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La laïcité, condition de l'émancipation des femmes. Hélène Bidard - 75

Pour être universelle, la conception de la laïcité du PCF doit être forgée à l’aune des droits des femmes.
Droits des femmes et laïcité, des conquêtes historiquement liées.

Force est de constater que la plupart des conquêtes majeures pour les femmes en France et dans le monde se sont historiquement faites en opposition aux pouvoirs politico-religieux et grâce à l'apport que constitue l'espace de la laïcité : droit à l'éducation, droit à disposer de son corps (notamment accès à la contraception et à l'IVG, accouchement sans douleur, liberté sexuelle)  reconnaissance des violences conjugales comme fait social et politique, mais aussi droit des femmes à demander le divorce … en somme toutes les conquêtes vers l’autonomie et l’égalité des femmes dans la vie privée comme la vie publique. La Laïcité a été et reste toujours un espace de luttes nécessaires pour plus de liberté et de progrès pour l’ensemble de la société.

S'agissant du droit des filles à l'éducation, autant préciser d'emblée que les filles n'ont quasiment pas eu accès à l'instruction avant le XIXe siècle ou alors seulement à l'inscruction religieuse.
L'égalité entre les filles et les garçons a achoppé sur la question de la mixité à l'école, fortement critiquée par les milieux catholiques qui prophétisaient que les établissements scolaires allaient devenir des lieux de rapprochements sexuels précoces. Aujourd'hui encore, des intégristes de tous bords songent à remettre en cause le bénéfice de la mixité, qui ne s'est imposée en France qu'en 1975 (loi Haby), sans doute motivés par le fait que la séparation des filles et des garçons tend à renforcer les stéréotypes de genre et donc les inégalités. École non mixte, piscine non mixte, coiffeur non mixte, au nom de la religion les idées rétrogrades marquent malheureusement l’actualité !

Sur la question de la liberté à disposer de son corps, les féministes savent bien qui ont été les opposants aux évolutions législatives qui ont changé la vie de toutes les femmes. Face à la loi Neuwirth de 1967, autorisant notamment l'usage de la contraception orale, s’élevait déjà à l’époque le spectre du désordre moral. Un an après, le pape Paul VI publiait l’encyclique Humanae Vitae condamnant les méthodes de régulation artificielle de la natalité. La loi Veil pour l’interruption volontaire de grossesse, adoptée en 1975 grâce à des parlementaires de tous bords politiques contre une majorité plutôt réactionnaire, a aussi trouvé en travers de son chemin les églises aux côtés des premiers mouvements « pro-vie ». Des résistances que résume Gisèle Halimi dans sa plaidoirie du procès historique de Bobigny : « Nous restons fidèles à un tabou hérité de nos civilisations judéo-chrétiennes qui s’oppose à la dissociation de l’acte sexuel et de l’acte de procréation ».

De la même façon, l'institution du mariage est restée jusqu'à très récemment sous le joug de conceptions cléricales, malgré le droit au mariage républicain obtenu grâce à la Révolution française. Bien qu'autorisée dès 1792, la possibilité de divorcer par consentement mutuel n'est réintroduite qu'en 1975. Jusqu'en 1992, le crime de viol ne semble pas applicable aux époux au nom du sacro-saint devoir conjugal, autrement qualifié de « devoir de cohabitation » dans le code civil ! Et c'est seulement en 2010 que la présomption de consentement sexuel de l'épouse disparaît. Le modèle de « complémentarité des sexes » défendu par les grandes autorités religieuses ou les fondamentalistes, de Benoit XVI à Tariq Ramadan, a par ailleurs empêché jusqu'en 2013 le mariage et la filiation des couples de femmes. Les conquêtes sont récentes et les résistances rétrogrades encore très fortes !  

Ainsi à l'égalité Femme/Homme s'oppose cette idée de « complémentarité des sexes » qui relèverait d'un « ordre naturel » de rapports de genres. Une jolie manière de dire Inégalités ! La hiérarchie des sexes et le retour à « la famille traditionnelle » sont au centre des projets idéologico-politiques de tous les mouvements fondés sur l’exacerbation des identités religieuses. C'est bien pourquoi nous devons mettre l'égalité femmes/hommes au centre d'un projet de société alternatif et progressiste.  

