Les congrès du PCF

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Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve - Claire Angelini et Marc Moreigne - 75

Adhérents du Parti communiste depuis deux ans pour l'un, six mois pour l'autre, nous proposons ici notre contribution dans la perspective du prochain Congrès.

Notre engagement actuel au PCF et notre désir de la chose politique se sont nourris de nos expériences passées et de nos pratiques professionnelles comme de nos convictions intimes. Nous attendons beaucoup de ce Congrès et du Parti car il nous semble que nous sommes à l’aube de choix décisifs et que nous entrons dans une période de grande incertitude, lourde de dangers et de menaces pour notre pays et
pour le monde.

Face à cela, nous pensons que le rôle du PCF est d’impulser une dynamique de re-pensée et de re-construction de la gauche, aujourd’hui éclatée et dispersée, et de trouver le chemin et la manière pour faire lien entre les meilleures forces progressistes citoyennes et intellectuelles de ce pays, en convergence avec les forces de gauche allumées ici et là en Europe et dans le monde. Nous sommes conscients de la difficulté de l’entreprise et de ce qu’elle nous demandera à tous de travail et d’inventivité. Nous mesurons aussi les obstacles et les freins à cette nécessité de création et de transformation qui tiennent au nombre trop peu important de jeunes adhérents parmi nous, au nombre trop limité de femmes à des postes de
responsabilité réelle, à la lente mais croissante coupure de notre Parti d’avec ceux qui travaillent le plus durement aujourd'hui et au peu de places accordées aux camarades issus des immigrations coloniales et post-coloniales. Nous faisons nôtres sur ce sujet les observations présentes dans les contributions de plusieurs camarades qui relèvent l’opportunité à l’occasion de ce congrès de reconsidérer le fonctionnement interne du Parti, de resserrer et d’intensifier le lien entre les dirigeants, les élus et les militants de base, pour en faire un outil opérant et réactif à tous les échelons de son organisation. Nous espérons que notre Parti aura la capacité de mettre en débat et en questions ces nombreux défis et à prendre la mesure de la situation actuelle et des enjeux qui se présentent à lui.

CONTEXTE

Dresser un état des lieux, caractériser le contexte national et international dans lequel il s’inscrit.
Notre situation politique, en France et dans le reste du monde est marquée par une grande incertitude dont les symptômes se révèlent à travers une croissance continue et exponentielle des inégalités (cf Oxfam sur les 62 personnes possédant autant que plus de 3 Milliards d’autres) et une quadruple crise : sociale, économique, humanitaire et culturelle.

La forteresse Europe prend le visage meurtrier du cimetière pour migrants de Lesbos. Ou celui des murs et des barbelés aux frontières de la Hongrie. Ou celui, plus proche de nous, des amas de tôles boueux et indignes de Calais et de Grande Synthe.

En Afrique sub-saharienne les formes pipées des décolonisations conduisent  aujourd'hui une fois de plus à la violence et à l'extrême paupérisation et désenchantement des populations. Nous sommes en tout et en toutes choses très loin de la Tricontinentale. Le grand Moyen Orient, lui, aligne les guerres, les massacres et la violence la plus sauvage et la plus insensée. Pour ne citer ici que les plus en vus des pays connaissant cette tragédie sans fin: l'Irak, l'Afghanistan, la Syrie et la Palestine.

Nous sommes à la veille de catastrophes écologiques majeures mettant en danger l'humanité toute entière et l'horizon humain lui-même, et d'une nouvelle crise financière majeure qui se profile à l’horizon à mesure que la bulle spéculative internationale enfle.

Maintenant, notre contexte politique intérieur.
Tout d'abord souligner ceci: la victoire apparente de classe des possédants et l'idéologie d'une économie mondiale financiarisée ont façonné le visage du monde aujourd'hui.
Dans un paysage de confusion politique généralisée et entretenue (voir l’effacement planifié du clivage structurant droite/gauche), la corruption et la médiocrité de nos dirigeants politiques joue un rôle certain dans cette hégémonie actuelle de la pensée libérale qui proscrit toute alternative et toute voie et voix divergente ou dissonante.

