Les congrès du PCF

Les congrès du PCF
Accueil
 
 
 
 

Le peuple et le rassemblement ou le rassemblement et le peuple ? « Ne pas mettre la charrue avant les boeufs». - Philippe Beguin - 69

Les résultats des élections régionales n’expriment pas simplement des « inégalités » dans un cadre national supposé « homogène », mais reflètent des « expérimentations » politiques différentes. Ces «expérimentations » politiques souhaitées ou subies illustrent les débats qui traversent les composantes du Front de Gauche et les Communistes. Ces situations « hétérogènes » n’ont probablement pas aidées à la lisibilité du Front de Gauche. Le vote des électeurs a pour une part valider ou invalider des démarches différentes.

 

Prendre un minimum de temps pour revenir sur l’expérience militante et citoyenne vécue afin d’en extirper des repères pour la suite de notre action politique est important. Cette contribution a donc pour objectif de réfléchir à la situation à laquelle les militants et responsables communistes de la région Auvergne Rhône Alpes ont été confrontés. Ces réflexions sont donc versées au pot commun, et soumises à la critique constructive.

 

Les communistes de la région Rhône Alpes Auvergne ont cherché pour la préparation de ces élections régionales la « convergence » politique avec les partenaires du Front de Gauche et les Verts afin « d’élargir » le rassemblement et/ou de présenter une nouvelle « offre » politique visant une vocation majoritaire à Gauche. Cette recherche s’est traduite en partie par des échanges sur le contenu du programme, mais principalement sur la représentation politique de chaque composante du rassemblement dans le cadre d’une éventuelle liste commune. 

 

Indiscutablement, il existe des propositions communes dans le domaine de la transition énergétique et du maintien des productions locales. Mais, il subsiste aussi des approches différentes sur des projets structurants de la nouvelle région. Notamment dans le domaine des transports, le premier budget de la Région. Europe Ecologie les Verts est favorable à une mise en concurrence de la SNCF dans le cadre d’un appel d’offre, ce qui n’est pas notre approche en matière de défense des services publics. Les Verts s’opposent au projet ferroviaire Lyon-Turin alors que nous défendons un investissement de développement durable.

 

Si cette recherche n’a pas abouti, c’est qu’elle s’est heurtée à la fois à des prises de positions différentes sur des projets structurants, mais principalement sur la représentation que se fait chaque formation de sa représentativité et de ses ambitions : « Nous ont fait 16 % et vous ne représentez plus que 2 % ». Europe Ecologie les Verts, le Parti de Gauche et Ensemble ont décidé finalement de «dépasser » le Front de Gauche et de présenter une nouvelle « offre » politique : « Le Rassemblement Solidaire ».  Les communistes ont décidé de continuer le Front de Gauche en rassemblant des citoyens et d’autres partenaires politiques (MRC) en portant dans l’espace politique « l’Humain d’abord ».

 

Cette situation a jeté le trouble chez de nombreux militants du Front de Gauche et du Parti Communiste : Fallait-il privilégier le rassemblement et la nouvelle offre tout en mettant en réserves les approches différentes ? Quel devenir du Front de Gauche et que doit être le rôle des communistes ? Les communistes peuvent-ils rassembler les citoyens ? Le projet politique « l’Humain d’abord » ne risque-t-il pas de disparaitre du débat politique régional ? La décision des communistes a été de porter « l’Humain d’abord » dans l’espace politique et de ne pas faire l’économie du débat avec notre peuple. 

Les résultats du premier tour sont maintenant connus, la liste «  Le Rassemblement Solidaire » a obtenu 6.9 % des suffrages (173038 voix, soit -182 609 voix / 2010) et la liste « l’Humain d’abord » 5.4 % (135 274 voix, soit -40 633 voix / 2010). Le PS 23.93 % (600 112, soit + 32 123 voix / 2010), la droite 31.73 % (795 661 voix, soit  +112 082 voix /2010) et le FN 25.25 % (639 923 voix, soit +360 516 voix/2010). Globalement, le «bloc » de Gauche perd 191 419 voix par rapport à l’élection de 2010 et la droite et l’extrême droite en gagne 472 698.

 

La liste « l’Humain d’abord » a décidé de continuer à porter ses propositions dans le cadre d’un rassemblement au second tour avec la liste «  Le Rassemblement Solidaire » et le Parti Socialiste. Cette nouvelle liste gagne 181 332 voix (36.84 %) par rapport à l’addition des résultats du premier tour. La droite progresse de 405 936 voix entre les deux tours (40.62 %) et remporte la majorité des sièges. Quant au FN il gagne encore 27 179 voix (16.66 %).