La crispation sociétale actuelle autour du religieux est une menace pour les droits des femmes.

On dit souvent que les jeunes générations ont grandi avec le sentiment que l'égalité entre les hommes et les femmes était acquise de longue date et dans l'ordre des choses. Ce constat doit interpeller les féministes et le PCF : il est impératif de  rappeler le rôle de la laïcité dans les luttes pour de nouveaux droits pour une place des femmes à égalité avec les hommes dans la société. Ce rappel s'impose d’autant plus dans un contexte de résurgence importante de débats autour du fait religieux et des fondamentalismes de toutes religions qui défendent le retour à une famille traditionnelle fantasmée et à des soi-disant règles naturelles qui provoqueraient un retour en arrière pour les femmes et les hommes.

Les exemples de montée des fondamentalismes sont nombreux : les commandos anti-IVG reviennent sous le nom de « pro-life » alors qu'on les pensait découragés après les lois Neïertz de 1993 (condamnation de l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse) et Aubry de 2001 (augmentation du délai légal de 10 à 12 semaines). A Paris, par exemple, ils ont repris l'organisation de prières de rue au pied d'hôpitaux publics et n’hésitent pas à s’introduire illégalement dans des centres IVG pour tenter d'exercer des pressions morales et psychologiques sur les patientes.

Les débats qui ont animé la France autour de la « théorie du genre » et des ABCD de l'égalité (avec le recul que l'on sait du gouvernement) sont symptomatiques et ont eu des conséquences désastreuses sur la capacité des acteurs de l’éducation à intervenir sur ce champ.

La réouverture d'écoles non-mixtes, de toutes religions monothéistes confondues, depuis la loi de 2008 de « lutte contre les discriminations » qui a autorisé « l’organisation par regroupement des élèves en fonction de leur sexe », a été possible grâce à la pression de revendications fondamentalistes. Quel recul organisé là par la droite faisant le jeu des communautarismes !

Cette montée de communautarismes religieux est une menace pour le vivre ensemble car elle instrumentalise les luttes pour l’égalité femmes/hommes à des fins racistes.

La laïcité est le principe de neutralité de l’État et de ses représentants vis-à-vis des différentes religions. Elle garantit le libre exercice de la liberté de culte. Comme le souligne le sociologue et historien Jean Baubérot, « elle ne consiste pas en la neutralité religieuse des citoyens dans l’espace public ».
Cette idée galvaudée est souvent privilégiée par ceux-là même qui se disent partisans de la laïcité. Il est significatif de voir certains partis politiques à droite et à l'extrême droite, qui n’ont jamais défendu la laïcité ou les droits des femmes, se revendiquer aujourd’hui de ce principe. L’objectif est clairement pour eux de rejeter la religion musulmane.

Les droits des femmes se trouvent ainsi de plus en plus manipulés à des fins racistes alors que paradoxalement une interprétation très extensive de la laïcité peut parfois mener à une exclusion des femmes de l’espace public, de l’école et du travail. C'était le cas de la circulaire Chatel de 2012 sur le port du foulard par les mères accompagnant leurs enfants en sortie scolaire. C'est aussi ce qui a conduit certains progressistes à s'opposer à la loi de 2004 sur le port de signes religieux à l’école et à refuser de prendre part au vote sur la loi de 2010 visant à interdire le port du voile intégral dans l'espace public.

L’exclusion en avril 2015 d’une jeune collégienne de Charleville-Mézières, justifiée, selon les médias, par le fait qu'elle portait une jupe longue ostentatoire, reflète l'ampleur du phénomène de contrôle qui s’opère sur le corps des femmes et qui dépasse maintenant les traditionnels débats autour du voile islamique.
Jupe trop courte, trop longue … c'est « l'être perçu » de Pierre Bourdieu, « l’être féminin […]  sans cesse exposé à l’objectivation opérée par le regard et le discours des autres », dont les prétendus tenants de la laïcité nous expliquent désormais quelle doit être la longueur de la jupe !

Défendre coûte que coûte la laïcité sans tomber dans les pièges tendus.

