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Débat n°5 : quelles pratiques militantes pour améliorer notre action ?

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L’ambition communiste pour un Front de gauche populaire et citoyen - Texte collectif

Ce texte est un projet de texte alternatif

Premiers signataires :

Théo ABRAMOWICZ (75), Abderrahmane AQLIBOU (18), Clément ARAMBOUROU (33), Christian AUDOUIN (87), Nawel BAB-HAMED (69), Elsa BARDEAUX (94), Alain BASCOULERGUE (93), Emmanuelle BECKER (75), Yannick BEDIN (18), Gilbert BERNARD (87), Gerard BILLON (92), Nicole BORVO COHEN-SEAT (75), Guy BOURDONNAIS (50), Jacques BOURGOIN (92), Marie-Pierre BOURSIER (92), Monique BRUN (75), Bruno CADEZ (59), Marie-Ange CARDAN (75), Liliane CASSAN (09), Lucie CHAMPENOIS (75), Joëlle CHASTRUSSE (92), Patrice COHEN SEAT (75), Anne COLAS (47), Joëlle COURTEL (77), Dominique CROZAT (91), Julien DE BENITO (84), Antoine DE CABANES (75), Jean-Paul DEBEST (75), Françoise DECAN (40), Nicole DECHERRY (69), Edmond DECHERRY (69), Francis DEQUET (75), Christian DESBOIS (32), Luca DI NELLA (75), Michel DUFFOUR (92), Bernard DUGAS (85), Jean Paul DUPARC (06), Ismaël DUPONT (29), Jean-Marc FERRAND (77), Alexandre FLEURET (75), Guy GAGNEPAIN (77), Fanny GAILLANNE (75), Joël GALLAIS (56), Gabriel GAU (75), Roger GAUVRIT (75), Grégory GEMINEL (94), Frédérick GENEVEE (94), Danièle GIOLI GAUVRIT (75), Francis GIUNTINI (91), Brigitte GONTHIER-MAURIN (92), Cécile GOUTMANN (77), Blandine HARLE (18), Madeleine HIVERNET (92), Colette JACOB (75), François JACOB (75), Sébastien JOLIS (94), Joel JOSSO (94), Philippe JUMEAU (56), Frédérique LALYS (50), Jean-Pierre LANDAIS (44), Christian LANGEOIS (14), Marcel LE BRONZE (44), Yann LE LANN (92), Martine LE NOZERH (29), Patrice LECLERC (92), Benjamin LECOLE (60), Nina LEGER (75), Julien LEGER (94), Jacques LEJAMTEL (50), Roland LEROY (34), Pablo LIVIGNI (75), Marcel LOPEZ (09), Miloud MANSOUR (50), Sonia MASSON (75), Paul MAYENS (75), Igor MAYNAUD (18), Claude MAZAURIC (34), Manuel MENAL (75), Francois MEYROUNE (89), Marie-Françoise MICHENAUD (85), Espinoza MIGUEL (92), Claire MILLERIOUX (18), Jean Pierre MOINEAU (94), Frank MOULY (77), Roland MUZEAU (92), Camille NAGET (75), Jacques NICOL (12), Pierre OUZOULIAS (92), David PELLICER (82), André PEREZ (12), Mathieu PICHARD (18), Hugo POIDEVIN (50), Peggy POULIN-BODEZ (28), Annick PRUDENT (18), Didier PRUDENT (18), Françoise QUAINQUARD (91), Nacim RAMDANI (18), Jean-Christophe RANOU (92), Alain RAYMONT (89), Didier REDRON (18), Jérôme RELINGER (75), Redwan REZZAK-MULERO (75), Nicolas ROBIN (75), Gérard ROME (87), Pascale ROME (87), Rose-May ROUSSEAU (94), Nora SAINT-GAL (94), Yvette SAINTIER (75), François SALAMONE (91), Alain SFRECOLA (04), Jean-Bernard SHAKI (77), Garry SINKIEWICZ (75), Frederic SOULA (84), Julien THOREZ (75), Sergio TINTI (75), Hugo TOUZET (75), Michel TUROMAN (75), Valérie VARENNE (50), Marion VAZEILLE-PONCET (75), Bernard VIOLAIN (85), Didier ZARZUELO (40)

L’ambition communiste
pour un Front de gauche populaire et citoyen

Préambule

Ce projet de « base commune » alternative est né de la sérieuse inquiétude que nous sommes de nombreuses et nombreux communistes à ressentir à la lecture du projet adopté par le Conseil national des 5 et 6 mars. Nous pensons que le congrès doit être l'occasion d'éclairer franchement le débat entre les communistes quant à notre stratégie, notre projet, nos perspectives.

Nous sommes évidemment en accord avec beaucoup des objectifs et des propositions contenues dans sa partie « projet », même si nous ressentons que, une fois de plus, il s’agit davantage d’un texte de propositions pour une politique « de gauche » que de l’énoncé du sens et de la raison d’être communiste dans le monde d’aujourd’hui. De même, nombre des considérations sur le Parti nous paraissent justifiées, même si nous trouvons que le lien n’est pas réellement ni clairement établi entre cette raison d’être communiste, la stratégie qu’elle implique et une réelle transformation de nos pratiques et de notre organisation.

Mais le cœur de notre inquiétude porte sur la partie consacrée à notre orientation stratégique pour 2017. Nous avions depuis plusieurs congrès tiré les leçons des expériences de « l’Union de la gauche » et de la « Gauche plurielle » et élaboré une stratégie de rassemblement qui a débouché sur la création du Front de gauche. Certes, le projet de base commune y fait référence et propose de la prolonger. Mais dans les faits, nous constatons que la proposition d’une « primaire à gauche » pour « écarter l’impasse Hollande, Valls et consorts » et « faire émerger, pour l’élection présidentielle, une candidature commune », présentée comme le seul moyen de créer la surprise, de figurer et de l’emporter au second tour de cette élection, nous amène en réalité à la recherche d’une candidature de consensus avec un Parti socialiste discrédité, reproduisant au final le schéma ancien de la gauche plurielle.

 

Ce complet changement de stratégie nous ramènerait des années en arrière à un effacement de nos positions derrière une candidature au mieux social-démocrate, et probablement bien pire au vu de la configuration actuelle des forces. Cela assurerait selon nous une défaite de longue portée et aboutirait à renforcer encore le Front national qui paraîtrait une fois de plus comme la seule alternative aux politiques de plus en plus libérales menées alternativement par la droite et le Parti socialiste depuis au moins 30 ans.

Nous ne sommes plus en 2012. Nous sommes conscients que les politiques conduites par François Hollande et ses gouvernements constituent une accélération dramatique de ces politiques libérales. Mais nous savons aussi que dans une telle situation, il n’y aura aucune amélioration réelle pour notre peuple par le seul retour au programme énoncé par Hollande en 2012, et pas même aux politiques de Lionel Jospin entre 1997 et 2002. Retarder le moment de véritables ruptures antilibérales et de progrès démocratiques majeurs, et même retarder l’ouverture de la perspective de telles ruptures, ne font à chaque fois qu’aggraver la situation et imposer à notre peuple des épreuves de plus en plus catastrophiques.

C’est pourquoi nous ne soutiendrons pas cette proposition qui nous paraît irréaliste, dangereuse et vouée à un échec qui, de surcroît, conduirait à la marginalisation durable de notre parti. Et surtout, elle tourne le dos à la principale exigence politique de la période actuelle : créer les conditions d’une remobilisation populaire pour une véritable alternative de progrès social et humain sans laquelle rien n’est possible, créant même les conditions d’un pire avenir.

I. Faire vivre une ambition communiste

Une nouvelle ère de l'aventure humaine s'ouvre. L'arborescence des possibles n'a jamais été aussi ouverte : elle va du meilleur pour l'humanité et la planète, à l'horreur de l'anéantissement militaire ou du désastre social et écologique global. Chacun a conscience de l'effondrement des repères anciens et de l'urgence d'en bâtir de nouveaux. Dans ces circonstances, la question qui se pose est de savoir comment les communistes peuvent contribuer à répondre à ce défi, dans la pensée et dans les actes. Nous voulons une société de l'émancipation, enfin débarrassée de toutes les formes d’exploitation, de domination et d’aliénation. Et nous avançons en tous domaines des idées et des propositions. Mais il nous faut leur donner sens en énonçant les principes qui nous guident et définissent aujourd’hui l’horizon révolutionnaire dans lequel nous inscrivons notre action.

