Les congrès du PCF

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Gagner le leadership de la gauche pour gouverner, demain, la France - Vincent Clediere - 92

La déroute des dernières élections régionales a exacerbé encore un peu plus la crise que traverse la gauche en France. Crise idéologique, car il y a plus que jamais deux gauches, qui selon les propos du premier ministre Manuel Valls, sont « irréconciliables » et incapables de gouverner ensemble. Crise morale, car une forme de résignation s'installe et se renforce parmi un « peuple de gauche » en perte de repères et de projet collectif mobilisateur.

La politique du gouvernement actuelle se situe, en effet, aux antipodes des valeurs historiques du socialisme démocratique, menée au nom d'une gauche prétendue « moderne et social-réformiste ». Mais cette apathie politique va bien au delà du champ naturel de la gauche et touche l'ensemble de la société française : l'austérité semble aujourd'hui être vécue comme un horizon politique indépassable en France et en Europe par un nombre important de nos concitoyens qui se laissent de plus en plus séduire par les discours nationalistes et identitaires de l'extrême droite faute d'alternatives sérieuses à la droite. Hier principale pourfendeuse d'une société ultra-libérale de marché et de son totalitarisme intellectuel « There Is No Alternative » qui lui sert d'armature idéologique, les représentants officiels de la social-démocratie européenne, grands adeptes de la « troisième voie », en sont paradoxalement à la fois victimes et soutiens actifs. Néanmoins cette apathie apparente doit être relativisée. En effet les choses bougent à gauche à l'échelle européenne et l'on peut espérer une vaste recomposition de la gauche européenne. Syriza, réorientation à gauche du Labour en Grande-Bretagne, Podemos principale force politique de la gauche espagnole, sont des éléments qui ne peuvent pas nous laisser indifférents et qui témoignent de l'émergence d'une nouvelle gauche refusant de sacrifier les besoins populaires sur l'autel de la rentabilité financière d'un capitalisme financiarisé violent et antidémocratique.
La fin de l'histoire n'est donc pas encore d'actualité, n'en déplaisent aux chantres du libéralisme. Pourtant, en France, la situation politique à gauche semble bloquée : on aurait pu espérer, par un effet de vase communicant, une montée notamment de ce que les médias aiment appeler la « gauche anti-austérité ». Or, l'hégémonie d'un PS libéral à gauche ne semble pas s'être effritée, elle s'est même plutôt renforcée comme le souligne les résultats des dernières élections régionales. Situation quelque peu paradoxale car, en effet, le discrédit de la politique du gouvernement de Manuel Valls, le désarroi de bon nombre d’électeurs de gauche et le besoin de justice sociale auraient dû constituer un terreau favorable à la dynamique de cette nouvelle gauche française dont le PCF et le Front de gauche se veulent les principaux représentants. Or, pour le cas du Front de gauche, cette dynamique s'est littéralement fracassée face à la réalité cynique et perverse du système politique et électoral français qui a révélé, une fois de plus, les faiblesses de notre mouvement en nous assignant un rôle de faux trublion, se croyant incontournable et capable de faire bouger les lignes avec 6 % des voix. L'enjeu actuel est cependant de taille car la gauche peut mourir faute d'alternative sérieuse et crédible. La politique de Hollande et Valls constituant jusqu'à présent la plus longue lettre de suicide de l'histoire de la gauche. Un PS libéral hégémonique en l'état actuel est un obstacle sérieux. Changer la gauche est la condition préalable pour toutes politiques de progrès démocratiques. Comment inverser cette tendance qui nous renvoie à une position de satellite et qui risque de liquider la gauche ? Comment briser cette hégémonie d'un PS libéral afin de renouveler l'offre politique à gauche ?

Sortir du piège du « tripartisme » : dépasser les obstacles que soulèvent notre système électoral

