Les congrès du PCF

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Clarté, organisation, méthode - Frédéric Chich - 69

Avant de commencer l'analyse et les propositions que je porte afin d'alimenter notre réflexion au prochain congrès du PCF je souhaite préciser une chose. J'ai souhaité ne pas m'attarder sur les comportements, tactiques ou postures de nos partenaires du Front de Gauche, car j'estime que dès lors qu'une organisation de près de 100 000 adhérents et de plusieurs milliers d'élus adopte une stratégie clairement identifiée, il n'est pas possible pour ses partenaires de lui nuire, si remuants soient-ils, dès lors qu'ils ne rassemblent que 10% des militants du Front de Gauche. Si le Front de Gauche a pu se transformer en expérience extrêmement amère pour de nombreux communistes, il faut tout d'abord observer notre comportement, si nous avons fait des erreurs, quelles erreurs nous avons fait, et comment une organisation politique bien plus puissante peut aujourd'hui se retrouver à la traîne d'une personnalité politique qui a réussi à couler son propre parti.

1. Contexte et bilan des années Front de Gauche
Le Front de Gauche est né en 2008 de la volonté de structurer un véritable union politique alternative face à la dérive du Parti Socialiste, aux échecs successifs du PCF et en connaissance de l'existence d'un terreau favorable à une politique alternative qui s'était notamment exprimée au moment du référendum sur le traité constitutionnel. Le 34e congrés de notre parti avait alors décidé de mettre en oeuvre une stratégie des Fronts, stratégie qui a enfanté d'un éphémère et discret front des luttes et surtout du Front de Gauche.

La création du Front de Gauche a alors permis d'opérer une bascule décisive dans le rapport de force qui s'exerçait alors au sein de la gauche radicale. Les organisation trotskystes qui avaient électoralement pris le meilleur sur le PCF menaçaient d'établir un pôle de radicalité fort mais inefficace car refusant toute alliance permettant si ce n'est une conquête du pouvoir, tout au moins une participation au pouvoir dans un rapport de force favorable. La mise en place du Front de Gauche a permis dans un premier temps l'échec du NPA près d'un an après sa création lors des élections européennes de 2009. Le Front de Gauche étant passé devant, l'appel d'air créé permit alors de renforcer encore le Front de Gauche.

Si le chemin vers l'élection présidentielle et législative a vu le nombre d'élus communistes régresser, le combat pour l'hégémonie culturelle et le renforcement de l'organisation allait autrement. La plupart des sections et des fédérations du PCF peuvent en attester, là où la stratégie du Front de Gauche a été menée de manière dynamique, et avec elle la campagne de 2012, de nombreux anciens adhérents du PCF sont revenus au sein de notre organisation, ainsi qu'un certain nombre de nouveaux militants, s'ajoutant ainsi aux
noyaux militants inédits rejoignant le Front de Gauche soit au sein d'autres organisations, soit en demandant la possibilité d'adhérer au Front de Gauche. Si la satisfaction relative qui a suivi le résultat des présidentielles a été vite balayée par l'échec formel aux législatives, il convient de rappeler une chose : à part à Vénissieux, tous les députés sortants qui ont été battus par les candidats socialistes, l'ont été tout en progressant en nombre de voix et en pourcentage au premier tour. L'inversion du calendrier contre lequel notre parti avait fait l'erreur historique de ne pas mener de combat avait eu pour effet que les candidats socialistes ont siphonné l'électorat centriste proche de François Bayrou.

Dès lors se posait une question fondamentale à notre parti qui aurait du ainsi le lier pour toute la suite du quinquennat de François Hollande : participer clairement à la majorité (avec ou sans participation au gouvernement) et choisir pour les années à venir des alliances claires avec le PS lors des élections locales à venir, ou ne pas le soutenir et privilégier clairement l'abandon des alliances avec le PS localement. La faiblesse du groupe communiste à l'assemblée et le premier et très rapide renoncement de François Hollande sur la renégociation des traités européens avait obligé notre parti à faire une croix sur le premier
choix. Faire ce choix eût été effectivement en totale contradiction avec la campagne menée pendant des mois et aurait fait fuir assurément les nombreux militants qui avaient rejoint le PCF à ce moment là.