C'est bien sûr indispensable pour nous extraire enfin de la confusion qui pèse sur « l'idée communiste », profondément marquée par les régimes qui s'en réclamaient au siècle dernier. C'est surtout nécessaire à l'élaboration d'une alternative concrète, comprise pour ce qu'elle est réellement, mobilisatrice et permettant une nouvelle alliance populaire. C'est au fond le chaînon manquant entre la conscience croissante qu'il n'est plus possible de continuer ainsi, l'esprit de révolte qui s'exprime et l'ampleur des défis qui sont devant l'humanité toute entière.

Réhabiliter la possibilité du changement

Vingt cinq ans après que certains ont décrété la fin de l’histoire, sa marche et ses désordres n’en finissent pas de faire leur retour.

Plus de 2000 milliards ont été engagés dans le sauvetage des banques depuis 2008, avec comme contrepartie des politiques d'austérité et de dérégulation de plus en plus catastrophiques. Incapable de répondre aux aspirations populaires, le capitalisme enfonce chaque jour un peu plus les peuples dans le désespoir. Ainsi la finance et ses relais institutionnels préfèrent sacrifier le peuple grec plutôt que d’accepter la volonté qu'il a démocratiquement exprimé de sortir de l’austérité. Pendant qu'un cinquième des êtres humains sont privés d'eau potable, les soixante deux personnes les plus riches possèdent autant que les 3,5 milliards les plus démunis.

Interventions militaires après interventions militaires, les puissances occidentales alignées sur l'OTAN font le lit de l’obscurantisme et de la violence, faute d’avoir saisi le désir de démocratie exprimé lors des printemps arabes. L’ensemble des rivages de la Méditerranée est désormais le théâtre de guerre (Syrie, Turquie, Libye,...), les populations n'ayant d'autres recours que de fuir les crimes de masse et les bombardements. Partout les zones de guerre et de non droit se multiplient, et les portes du monde se referment sur les hommes et les femmes qui cherchent tout simplement à vivre.

Un quart de siècle après le sommet de Rio (1992), le scénario d'une catastrophe écologique planétaire ne semble pas devoir être évité, menaçant l'existence même de l'humanité. La course folle aux profits maintient contre toute raison un modèle productiviste qui empoisonne l'air, l'eau et la terre elle-même, puise et épuise l'ensemble des ressources naturelle, jusqu'à la dernière goutte. On fait commerce de droits à polluer. Le vivant n'est plus que marchandise, flux, stock et brevet, et s'exploite désormais dans des fermes ou des bateaux usines.

Oui, l'Histoire est bel et bien là, et l'humanité affronte une de ses périodes les plus cruciales et les plus délicates. Notre capacité collective à faire l'histoire, à peser sur son cours affronte un mur d’incrédulité que nous ne parvenons pas à briser. Ce qui n’est pas immédiatement crédible semble ne pas pouvoir exister, et pourrait nous conduire à renoncer à proposer une perspective ambitieuse et émancipatrice. Le doute se répand : est-il encore temps de sauver la planète, est-il possible de proposer un nouveau chemin pour créer la richesse et la partager ? À partir de la conscience d'une communauté universelle de destin, c'est bien la possibilité du mouvement vers du meilleur, et donc au fond la possibilité communiste qu'il faut réhabiliter. Or, parce que l'incrédulité est le produit des mythologies que répand l'idéologie dominante, tout l'enjeu pour les communistes est bien de contribuer à faire émerger et à légitimer un nouvel imaginaire politique qui s'y substitue. Remettre les choses sur leur pied en quelque sorte.

Ce ne sont pas les occasions qui manquent. Qui peut trouver légitime que 1% possède autant que le reste de l’humanité ? Qui accepte qu’un magnat se paye un journal ou une télévision pour peser sur sa ligne éditoriale et l’opinion ? Qui juge légitime qu’une poignée d’habitués des sommets de Davos décide à notre place du cours du monde ? À partir d'idées comme celles-ci, de bon sens, et dont nous sentons qu'elles peuvent être partagées par le plus grand nombre et seraient de nature à envisager des luttes concrètes, rassembleuses dans notre pays et à l'échelle planétaire, en se nourrissant de toutes les expériences nouvelles qui contestent le capitalisme et inventent déjà un monde nouveau, nous voyons bien que ce nouvel imaginaire à construire ne se fonderait pas sur du sable. La conscience de l’urgence des défis et menaces et la manière dont le plus grand nombre se les formule sont un point de départ. À nous de donner à voir une cohérence, et dans cette nuée d'alarmes, d'épreuves et d'appels à changer, quels sont les principaux axes d'un communisme du XXIe siècle.

Quels pourraient être ces axes essentiels ?

Une société libérée du travail contraint et du salariat capitaliste

La révolution numérique est en train de réaliser concrètement et rapidement l’idée de Marx selon laquelle le travail deviendrait un jour « une base misérable de la création de richesses ». Autrement dit, qu’il y aurait besoin de moins en moins de travail pour permettre la satisfaction de tous les besoins humains. C’est déjà en marche, très concrètement, dès lors que – contrairement aux machines qui requièrent beaucoup trop de matière et d’énergie – on peut à l’infini accumuler de l’intelligence et du savoir.

Le capital est en train d’en tirer à sa manière les conséquences : des millions d’ « inemployables » pauvres d’un côté, d’autres qui se tuent au travail et y perdent le sens profond de leur activité et de leur vie, et, pour d’autres encore, la fin du salariat au profit de formes de plus en plus aliénantes d’auto-exploitation.

Nous proposons au contraire de faire de la libération du travail contraint, et de l’abolition du salariat capitaliste des perspectives concrètes de notre époque. La diminution rapide du temps de travail et le droit à une rémunération juste doivent être des objectifs immédiats et permanents. Travailler doit devenir pour chacune et chacun non seulement un droit effectif, mais aussi le moyen et le lieu d’un épanouissement personnel et social. Affranchis des tâches pénibles que les machines intelligentes sont chaque jour davantage capables de réaliser, les êtres humains doivent désormais pouvoir se concentrer de plus en plus sur ce qu’ils sont seuls capables de faire : inventer, créer, désirer, rêver, imaginer, aimer.

La démocratie économique comme outil d’émancipation

L’émancipation humaine suppose une transformation fondamentale des rapports de production : mettre fin à la propriété privée des grands moyens de production, d’échange et de financement qui permet aux classes dominantes d’acheter comme une marchandise et d’exploiter le travail des autres. Au XXe siècle, les régimes de type soviétique ont substitué la toute puissance de l’État sur l’économie à celle du capital : on est passé d’une forme d’aliénation à une autre. Nous proposons aujourd’hui un tout autre chemin : une démocratisation continue de l’économie qui mette chaque jour davantage entre les mains de la collectivité des citoyens-travailleurs toutes les décisions concernant la production des richesses nécessaires à la satisfaction des besoins humains.

Cela implique évidemment que les grands outils d’intervention économique – dont le système monétaire, bancaire et financier – soient soustraits aux intérêts privés et à la loi du profit. Le développement de services publics démocratisés et étendus doit assurer l’effectivité des droits garantis par la constitution : santé, logement, enseignement, énergie, transports, culture, télécommunications etc. L’ensemble des institutions de protection sociale doit être mis sous la responsabilité des représentants des salariés.

Enfin, l’entreprise doit échapper à la dictature des actionnaires. Au lieu « d’appartenir » à ceux qui possèdent le capital qui s’y trouve investi, elles doivent devenir des institutions de nature spécifique où s’organise le « faire en commun » qui caractérise les activités humaines. Le pouvoir de décision doit donc y être partagé entre les différents protagonistes de son fonctionnement : salariés, collectivités publiques concernées, représentants de la filière, des consommateurs, des sous-traitants, des apporteurs de capitaux publics et privés, etc. Progressivement, l’ensemble de l’activité productive doit échapper à la loi du profit pour obéir aux règles que l’économie sociale et solidaire portent en germe.

