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Remarques pour une base commune - Jean Paul Duparc 06

Cette contribution souhaite seulement souligner quelques idées forces, qui me semblent largement non prises en compte dans le rapport présenté lors du Conseil National de janvier 2016, et qui pourtant me semblent indispensables pour l’élaboration d’une base commune crédible.

 

Première partie : Une mésestimation de la droitisation de la société

 

Longtemps nous avons défendu l’idée que c’était la superstructure politique et médiatique du pays qui se déportait sur la droite, mais que plus ou moins très majoritairement la population restaient ancrées sur des valeurs de gauche. Tout juste reconnaissait-t-on que la « pédagogie du renoncement » marquait des points.

 

Il semble, hélas, que nous n’en soyons plus seulement là. Les preuves n’en manquent pas. Beaucoup d’entre nous peuvent en avoir des indices empiriques au contact de collègues de travail ou parfois plus préoccupant jusque dans la jeune génération. Ce que j’entends de mes étudiants de BTS, y compris en faveur d’un vote FN décomplexé, depuis quelques années en est un signe parmi d’autres.

 

Cela se traduit par la banalisation croissante de certaines thèses du Front National, ou bien de réelles défaites idéologiques comme sur « l’assistanat » ; mais aussi au sein de l’électorat socialiste on voit combien certaines thèses chères à Valls ou Macron ont pénétré. On est bien au-delà des 5% réalisés par Valls à la primaire de 2011, que nous rappelons régulièrement comme pour nous rassurer.

 

Les conséquences politiques sont non seulement une plus grande difficulté à convaincre de la justesse de certaines propositions, mais surtout la façon dont cette droitisation des esprit sème la divisions entre les victimes de la crise : fracturation de la société, individualisme de peur ou de repli, et stigmatisations

 

L’année 2015 aura accentué cette dérive droitière. Les évènements de Grèce en juillet, nourrissant une impression de fatalité face au carcan européen. Le drame des réfugiés et migrants utilisé dans toute l’Europe au profit de réactions nationalistes et autoritaires. Les attentats en France, onde de choc durable, utilisés fin novembre pour un réaménagement idéologique réactionnaire des relations entre sécurité et liberté. On pourrait également évoquer les tentatives croissantes de détournement, par la droite et l’extrême droite, mais également Valls, de la valeur de la laïcité. Ou bien la force du retour du religieux dans la société depuis plusieurs années. Retour en force qui est une sorte d’angle mort de nos analyses, à part dans de trop rares travaux comme ceux d’Yvon Quiniou ou d’André Tosel, mais dont nous faisons peu usage.

 

Bien entendu, il demeure de façon sous-jacente ou dominé un socle de valeurs progressistes, de gauche et d’aspirations à combattre les inégalités et les dominations. Mais ne mésestimons pas le travail de reconquête idéologique à accomplir pour parvenir à ce que des idées de transformations sociales puissent retrouver une crédibilité et une hégémonie à la fois au sein de la gauche et plus encore dans l’opinion générale.

Peut être le paroxysme et la violence des renoncements du pouvoir socialiste avec les lois sur la déchéance de nationalité et le dynamitage du code du travail peuvent ouvrir une fenêtre pour cela, du moins dans la gauche. Mais à condition qu’on ne se prive pas de l’outil et de la dynamique politique originale que le Front de gauche avait su initier

 

Sur le fond et dans la durée, cette reconquête s’opérera d’autant mieux que les combats quotidiens pourront s’enraciner non seulement dans la défense des populations, mais dans l’énoncé d’un projet de société. On défend mieux la Sécurité Sociale, lorsqu’on s’appuie sur le principe de base qu’elle représente pour l’organisation de la société toute entière. Voir par exemple le travail toujours actuel de Bernard Friot et intitulé de façon offensive « Vive la cotisation sociale ! ».

 

Ce serait important que notre Congrès puisse être un moment partagé de diagnostic crédible de la situation idéologique de ce pays, y compris pour mieux définir notre combat politique pour 2017 à partir des rapports de force réels et non pas idéalisés dans un volontarisme proclamatoire que je sens dans les interventions actuelles de certains de nos dirigeants.