Pour autant la stratégie suivie pendant les quatre dernières années peut se résumer à celle-ci : garder les militants et garder les élus. Garder les militants en maintenant une ligne d'opposition formelle aux décisions gouvernementales, garder les élus en maintenant dans un grand nombre d'endroits des stratégies d'union avec le Parti Socialiste. Une ligne de crête difficile à tenir mais que la Direction nationale a pu assumer en se reposant sur les choix faits localement par les militants. Cette décision a eu un triple effet, le PCF a plus ou moins réussi à retenir ses militants, il a continué à perdre des élus (quelles que furent les options choisies), et combiné à l'intransigeance gauchiste du PG a mis le Front de Gauche en état de mort clinique.

Quoi qu'il en soit, plus globalement, la stratégie du PCF est alors devenue totalement illisible, et s'il ne faut pas oublier l'influence néfaste que l'attitude du PG a pu avoir dans de nombreux endroits, il ne faut pas se voiler la face et convenir que le PCF et le PG ont tous deux filé parfaitement la métaphore du beurre, de l'argent du beurre et du couple de crémiers. Ainsi, quelles que puissent être les réussites concrètes de nos élus locaux (et je pense notamment à ceux de la Ville de Paris) il est évident que cette incohérence qui voulait
non seulement que nous militions localement pour ceux que nous dénonçons nationalement n'a pas eu les effets escomptés : dans le Rhône et ailleurs les communistes ont payé le prix fort pour diverses raisons, leur ralliement au PS dans certaines villes n'a pu empêcher leur bascule à droite, et d'un autre côté, les socialistes et la droite ont pu ravir plusieurs de nos villes. La séquence des régionales sera l'acmé de cette stratégie localiste, ou plutôt de cette absence de stratégie, chaque région connaissant une combinaison différente, aucune ne voyant notre camp progresser ou même se maintenir. Pis, alors qu'au sortir des élections présidentielles, le Front de Gauche pouvait encore espérer faire jeu égal avec le FN, celui-ci
nous écrase aujourd'hui en province dans les régions qui étaient des symboles de la France ouvrière. Ceci est le résultat d'une arithmétique simple : le FN a une stratégie de prise du pouvoir, nous n'avons aucune stratégie, nous ne faisons que répondre au coup par coup et élaborer des ripostes ou prendre des décisions au doigt mouillé.

2. Le besoin d'une ligne politique nationale claire :
Le PCF a donc besoin de retrouver cohérence et lisibilité. Nous sommes un mouvement national, et pas une addition de mouvements locaux. Nous ne pouvons pas être un agrégat d'intérêts contradictoires mais la somme de forces s'entraînant les unes avec les autres, et si les réponses ne peuvent être identiques partout il n'en reste pas moins que nous avons abandonné ce qui faisait notre force : organiser ceux qui souhaitent avoir les armes pour répondre aux puissants, au patronat, aux notables. Or nous n'organisons plus rien, nous désorganisons.
Actuellement nous parlons des primaires et de la nécessité de parler programme avant tout. Ce faisant nous avons laissé à Jean-Luc Mélenchon une arme redoutable : NOTRE programme, L'Humain d'Abord. Il est absolument nécessaire de le reprendre, de le remettre à jour et surtout de le remettre en avant. Ce programme est le seul outil profondément argumenté, construit patiemment, et diffusé largement, qui dessine pour la première fois depuis des décennies une perspective de progrès et d'émancipation pour les
travailleurs de France. Nous sommes en train de l'abandonner et nous commettons une erreur historique. Reprendre l'Humain d'Abord c'est reprendre le fil de notre discours, le revisiter, rappeler aux citoyens qu'ils l'avaient lu et qu'ils l'avaient approuvé pour nombre d'entre eux, l'enrichir et lui donner plus de corps c'est reprendre notre marche en avant. Nous devons reconstruire un programme de L'Humain d'Abord pour un nouveau Front Populaire et proposer ce texte comme base à enrichir et à modifier par ceux qui souhaiteraient faire partie de ce rassemblement.