L’égalité comme projet : combattre toutes les aliénations

La société dans laquelle nous vivons est marquée tout à la fois par l’apparition de possibilités inédites d’échange, de production, de mise en relation des individus, de connaissance qui rend possible un développement des capacités de chacune et chacun ; et par la persistance, voire l’aggravation, de formes archaïques d’aliénation qui enferment l’individu et entretient la guerre de chacun et chacune contre toutes et tous.

Le projet communiste doit être un projet de désaliénation générale ; un projet qui affirme que la lutte pour le développement intégral de chacun commence aujourd’hui.

Notre communisme fait de l’égalité entre les êtres humains le fondement de la société demain. Il agit au quotidien contre toutes les formes de discriminations, qu’elles soient fondées sur l’origine sociale, le sexe, la couleur de peau, l’orientation sexuelle, les opinions, les choix philosophiques, religieux ou le handicap.

Notre communisme est un féminisme, qui agit dès à présent pour la libération des femmes de la domination patriarcale et pour l’égalité de genre. Il fait de la lutte contre les violences sexistes, pour le droit des femmes à disposer librement de leur corps et contre les stéréotypes de genre qui empêchent l’égalité un combat quotidien. Il affirme la parité effective comme une condition de la démocratie.

Face à la désagrégation de la société, à l’aggravation des inégalités et des protections collectives qui poussent l’individu à se constituer une protection symbolique en cherchant des identifications compensatoires (identité nationale, repli communautaire), face au capitalisme qui transforme l’aspiration à l’autonomie en réduction de chacun à soi-même, nous affirmons la nécessité d’un antiracisme politique. Cela suppose un travail de contre-offensive idéologique majeur pour lutter contre toutes les formes de discrimination et de racisme, contre l’islamophobie et l’antisémitisme. Cela suppose également, face aux débats identitaires qui occupent aujourd'hui tout l’espace, de replacer l’égalité au coeur de notre visée politique.

Une nouvelle révolution démocratique : le pouvoir effectif du peuple

En affirmant le principe de la souveraineté populaire et de l’égalité des citoyens, 1789 a produit la première et fondamentale révolution démocratique. Les valeurs à caractère universel qui en sont découlées, toujours présentes dans le préambule de notre constitution, sont fondatrices de notre République. Elles animent le combat permanent des communistes contre toute forme de racisme, d'antisémitisme, d'islamophobie, de xénophobie, contre toutes les discriminations, leur combat pour l'égale dignité de tous les êtres humains et pour la laïcité, garantie de la liberté de conscience et de la libre expression de la volonté populaire.

Les classes dominantes ont tout fait, depuis deux siècles, pour limiter les conséquences de cette affirmation de la souveraineté populaire par des institutions qui éloignent le peuple de l’exercice réel du pouvoir en cantonnant les citoyens à un rôle marginal : déléguer leur pouvoir pour une durée plus ou moins longue. La 5e République a aggravé cette dépossession en instituant un régime présidentialiste qui centre toute la démocratie autour de l’élection d’un Président de la République aux pouvoirs exorbitants.

Une nouvelle révolution démocratique s’impose. Si la crise démocratique est si profonde, c'est que le pouvoir de l'oligarchie politico-financière, qui s'est dotée des institutions nationales, européennes et internationales les mieux adaptées à « contenir » les couches populaires et pérenniser le capitalisme financier, se heurte à des exigences démocratiques croissantes. Elles doivent s'inscrire dans une conquête de l’exercice du pouvoir par le peuple, dont le fil conducteur est le développement continu des droits et des pouvoirs des citoyennes et citoyens dans tous les champs politiques et économiques.

Partisans d’une société de citoyennes et de citoyens libres, égaux et associés, les communistes se prononcent ainsi pour une démocratisation permanente de la République.

Le citoyen ne doit plus être un acteur épisodique mais devenir l'acteur central du système institutionnel. Cela suppose un processus constituant populaire permettant d’instituer une 6e République. Elle devra évidemment redonner aux assemblées élues la primauté sur les exécutifs et mettre fin au présidentialisme. Elle devra également assurer enfin l’indépendance de la justice. Mais surtout, elle doit organiser un pouvoir permanent d’intervention des citoyenne et citoyens dans les institutions. Il doit comprendre le développement de formes de démocratie directe, des moyens permanents d’intervention dans les institutions, y compris un droit d’initiative législative, des moyens institutionnels pour l'échange et la délibération, ainsi qu’une information libérée de la domination financière. La politique doit être dé-professionnalisée (scrutin proportionnel – seul capable d'assurer le pluralisme et la parité –, non cumul des mandats et renouvellement limité). Un droit de contrôle permanent de l'activité des élus doit être organisé.

Fondée sur une communauté de destin, la République une et indivisible doit reconnaître la citoyenneté de résidence. L'autonomie des collectivités locales est le fruit d'une longue histoire progressiste aujourd’hui remise en cause. Elle est la garantie d'une démocratie au plus prés des citoyens et de leurs besoins et de leurs aspirations. La République doit garantir l'égalité des citoyens sur tout le territoire.

Une maîtrise citoyenne des technologies au service de l’émancipation

Nous vivons une révolution technologique d'une ampleur inégalée qui se traduit concrètement par une explosion des capacités de stockage, de traitement et de circulation des données à l'échelle planétaire via l'Internet des objets. Elle touche tous les domaines de l'activité humaine : relations sociales, travail, art et culture, éducation etc.

Cette révolution numérique, préemptée et soumise à ses intérêts est au coeur des logiques de prédation du capitalisme financiarisé et cognitif. Google et Apple sont les deux premières capitalisations boursières mondiales avec respectivement 540 et 535 milliards de dollars : une puissance financière qui est à rapprocher des 8 milliards d'euros consacrés à la recherche publique en France… Le modèle de ces entreprises dessine un nouvel horizon du capitalisme, s’appuyant sur la privatisation des savoirs humains et des possibilités nouvelles de prescrire à la source des comportements et des modes de consommation. Les plates-formes comme Uberpop captent la valeur produite par leurs utilisateurs et sont porteuses d'une logique de dérégulation massive et irréversible des droits salariaux des travailleuses et des travailleurs.

Pour autant, cette révolution numérique constitue un champ d’affrontement entre deux logiques : la logique parasitaire d'un capitalisme de rente d'une part, et les logiques de mise en commun et de coopération d'autre part. Une réponse à la marchandisation des biens informationnels et techniques se cherche un chemin prometteur : Fab labs, plates-formes coopératives… promeuvent un modèle où la circulation de l'information et des savoirs conçus comme biens communs constituent un puissant moteur de l'innovation technologique et sociale, de rayonnement culturel et d'épanouissement personnel. Elles s'inscrivent dans une logique de recapacitation des individus, par le partage des savoirs et savoir-faire. Elles sont un rempart contre le modèle intrusif d'une société de la techno-surveillance généralisée.

Enfin, la révolution numérique redéfinit la nature même du travail, interrogeant un nouveau partage de la valeur ajoutée et permettant une nouvelle avancée non seulement pour une réduction du temps de travail, mais aussi un chemin politique vers la société des producteurs/trices libres et associé-e-s à laquelle nous aspirons.

Bien vivre, ou le destin lié de l'humain et de la planète

L'empreinte écologique du consumérisme creuse une dette écologique considérable puisque nous consommons chaque année 40 % de ressources de plus que la planète n'est capable de produire ou de recycler. Cet impact est tel qu'il n'est pas abusif de parler d'anthropocène pour qualifier l'ère qui s'est ouverte au début du siècle dernier : l'activité humaine impacte lourdement les paysages, le climat, le niveau des océans, la biodiversité, la pollution des milieux naturels… Certaines de ces évolutions sont désormais irréversibles. Elles interrogent à terme la survie même de l'humanité. D'ores et déjà, ces bouleversements sont sources de conflits pour l'accès aux ressources raréfiées, de migrations climatiques ou économiques et d'une manière général de mal-vivre. Pour nous, communistes, le défi écologique, constitue désormais le coeur du projet communiste, indissociable des défis sociaux et économiques puisqu'ils procèdent des mêmes mécanismes de course au profit et de marchandisation.

Voyons d'abord que la prise de conscience des populations, et notamment des plus fragiles, souvent directement confrontées aux désordres environnementaux, est un point d'appui pour des politiques publiques enfin ambitieuses.

