout, tout le temps, il est désormais question de la briser ou de pourrir sur pieds. Le 9 mars a mis cette exigence au premier plan de l'actualité dans notre pays. Nous œuvrons d'ores et déjà à la faire gagner en invitant à la mobilisation toutes celles et tous ceux qui hésitent encore, en faisant connaître la loi et son contenu, en relayant les initiatives qui sont prises dans le pays, en proposant le rassemblement le plus large des forces politiques, syndicales, associatives et citoyennes.

 

Il s'agit aussi de libérer tous les espoirs et toutes les énergies en mettant des mots et des propositions sur l'aspiration au communisme qui s'exprime partout, en faveur de la liberté au travail, de sa juste rémunération et de la maîtrise du temps par exemple. La conviction partagée que la loi El Khomri peut être enterrée sera aussi fonction de la conviction que cette société nouvelle est possible et nécessaire. Nous pouvons donner ce sens inédit à la grande consultation proposée par le Conseil National : mettons les voies au communisme en débat dans tout le pays, en partant des préoccupations nouvelles qui peuplent les cortèges. Le « temps du commun » est devant nous, mais c'est dans le débat public, dans la lutte, dans la créativité populaire que les exigences révolutionnaires des 99 % puiseront leur force et leur détermination.

 

Prendre le pouvoir ?

 

Ce mouvement révolutionnaire qui traverse la société jette d'ailleurs une lumière crue sur ce qui lui résiste. Il y a une justice pour voler au secours des actionnaires de Goodyear et punir sévèrement les salariés en lutte. Il y a des agences Pôle Emploi pour menacer de radier ceux qui n'acceptent pas les conditions de travail déplorables qu'on leur propose. Il y a une paire de menottes pour faire passer aux syndicalistes d'Air France l'envie d'arracher des chemises. Il y a des chaînes de télévision pour isoler, diffamer et ridiculiser le mouvement de grève des cheminots. Bref, il y a tout un appareil d'État pour empêcher la société d'avancer et pour protéger les intérêts des 1 % qui possèdent le pays…

 

Comment le désarmer ? La question nous est posée en ces termes, pour aujourd'hui et pour 2017. Sa prétention à incarner l'intérêt général est d'ores et déjà en crise. Tous voient désormais la petite classe de possédants odieux derrière chacun de ses rouages et chacun de ses discours. C'est bien pourquoi l'école suscite une telle méfiance, c'est bien pourquoi l'impôt apparaît illégitime et spoliateur, c'est bien pourquoi l'abstention atteint de tels sommets. C'est aussi pourquoi la bourgeoisie, prise de panique, accorde une confiance et une influence croissante aux solutions autoritaires promues par le Front National : il faut restaurer l'appareil d'État !

 

Nous pouvons proposer de prendre le pouvoir, non pour l'exercer, mais pour le faire dépérir. Pour faire tomber les barrières juridiques qui empêchent les salariés de diriger leur travail et leurs entreprises, pour déplomber les brevets qui interdisent la connaissance scientifique et technique aux simples mortels, pour balayer les obstacles médiatiques et institutionnels qui rendent la libre délibération démocratique impossible… En un mot pour briser tout ce qui, en France, se dresse entre les citoyens et la maîtrise de leur vie. Sans doute cet horizon politique peut-il permettre à notre peuple de trouver l'unité et la combativité dont il aura besoin pour s'imposer sur le devant de la scène et pour déjouer le « scénario à trois » qu'on lui promet aux élections présidentielles.

 

Tout un peuple à rassembler

 

Nous avons ouvert la discussion et le combat commun avec un large éventail de forces politiques et sociales. Avec toutes celles et tous ceux qui se sont levés contre la loi El Khomri, d'abord. Avec les acteurs de l'éducation, ensuite, à l'occasion de notre Convention Nationale pour l'école ; avec ceux de la révolution numérique lors des États Généraux éponymes. Avec nos amis du Front de Gauche, avec les personnalités et les collectifs qui se sont engagés pour l'organisation de primaires en 2017, avec la belle diversité d'intervenants que nous avons rencontré lors des Lundis de Gauche. L'heure n'est pas à conclure ces échanges, mais à les approfondir, à mettre le communisme à l'ordre du jour de toutes ces constructions progressistes.

 

L'heure est aussi à les élargir : nous avons la responsabilité de rassembler tout un peuple, celui qui manifeste et qui se bat, par-delà les écuries, les leaders ou les institutions qui prétendent parler en son nom. Organisations féministes, collectifs de défense des sans-papiers, associations culturelles… Une grande diversité d'acteurs œuvre à la transformation sociale dans notre pays, dans nos villes, dans nos entreprises, et nous avons beaucoup à apprendre de leur combat. Il importe même de le prolonger, de proposer à ces forces, partout où nous en avons les moyens, un large débat public autour des exigences de changement. La période que nous vivons, entre le mouvement social, la préparation de notre congrès et la perspective de 2017 nous en donne l'occasion.

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