Nous devons ouvrir une nouvelle phase politique. Nous avons déjà accepté le vocabulaire de l'ennemi en avalisant le mot de primaires. La défaite idéologique est dans la défaite des mots. La primaire est un nivellement, un exercice de contorsionniste, parler à gauche là où on vote à gauche, parler à droite là où on vote à droite, et à la fin gagne celui qui avait le plus de moyens et de relais médiatiques dans cette compétition. Nous n'avons pas les relais médiatiques. La primaire n'existe pas pour rien dans les pays anglo-saxons qui sont les patries du libéralisme, la primaire est l'outil du parti unique centriste, donc foncièrement capitaliste et réactionnaire. Nous ne devons pas travailler à l'organisation de primaires mais à l'organisation d'un nouveau Front Populaire surtout à l'heure où les dernières décisions gouvernementales  sur la réforme du code du travail ne laissent plus beaucoup de choix à l'aile gauche du Parti Socialiste. Qui plus est une primaire n'est pas un travail collectif mais un champ de course ou certains mettent leurs meilleurs chevaux pour gagner la course et d'autres le moins bon pour laisser un certain autre la gagner. Nous partons perdants car nous allons jouer sur un terrain qui nous est profondément défavorable, et surtout, quel est notre cheval ? Si la primaire a comme seul but de faire perdre le cheval Mélenchon, cela n'est pas digne d'une organisation communiste qui doit ouvrir des perspectives et non pas en fermer. Par ailleurs il nous faut observer quelles ont été les conséquences des primaires à gauche en Italie. Même si la situation y est plus confuse, la participation de Rifondazione Comunista a ouvert la voie à la fin de la dissolution de la présence communiste dans le pays d'Europe occidentale où celle-ci était la plus puissante.
Face à Prodi le candidat de Rifondazione obtenait plus d'un million de voix sur les 4,5 exprimées en 2005, en 2012 le principal candidat de la gauche radicale italienne Nichi Vendola obtenait 15% et Renzi se plaçait en 2e position. On connaît la suite, aujourd'hui l'union entre le PdCI et le PRC rassemble à grand peine 1% des voix, SEL autour de 7%. et avec des positions surprenantes comme celle un temps envisagée de siéger avec les députés du Parti Socialiste Européen. La primaire à gauche a donc participé de la disparition totale
du communisme italien. Si la France est un pays différent, cet exemple ne peut pas être ignoré.
 
Surtout, en ouvrant des discussions afin d'établir un nouveau Front Populaire nous posons les bases pour discuter avec ceux qui ne considèrent pas qu'il y a deux gauches irréconciliables mais que la gauche ne peut être qu'une union des forces populaires pour le progrès social, pour libérer le travail, l'invention et les intitiatives humaines du carcan capitaliste. Nous retrouvons donc notre cohérence. Enfin cela nous permet de recomposer un camp divisé en plusieurs partis, eux-mêmes divisés en plusieurs chapelles, le Front de
Gauche réussit l'exploit d'être aussi divisé que les socialistes et que les écologistes alors qu'il est le plus cohérent idéologiquement. S'il y a des libéraux et des progressistes chez EELV et au PS, il n'y a que des progressistes au Front de Gauche.

Enfin, l'ouverture de telles discussions doit se faire en interpellant officiellement les syndicats pour qu'ils prennent part à ce nouveau Front Populaire. Ce fut l'erreur que nous avions faite : penser un Front des luttes distinct du Front de Gauche, la gauche doit marcher sur ses deux jambes, le syndicat et le parti, c'est grâce au syndicat que Jeremy Corbyn a pris la tête du Parti Travailliste. Les congrès de la CGT et du PCF vont avoir lieu à deux mois d'intervalle, qu'est-ce qui est pensé pour harmoniser l'action syndicale et l'action politique ?
Rien. Ces discussions doivent donc rétablir au grand jour ce qui a cessé d'être ou n'existe qu'hypocritement, non pas que les syndicats et les partis ne se parlent plus, mais ils font semblant de s'ignorer. En séparant les deux nous disons aux syndicats qu'ils n'arriveront jamais au pouvoir, or Ambroise Croizat était bien un dirigeant du PCF et de la CGT, nous devons donner des perspectives claires de victoire aux travailleurs en leur disant que ce seront eux qui gouverneront au travers de leurs représentants syndicaux.

