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5 réflexions sur "la gauche" en France - Gabriel Gau - 75

  1. Le gouvernement Hollande/Valls n'est pas un gouvernement de gauche. Cela ne se voit pas tant aux reculs sociaux et démocratiques dont il est l'auteur, qu'à la façon dont ceux-ci sont assumés, dans une démarche néolibérale théorisée. Le tournant de la rigueur des années Mitterrand et les privatisations des années Jospin étaient des revirements du pouvoir socialiste. Ils constituent les échecs d'une stratégie réformiste de gauche. La politique de droite du gouvernement actuel, elle, est le fruit de la volonté politique de ceux qui le dirigent. Ce qu'on a appelé le « social-libéralisme », introduit en Europe par Tony Blair, Gerard Schröder et d'autres, provoque à chaque fois qu'il parvient au pouvoir dans un pays une rupture définitive des formes anciennes d'union de la gauche.

 

  1. La gauche en tant que référence politique n'est pas morte. La preuve ? La plupart des manifestants contre la loi travail reprochent au gouvernement de ne pas mener une politique de gauche et cet état de fait provoque des fractures importantes au sein même de la social-démocratie, jusqu'à une recomposition politique prochaine quasi inévitable.

 

  1. Cependant, « la gauche » dans son ensemble est en échec en France. Or, depuis quarante ans, c'est le courant social-démocrate qui domine électoralement et culturellement à gauche. Celui-ci, tout comme le socialisme bureaucratique qui fut expérimenté à l'Est, a montré son incapacité à améliorer concrètement l'existence des classes populaires, donc à atteindre ses objectifs politiques : « changer la vie ici et maintenant ». Aucun courant historique de la gauche française n'a trouvé jusqu'ici une stratégie et un projet adaptés à l'ère de la révolution informationnelle, du défi écologique et de la crise systémique du capitalisme. Le caractère illisible et tiède du texte sur le projet qui nous est proposé par le Conseil national en est la triste preuve.

 

  1. Justement, la dynamique de nouvelles forces de gauche conquérantes en Europe et dans le monde s'appuie systématiquement sur des innovations théoriques, stratégiques et organisationnelles. Nous pourrions chercher à redéfinir un projet et une stratégie de conquête propres à notre siècle. Mais la proposition de base commune, tout comme le texte « la France en commun », ne répondent pas à cette exigence. Pourquoi ? Parce que ces documents, écrits en vase clos au sein d'un parti qui peine à se métamorphoser, restent, malgré des progrès sectoriels, essentiellement centrés sur la défense des acquis ouvriers du vingtième siècle. Aujourd'hui, le projet politique du PCF, en plus d'être difficilement énonçable clairement, n'apparaît pas comme révolutionnaire (c'est-à-dire porteur d'une organisation de la société radicalement différente de l'actuelle) mais comme « plus à gauche ». Il vise à ce que les gens soient mieux payés, moins précaires, etc. comme si les problèmes pouvaient se régler les uns après les autres dans le cadre du capitalisme financiarisé. Il s'apparente de plus en plus à un projet social-démocrate plus social que celui du Parti socialiste, ce qui a des implications fortes sur la stratégie du PCF. Il y a besoin d'une solide stratégie d'implication populaire pour inverser le rapport de forces vers les idées révolutionnaires de notre temps, sur la libération du travail, l'écologie, l'économie sociale et solidaire, etc. Seul ce type de stratégie – qui peut s'appuyer sur un repère politique identifié : le Front de gauche – peut permettre un dialogue entre l'ensemble des familles idéologiques de la gauche (y compris la social-démocratie et l'écologie politique qui peuvent beaucoup apporter sur certains points) avec celles et ceux, dans le monde associatif, intellectuel et économique qui cherchent les voies d'un monde nouveau. C'est dans cette dialectique entre implication populaire fondée sur une radicalité retrouvée et rassemblement politique cassant les frontières culturelles artificielles entre traditions politiques, que je vois une chance de produire de l'innovation politique.

 

  1. Sans ce travail de reformulation du projet et de la stratégie, toute tentative d'union de la gauche est vouée à l'échec. Une primaire de « toute la gauche » soumise aux exigences du Parti socialiste consacrera les idées actuellement dominantes, qui sont celles du renoncement. C'est pourquoi le texte proposé par le Conseil national n'apporte pas, à mes yeux, de réponse convaincante au flou stratégique dans lequel les militants communistes sont plongés. De même, il ne pourra pas suffire de « relancer » un Front de gauche qui s'est coupé depuis quatre ans de sa base populaire. Cependant, s'appuyer sur les acquis du Front de gauche et les forces disponibles en son sein et dans la gauche politique, syndicale et associative, pour lancer une grande campagne populaire de reconquête idéologique sur trois ou quatre axes de projet clivants, c'est-à-dire représentatifs de notre volonté de rupture avec le capitalisme productiviste et néolibéral, cela peut renverser la vapeur et nous permettre d'envisager autrement les rapports avec les autres partis de gauche que comme une béquille électorale. Cette campagne déboucherait alors sur la désignation (pourquoi pas sous la forme d'une votation ouverte à toutes et tous, « façon primaire ») d'un-e candidat-e à l'élection présidentielle et de candidat-e-s aux élections législatives. Le programme devrait également être vraiment co-construit par les citoyen-ne-s, puis soumis à un vote ouvert. Force est de constater que les actes politiques posés par le PCF depuis 2012 sont largement insuffisants et, jusqu'ici, nous placent en spectateurs de la décomposition de la gauche comme du Front de gauche. Il reste très peu de temps pour reprendre les choses en main.

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