Pour mettre fin à ces dérèglements, il nous faut faire reculer l'ordre marchand, en faisant par exemple l'eau ou l'énergie des biens communs à placer hors marché. Le développement des services publics, dans les transports ou encore le logement constitueraient autant de puissants leviers : pour réhabiliter les logements énergivores, développer le fret ferroviaire, les moyens de transports alternatifs. Les politiques publiques doivent encourager la relocalisation, les circuits courts et pénaliser, notamment fiscalement, voire interdire, les pratiques polluantes. La sortie d’une agriculture intensive au profit d’une agriculture vivrière, notamment de proximité, constitue pour nous une priorité. La question énergétique se situe au cœur de la transition écologique que nous voulons mettre en œuvre. Elle nécessite indissociablement de garantir le droit à l’énergie pour toutes et tous et d’agir pour le développement prioritaire des énergies renouvelables et non-carbonées. Nous faisons de la sortie des énergies polluantes, dangereuses et génératrices de déchets, et notamment du nucléaire dès lors que la recherche n’aura pas trouvé les moyens de maîtriser réellement ses risques considérables, un objectif dont les modalités et le terme doivent être appréciés démocratiquement.

Le développement de nos sociétés, en apparence tourné vers la recherche du bonheur individuel, se mesure le plus souvent en point de PIB. Cette logique tourne le dos à l'aspiration de chacune et chacun à bien vivre, à se rapproprier, au-delà des moyens pour subvenir à ses besoins, des choix de vie que le consumérisme nous impose aujourd'hui. Chaque jour, nous sommes bombardés par des milliers de messages publicitaires aussi bien que par les sermons des prêtres de la religion capitaliste : ils nous vendent une société où l'avoir a préempté tout l'espace à l'être, produisant de la frustration, de la soumission et de la tristesse. Pour les communistes, la souveraineté populaire repose sur la souveraineté des consciences qui est plus que jamais à conquérir.

L’éducation et la culture au cœur du projet communiste

La crise actuelle est tout autant une crise économique et sociale qu’une crise culturelle. C’est une crise de perspective, de sens, une incapacité à imaginer le devenir de la société, un sentiment d’impuissance face à la domination prédatrice de la finance. Elle provoque le repli sur soi, donnant prise au populisme, à tous les intégrismes et obscurantismes, à la haine de l'autre. La reconquête politique et idéologique des classes populaires passe pour une part importante, pour redonner espoir, par la capacité d’imaginer un autre avenir, une autre forme de société. Elle suppose d'investir le champ du sensible, de l’imaginaire et du symbolique où se joue la représentation du désirable et du possible.

Nous sommes convaincus que l’enseignement, la création artistique, l’action culturelle, l'éducation populaire mais aussi la libre circulation des informations et des idées, la production et la diffusion des savoirs et leur appropriation par toutes et tous, sont des enjeux politiques majeurs pour celles et ceux qui, comme nous, portent l’ambition de transformer la société. La connaissance et l’art, en contribuant à renouveler notre regard sur les choses et sur le monde, en nous incitant à accepter d’être « dérangés », permettent d'accueillir et de s'enrichir des différences, de la diversité, de l’étonnement, de l’interrogation. En cela ils contribuent à lutter contre les postures conservatrices, le repli, la crainte de l’autre.

C’est pourquoi nous pensons que la lutte contre le capitalisme et toutes les formes de domination et d’aliénation exige de mettre l’éducation et la culture au cœur du projet communiste. Nous voulons en faire un moteur de la transformation sociale, dans le respect de la diversité culturelle, un élément constitutif d’une nouvelle politique de développement humain.

Nous vivons dans une société exigeant des savoirs de plus en plus généraux et précis. L'élévation générale du niveau de qualification, l'ambition de la réussite pour toutes et tous impliquent de se doter d’une école qui le permette. Le système scolaire et l’éducation populaire doivent être mis au service du libre développement des capacités humaines de chacune et chacun. Ils sont pour nous des moteurs incontournable de la transformation sociale.

Une Europe à géométrie choisie

Dans toutes les sociétés de domination de classe, les dominants ont utilisé la violence pour se soumettre des territoires et exploiter leurs populations. Avec la concurrence « libre et non faussée » qui organise dans le monde entier une guerre économique sans merci, il s’agit pour le capital financiarisé de s’approprier la totalité des ressources naturelles et humaines. C’est la logique fondamentale de l’actuelle construction européenne.

Les communistes combattent cette violence qui plonge une part sans cesse croissante des couches populaires dans le chômage, la précarité et la pauvreté. Internationalistes, ils considèrent au contraire que l’accélération sans précédent du mouvement historique de rapprochement entre tous les peuples du monde est une opportunité historique pour le développement humain et la paix. Pour cela, les classes dominées doivent reprendre à leur compte le grand projet d’une Europe de coopération définitivement débarrassée de la guerre, capable de défendre jusqu’au niveau mondial la préservation et l’enrichissement des acquis originaux d’un modèle social et démocratique propre à notre continent. Cela suppose à la fois d’audacieuses mises en commun des forces et des atouts des nations, et la possibilité pour chacune de préserver ses spécificités et la maîtrise de son destin.

La violence avec laquelle l’aspiration du peuple grec à rompre avec l’humiliation du mémorandum a été réprimée après la victoire de Syriza a mis en exergue la tension entre un projet d’émancipation et un cadre européen qui en nie pour l’instant la possibilité. Le débat sur la possibilité de transformer radicalement la construction européenne, sur la perspective d’une autre Europe, traverse partout les forces de transformation sociale, et bien légitimement les communistes. Ce débat doit avoir lieu.

Nous avançons l’idée d’une Europe à géométrie choisie, permettant un exercice partagé des souverainetés alliant une véritable démocratie parlementaire, une co-élaboration des directives entre le Parlement européen et les Parlements nationaux, et une implication active des citoyens et des salariés dans la vie politique européenne. Tout État membre pourrait librement choisir, dans un domaine où serait en jeu un aspect essentiel de ses choix de société, de prendre part ou non à un champ de la politique européenne, voire d’en négocier son retrait en cas d'impasse totale avec ses partenaires, si telle était la volonté de ses citoyens, démocratiquement consultés. Ainsi pourraient se développer toutes les coopérations possibles dans le respect des souverainetés nationales.

Vers un nouveau monde

Notre monde n'est plus un « extérieur » mais une globalité. Chaque événement de l'histoire d’un peuple s'inscrit dans l'histoire des autres : c'est un monde fini et interdépendant. Cette situation nous oblige à changer de regard et nous encourage à renforcer encore le combat contre les nationalismes, contre les replis réactionnaires et les xénophobies qui se nourrissent de la crise et de la désespérance sociale.

L'unicité du monde est très contradictoire. Elle constitue un champ de résistances et de luttes contre un impérialisme d'autant plus dominateur que ses stratégies - et la politique de ses alliés régionaux - conduisent à des impasses de plus en plus dramatiques. Les guerres en Afghanistan, en Irak, en Libye ont produit plus de déstabilisation et de chaos que les peuples concernés ne peuvent en supporter. La crise syrienne atteint un niveau de désastre inédit dans l'histoire des guerres au Proche-Orient. La Palestine, isolée dans son tête à tête avec l’État d’Israël, continue de s’enfoncer dans le chaos dans l’indifférence générale, et celle de l’Europe en particulier.

Mais la guerre est aussi idéologique. Des batailles cruciales sont à mener pour (re)gagner des majorités d'idées contre des conceptions néo-conservatrices dont l'exécutif français ne cesse de faire activement la promotion. Nicolas Sarkozy avait adhéré à la quintessence du modèle néo-conservateur américain alors que celui-ci commençait à s'effondrer. Il est consternant de voir la présidence de François Hollande entériner et prolonger ce choix si contraire aux valeurs de notre République.

La transformation profonde des terrains de la vie économique est une condition pour créer de nouveaux rapports de justice et d'égalité parmi les peuples, pour répondre aux attentes populaires sur tous les continents. Les chaos, les effondrements politiques, les conflits… naissent dans des contextes où se cumulent la pauvreté massive, la corruption, l'exploitation, l'arrogance des néo-colonialismes et des puissances dominantes. Ces contextes de crise ont contribué à des mouvements sociaux et des convergences de luttes d'une grande diversité contre l'austérité, contre les politiques néolibérales, pour l'indépendance et la dignité, notamment en Amérique latine et dans le monde arabe. À cet instant, l'exigence de démocratie prend une dimension décisive dans une mondialité qui appelle des processus multiples de solidarité internationale et de coopérations.