 

Ces résultats montrent que l’on ne peut pas faire l’économie du débat citoyen avec notre peuple. L’addition de logos ou un nouveau logo, donc la fuite en avant dans la recherche d’une nouvelle offre politique permanente ne répond pas en soi à l’ampleur des questions que les citoyens se posent. La juxtaposition de logos ou un nouveau logo n’additionne pas automatiquement les forces sensées les représenter ce qui explique probablement que le résultat n’est pas à hauteur des espérances et ne fait pas  la démonstration d’une dynamique nouvelle, car le débat politique peut être finalement affaibli.

 

La crédibilité et donc l’action pour  un projet émancipateur plus largement partagé est crucial si nous souhaitons inverser les tendances à l’œuvre. Le concept « l’Humain d’abord » constitue de ce point de vue un acquis du Front de Gauche qu’il est nécessaire de mieux expliquer, de mieux décliner, de rendre plus concret dans notre lutte contre la finance.  

 

Il n’est pas question ici de se satisfaire du résultat de la liste «l’Humain d’abord », mais ce n’est pas non plus un échec au regard de la situation. Cette approche n’a pas été effacée du débat politique et il n’est pas crédible de penser qu’une alternative puisse s’en passer. Faut-il parler de difficultés du Front de Gauche ou de son échec ? Le terme difficultés semble plus approprié pour pointer les débats et les positions qui le traverse. La notion d’échec répéter régulièrement dans la période ouvre la voie à une nouvelle « offre » ou un retour sur les communistes simplement. 

 

Le rassemblement de forces politiques différentes dès le premier tour suppose des points communs, mais aussi la possibilité d’exprimer librement des approches différentes. Il implique également que les différentes composantes soient respectées dans leurs représentations. Nous avons eu raison de rechercher ces convergences et de continuer à les rechercher mais en ne masquant pas les débats qu’ils restent à résoudre. La recherche de « coupable » tel que cela a été parfois présenté est une approche « pauvre » de la situation. Il est aussi légitime que des approches différentes puissent être exposées au peuple, c’est la richesse des confrontations démocratiques et cela participe de la politisation du débat. Cette confrontation démocratique n’exclue pas le rassemblement puisque ces différentes composantes se sont retrouvées au deuxième tour dans notre région. 

 

 

L’innovation doit être principalement sur la manière dont on aborde très largement notre projet d’émancipation humaine avec le peuple et d’offrir un cadre de rassemblement. Les difficultés du Front de Gauche ne peuvent pas être abordées en dehors des représentations et comportements politiques actuels des citoyens. Croire qu’en passant à une nouvelle offre, ont peut en faire l’économie est probablement une illusion comme en témoigne les résultats de l’élection régionale. Nous avons fait l’expérience de vouloir continuer le Front de Gauche malgré les difficultés qui le traversent. L’écho chez les citoyens n’a pas été marginal. Les suffrages ont été obtenus sur la base de propositions s’inscrivant dans une visée avec la volonté de les porter proportionnellement à leur audience dans une majorité possible contre la droite.

 

Construire une alternative demande un minimum de continuité dans notre démarche. C’est probablement une des conditions d’un engagement plus populaire. Ne faut-il pas plus réfléchir à des espaces d’appropriation et de transformation de la société ?  Par exemple, mobiliser les salariés d’une filière industrielle pour définir un projet de maîtrise future des besoins et des activités est une responsabilité politique. C’est une manière immédiate de redonner du pouvoir d’agir aux salariés. La transformation de la société ne peut se résumer à plusieurs ministres dans un gouvernement, mais implique dans toutes les sphères de la société des engagements.

 

L’esprit du Front de Gauche doit continuer en offrant des espaces d’appropriations sociales et politiques avec des citoyens et des forces organisées dans le respect de la singularité de chacun. La démarche d’un « leader solitaire » s’éloigne sur le fond et la forme de l’esprit d’origine du Front de Gauche. Dans Front de Gauche, il y a Gauche. On désigne donc l’espace de dialogue dans lequel on s’inscrit. Garder notre objectif majoritaire implique de continuer à parler aux citoyens de Gauche et responsables qui s’en réclament et qui ne cherchent pas à la détruire au profit du capitalisme. Si le concept de Gauche disparaît, c’est celui de « Démocrate » qui s’imposera. Nous sommes peut-être à la veille d’un tournant de ce point de vue. Il appartient peut-être aux communistes organisés de faire pencher la balance du bon coté ? Reprendre « l’hégémonie » culturelle à gauche nécessite un débat  de grande ampleur. 

 

« L’Humain d’abord » est un acquis commun, une manière simple et renouvelée de parler du communisme d’aujourd’hui que des millions de citoyens ont repris au cours de ces dernières années. C’est une réponse à la crise de civilisation dans laquelle le capitalisme nous plonge. Les comportements politiques des citoyens ne changent pas du jour au lendemain notamment quand leurs questions prennent racine dans la déception des expériences politiques et historiques censées faire reculer l’exploitation.  Le rassemblement n’avance pas quand on met la charrue avant les bœufs. Pour "labourer" le terrain, creuser le « sillon », le bon attelage est le peuple et le rassemblement.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.