Accompagnée efficacement en cela par les grands medias, largement aux mains de la caste dominante. Un duo mortifère qui, à la question fondatrice et dialectique de la lutte des classes, est parvenu à substituer celle de la guerre des identités. Au plus grand profit des droites extrêmes et notamment du Front National.

En concordance avec cette mainmise sur le pouvoir, nous constatons le hold up sur la gauche mené par Hollande et son gouvernement, qui achève – à tous les sens du terme – avec cohérence et autorité, la mue libérale du parti socialiste. La fronde interne qui émane d’individualités (Filoche, Lienneman, Cherki pour prendre les plus « virulents ») ou de simili-mouvements (des socialistes dits « affligés » au « mouvement commun » en passant par les ci-devants « frondeurs ») ne l’a guère ébranlé. L'actuel gouvernement, à l'instar de ce que fit Schroeder en Allemagne ou Blair en Angleterre parachève ainsi sa conversion au capitalisme économique et à la dérégulation sociale.

Le Front de gauche, quant à lui est en état de grande déréliction. Le premier signe en a été donné par l’échec retentissant des Régionales, qui fut dévastateur en termes d’élus pour le Parti communiste et nous conduit à constater l’impasse politique en l’état du Front de gauche, et en particulier son incapacité à créer une dynamique de rassemblement et de conquête. Le deuxième signe est la déclaration de candidature de Jean-Luc Mélenchon, dont la démarche unilatérale à l'allure d’homme providentiel nous semble un déni de l’action collective qui pourtant fait à la fois notre force et notre légitimité.

Et notre Parti ? Malgré des analyses pertinentes de la situation politique actuelle et de ses enjeux, malgré des actions et des positionnements signifiants et engagés, force est de constater que nous, les  communistes, ne parvenons pas à rassembler autour de nos idées et de notre projet l’ensemble des classes populaires, des salariés et des employés précaires et tous les laissés pour compte du  néolibéralisme triomphant comme nous devrions le faire. Par ailleurs nous sommes dans une posture trop souvent défensive et réactive là où nos adversaires, la droite, l'extrêmedroite et la soit-disant gauche  moderne sociale-libérale de Valls-Hollande sont clairement à l’offensive. Efficacement relayés par les médias dominants, ils imposent les sujets, thèmes et contenus politiques. Il faudrait pouvoir sortir de ce cadre fixé par d'autres, imposer notre propre voix et les thèmes que nous considérons comme essentiels pour le présent et pour l'avenir.

Nous savons également le piège mortifère du système politique français tel que constitué depuis 1958. La Vème République et sa monarchie présidentielle étouffent la démocratie des débats politiques et réduisent à peau de chagrin notre appareil législatif, accélérant toutes les dérives autoritaires de ce système politique ainsi constitué et renforcé.

Enfin et c’est peut-être le plus inquiétant pour l’avenir, nous notons dans toutes les générations et dans toutes les couches de la société, une défiance voire une hostilité grandissante et généralisée vis-à-vis de la chose politique. Elle va de pair avec la prééminence toujours plus grande de l’individualisme sur le collectif. Elle est accélérée par la segmentation et la fragmentation des classes populaires. Tout ceci rend particulièrement difficile la convergence de luttes pourtant nombreuses, légitimes et souvent reconnues comme telles.