Il est nécessaire de faire vivre le commun et tous ses potentiels dans ce monde global où les solutions ne peuvent être que multilatérales, appuyées sur des principes partagés, et non sur des rapports hiérarchisés de domination tels qu'ils s'imposent avec l'OTAN ou bien les sommets réunissant les grandes puissances et les émergentes. L'ONU doit être sauvegardée, réformée et renforcée dans son statut d'organisation universelle, de cadre légitime pour dire le droit, et pour la définition des réponses aux crises et aux problèmes posés.

Contre un ordre - ou un désordre - sans avenir, nous agissons pour la construction d'un nouvel équilibre mondial qui fait de la sécurité internationale et de la paix une priorité absolue de l'action politique. La justice sociale et l'égalité, la souveraineté économique, l'intérêt mutuel dans la régulation des échanges, le développement dans toutes ses dimensions constituent des paramètres essentiels de la sécurité collective car celle-ci est inséparable de la condition sociale des peuples et de la lutte contre toutes les vulnérabilités humaines. La sécurité internationale, comme processus et facteur de paix, se construit aussi par le désarmement et par le règlement politique des conflits. Dans la période actuelle qui est celle d'une nouvelle course aux armements, nous agissons pour un désarmement concernant tous les types d'armes, y compris les armes nucléaires sur le plan international.

Pour nous, la mobilité est un droit de l’humanité, répondant à l’aspiration d’aller et venir librement. Le monde est à nous, et nous nous opposons à la fermeture et au repli. L’Union européenne, en fermant ses frontières à la crise humanitaire migratoire, porte la responsabilité de dizaines de morts chaque jour. L’Europe est confrontée au choix suivant : accueil et droit d’asile, ou barbarie.

II. 2017 : la première étape d’une dynamique de front populaire et citoyen

La situation politique est très inquiétante. Après quarante ans de « crise », sans qu’aucune force politique ne paraisse aux classes populaires en mesure de proposer une issue crédible, celles qui votaient à gauche se démobilisent, se détournent de la politique et s’abstiennent massivement. Et celles qui votaient à droite se laissent tenter par une extrême droite de plus en plus menaçante. Le discrédit est général, touche toutes les forces politiques et la politique elle-même et atteint les institutions mêmes de la République.

Le Parti socialiste à la dérive et la droitisation du système politique

C’est un cercle vicieux. Parce que la droite et « la gauche » appliquent alternativement les mêmes politiques néolibérales, l’extrême droite semble la seule alternative possible et se renforce, essentiellement au détriment de la droite. À la poursuite de ses électeurs perdus, la droite dérive vers les solutions nationales-autoritaires. Le Parti socialiste, cherchant sur sa droite un électorat qui l’abandonne à gauche, glisse dans le même sens pour tenter de la concurrencer sur le même terrain.

Chaque fois que « la gauche » a accédé au pouvoir – en 1981-86, 1988-93, et 1997-2002 – la déception qui a suivi a accentué et accéléré ce phénomène éminemment dangereux. Et les choses se répètent : après quatre ans de gouvernement Hollande – Ayrault – Valls, soutenu par sa majorité parlementaire et le Parti socialiste, les sondages comme les résultats des élections européennes et locales montrent que la déception n’a jamais été aussi grande. Une nouvelle catastrophe se prépare, comme en 2002, avec la présence annoncée de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle.

Il ne s’agit pas ici d’une évolution conjoncturelle, mais d’un processus qui dure depuis les années 1980 et a conduit le Parti socialiste à s’aligner progressivement sur l’évolution libérale de la social-démocratie européenne. Partout en Europe, elle est dans une impasse stratégique et théorique : face à la profondeur de la crise, face à la financiarisation et à la mondialisation du capital, elle est impuissante à proposer un nouveau compromis entre capital et travail ; la régulation du capitalisme qu’elle propose apparaît plus que jamais comme une illusion. Le problème ne se limite donc pas à la nocivité d’un « clan » Hollande-Valls-direction du PS. De congrès en congrès, le Parti socialiste a majoritairement connu depuis plus de trente ans un mouvement parfaitement assumé vers un social-libéralisme de plus en plus « droitier » et de moins en moins social. En 2011-2012, après le renoncement contraint de Dominique Strauss-Kahn, François Hollande l’a d’ailleurs emporté sur cette même orientation (que nous avons évidemment combattue avec acharnement), avec le soutien final de tous les courants de son parti.

Certes, le bradage désormais quasiment complet des valeurs de gauche secoue une partie significative des socialistes. Et la perspective d’une défaite électorale historique produit des tensions indéniables au sein du PS. Mais rien, absolument rien n’indique en l’état que ses rapports de forces internes aient significativement changé. L’an dernier encore, au congrès de Poitiers, la « motion A » signée par Jean-Christophe Cambadélis, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, mais aussi Martine Aubry, l’a emporté avec plus de 60% des voix.

Le Front de gauche : un repère indispensable mais en difficulté

Le Front de gauche a permis en 2012 de rassembler une bonne partie de l’électorat qui voulait se prononcer pour une alternative aux politiques néolibérales. C’était une première étape très importante. Depuis, parce que les forces qui l’avaient constitué n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour cela, rien n’a été fait pour relancer et surtout amplifier la dynamique initiale. Tout juste sont elles parvenues, au prix de laborieuses et décourageantes négociations, à présenter des listes ou des candidatures communes aux élections européennes et quelquefois locales, départementales et régionales, mais pas partout. L’espoir est retombé. C’est un déplorable gâchis qui conduit logiquement les uns et les autres (à commencer par les principaux responsables de cette situation) à constater que le Front de gauche est en échec, voire un échec. Comme souvent dans le passé, nous avons constaté cette situation sans ouvrir une réflexion en profondeur sur ses causes.

La principale tient à la forme de cartel d’organisations que s’est donné le Front de gauche, soumettant toute avancée à un accord unanime entre elles. Les différences de conceptions et de positions, comme les intérêts propres des organisations ou des personnes, ont ainsi abouti à bloquer les initiatives absolument nécessaires à la poursuite et l’amplification de la dynamique. Notamment, malgré des demandes insistantes et répétées – jusqu’au sein du Conseil national du Front de gauche, dont le rôle a très vite été réduit à très peu de choses – le principe d’adhésions directes au Front de gauche a été refusé, et la constitution d’assemblées citoyennes souveraines découragée.

Enfermées dans un tête à tête au sommet, les organisations du Front de gauche n’ont pas réussi à dépasser leurs oppositions. Comme pour les collectifs antilibéraux en 2005-2007, la question de la candidature à l’élection présidentielle a dans ces conditions cristallisé les contradictions et provoqué le blocage. Symbolisant sous la 5e République le leadership d’une personnalité et du courant qu’il incarne dans un rassemblement politique nécessairement beaucoup plus large, elle domine et surdétermine toute la vie politique, d’une élection à l’autre. Faute d’avoir posé ouvertement et affronté ce problème dès 2012 (où un accord conjoncturel avait été trouvé), et d’y avoir apporté une solution, le Front de gauche s’est trouvé paralysé et risque maintenant de disparaître dans la confusion. Et cela, alors qu’il demeure pourtant un repère important pour des millions de personnes, y compris une majorité d’électrices et électeurs communistes qui ont soutenu sa constitution.

Le mouvement social bridé par l’absence de perspective politique

Les luttes sont nombreuses. Elles touchent tous les champs d’activité et toutes les catégories sociales : salarié-e-s des entreprises, personnels de santé, enseignant-e-s, chercheur/ses, agriculteur/rices, artistes et technicien-ne-s du spectacle, militant-e-s des libertés, pour l’accueil des réfugiés, l’environnement, le numérique etc. Elles sont souvent très combatives, comme le montre spectaculairement le mouvement contre la loi de précarisation du travail. Et assez généralement soutenues par l’opinion publique, parfois massivement. Il existe dans la société un profond sentiment d’injustice et l’aspiration à un vrai changement.