Dérive dont je ne sais si elle est seulement parisienne intra-muros, ou plutôt hors sol probablement, et qui conduit de façon bien imprudente à sembler snober a postériori le résultat de plus de 10% obtenu en 2012, pour proclamer qu’il s’agit à la prochaine de faire « bien plus », alors que en l’état des choses, nous sommes plutôt assuré de faire « bien moins » !

 

 

Deuxième partie : une version biaisée de « l’échec du Front de gauche »

 

A lire à la fois les récents travaux du CN et certaines contributions, il est à la mode de déplorer un « échec du Front de gauche » et de se désoler qu’il soit trop resté « un cartel de partis ».

Jusqu’à certaines contributions, comme celle d’Igor Zamichiei, qui réécrive l’histoire post 2012 du Front de gauche, pour s’empresser de conclure sur la base du constat de la persistance d’un phénomène de « vote utile » lors des régionales, que nos difficultés ne viennent pas « d’un déficit de radicalité » ou « d’une trop grande proximité vis-à-vis du Parti Socialiste », mais d’un isolement mélenchonien dans une « logique uniquement contestataire du social libéralisme ».

 

Si on réécrit l’histoire ainsi, qui nous exonère à bon compte de toute responsabilité, il n’y a aucune chance que nous tirions des enseignements utiles pour l’avenir de la période écoulée.

 

Sur la base d’une initiative stratégique initiée par le PCF en 2008-2009, permettant de progressivement nous réunir, avec ceux qui avaient le courage de quitter le PS avec Jean-Luc Mélenchon, et également des éléments venus de l’extrême gauche et des citoyens engagés, une dynamique est née, visant à une alternative majoritaire et populaire à gauche. Avec la dynamique et le résultat de 11% lors de la présidentielle de 2012.

 

Nous avons notre part de responsabilité dans la perte d’élan, les difficultés et les contradictions qui sont apparus ensuite et n’ont cessé de s’aggraver :

-Dans la gestion politique désastreuse de toute la période de ce quinquennat 2012-2017 par notre direction nationale, qui par exemple n’a eu de cesse de saucissonner les échéances électorales qui allaient se succéder (municipales, départementales et régionales), pour mieux justifier une géométrie variable des alliances au nom de leur spécificité à chacune, plutôt que d’en percevoir une cohérence à construire dans la durée. D’où notamment des divisions bien regrettables aux municipales, dans de bien grandes villes,.....

-Par un grand retard à prendre la mesure des renoncements socialistes : pensons à l’obstination que nous avons mis à refuser toute notion « d’opposition de gauche » à ce pouvoir, alors qu’à l’évidence il en fallait une, et que cette notion n’était nullement contradictoire avec l’ambition de construire une alternative à gauche.

-Par le refus obstiné, dans les années post 2012, et aussi après les difficultés apparues aux municipales, opposé à un « Front de gauche de type nouveau » (voir la tribune de Francis Parny « pourquoi je ne siègerais plus au CEN »), ou le déni de reconnaissance des non-encartés qui se retrouvaient dans le Front de gauche, cantonnés au droit de participer à des assemblées locales, mais jamais sans aucun pouvoir de décision sur le processus national d’ensemble. : Nous déplorons que le Front de gauche soit resté un « cartel de parti », alors que ce sont les directions de parti, aussi bien PG que PCF qui en sont co-responsables en ayant voulu de façon conservatrice conserver le monopole du pouvoir de décision au sein du Front de gauche !

 

Il y a de la tristesse, mais aussi de la colère, à constater qu’on serait près à donner aux sympathisants de la nébuleuse ambigüe de la « Primaire des gauche et de l’écologie », (qui pourrait bien s’avérer n’être qu’une lessiveuse pour dirigeants socialistes en mal de blanchiment), un pouvoir de décision qu’on a toujours refusé aux sympathisants du Front de gauche, pourtant réunis sur la base autrement plus porteuse et transformatrice de « L’Humain d’abord » !