De la même manière la mise en place d'un Nouveau Front Populaire doit intégrer les associations : associations de lutte contre l'exclusion ou la pauvreté, de lutte pour l'environnement, des droits des femmes, de lutte contre le racisme, etc... Nous devons les inviter à réfléchir ensemble notre programme, à l'amender, l'enrichir, dire qu'à chaque poste de gouvernement sur certaines questions c'est un-e reponsable d'une de ces associations qui sera aux manettes pour appliquer une politique de progrès des droits. Nous avions créé un cartel d'organisations, nous devons créer une véritable union civique et politique, l'espace est
grand ouvert pour cela, nous devons commencer au plus tôt. Or en nous cantonnant à des primaires nous excluons de fait les champs syndicaux et associatifs de la démarche politique.

En bref, et pour appeler aux développements ultérieurs, depuis 2012 le PCF mène une guerre de tranchée quand tous les autres mènent une guerre de mouvement, Mélenchon nous déborde sur la gauche, la PS va vers sa droite, la droité s'écartèle et le FN zigzague entre propositions issues d'un corpus progressiste et discours martial et xénophobe (en fait le FN ne fait rien d'autre que revenir aux fondamentaux du fascisme). Il est temps que notre Parti se remette en mouvement partout où il est présent et qu'il reprenne l'initiative. Nous
passons notre temps à des discussions avec de multiples interlocuteurs, sans cadre et sans perspectives réelles, il est temps de redonner un but et un corps à ces discussions et à ces échanges.

3. Elaborer une stratégie de prise du pouvoir :
Si nous voulons élaborer une stratégie de prise du pouvoir il nous faut aussi regarder celle que Marine Le Pen a décidé d'appliquer avec le Front National : une élaboration d'un maillage local, si besoin avec le renfort de quelques personnalités permettant d'amplifier encore la portée du discours, l'occupation du terrain médiatique, et enfin la primauté de l'organisation politique sur les élus. Dans de nombreux endroits le FN a pris le risque du renouveau en lançant des candidats souvent très jeunes, mettant ainsi l'image de ses
candidats en adéquation avec son image de parti vierge de toute faute et de parti du renouveau. Ceci va de pair avec le fait que le FN est dans une dynamique de conquête, ce qui n'est pas la même chose que d'être dans une position de resistance.

Tout d'abord nous ne sommes pas si forts, ni si faibles, qu'il n'existe plus de lieux de conquêtes possibles pour notre Parti, au contraire. La méthode mise en place à Montreuil ou à l'époque dans la ville d'Unieux et dans d'autres endroits encore montre que nous sommes capables de le faire. Couvrir le terrain, organiser un maillage serré des circonscriptions, des quartiers, des villes, parfois plus qu'un manque de forces pour le faire c'est la méthode que nous n'avons pas. Ensuite nous devons reconnaître que malgré le fait que nous puissions avoir à notre disposition un mouvement de jeunesse en pleine renaissance et dont l'objectif et de dépasser les 20000 adhérents (soit trois fois plus que le nombre d'adhérents du Front National en 2007) nous avons souvent du mal à lancer et surtout à faire élire des candidats jeunes.

Ensuite, si le temps viendra également pour le FN du bilan de ses élus et du maintien de ses conquêtes électorales, nous devons également nous poser la question de nos élus locaux, et de pourquoi en avoir et surtout comment en avoir. A l'inverse du FN où les candidats sont totalement dépendants de leur organisation, le PCF est totalement dépendant de ses élus, s'ensuit une notabilisation du parti qui correspond parfois très mal à ses velléités révolutionnaires (je pense à un certain Maire du Rhône qui vote constamment la hausse des tarifs de transports en commun quand sa fédération milite pour la gratuité). De fait se pose la question lorsque nous définissons toute notre stratégie autour de la défense de nos élus locaux, non seulement nous dépendons de quelques personnes, mais en plus il nous est très souvent très difficile d'organiser véritablement le renouvellement politique comme nous devrions le faire à chaque fois. D'autre part nous partons souvent du principe que l'étiquette PCF se vend mal, or souvent dans le fond ce qui est reproché dans les villes où nous sommes aux responsabilités, ce n'est pas d'être communistes, mais de ne plus l'être assez. Le communisme municipal se résume bien souvent à une caporalisation d'élus qui finissent par être dégoûtés de la politique sous la coupe de Directions Générales gestionnaires qui ont
l'oreille du premier magistrat de la Ville.