En outre, il semble que sous couvert de mesures sécuritaires et de lutte contre le terrorisme, nous glissions toujours davantage de l’Etat de droit vers le droit de l’Etat. Les attaques actuelles contre les libertés publiques et privées, la réduction du périmètre des droits de chacun à s’exprimer, à manifester, le désarmement organisé de tous les contre-pouvoirs, tout cela se rejoint dans un faisceau autoritaire inquiétant. Et risque de nous faire dériver vers un état globalement policier comme cela s'esquisse dans un certain nombre de pays européens. Un processus, achevé en Hongrie, qui est par exemple en cours en Pologne mais que l’on observe aussi à l'extérieur des frontières européennes. Fort heureusement et nous en avons des témoignages tous les jours, il existe de nombreuses résistances individuelles et collectives à cette volonté de contrôle de l’espace public, et ce, au-delà des clivages politiques et nationaux.

MOUVEMENTS

Ce constat pourrait laisser penser que tout est dit et que nous sommes condamnés à rester spectateurs du désastre annoncé ou pire, tel l’orchestre du Titanic, à jouer l’Internationale sur le pont en attendant qu’il sombre…

Pourtant comme le dit Hölderlin, « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». Jamais le danger n’a été aussi grand pour la gauche révolutionnaire et son projet collectif d'une transformation de la société, et en même temps, jamais l’existence d’une alternative politique, sociale, culturelle, idéologique et économique à l'ordre capitaliste donné comme notre horizon indépassable n’a paru aussi proche, nécessaire et  impérieuse.

Des lucioles

En Grèce, Syriza, un projet politique structuré, cohérent, crédible et résolument antagoniste de celui mis en place par l’Union Européenne actuelle a pris le pouvoir, légalement, pacifiquement, et l’a gardé, affirmant ainsi pour tous les peuples d’Europe la réalité d’une alternative en actes. C’est un événement historique majeur dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure. Il ne s’agit pas de prendre Tsipras comme modèle, car chaque situation est unique, mais de réaliser que tous les mouvements de plus ou moins grande ampleur qui ont eu lieu depuis (Podemos en Espagne, Corbyn en Grande Bretagne, l’alliance progressiste actuellement en construction au Portugal et même, le phénomène Bernie Sanders aux USA) sont intimement liés à cet événement et surtout que ce foyer rougeoyant au coeur de l’Europe n’est pas éteint, voire qu'il peut enflammer d’autres pays. Et même s’il venait à mourir, la démonstration qu’il a faite - un gouvernement de gauche radicale légitimement élu et confirmé à 3 reprises par son peuple, qui plus est en Grèce, berceau de la démocratie devenu laboratoire du nouvel ordre et de la gouvernance néo libérale prônée par la Troïka - restera. On fait aussi la révolution avec des symboles et avec la mémoire.

Autre espoir : la recrudescence des luttes sociales et de la conscience politique qui l'accompagne. Air France, Goodyear, Conti parmi beaucoup d'autres prouvent de façon éclatante la viabilité de l'analyse marxiste des rapports de classe tels que prônés dans son histoire par notre Parti.

Enfin, un changement significatif : la naissance des « mouvements citoyens ». Un peu partout en France mais dans d'autres pays d'Europe également, les initiatives citoyennes sont légion, et ces groupements, cercles, associations sont la manifestation d'un désir de la chose politique pour le moment encore embryonnaire et désorganisé mais sans doute prometteur pour l’avenir. Ainsi dernièrement à Berlin 100 000 personnes manifestaient contre le Traité de libre-échange tandis qu'une mobilisation citoyenne de grande ampleur dans tout le pays a permis d'accueillir un nombre record de réfugiés de guerre syriens. Ces aspirations à l'action restent cependant trop fragmentées et leur refus fréquent de toute coordination politique est une limite sinon une impasse. Si la référence positive et transformatrice en serait le combat mené par les Indignados en Espagne (notamment contre les banques et la spéculation immobilière), elle a son repoussoir populiste et sectaire dans le mouvement 5 étoiles de Bepe Grillo en Italie. C'est dire si les pièges liés à cette ambition d’une nouvelle pratique politique et militante sont multiples et béants. Pièges, dans lesquels tombent souvent la plupart des conseils et comités citoyens actuels. Mais là aussi le paysage bouge, et rien n'est écrit d'avance.