Ces luttes se heurtent à l’intransigeance du patronat et du gouvernement. Mais surtout, elles sont bridées par l’absence d’un projet de transformation sociale qui permettrait leur convergence et leur donnerait alors la force, potentiellement considérable, qui leur manque aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans une société apathique, bien au contraire : elle est éruptive, mais inhibée par l’absence de perspective politique crédible.

C’est dans cette situation contradictoire de difficultés très importantes et de force potentielle considérable que nous devons aborder les échéances de 2017. Le plus certain est que la clef se trouve dans une mobilisation rapide et exceptionnelle des classes populaires. Il ne fait aucun doute à nos yeux que la seule façon d’y contribuer est de proposer une démarche politique radicalement neuve, rompant avec les combinaisons d’organisations et proposant pour la première fois de donner aux citoyennes et aux citoyens eux-mêmes le pouvoir de décider directement de tout.

Transformer le Front de gauche pour qu’il devienne le moteur d’un rassemblement très large, une grande force populaire et citoyenne

Le Front de gauche est en difficulté, certes. Mais dans la société le besoin de rassemblement est toujours vivace. Face à l’inertie des instances nationales du Front de gauche, des militants et des citoyens ont créé localement sous diverses formes des assemblées ou des collectifs citoyens qui ont souvent un bilan très positif. Au plan national, les initiatives se succèdent (Collectifs 3A, Chantiers d’espoir, Mouvement commun…) pour tenter de trouver des espaces où réfléchir et agir ensemble. Les forces disponibles sont potentiellement considérables tant l’aspiration existe dans la société à trouver le moyen de sortir de la terrible impasse actuelle.

Il ne s’agit pas seulement des militantes et militants et des milieux les plus ouverts au débat politique. Beaucoup de femmes et d’hommes qui se tiennent aujourd’hui à distance de la politique, notamment dans les classes populaires, ne sont pas du tout indifférents à la politique, mais découragés ou écœurés, y compris par nos propres incapacités. Elles et ils pourraient se révéler disponibles en grand nombre si l’espoir naissait d’une initiative sortant des sentiers battus d’un système politique épuisé, leur donnant enfin réellement la parole et le pouvoir de décider.

Certains camarades proposent de « rallumer l’étincelle » du Front de gauche qui, même en crise, apparaît durablement ancré dans la population comme étant « la force de gauche alternative », voire « l’alternative à gauche ». Et son programme, « l’Humain d’abord », continue de faire référence pour beaucoup. Compte tenu de l’expérience, il nous faut cependant imaginer une autre forme de rassemblement. Non pas en déclarant la mort du Front de gauche, ce qui découragerait celles et ceux qui y ont vu à juste titre un espoir et réduirait à néant les efforts déjà accomplis. Mais en proposant de le prolonger et d’en élargir radicalement la démarche pour qu’il donne naissance à une dynamique de front populaire.

Le Front de gauche doit devenir une structure ouverte où citoyen-ne-s, militant-e-s syndicaux, associatifs, féministes… pourront trouver et créer des lieux d’élaboration, de débat, mais aussi d’actions, de décisions. Une structure en mouvement, qui permettra d’associer des militant-e-s issu-e-s de cultures politiques différentes, et avec des volontés militantes différentes : engagements thématiques, ponctuels, ou plus durables, impliquant une participation aux prises de décision. Au plus près des lieux de travail et de vie, il s’agit de permettre une authentique appropriation citoyenne des débats et des choix politiques. Chacune et chacun pourra s’y inscrire directement dans des assemblées locales souveraines. Toutes les forces progressistes (partis, syndicats, associations, etc.) pourront y contribuer en y faisant valoir leurs idées et leurs propositions, et le cas échéant en soutenant les actions démocratiquement décidées.

« Primauté au mouvement populaire », « union par en bas », disions-nous après avoir analysé l’échec de l’union de la gauche. Il est temps de traduire le slogan en faits et de donner jusqu’au bout la primauté au mouvement populaire, y compris lorsqu’elle suppose pour nous et notre organisation de la prise de risque, de l’expérimentation, du dépassement parfois, de l’ouverture toujours. Il s’agit donc d’affirmer le Front de gauche comme une perspective stratégique de long terme, qui se fixe l’objectif d’une construction politique et populaire de la gauche de transformation sociale, radicalement antilibérale ; bien au-delà d’un simple rassemblement électoral. Ce que nous proposons ainsi, c’est la construction de lieux et de réseaux où, sur la base d’une volonté commune de combattre le néolibéralisme et les idées d’extrême droite pour inventer une alternative sociale, écologique et de liberté, puissent se rencontrer les citoyens, les forces politiques et les organisations du mouvement social, et où les citoyens eux-mêmes puissent prendre à chaque étape les décisions essentielles.

Pour 2017 : des Assises de la transformation sociale et écologique

Si nous ne réussissons pas à faire renaître l’espoir et permettre ainsi aux classes populaires de se sentir à nouveau concernés par la politique, les élections de 2017 se traduiront quoi qu’il arrive par un face à face entre les deux stratégies des classes dominantes : le néolibéralisme et le néofascisme. Rendre crédible une véritable alternative de progrès social et humain est donc la seule façon de déjouer le piège qui est tendu à notre peuple.

La perspective illusoire et dangereuse de primaires au service d’une « candidature commune » de la gauche

Mettant en avant le précédent de 2002, le Parti socialiste soutient que l’unité de candidature de toute la gauche serait le seul moyen d’éviter son absence au second tour et un duel entre la droite et l’extrême droite. C’est pourquoi il louvoie entre l’hypothèse d’une candidature « naturelle » de François Hollande et des primaires de toute la gauche « de Macron à Mélenchon » qui seraient organisées beaucoup trop tardivement, en fin d’année voire en janvier.

Un tel est scénario est dangereux et illusoire.

Il ne pourrait qu’aggraver la confusion puisqu’une primaire pour une candidature « commune » de la gauche devrait rassembler à la fois les partisans et les adversaires des politiques libérales soutenues par le Parti socialiste.

Notre propre participation à une telle primaire est en outre impossible à imaginer sans que tous les participants acceptent un « socle commun » réellement antilibéral. Pas seulement sur la loi « travail » et la déchéance de nationalité, mais sur l’ensemble des politiques libérales qui enfoncent notre pays dans la crise et produisent l’écœurement et la colère de notre peuple, à commencer par l’acceptation des traités européens que le Parti socialiste a majoritairement soutenus depuis plus de 30 ans.

Il est tout aussi vain d’espérer que la sécession d’une partie du PS pourrait nous permettre de faire émerger une « candidature commune » à gauche. Outre que cette hypothèse relève en l’état de la politique-fiction, elle ne pourrait pas rassembler toute la gauche sur une même candidature. Car même si les tensions internes devaient atteindre un niveau d’intensité qui casserait le Parti socialiste en deux parties, l’une visiblement libérale et l’autre moins, le résultat souhaité d’une candidature de toute la gauche ne pourrait être atteint puisque la partie supposée plus « libérale » que l’autre ne manquerait pas d’en présenter également une.

Et dans tous les cas, la candidature ne pourrait être celle de toute la gauche puisqu’un tel résultat supposerait aussi le renoncement de Jean-Luc Mélenchon, qui continue d’identifier le Front de gauche pour des millions de femmes et d’hommes, se refuse quant à lui de façon tout à fait déterminée à quelque alliance que ce soit avec un PS discrédité par son soutien constant au gouvernement et demeure crédité dans les sondages d’environ 10% des intentions de vote.

Enfin, s’il y avait une candidature « commune » à gauche à l’élection présidentielle à partir d’un « socle commun », nous risquerions fort d’être entraînés vers des candidatures communes aux législatives de femmes et d’hommes supposés « résolument à gauche », comme le dit le projet de base commune, mais dont on ne voit pas comment et par qui elles seraient décidées.

Pas de dynamique populaire possible sans une rupture claire avec un PS discrédité

Il est vrai qu’il existe dans le pays un très profond mécontentement qui pourrait donner naissance à un grand mouvement social qui changerait radicalement la donne. Personne ne peut pourtant prédire un événement de cette nature : il faut y être prêt et contribuer à son émergence, mais il est impossible de fonder une stratégie électorale sur une telle hypothèse, encore moins à très court terme.