Depuis les élections européennes de 2014 qui ont vu le FN envoyer le plus gros contingent d'eurodéputés français au Parlement européen, bon nombre de commentateurs publiques n'hésitent pas à souligner l'émergence d'un prétendu « tripartisme » avec trois grands pôles politiques qui structurent l'offre politique nationale autour du PS, des Républicains, et du FN. Notre image publique est, bien souvent, celle d'un mouvement en panne, empêtré dans des luttes intestinales, et inaudible à gauche dont les forces vives sont in fine satellisées par un PS qui s’inscrit clairement dans une dynamique de « troisième voie » blairiste. Le Front de gauche a clairement souffert d'une stratégie politique illisible et inaudible aux yeux des citoyens à travers des alliances à géométrie variable comme en témoigne la cacophonie des élections régionales de décembre 2015. Pour certains camarades, il s'agit d'un argument de causalité trop réducteur parce qu'il réduirait l'ambition politique de transformation sociale que veut porter le PCF à celle de LO ou du NPA, c'est à dire à une extrême gauche incantatoire et protestataire qui se vante de sa virginité politique par rapport au
PS. Par ailleurs, certains n'hésitent pas à devenir des adeptes de la « démocratie des sondages et des
opinions » pour avancer des «enquêtes » qui montrerait que nos faiblesses ne proviennent pas d'une trop grande proximité électorale avec un PS libéral. Hier les militants originels du mouvement socialiste  pourfendaient dans la tranchée les idées reçus d'un électorat ouvrier catholique qui votaient massivement pour leurs oppresseurs, aujourd'hui on réduirait notre combat politique à un suivisme d'opinion et sondagier. Toutefois, cette dimension politico-électorale de nos difficultés mérite d'être abordée sérieusement. Clamer que cette explication est trop réductrice ne doit pas signifier qu'elle devient tabou et qu'il faut la balayer d'un revers de main, ce qui revient à faire la politique de l'autruche. Un bilan de notre stratégie doit avoir lieu.

Bilan de notre stratégie : l'union circonstancielle pour faire « barrage à la droite et à l'extrême droite »

Au lendemain des élections régionales, la question de nos rapports avec l'appareil socialiste se pose plus que jamais et nous ne pouvons pas l'éviter. Dès le début de la campagne , la stratégie officielle était la suivante : Nous devions réaliser un score à deux chiffres au premier tour afin d'être en capacité de faire infléchir le PS tant au niveau régional que national. En d'autres termes, plus nous faisions de voix à gauche, plus nous imprimions notre marque avec, à la clef, un certain nombre de nos propositions reprises par nos « partenaires » socialistes dans le cadre d’éventuelles majorités régionales. Sur ce point, ont été soulignés des victoires emblématiques et indéniables telles que, pour reprendre le cas francilien, le Pass Navigo à tarif unique ou encore la tarification sociale dans les cantines scolaires. Ensuite, lors du second tour, il fallait « fusionner techniquement » avec le PS (et non pas se « rallier ») pour faire « gagner la gauche » et « empêcher la droite et l'extrême droite de conquérir nos territoires afin d'éviter des politiques de reculs sociaux et démocratiques ». Cette stratégie peut s'apparenter à une forme de stratégie d'union circonstancielle : nous nous opposons à la politique gouvernementale du PS mais nous sommes prêts à nous allier avec lui au niveau local pour faire barrage à la droite et à l'extrême droite via la constitution de
« majorité de gauche contre l'austérité ». Dans le même temps, cette posture électorale devait nous permettre d'incarner un recours à gauche en ciblant les électeurs socialistes déçus et les abstentionnistes. En réalité il s'agit de la position du PCF depuis bientôt plus de 30 ans, notammentdepuis le « tournant de la rigueur » de 1983. À celles et ceux qui se sont offusqués de cette stratégie politique et de ces alliances contradictoires avec un PS méprisant à notre égard et converti aux dogmes libéraux, ils ont été targués d'être irresponsables. Irresponsables car cela ouvrirait un boulevard à la droite et à l'extrême droite. Irresponsables car, à cause de leur choix idéologiques et sectaires, nous aurions livré le sort de nos régions et des classes populaires aux appétits de la finance prédatrice. Finalement, la responsabilité et le sérieux politique impliquaient clairement « d'éviter le pire » et d'avoir un maximum d'élus dans les assemblées régionales susceptibles de servir de « points d'appuis » dans nos futurs combats contre l'austérité.