PERSPECTIVES

Saint-Just: "Il est devenu crucial de faire de la vérité historique elle-même une valeur, une vérité historique qui se confond alors avec le sens à donner aux évènements."  Face à une situation mouvante, incertaine, tendue, grosse de périls comme d’espérances, que doit faire le Parti et comment peut-il se situer ?

Selon que l’on considère la tactique ou la stratégie, la situation immédiate ou les perspectives d’évolution à long terme, la théorie ou la praxis, il existe naturellement de multiples réponses à cette question.

Nous réaffirmons ici la nécessité d'oeuvrer politiquement et idéologiquement. Ce que nous souhaitons, c'est la définition d'une ligne politique claire c'est-à-dire facilement identifiable, ambitieuse et crédible. La bataille est avant tout idéologique. La refondation politique est d'abord un débat de sujets, et seul le combat des idées permettra de redonner le goût et l'espoir de la chose politique à nos concitoyens désenchantés. C'est dans ce champ-là que nous devons porter notre lutte pour emmener la société vers un chemin radicalement différent.
Ceci implique deux démarches conjointes et inséparables :

1) Distinguer, nommer, caractériser les lignes de fractures de plus en plus nombreuses et de plus en plus profondes qui se font jour dans la société et prendre position: là où le corps social se déchire et saigne nous nous devons de trouver les mots qui éclairent la blessure.

2) Relier systématiquement ce travail de diagnostic et d’analyse aux luttes et aux mouvements sociaux pour donner à celles-ci du sens, de l’ampleur et les raccorder à une perception du monde et à une perspective et un horizon politiques. Et réciproquement, veiller à ce que l’élaboration de notre projet politique trouve sa
justesse et sa puissance en s’incarnant dans la réalité d’une situation vécue.

Nous proposons ici à titre d’exemples trois de ces lignes de fracture qui pourraient nous identifier et dessiner nettement notre projet politique.

-Le refus de constitutionnaliser l’état d’urgence et la déchéance de nationalité

Tout d'abord, nous savons que le terrorisme profite d'un terrain favorable lorsque l'égalité entre les citoyens de France n'est plus au rendez-vous. Avec la déchéance de nationalité le gouvernement institutionnalise une inégalité de fait entre les citoyens. Nous devons continuer à prendre position de la façon la plus ferme sur le
sujet.

Le premier ministre norvégien, au lendemain de la tuerie d’Utoya (comparable à celle du Bataclan) avait dit : « Nous répondons par plus de liberté, plus de droit, plus de démocratie, parce que ce sont nos armes face à la barbarie ». L’inscription dans le texte fondamental de la République de l’Etat d’urgence est une décision politique de la plus haute gravité qui engage toute une série de choix, explicites et implicites, définissant un véritable projet de société.

C’est avec la plus grande énergie que nous devons formuler notre radicale opposition à ces très graves dérives. Nous nous devons plus que jamais de dénoncer cette mise au pas du judiciaire par le policier, cette action politique exclusivement « sécuritaire », cette rhétorique guerrière et martiale qui musèle purement et simplement le débat politique et idéologique. En outre, ces atteintes aux droits fondamentaux entraîneront fatalement des dérapages de toutes sortes.

Face à cela, nous devons proposer une autre vision et un autre projet, définir un autre modèle de société, faire valoir d'autres priorités, mettre en avant une autre cohérence politique, inspirée de celle du premier ministre norvégien : les droits, l'éducation, les libertés, la coopération internationale sont autant d'armes dans ce combat contre le terrorisme, et les seules valables.

-La bataille du travail

Cette bataille dans laquelle notre Parti est déjà largement engagé, est décisive et devra mobiliser toutes nos forces. Avec elle, c'est toute la logique de dérégulation de l'ensemble du marché du travail et de démantelement des services publics qui se joue, et le projet El Khomri vient parachever l'offensive ouverte par l’AMI, le CICE, les lois Macron, le « pacte » de responsabilité, sans oublier les Accords de libre-échange actuellement toujours en discussion.