Et surtout, comme toute l’histoire le montre, y compris mai 68, un mouvement social même considérable ne débouche pas nécessairement sur un changement politique. Il faut pour cela que ce mouvement puisse se reconnaître dans une offre politique (un projet, des forces) qui lui corresponde. C’est ce qui s’est passé récemment en Grèce et en Espagne, avec des résultats spectaculaires. Mais dans tous les cas, une des conditions de la dynamique politique a été la rupture claire et sans concession de Syriza et Podemos avec respectivement le PASOK et le PSOE, l’un et l’autre aussi affaiblis et discrédités que le PS. Il est vain de s’accrocher à la vieille union de la gauche avec la social-démocratie à sa tête. La gauche, comme outil politique des catégories populaires — diverse dans ses courants de pensée et dans ses traditions politiques, mais unie par son parti pris en faveur de ce camp social là —, ne pourra trouver un nouveau souffle que si elle a pour moteur une force de gauche radicalement transformatrice et antilibérale.

À l’inverse, notre ralliement à une candidature commune avec le Parti socialiste – qui dans les conditions actuelles ne pourrait être que celle d’un des principaux dirigeants de ce parti – aurait pour nous et nos combats des conséquences désastreuses. Elle nous associerait une fois de plus au PS, ce qui nous entraînerait dans sa chute annoncée. Pire encore, elle casserait définitivement le rassemblement que nous tentons de construire depuis 2003 pour faire vivre une alternative de gauche aux politiques néolibérales. Le Front de gauche éclaterait définitivement et n’y survivrait pas. Les forces que nous avions contribué à rassembler se disperseraient. Huit ans d’efforts seraient ruinés. Les assemblées et collectifs citoyens qui se sont constitués malgré l’absence de toute initiative nationale après 2012 disparaîtraient. Les liens tissés, les pratiques et la culture communes, les combats menés ensemble : tout cela serait passé par pertes et profits. La perspective d’une alternative à gauche serait pour longtemps rayée de la carte. Le seul gagnant de cette catastrophe serait finalement le Front national lui-même, dont nous disons pourtant à juste titre vouloir plus que tout conjurer la menace, parce qu’aurait disparu du champ politique toute autre alternative au néolibéralisme que celle du néofascisme.

Il faut en tirer définitivement la conclusion : nous ne pouvons pas faire dépendre notre stratégie d’évolutions supposées du Parti socialiste. Pendant des décennies, de « l’Union de la gauche » à « la gauche plurielle », nous avons tenté sans succès de « peser » sur lui, de l’extérieur ou au sein d’alliances de sommet. Nous avons fait nous-mêmes la critique de ces tentatives, et en avons conclu après 2002 que la seule solution était de travailler à construire un rassemblement clairement porteur d’une alternative politique au néolibéralisme. C’est l’objectif que, plus que jamais, nous devons poursuivre et amplifier à l’occasion des élections présidentielle et législatives de 2017.

C’est la condition pour qu’un rassemblement majoritaire puisse se construire sur des bases clairement opposées à la poursuite des politiques néolibérales. Plus ce rassemblement sera puissant, plus il réussira à identifier une véritable alternative de progrès démocratique, social et écologique, et plus il sera attractif pour des femmes et des hommes, voire des militantes et militants, élues et élus qui se reconnaissent encore aujourd’hui, même par défaut, dans un Parti socialiste à la dérive. Le rassemblement de « toute la gauche », comme celui que Podemos a proposé en Espagne, ne pourra se faire qu’en ayant réussi à briser l’hégémonie du PS à gauche, sur la base d’un rapport de force garantissant l’engagement d’une politique clairement antilibérale.

Des Assises de la transformation sociale et écologique

L’objectif que nous nous fixons pour 2017 est de rassembler toutes celles et tous ceux qui veulent rompre avec les politiques libérales et autoritaires pour travailler à une alternative sociale, écologique et démocratique. Nous proposons pour cela une première étape de notre stratégie de front populaire en travaillant à une démarche puis une campagne nationale liant indissociablement élections présidentielle et législatives autour d’un projet commun.

Nous proposons que se tiennent, sous la forme d’assemblées citoyennes, des Assises locales ouvertes à toutes les forces et toutes les personnes qui veulent travailler à une véritable alternative de progrès humain, y compris les membres et élus du Parti socialiste, d’EELV et toutes celles et ceux qui souhaiteraient travailler à une rupture claire avec les politiques libérales. « L’Humain d’abord », qui reste par beaucoup d’aspects d’actualité, serait la base des échanges.

Jusqu’à la fin de l’automne, nous travaillerions ainsi ensemble à recueillir au plus près des classes populaires leurs exigences, leurs idées et leurs propositions, et construire un projet et des candidatures à l’élection présidentielle et aux élections législatives. Puis des Assises nationales, composées de délégué-e-s des Assises locales, concluraient la démarche en formulant le projet et actant les candidatures communes.

En cas de désaccord persistant sur certains points du projet, une votation citoyenne nationale donnerait une légitimité démocratique aux choix indispensables. Il en serait de même en cas de pluralité de candidatures possibles à la présidentielle. À l’initiative des Assises locales, le même principe pourrait s’appliquer aux candidatures aux élections législatives.

Jean-Luc Mélenchon a proposé unilatéralement sa candidature, ce qui va à l’encontre de la démarche collective qui est la raison d’être du Front de gauche. Il est extrêmement dommageable qu’on en soit arrivé là. Comme l’est aussi le fait que nous n’ayons jamais examiné ni débattu de cette éventualité tout à fait prévisible depuis des années, et que nous n’ayons pas élaboré une stratégie qui en tienne compte et permette de poursuivre la démarche collective qui a montré son efficacité.

Le processus que nous proposons renoue avec l’esprit initial qui fut celui du Front de gauche : rassembler pour une alternative sans concession aux politiques libérales et contester l’hégémonie à gauche du PS. Elle devrait donc permettre à Jean-Luc Mélenchon de s’inscrire dans ce processus qui garantit que ce seront les citoyennes et les citoyens les plus attachés à « l’Humain d’abord » qui auront le dernier mot sur le projet et la candidature à la présidentielle. Elle est de plus beaucoup plus cohérente avec la conception d’une 6e République débarrassée d’un présidentialisme qui écrase et dénature notre démocratie.

Mais nous savons que l’essentiel dépendra du succès de la démarche proposée. Si nous avons la capacité, avec toutes les forces individuelles et collectives disponibles, de susciter une véritable dynamique politique, la légitimité des décisions prises dans ce cadre s’imposera de fait à tout le monde car elle seule peut ouvrir un espoir, permettre le réengagement des classes populaires et garantir ainsi le succès.

En donnant aux citoyennes et aux citoyens eux-mêmes le pouvoir de maîtriser les choix de projet et de candidature à l’occasion de la principale échéance politique de notre pays, cette démarche constituerait une innovation majeure dans la vie politique. Elle manifesterait notre volonté commune de secouer un système politique obsolète qui dépossède les citoyens de leurs pouvoirs, et aboutit de surcroît de plus en plus à des blocages paralysants. Elle constituerait un signal très fort susceptible, a fortiori en cas de mouvement social important, d’identifier une offre politique radicalement nouvelle, susceptible de mobiliser à nouveau des catégories populaires résignées jusqu’à maintenant à l’abstention.

 

 

 

III. Le Parti communiste : une autre façon de faire de la politique

La stratégie de front populaire et citoyen suppose une profonde transformation de notre parti, de ses pratiques et de ses règles de fonctionnement. Son objectif central : faire en sorte que nous nous immergions dans la société non pas pour lui apprendre ce qu’il y a lieu de faire ou de penser, mais pour contribuer, en y apportant avec d’autres notre propre contribution, à ce que les citoyennes et les citoyens débattent et réfléchissent ensemble, et prennent directement les décisions dont dépend leur rassemblement. C’est en outre le seul moyen, comme d’autres cherchent à le faire, en Espagne, en Grèce ou ailleurs, d’échapper au discrédit de la politique et des partis en nous identifiant concrètement à des pratiques radicalement nouvelles donnant la parole aux citoyens et la primauté au mouvement populaire.