La réalité est la suivante en fait : bien souvent notre maillage local, qui fit la force du PCF, est devenu inexistant ou bien trop faible, parfois surtout dans les villes que nous tenons depuis près d'un siècle. Il convient donc de redonner vie à la cellule, reprendre ce travail de terrain qui permet de recruter, de former de futurs élus. L'étiquette PCF doit être remise en avant, et avec elle le respect de certaines valeurs de base qui sont bien trop souvent mises sous le boisseau. Au final par ailleurs nous ne faisons que repousser l'échéance en faisant dépendre notre organisation de nos élus locaux. En concentrant nos efforts pour ne pas perdre de villes ou d'élus locaux nous en perdons quand même, et cela sans que cela puisse nous profiter au niveau national où nous sommes vus encore et toujours comme un parti dépassé et à la remorque du PS, image que l'absence de stratégie claire entre 2012 et maintenant n'a fait que confirmer : nous perdons des élus en restant à la remorque du Parti Socialiste malgré toutes nos déclarations nationales. Se pose aujourd'hui la question, aurions nous perdu beaucoup plus d'élus en tenant une ligne plus claire et plus lisible nationalement ? Si oui quelles seraient aujourd'hui les perspectives de reconquête ? Ne voit- on pas les socialistes plus forts qu'ils ne le sont réellement dans beaucoup de villes ?

Pour finir, nous devons aborder la question des idées et de leur diffusion. Quelles sont les idées du PCF ? Le manifeste voté lors du dernier congrès était un essai protomarxiste qui semblait avoir été revisité par un militant des indignés en 1e année de Science Politique. Je suis toujours frappé par le fait que ceux qui manipulent et qui transcrivent le mieux la mécanique et l'analyse marxiste dans les médias sont ceux qui y sont opposés. Ils l'utilisent de façon très adroite afin de les retourner contre le camp progressiste. Qu'il
s'agisse d'Eric Zemmour pour taper sur l'immigration ou même de Jacques Attali (le seul que j'aie entendu récemment dire « un patron n'est pas là pour créer des emplois mais pour faire des profits ») et parfois d'autres personnalités l'analyse marxiste est devenu l'arme favorite des anticommunistes et des réactionnaires. Nous semblons parfois être les seuls à ne plus l'utiliser parce que soit nous partons du postulat que cette grille de lecture et d'analyse n'est pas compréhensible pour nos concitoyens et nous en sommes souvent réduits à un keynesianisme vaguement amélioré, soit, lorsque cela n'est pas le cas, nous n'expliquons plus pourquoi l'intérêt du patronat est divergent de celui des travailleurs, car nous partons du
postulat que cela est déjà compris, alors que c'est tout cela qu'il faut réexpliquer.
Concernant la diffusion de nos idées, il est évident que l'intervention des communistes sur internet est totalement déficiente. La capacité de l'extrême droite à monopoliser les débats sur les forums et sur tous les espaces de débats permet l'installation pernicieuse d'une façon de penser. Notre riposte à ce niveau là est bien trop désorganisée alors que celle de l'extrême droite (qu'il s'agisse du FN ou des identitaires) est très bien rodée : ils sont formés, organisés, armés pour entretenir une ambiance de haine et de rejet de
l'autre. Nous leur laissons la voie libre sur ce terrain, il est urgent que les militants communistes soient formés et coordonnés avec des militants d'autres organisations progressistes pour former des brigades menant la bataille idéologique sur le net, avec des campagnes à mener, un argumentaire à dérouler, une méthode à appliquer. Notre reconquête de l'hégémonie culturelle passe avant tout par là, loin de l'entre soi dans lequel nous nous sommes peu à peu installés. Les militants qui mènent cette bataille sont isolés, ne se concertent pas, il nous faut établir des cellules du militantisme 2.0 dans chaque fédération du PCF et établir des veilles sur internet. Cela demande une organisation et une formation des militants.