Ce qui est fondamentalement en jeu ici est l'instauration de la précarité comme norme pour tous les salariés et pour l’ensemble des travailleurs, sous prétexte de modernité, de simplification, de pragmatisme et au nom de la la sacro-sainte compétitivité. Nous devons absolument dénoncer cette escroquerie intellectuelle,
politique et économique. Ce ne sont pas seulement les protections et les acquis sociaux des travailleurs, conquis de haute lutte et souvent au prix du sang versé depuis le XIXème siècle qui sont aujourd’hui menacés mais bien l’ensemble du cadre contractuel qui détermine les rapports sociaux et le travail salarié. Nous faisons face à une attaque brutale, sans précédents et tous azimuts en matière de conventions collectives, nature du contrat de travail, durée légale, inspection du travail, représentation syndicale, juridiction prudhommale, etc. Ceci s'accompagne, dans un contexte de dégradation généralisée des rapports sociaux, de la criminalisation de l’action syndicale et de l’insécurisation organisée des travailleurs à travers l'atomisation du travail et l’émiettement des solidarités collectives. Les travailleurs aujourd'hui, qu'ils soient dans le service public ou privé, sont plus que jamais soumis à une double pression: celle de l'obligation de résultats dans un climat de tension et de harcèlement jusqu'au burn-out, et celle auquel les soumet leur travail même désormais vidé de son sens.

Nous avons donc une réflexion urgente à conduire sur la précarité comme nouvelle norme sociale et donnée naturelle de l'existence. Mais nous devons aussi identifier la façon dont les nouvelles technologies sont devenues pour une part une arme d’asservissement des travailleurs et de destruction des rapports sociaux comme du travail salarié.

Nous avons enfin une réflexion et une action conjointes à mener sur la manière de faire prendre conscience à l’ensemble de nos concitoyens de la gravité de ces enjeux, de l’ampleur de la désagrégation en cours du tissu social et de l’urgence de prendre une autre direction. Reprendre la bataille idéologique, c'est permettre que se redéfinisse un destin commun, c'est retrouver par le biais de coopérations choisies des intérêts partagés réels et un horizon collectif. Une appartenance et une solidarité de classe aurait dit Marx.

Mais, si l'analyse marxiste des rapports de classe n'a jamais été aussi pertinente qu'aujourd'hui, pourquoi restons-nous inaudibles aux citoyens soumis aux nouvelles formes d'exploitation actuelles?

Peut-être nous faut-il dépasser le cadre de ce pays et asseoir une réflexion et une action communes dans la gauche européenne pour refonder autrement dans l'Europe un pacte de travail qui permette de contourner le principe de concurrence entre les travailleurs et le dumping social.

-La « crise » des migrants, l’expression d’un inconscient libéral (et totalitaire) Cette question des réfugiés qui viennent s’échouer aux portes de l’Europe, qu’ils soient politiques ou économiques, qu’ils fuient la guerre, la misère, la dictature, l’absence d’avenir et de perspectives ou tout cela à la fois, dépasse de beaucoup la
seule dimension humanitaire.
Car en réalité, la crise des migrants est là encore une question éminemment politique qui doit être traitée comme telle. Elle doit être pensée par notre Parti - qui a déjà pris des positions à propos du camp de transit de Calais – et donner lieu à une certain nombre de propositions politiques très nettes. La situation est d'urgence extrême, et tend à s'aggraver au fil des mois. Il faut oeuvrer politiquement dans la perspective de
flux migratoires plus importants encore à l'avenir, parce que les guerres d'Orient se poursuivent, mais aussi du fait de la misère économique des pays d'Afrique subsaharienne et des bouleversements climatiques. Ce défi majeur doit être pensé dès maintenant.