Soutenir tout à la fois la laïcité et les droits des femmes, c'est aujourd'hui s'attaquer aux causes profondes d’un retour du religieux dans le débat public, sortir des tentatives de contrôle des corps des femmes et penser la conquête de droits supplémentaires autant que la défense de ceux déjà conquis.

Chez les communistes, les débats sont aussi vifs et il faut qu'ils aient lieu, mais nous nous retrouvons dans un cadre commun décrit par Pierre Laurent : « Nous n'acceptons pas l'instrumentalisation des religions par des forces politiques réactionnaires et parfois totalitaires, nous n'acceptons pas la montée d'un affrontement identitaire dévastateur, nous appelons à ouvrir un nouvel âge du vivre ensemble, un nouvel âge de la République où la liberté, l'égalité et la fraternité retrouveront leur sens, un nouvel âge pour la paix et la justice dans le monde. »
 
A cet égard, les attentats de janvier et novembre 2015 ont renforcé notre détermination à continuer le combat pour la liberté et la laïcité sans tomber dans les pièges tendus de toutes parts, et particulièrement, en saisissant que ce drame est sans doute moins lié au religieux qu'à «l'attrait de logiques de guerre et de radicalisation politique extrême » pour une jeunesse susceptible de passer « directement de la délinquance et de l'exclusion sociale à l'embrigadement fanatique criminel ». Comme le souligne la sociologie Chahla Chafiq, « la montée des extrémismes religieux est aussi le fruit d’une socialisation masculine très portée sur la violence, d’une quête de sens de la jeune génération et de promesses non tenues par les dirigeants qui se sont succédé. »

Ainsi, l’égalité des sexes est un projet de société qui permettrait de contrer les intégrismes religieux. Ce sont ces conquêtes des femmes alliées à la laïcité qui peuvent permettre d’aller à l’encontre des intégrismes religieux et de lutter contre tous les racismes.

Un nécessaire positionnement clair du PCF

Se battre pour une laïcité inclusive et émancipatrice pour toutes et tous, cela signifie en premier lieu inscrire de manière centrale le combat pour l’égalité femmes/hommes dans le projet communiste. Dans ce cadre, le rôle du PCF est de travailler à sortir des pièges tendus actuellement par un débat crispé autour des questions religieuses et notamment de la place de l’islam en France.

Il me semble nécessaire, pour commencer, d’établir un cadre tout à la fois apaisé et combatif sur la laïcité : le débat sur le voile loi de 2004 n’a pas abouti au sein même du PCF à une position partagée. Un travail préalable sur la laïcité est toujours nécessaire, y compris en sortant des cadres et des notions imposés par la bourgeoisie et les extrêmes. Cela doit nous permettre de poser les bases d’un projet de société débarrassé des carcans des « morales religieuses » pour aller vers une société non violente, de respect et d’égalité pour toutes et tous.

Si nous sommes tous d’accord pour condamner la circulaire Chatel, stigmatisante et éloignant les femmes de l’espace public, par contre je crois qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus au PCF sur le bilan que nous tirons de la loi de 2004. Pour ma part, cette loi me semble aujourd’hui, avec le recul, avoir été nécessaire pour de nombreuses jeunes femmes. Elle a permis de garder l’enceinte scolaire comme un cadre en commun pour favoriser une coexistence apaisée des différentes convictions religieuses ou a-religieuses. La culture commune, le refus des communautarismes, à l’école ou encore dans le sport passe par la mixité, sociale et de genre …

A ce stade du débat, je pense que, contre la notion de « complémentarité des sexes » opposée à l'égalité ou celle de « communautarismes » opposée à la « co-existence », la solution est encore et toujours la notion de « mixité », mixité sociale et mixité de genre, mixité partout avec pour visée l'égalité !

Nous devons redonner un sens collectif à la lutte contre le patriarcat et pour l’égalité femmes/hommes. La laïcité en est un cadre. Le PCF doit tenir l’objectif ferme de se battre pour des droits des femmes universels en refusant le communautarisme et travailler à une culture commune de la mixité sociale et sexuée comme possible vecteur de commun dans tous les lieux de vie. Je crois fermement que ce sont ces conquêtes des femmes dans l’espace que crée la laïcité qui peuvent permettre d’aller à l’encontre des intégrismes religieux et de lutter contre tous les racismes.
 

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