Enfin, nous devons parler de la façon dont le PCF s'adresse aux citoyens : tracts trop longs, recto-verso, avec une police minuscule et aucun texte ou slogan accrocheur, affiches peu esthétiques, dont le message n'est pas suffisamment clair ou bien ne l'est que pour les militants. Nous avons des initiatives exemplaires sur la question agricole avec le MODEF, mais l'affiche qui en parle ne veut rien dire (un paysan dans un caddie qui crie « on me brade »), je ne parlerais pas de l'horreur post-moderne sur les médias. Un slogan efficace est
un slogan qui résume en trois mots le programme politique. Celui du Front Populaire tenait en trois mots : Paix, Pain, Travail. La dernière réussite graphique était celle des affiches reprenant le drapeau français (très souvent reprise dans les journaux) mais là encore les slogans reprenant chaque mot la devise de la République étaient au mieux niais, au pire vide de sens politique et d'un unanimisme qui rappelle SOS Racisme. Je ne parlerai pas des petits coeurs qui me font me demander à quand nous sortirons une campagne d'affichage avec des petits chatons mignons. A l'inverse il existe dans plusieurs fédérations du PCF une capacité d'inventer des outils visuels efficaces, je pense entre autres aux Bouches du Rhône. Enfin
subsiste la désagréable impression que au fur et à mesure le logo de notre parti semble toujours se réduire progressivement ce qui n'est pas sans poser problème lorsque le militant ayant travaillé dur à recouvrir consciencieusement les murs et les panneaux de son quartier s'aperçoit que l'affiche qu'il a collé ne mentionne le nom du PCF que pour celui qui a le nez collé dessus. Il est donc nécessaire de revoir notre communication : une image simple, trois mots en guise de slogan, un logo visible de loin et une charte graphique adoptée sur le long terme.

Pour conclure, le PCF doit cesser de vouloir être le trait d'union de la gauche, rassembler les appareils de gauche n'est pas possible en l'état, soit parce que certains veulent tout sauf les communistes soit parce que d'autre ne veulent personne à part eux. Il convient de rassembler ceux qui sont convaincus de l'utilité du rassemblement, et ensuite de rassembler les citoyens de gauche. Syriza n'a rassemblé personne à part quelques micro- partis, Podemos n'a rassemblé aucune organisation représentative de la gauche, chacune a simplement su supplanter ce qui existait pour devenir la dynamique et la force principale à gauche. Nous nous trompons dans notre analyse. En revanche chacune a élaboré une stratégie de prise du pouvoir s'appuyant sur une analyse de la situation politique. Le PCF doit donc repartir du terrain tout en redevenant une force politique visible, avec un discours lisible. Le PCF doit retrouver une communication simple, hors des formules alambiquées. En redevenant une force politique nationale avec une identité reconnaissable, nous pourrons sortir de notre dépendance vis à vis de nos élus locaux et éviter le piège de devenir un parti
de notables comme le PRG. Nous devons recréer des espaces de formation nationaux, engager nos responsables à suivre des formations avec une architecture définie ce qui n'empêche pas de laisser la place au débat d'idée. Nous devons former nos militants aux nouvelles méthodes de militantisme, et nous devons aussi former nos candidats à répondre à une interview, à parler en public, etc... Très souvent lorsque des responsables du PCF sont interviewés je finis par ne pas avoir retenu le sens ou le fond de leur message et si j'étais un télespectateur lambda j'aurais zappé au bout de trente secondes, notre espace médiatique
n'est pas réduit par décision politique mais souvent par manque de talent pour nous exprimer sur la scène audiovisuelle. Les médias recherchent l'audimat et le buzz, nous avons parfois réussi à créer le buzz, nous n'avons encore personne qui fasse grimper l'audimat. C'est aussi ce qu'ont réussi Tsipras ou Pablo Iglesias, c'est ce que réussit à faire aujourd'hui même Bernie Sanders aux USA avec un discours marxiste qui parle d'unir les travailleurs. C'est ce que sait faire Jean-Luc Mélenchon.