D'abord, il nous semble particulièrement urgent de combattre par une ligne politique claire, audible, sans faille, les prises de positions extrêmement dangereuses de la droite dite « décomplexée », ouvertement xénophobe et foncièrement raciste. Les termes « submersion migratoire », « appel d’air », « invasion », qui résonnent de manière terrible avec le « Nous sommes en guerre » du duo Valls/Hollande sont indignes de notre République. De même, il est indigne qu'ils criminalisent comme ils  le font les migrants d'origine syrienne, réfugiés de guerre protégés par la Convention de Genève, en évoquant la présence de terroristes potentiels de Daesh infiltrés parmi eux, alors qu'ils ont justement quitté leurs pays, leurs attaches et leur terre à cause des persécutions du même Daesh. Enfin, on laisse pourrir la situation aux frontières avec la Grande-Bretagne (Calais) ou avec l'Italie (Vintimille).

Par ailleurs, force est de constater à l'échelle européenne un durcissement extrême de "l'accueil" fait aux migrants. On est passé en effet de Mare Nostrum (aide et secours aux naufragés pilotés par l’Italie coordonnant les opérations de sauvetage de grande envergure en Méditerranée) l'opération Frontex, conduite sous l'égide de l'OTAN selon une logique de police internationale dont la fonction prioritaire assumée est d'assurer la « sécurisation » des frontières et de contrôler les flux de réfugiés.
Les déclarations d'intention sur l'arraisonnement des passeurs permettant surtout d'intensifier le contrôle des migrants.

Quant à nous, nous proposons plusieurs pistes politiques.
D'abord, prendre position en faveur des pays européens qui accueillent les migrants, et les soutenir. Par exemple, réaffirmer notre solidarité avec le gouvernement grec qui supporte actuellement le poids du plus grand afflux, voire avec la politique d'accueil allemande, et contrer par là les récentes (et honteuses) déclarations de Manuel Valls à Munich.
Mais il s'agit aussi de réclamer une solution politique à l'échelle de l'Europe et dans la perspective d'un temps long. Les accords conclus actuellement avec la Turquie assoient symboliquement la légitimité d'un régime criminel qui massacre ses Kurdes et emprisonne ses opposants politiques, et coûtent cher à l'Europe. Ces accords en trompe-l'oeil ne sauraient d'aucune manière faire office de politique migratoire.

L'alternative serait d'élaborer un socle commun de solidarités qui passe par un mouvement de convergence entre les gauches européennes, rassemblant Tsipras en Grèce, Jeremy Corbyn en Angleterre, ou encore Die Linke en Allemagne, Podemos en Espagne, etc.

Enfin, concernant essentiellement le conflit syrien, il s'agirait de sortir d'une logique guerrière pour entrer dans la construction d'une paix durable pour l'ensemble du Moyen-Orient et d'appeler sans relâche à des solutions négociées avec toutes les parties concernées sous l'égide de l'ONU.

En guise de conclusion

Pour dessiner un espoir et un horizon politiques et faire pièce aux ruptures démocratiques en cours et à venir, nous croyons fermement que nous pouvons opposer une réelle alternative et d'autres choix de société.
 
Pour cela, nous devons lucidement et précisément cerner les véritables enjeux, définir des positions de principe et les articuler à des stratégies de lutte: contre le recul continu et constant du droit présenté par la doxa libérale comme une nécessaire et inévitable adaptation à la modernité. Contre la précarité sous toutes
ses formes.Contre cette dévaluation globale des idéologies et de la pensée qui brouille les repères et pervertit l'intérêt général.

Nous appelons donc à reprendre et renforcer la bataille des idées, seul chemin pour redonner du sens à la politique. Nous appelons aussi à une convergence européenne des forces de gauche pour combattre les dérives totalitaires d'un nombre croissant de pays et affirmer une autre vision de la société et de l'Europe.
Nous nous inscrivons enfin résolument dans la perspective d'un paysage politique de la reconstruction qui s'appuie sur les luttes sociales et sur une stratégie de conquête des pouvoirs.

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