Une stratégie mise en échec

Bien que partant, à priori, de nobles intentions, ce raisonnement n'en est pas moins irresponsable et suicidaire pour la gauche. Comment parler de responsabilité lorsque l'on décide de s'allier avec ceux qui, au niveau national et européen, organisent l'austérité que nous combattons chaque jour ? Le PS a soutenu le pacte européen de stabilité qui « constitutionnalise » les politiques de rigueur dans l'Union européenne et contraint les États européens à s'engager dans des politiques libérales d'offre et de réductions des dépenses publiques, rendant l'austérité comme horizon indépassable en France et en Europe. C'est ainsi que le PS soutient par « réalisme et responsabilité » la rigueur imposée aux collectivités territoriales afin de répondre aux engagements européens : Hollande restera le président socialiste qui aura le plus sabré dans l'investissement publique (- 10 % entre 2014 et 2015). Alors que les collectivités locales portent 60 % de l’investissement publique, leurs investissements ont baissé de près de 10 % en un an. Prises à la gorge, les administrations locales sont contraintes de retarder ou d'annuler la réalisation d'équipements socialement utiles (logements sociaux, crèches, écoles) et de réduire les aides publiques au secteur culturel et sportif au risque de fragiliser un peu plus la cohésion sociale dans nos territoires. En nous associant avec le PS lors du second tour des élections régionales, nous avons commis une faute politique et morale faisant du mal à la gauche. Nous avons décidé de nous associer à la gestion de la misère et de
l'austérité. Nous avons décidé de nous inscrire dans ce clivage absurde entre une austérité soft portée par une gauche sociale-libérale et une austérité hard plus poussée portée par la droite. Dans les deux cas la majorité sociale de notre pays (ouvriers, employés) est systématiquement perdante mais à des degrés variables. Nous avons donc de facto accepté le principe de l'austérité que nous combattons avec vigueur dans nos discours et nos résultats électoraux nous le font cruellement savoir. Comment pouvons-nous réellement bousculer les lignes avec 5 % des voix ? Il est impératif de changer de logiciel d'autant plus qu'un piège se referme sur nous : contraint d’appeler à voter pour un parti soutenant des politiques libérales et des reculs démocratiques, le débat politique et médiatique se verrouille rendant inaudibles nos propositions et sanctuarisant les politiques derigueur avec à la clef une droite extrême toujours aussi haute. À quoi bon accorder une quelconque attention à des forces politiques qui finiront par se ranger derrière celui qu'ils critiquaient avec conviction hier ? On voit bien que les mécanismes pervers de notre système électoral autour du « vote utile » et de la bipolarisation nous enferme dans un piège et nous condamne au rang de satellite d'un PS libéral. Le système politico-médiatique reflétant les logiques électorales, notre discours devient inaudible et peu sérieux. En effet, la bipolarisation de notre vie politique efface bien souvent le premier tour et le débat d'idées d'une élection au profit du second et de la question cruciale des « alliances », ce qui nous rend impuissants car nous serions systématiquement obligé de choisir entre trois options actées à l'avance : le PS, les Républicains ou le FN. En agissant de la sorte, nous distillons du désespoir et de la résignation à gauche. Nous donnons le sentiment qu'il ne peut pas y avoir d'alternative politique crédible car nous donnons l'image d'une force politique qui ne cherche pas à gagner pour gouverner la France. Les 4 millions de français ayant voté pour notre candidat ne se sont pas détournés de nous par hasard. Ils aspirent à une gauche digne de ce nom, une gauche cohérente, radicale et crédible capable de gouverner la France. Une gauche qui pour le moment n'existe pas. Il est urgent pour certains de prendre conscience que nous ne sommes plus en1972, ni en 1981. À cela, il conviendrait d'ajouter la relégation systématique des élections dites « intermédiaires » au profit de l'élection présidentielle qui structure la vie politique française. La France n'est pas la Grèce ou l'Espagne dont leur espace politique respectif est organisé selon des modalités  différentes. Par conséquent, nous devons réellement prendre en compte cette réalité dans notre action politique : pour gagner, gouverner et change la vie de nos concitoyens, un nouveau pôle dominant à gauche capable de rivaliser avec un PS libéral, voir de le satelliser, doit émerger.

La confrontation électorale avec le PS : une condition nécéssaire mais pas suffisante