Conclusion :

La France ne souffre pas d'une maladie étrange, elle n'est pas dans une situation bien différente de ses nombreux partenaires européens, elle n'est pas condamnée au fascisme, à l'individualisme, au rejet de l'autre et à une gauche de droite, pendant que dans de nombreux pays une gauche véritable relève la tête. Simplement elle a la gauche la plus bête du monde et un Parti Communiste qui fuit sa responsabilité historique d'être le parti des travailleurs, des pauvres, des exploités. Nous avons laissé un vide politique en essayant d'être l'éternelle marieuse d'une gauche qui n'existe plus : Le Parti Socialiste n'existe plus, EELV n'existe plus, le trotskysme français n'existe plus, seul le Front de Gauche avait en théorie cette cohérence idéologique combinée avec une force militante et des réseaux importants au sein de la société française. En voulant coûte que coûte réunir des organisations politiques dont l'existence est clairement comptée nous avons voulu marier des zombies politiques et nous continuons dans le faire dans une primaire qui sera une primaire de zombies. Ce vide béant a appelé de toutes ses forces Jean-Luc Mélenchon dont l'analyse politique a été bien plus fine que la notre :

• Il est le meilleur représentant de l'alternative aux yeux de l'electeur lambda
• Il juge que nous serons incapables de dégager une figure politique capable de le concurrencer (et il probablement a raison)
• Il veut nous forcer la main car il sait que nous souhaitions éviter sa candidature
• Il sait que les militants communistes sont rétifs à l'idée d'une primaire Soyons lucides, la seule chance pour que cette primaire accouche d'un candidat capable de concurrencer Jean-Luc Mélenchon serait que Nicolas Hulot y soit désigné. J'attends de voir certains secrétaires de section exhorter leurs militants à aller coller des affiches pour Nicolas Hulot. Ce dont la gauche a besoin, c'est d'un Parti Communiste fort, qui  pourra permettre l'union non pas par sa gentillesse et sa disponibilité à se sacrifier pour les autres mais par sa capacité à créer un mouvement fort et profondément imprimé dans la société française. Un Parti fort vis à vis de ses propres élus, qui utilise pleinement sa force militante en lui permettant de se former et d'avoir un
matériel militant et idéologique de qualité simple, visible et accessible, un Parti fort vis à vis de ses  partenaires par le simple fait que sa force de frappe militante et sa visibilité médiatique en feront une force politique crainte. Un Parti fort idéologiquement, reprenant un programme populaire (L'Humaind'Abord), se l'appropriant, le renforçant, reprenant une reflexion marxiste intelligible sur ses principes de base (redéfinition de l'antagonisme exploiteur/exploité, patronat/travailleur...). Un parti fort parce que visible, visible parce que ses porte-paroles seront suivis, reconnaissables, forts en gueule. Un parti fort car il mettra ses forces dans chaque combat local pour l'articuler avec des batailles nationales. Un parti fort parce que son objectif et sa stratégie seront la prise du pouvoir, qu'il le dira et qu'il sera crédible en le disant. Mais cela c'est sur le long terme, pour 2017 j'ai bien peur que plus personne n'ait le choix car en ne préparant pas sérieusement cette échéance nous savions que notre seule possibilité serait de rééditer une candidature de Jean-Luc Mélenchon. Qui plus est, ne nous leurrons pas, si primaires il devait y avoir, si celles-ci devaient désigner un Jean- Luc Mélenchon ou un candidat défendant des options politiques très proches, pensons nous véritablement que cela empêcherait la candidature de Valls ou Hollande ? Non. Nous aurions donc
trois candidats de gauche ? C'est encore plus impensable. La seule option pour limiter les candidatures à gauche serait donc d'avoir un candidat europhile désigné par la primaire, là encore je souhaite bon courage au secrétaire de section qui demandera à ses militants d'aller coller ses affiches. A force d'atermoiements et d'impréparation, d'un fonctionnement defficient de notre Conseil national (aucune réunion pendant 5 mois), nous avons été pris de vitesse, à nous de limiter les pots cassés, pour la France, pour la gauche et pour notre Parti.

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