Cela implique d’abord de mettre nos propres pratiques en accord avec les positions que nous défendons dans la société : transparence de l’action publique et contrôle permanent des élus par les citoyens, dé-professionnalisation de la politique, interdiction rigoureuse du cumul des mandats et limitation à un seul renouvellement, réduction de leurs durées, statut de l’élu-e, etc. Ce que nous faisons nous-mêmes au quotidien doit devenir la garantie visible des changements que nous voulons opérer dans la vie politique.

Permettre aux citoyennes et citoyens de s’approprier l’activité politique

Ces nouvelles pratiques doivent être au coeur de la mise en œuvre de notre stratégie. Nous ne réussirons à créer une dynamique de front populaire que si celles et ceux que nous voulons rassembler éprouvent concrètement que, cette fois-ci, ils et elles ne sont pas les soldats d’une démarche sous contrôle d’états-majors lointains, mais qu’elles et ils peuvent la maîtriser de bout en bout : en décidant des formes d’organisation, des actions et, lors des élections, des projets et des candidatures.

De la même façon que nous proposons pour la société de mettre les citoyennes et citoyens eux-mêmes au cœur de tous les pouvoirs, de même nous faut-il aujourd’hui permettre aux femmes et aux hommes qui veulent s’engager de se saisir de la politique et d’exercer eux-mêmes des pouvoirs jusqu’alors réservés aux partis (choix d’actions, élaboration des projets, candidatures...) et au moins de les partager avec eux.

Il ne s’agit nullement d’un amoindrissement du rôle et de la responsabilité des partis, au contraire. Il n’y a pas dans la vie politique de spontanéisme qui permettrait d’imaginer pouvoir se passer de forces organisées nombreuses capables de contribuer partout aux débats, aux élaborations, aux initiatives. Les communistes ont toujours été, dans le mouvement ouvrier, ceux qui cherchaient à rassembler, à unir, et pour cela à proposer et à agir en fonction de l’intérêt de l’ensemble du mouvement. Notre rôle est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que la diversité des luttes et des catégories sociales qu’il s’agit de travailler à faire converger – ce qui constitue un atout majeur – rend ce travail politique plus exigeant et nécessaire.

Des luttes concrètes à la perspective d’une autre société

Les « 99% » sont, dans leurs diversités, l’ensemble des catégories sociales qui vivent de leur travail et sont aujourd’hui les victimes du capitalisme financiarisé et mondialisé. Ils sont sous la pression des idées dominantes. Mais ils sont également travaillés par les contradictions que révèlent leur propre expérience et les idées portées par différents courants de transformation sociale, dont le nôtre. Ils ne cherchent pas des théories toutes faites, mais des solutions à leurs problèmes et des réponses à leurs questionnements. Nous devons partir de cette réalité pour inscrire chaque initiative militante dans un combat commun qui rassemble et une cohérence d’ensemble à construire.

Plus que jamais, les communistes doivent donc partir du terrain, des luttes concrètes grandes et petites : luttes sociales et démocratiques, luttes politiques, actions de solidarités. Cela implique de développer notre implantation sur tout le territoire, dans les entreprises et les quartiers. C’est à partir de cette présence aux côtés de toutes celles et tous ceux qui bougent et se mobilisent dans la société que nous pouvons au mieux travailler à fédérer, à faire apparaître et grandir ce qui est commun, à avancer nos propres idées pour inscrire toutes ces luttes dans la perspective d’un autre système social que le capitalisme, d’une autre société.

Une organisation ouverte et décentralisée

Pour cela, nous devons poursuivre la transformation de notre vie interne. Héritiers de conceptions liées à l’histoire et au « rôle dirigeant » de la classe ouvrière, nous le sommes aussi de la culture et de la forme d’organisation d’un parti « d’avant-garde ». Nous avons évidemment énormément changé, notamment en abandonnant la dictature du prolétariat en 1976 et le « centralisme démocratique » en 1994, puis en adoptant en 2001 le « pluralisme de droit ». Mais il nous faut aller plus loin.

Pour construire des liens et des réseaux avec tout ce qui bouge dans notre société et se mobilise contre l’ordre capitaliste néolibéral, nous devons imaginer un fonctionnement beaucoup plus ouvert, souple, horizontal, transversal, décentralisé. Les femmes et les hommes qui se mobilisent et pourraient s’engager politiquement sont très divers, comme le sont leurs exigences, leurs sensibilités et leurs cultures, produits de leur propres histoires individuelles et collectives. Notre parti doit pouvoir devenir le leur, sans qu’ils n’aient en rien à renier ce qu’ils sont. À l’image des travailleuses et travailleurs d’aujourd’hui, il doit pour cela devenir le lieu d’un métissage de toutes les cultures à visées émancipatrices, s’enrichissant les unes les autres dans un dialogue respectueux des différences. Toutes celles et tous ceux qui y sont prêts doivent pouvoir réfléchir avec nous, dans ce sens, à une transformation audacieuse de notre organisation, de ses pratiques et de ses règles de fonctionnement. Cela ne demande pas moins de cellules, de réseaux et de collectifs mais plus de lieux où les communistes s’organisent, délibèrent et agissent y compris au sein des entreprises et des établissements. L’implantation nationale de notre parti, les très nombreuses « maisons des communistes » sont pour cela des points d’appui important pour qu’émergent de nouveaux creusets d’élaboration citoyenne et d’éducation populaire.

 

Il faut travailler à développer l’autonomie et la capacité d’initiative des communistes. Elles et ils doivent pour cela disposer des outils nécessaires : moyens de formation internes au Parti et partenariats avec tous les lieux d’élaboration et d’échange utiles dans le mouvement syndical et associatif. Ils doivent par ailleurs pouvoir échanger entre eux leurs expériences et leurs réflexions : nous devons pour cela mettre en réseau les militants au coeur d’un réseau social conçu comme un espace permanent de discussion et d’échange d’expériences. De même faut-il mettre en place une WebTV militante, comme l’ont fait nos camarades de Podemos en Espagne, et former le plus grand nombre de militantes et de militants à ce type de communication.

Les porte-parole de notre parti, comme les directions à tous les niveaux, doivent être représentatives de toutes les diversités, y compris les catégories sociales que nous voulons rassembler. La parité doit devenir une règle absolue ; nous devons faire de la promotion de cadres jeunes et issus des milieux populaires une grande priorité politique. Le Mouvement Jeunes communistes de France et l’Union des étudiants communistes sont pour cela des points d’appui importants, dans le respect de leur autonomie.

Nous devons repenser à partir de ces exigences le rôle de nos directions. La direction nationale est responsable devant les adhérents des décisions de congrès. Elle doit donc se donner les moyens d’évaluer les résultats – positifs ou négatifs – de ses propres décisions d’un congrès à l’autre et d’en comprendre les causes. De façon générale, les débats et les choix des directions – batailles politiques et stratégies électorales – doivent êtres faits en toute transparence pour les adhérents. La direction nationale doit être à l’initiative de batailles structurantes que nous devons mener dans la durée avec un calendrier, ce qui implique l’engagement de tous ses membres et une évaluation régulière avec les directions locales et départementales. Elle doit aussi se donner les moyens de recenser les pratiques innovantes qui se développent dans le parti, de les faire partager, de les susciter et les accompagner.

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  • "L’ambition communiste pour un Front de gauche populaire et cit"

    Je soutiens à 100 % CE TEXTE QUI DEFEND NOS VALEURS COMMUNISTES : "L’ambition communiste pour un Front de gauche populaire et citoyen" Après 42 ans de parti, il semblait évident que le PC doive se détacher du PS, pour garder nos valeurs quand eux les cassent. Je suis en totale contradiction avec l'idée que le problème, ce serait le clan de tête du gouvernement, et la tête du PS ; A Nanterre, le gouvernement PS ne renouvelle pas l'accord de chirurgie (fin en 07 2106), l'adjointe à la santé ne se révolte pas, le PS non plus, .? Et l'on choisirait un candidat de "la gauche réformiste" comme dit M. AUBRY, non merci. Moi je veux un congrès démocratique, ou l'on respecte les statuts : "les communistes sont souverains", avec un texte clair, sans redites, avec un ADN communistes, pas un dernier effacement avant de disparaître en tant que communiste. C'est la première fois que je suis aussi inquiète en préparant un congrès !!!

    Par JOSETTE LEPENDU, le 26 March 2016 à 03:54.

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le 24 March 2016

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