Il faut rompre avec ces stratégies électorales contradictoires héritées du passé. Lorsqu'on s'en prend à la politique du gouvernement, le PS est directement en cause. Il faut cesser de fragmenter notre discours en fonction des échéances électorales. Nous avons besoin d'une stratégie électorale cohérente, lisible et responsable qui privilégie l'unité des forces de gauche qui ne se reconnaissent pas dans la politique actuelle. Comment être crédible lorsque sur les plateaux de télévision, dans les journaux et sur les réseaux sociaux, nous condamnons avec vigueur les politiques d'austérité et qu'en même temps nous décidons de nous rallier à une force politique qui porte des mesures de régression sociale et démocratique ? Par nos jeux d'alliances nous creusons notre tombe et celui de la gauche d'où la nécessité d'en finir avec le « boulet PS ». Une telle rupture a, certes, son importance afin de reconquérir un électorat qui critique nos « complaisances » avec  le mastodonte socialiste ou bien encore celles et ceux qui ne croient plus en la politique. Mais cette condition n'est pas suffisante au risque de sombrer dans l'incantation permanente, fuyant ainsi toutes responsabilités nationales. Notre vocation n'est ni d'être un supplétif d'un PS libéral ni d'être dans la protestation permanente mais, au contraire, d'accéder aux responsabilités pour mener une politique démocratique nouvelle qui répond à l'urgence sociale et écologique. Trop souvent, nous sommes
caricaturés dans l'imaginaire collectif national comme une force sectaire, moribonde, tourné vers le passé qui reste dans le confort de la protestation. La gauche se réduit seulement au « PS et à ses alliés ». Quand on vote à gauche, on vote « PS ». Dans ces conditions, il est difficile d'envisager un changement de politique avec un PS libéral hégémonique. D'autant plus que la gauche est provoquée par un premier ministre qui veut liquider la « vieille gauche ». Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre une réorientation, très peu probable, du PS. Il est temps que les « frondeurs » prennent leur responsabilité. Nous devons briser ces vieilles représentations et étiquettes caricaturales afin de gagner en crédibilité et de disputer le leadership de la gauche au PS.
C'est tout le sens d'une refondation de la gauche. Il ne s'agit pas, ici, de « vouloir la peau » du PS par principe de manière définitive mais l'expérience du pouvoir selon Manuel Valls et François Hollande nous oblige à ne plus pouvoir les considérer comme des partenaires.

 Refonder la gauche avec le PCF : changer la gauche pour changer la France

Nous ne pouvons plus nous résigner à subir un PS libéral hégémonique à gauche qui par le gouvernement qu'il soutient, liquide sur l'autel d'un libéralisme sectaire et caricatural les valeurs historiques du mouvement ouvrier et du socialisme démocratique. Nous ne pouvons plus nous résigner à assister à ce qui équivaut à un second assassinat de Jaurès. Nous ne pouvons plus nous résigner à voire notre peuple désespéré se jeter dans les bras de la droite extrême. L'enjeu est immense et ambitieux car il s'agit d'écrire un nouveau récit collectif mobilisateur à gauche en phase avec la nouvelle réalité de la géographie politique française. Nous devons bousculer les vieux stéréotypes et les vieilles caricatures pour redonner du sens au combat de la gauche.

Une nouvelle géographie politique qui nous oblige à repenser l'espace politique de la gauche française

Le clivage gauche – droite n'a pas disparu, il s'est reformulé et se cristallise autour de l'approfondissement de la démocratie ou bien du marché. Le problème étant que la majorité de nos concitoyens ont une lecture de la vie politique nationale héritée de l'union de la gauche de 1972.
Malgré l'orientation libérale clairement assumée par le PS, celui-ci est encore vu comme la force principale de la « gauche » entrainant un véritable brouillard idéologique. Nous n'avons objectivement pratiquement plus rien en commun avec le PS « officiel » et le gouvernement actuel qui se définit comme « social-réformiste » pour ne pas dire libéral. Sur la maîtrise sociale de la finance, l'Europe, les politiques de l'emploi, la transition écologique, la politique monétaire, la politique étrangère... les divergences sont totales et profondes. Société démocratique pour les uns, société de marché pour les autres. Adeptes de la « troisième voie », le PS se distingue de la droite traditionnelle sur les questions de société, même si un recentrage s'opère pour une partie de celle-ci en raison de la montée du FN. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous assistons à la consolidation de trois mouvances politiques en France (dynamique qui se retrouve dans d'autres pays en Europe) : une mouvance libérale, une mouvance nationaliste et une mouvance de gauche, communiste, socialiste et écologiste. C'est cette recomposition de la vie politique française qui pose problème car chaque bloc, à l’exception du bloc nationaliste incarné par le FN, n'a pas encore su concilier un récit politique mobilisateur cohérent avec un système d'alliance adéquat, même si l'on peut percevoir des
signes annonciateurs. Ainsi Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre UMP, n'exclut pas de travailler à l'avenir avec les « social-réformistes » du PS, tout comme, d'ailleurs, Alain Juppé, candidat aux primaires des Républicains. Nous devons prendre acte de cette recomposition et agir en conséquence pour penser une nouvelle alliance progressiste, socialiste et écologiste capable d'énoncer une offre politique nouvelle et d'incarner la gauche du XXI ème siècle. Nous devons réinventer la signification de la gauche dans l'imaginaire collectif national et porter un nouveau récit mobilisateur commun qui redonne du sens à nos combats.

Pour des États généraux de la gauche dont le PCF serait l’initiateur

Marquer l'avènement d'une nouvelle gauche en phase avec les réalités politiques, sociales et économiques implique de donner une dimension solennelle et symbolique à cette recomposition, d'où la nécessite d'organiser des États généraux de la gauche. Il s'agit de dépasser les logiquesd'appareils pour redonner la parole au peuple de gauche. Ces États généraux de la gauche auraient le mérite de « faire tomber les masques » et de clarifier nos positions en portant une nouvelle ambition politique à gauche en faveur d'un grand mouvement populaire et démocratique. Dans nos territoires, les militants politiques, associatifs et les citoyens sympathisants devraient se rencontrer et réfléchir sur ce que la gauche peut et doit faire lorsqu'elle est au pouvoir mais aussi sur la manière d'articuler luttes sociales et action politique. Des grandes assemblées populaires s'organiseraient autour de thématiques précises (économie, finance, logement, Europe, emploi, lutte contre les discriminations) associant « citoyens » et « experts ». Les échanges entre initiés et profanes permettraient d'aboutir sur la formulation de grandes lignes politiques et de propositions fortes vecteurs de cohérence, d'unité et de rassemblement à gauche. Bien sûr, l'objectif n'est pas de faire
disparaître les différentes sensibilités mais au contraire de recréer une nouvelle « maison commune » afin de poser les jalons d'un futur gouvernement de la gauche unie en phase avec les aspirations qui se seraient dégagées de ces assemblées populaires. Ainsi, une nouvelle page de la gauche s'ouvrirait autour d'une identité forte et partagée avec l'ambition de gouverner la France dans la durée. Enfin, la clôture de ces États généraux de la gauche serait sanctionnée par une charte commune, véritable dénominateur politique commun. Une telle refondation aurait comme effet de faire basculer de facto les tenants du « social réformisme » vallsiens et hollandistes au centre-droit de l'échiquier politique, ce qui nous permettrait de construire un nouveau leadership à gauche. Cette grande initiative devrait également être reproduite à l'échelle européenne rassemblant les formations et personnalités de gauche ne se reconnaissant pas dans l'austérité généralisée promue par la Commission européenne. Elle pourrait aboutir à la publication d'un nouveau manifeste de la gauche européenne. Elle refermerait ainsi la parenthèse libérale de la «Troisième voie / Nouveau centre » ouverte en fanfare à la fin des années 1990 par Tony Blair et Gerard Schröder qui étaient parvenus à imposer leur leadership sur la gauche européenne. Le PCF aurait intérêt à lancer une telle initiative en s’adressant directement au peuple de gauche. En effet, nous avons une responsabilité historique et morale à gauche. Nous sommes, à ce jour, une formation politique qui est, au regard des
circonstances dramatiques, la gardienne de l'héritage jaurésien et de l’esprit de la constitution de 1793. Nous n'avons pas jeté dans les bas-fonds de l'histoire les valeurs historiques du mouvement ouvrier. La « démocratie jusqu'au bout » n'est pas un fardeau ou une formule archaïque héritée d'un passé mythique mais au contraire notre principal objectif politique qui ne cesse d'entretenir la flamme de ce combat, toujours aussi moderne et jeune, pour le socialisme. C'est parce que nous portons cet héritage que nous devons pleinement le faire vivre et l'actualiser au regard de cette situation politique nouvelle. Alors que la majorité des déléguées du congrès de Tours de la SFIO en 1920 avait choisi d'adhérer à la IIIème Internationale, Léon Blum leur avait adressé ces propos « Nous sommes convaincus, jusqu'au fond de nous-mêmes, que, pendant que vous irez courir l'aventure, il faut que quelqu'un reste garder la vieille maison » : par une sorte de ruse de l'histoire, nous, communistes, héritiers de la Section française de l'Internationale ouvrière, avons récupéré les clefs de cette vieille maison délaissée . En tant que communistes, nous avons la responsabilité de reconstruire cette maison commune sur de nouvelles bases.

Prendre les libéraux du PS à leur propre jeu : se réapproprier les thèmes de la « modernité » et
de la « responsabilité gouvernementale »

Ce processus de refondation doit s'accompagner d'un nouveau langage politique. Le PCF et plus globalement l'ensemble des forces et des citoyens appartenant à la nébuleuse de la gauche alternative sont largement caricaturés par les partisans de la « gauche de gouvernement, réformiste et responsable » comme étant des forces purement protestataires. Nous serions « irresponsables », « archaïques », et « sectaires », incapables de prétendre sérieusement à des responsabilités gouvernementales. Ces éléments de communication politique alimentent en partie le « vote utile »  en faveur du PS et des chantres du social-libéralisme. Cette aspiration à la « modernité » et à la « responsabilité » peut être vue comme un moyen de camoufler des reculs sociaux et démocratiques comme c'est le cas avec la récente réforme du code du travail. En réalité, lorsque ce type de discours provient de la gauche, on pense quasi-mécaniquement à une stratégie de « recentrage » ou bien de triangulation politique : une tactique de communication politique venue d'outre-atlantique et largement popularisée durant les années 1980-1990 par les démocrates américains et les travaillistes britanniques. Celle-ci repose avant tout sur un discours tactique bien rôdé qui permet de déstabiliser son adversaire en reprenant certains de ses termes qui structurent son propre discours politique. L'origine de cette stratégie repose pour partie sur la défaite historique du ticket démocrate Walter Mondale – Geraldine Ferraro à l’élection présidentielle américaine de 1984, ainsi que celle des travaillistes britanniques emmené par Michael Foot aux élections générales de 1983. Ceux-ci avaient subis de la part de leurs opposants conservateurs une campagne médiatique délétère en les étiquetant d' « archaïques » et de dangereux gauchistes. Pour espérer revenir aux responsabilités, on observe un discours nouveau fondé sur la jeunesse, la modernité et la crédibilité qui servira de pierre angulaire à la « troisième voie » chère aux « nouveaux démocrates » américains et aux partisans du New Labour. Evidemment, cette triangulation a surtout constitué en un renoncement de combats historiques. Peter Mandelson, le principal concepteur de la stratégie de communication du New Labour finira par affirmer que les travaillistes sont devenus « néo-tatchériens ». Que pouvons nous retirer de ces expériences en matière de communication politique, en faisant abstraction du fait qu'elles se soient apparentées à des renoncements majeurs ? Pour déstabiliser son adversaire afin d’accroître son audience électoral, un discours politique qui s'articule autour des thèmes de la modernité, de la jeunesse, de la responsabilité peut contribuer à l'émergence d'un nouveau leadership à gauche et dépeindre ainsi le PS comme un parti tourné vers les solutions du CNPF des années 1980 prônant un libéralisme caricatural. Nous devons, par les outils de communication politique que nous déployons, être perçu comme la gauche du réel, crédible et moderne à l'inverse d'un PS qui, finalement, aurait les étiquettes qu'il nous attribue, celle d'une gauche tournée vers le passé, sectaire et incapable de comprendre le monde du XXI ème siècle. Ne sous-estimons pas la dichotomie moderne/ancien, celle-ci peut s'avérer redoutable dans notre capacité à élargir notre audience en vue de disputer le leadership de la gauche au PS tout en rendant nos propositions plus audibles (Fonds régionaux pour l'emploi et la formation, Fond européen de développement social, écologique et solidaire, sécurité emploi – formation, nouvelle monnaie commune internationale via les DTS...)

Par cette contribution, certes très modeste, j'ai essayé de souligner l'articulation entre confrontation électorale assumée vis à vis d'un PS libéral et les modalités d'un processus de refondation de la gauche dans la perspective d'un nouveau leadership. En effet, comme il a été déjà mentionné plus haut, changer de politique en France et en Europe implique de changer la gauche et de redéfinir son espace naturel, son discours dominant, ses aspirations fortes au regard de la réalité du XXIème siècle. Des initiatives récentes vont dans ce sens mais s'avèrent trop timides et mériteraient une ampleur symbolique plus forte : je pense notamment aux Lundis de gauche ou encore à la nécessité d'un nouveau « socle commun ». Certains camarades trouveront ces éléments de réflexion trop « électoralistes » alors que l'urgence serait de remobiliser le monde du travail, de partir de l’expression des besoins populaires et d'apporter des  propositions neuves. Pourtant, le PCF dispose dans ses bagages de propositions suffisamment modernes et innovantes grâce au travail de ses commissions, mais qui, malheureusement, ont des difficultés à atteindre le coeur et les consciences des citoyens en raison de ce brouillard politique à gauche. Ces éléments de réflexion s'inscrivent dans la cadre d'une nouvelle stratégie de conquête du pouvoir clairement assumée et globale. Osons porter une nouvelle ambition pour la gauche ou gouverner n'équivaut pas à des
renoncements en cascade et à la résignation, ce qui a été jusqu'à présent le cas.

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