 

D’un congrès à l’autre, si on ne peut nous reprocher de ne pas être parvenu à « rallumer les étoiles », car dans une situation politique où pèse la droitisation de la société tout ne dépend pas de nous loin de là, il est par contre impardonnable et inexcusable d’avoir contribué à en éteindre de très précieuses.

 

Cette question de la démocratie et du pouvoir citoyen est cardinale et le dénominateur commun aux questions de Projet, de Stratégie et de Parti. Elle nous taraude, et est finalement non résolue dans les faits depuis au moins la tentative des Espaces Citoyens dans la décennie 90. Il n’y aura pas de bon projet sans la démocratie comme moteur. Il n’y aura pas de stratégie efficace si elle n’inclue pas de donner du pouvoir aux citoyens qui s’y impliquent, quitte à prendre le risque que ça nous bouscule, et que la façon dont ça se développe ne soit pas ce que nous, nous avons prévu au départ. Et il n’y aura pas de parti utile, si on ne reconfigure pas son rôle (et son organisation) autour de cette nouvelle fonction de facilitateur de citoyenneté.

 

Troisième partie : Et maintenant ?

 

Pas étonnant qu’au bout de tout cela, on constate d’une part que le « vote utile » perdure, (en plus qu’il est encouragé structurellement par les mécanismes institutionnels et la montée du FN) et que nous soyons si démunis face au « piège de 2017 », au point qu’on nous propose de délaisser, dans les faits, une initiative stratégique initiée par les communistes (le Front de gauche) au profit de la nébuleuse de la « Primaire des gauches et des écologistes », ……dont on devine que les ambigüités pourraient servir à réhabiliter un nouvel habillage de « l’union de la gauche » au détriment d’une nouvelle gauche à la fois innovante, anticapitaliste et courageuse.....

 

Il nous faudrait être notamment plus incisif sur la question du pouvoir socialiste. Il y a quelque chose de réducteur dans notre façon de seulement parler du pouvoir Valls-Hollande comme si le PS n’était que la victime masochiste d’un couple infernal, et ses dirigeants et principaux élus, les sujets d’un syndrome de Stockholm vis-à-vis de leurs bourreaux ! De même nous aurons passé beaucoup de temps dans ce quinquennat à attendre et espérer des frondeurs, lesquels ont plutôt agité une fronde sans pierre. Quant à L’Humanité, elle leur accorde beaucoup de colonnes et d’importance, sans même rappeler s’agissant de Benoit Hamon par exemple, qu’au mi-temps du quinquennat il a fait, avec Montebourg, la courte échelle à Valls pour l’installer à Matignon…..

Alors bien sur, comme vient le temps où va sonner le glas de ce quinquennat, et que nombre de responsables socialistes vont songer à se positionner pour « l’après Hollande », il va probablement y avoir du mouvement et de fortes déclaration en vue de garder une mainmise sur la gauche, pour les étapes suivantes. Mais ça risque de faire plus penser à la phrase d’Edgar Faure, « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent », qu’à une fronde constructive pour une alternative à gauche à la politique suivie depuis 2012.

 

Plus profondément, je crains que nous ne vivions toujours dans l’espoir que le PS soit ou redevienne ce qu’était le « parti de Pierre Mauroy », alors qu’il a subi une mutation normalisation social-libérale. Des travaux comme ceux de Remi Lefebvre l’ont montré depuis plusieurs années.

 

Or, pour déjouer le « piège de 2017 », nous ne pouvons pas mettre entre parenthèse deux éléments structurant de notre analyse de la crise, et notamment de la crise démocratique. Ce ne peut être qu’un rassemblement de type nouveau qui redonne gout et une légitimité à la politique. Sur la base d’un projet qui s’attaque réellement à la domination du capital financier, y compris dans ses dimensions européennes. Penses-t-on que le ticket d’entrée pour participer à la Primaire des gauches et de l’écologie, tel qu’il est présenté par ses initiateurs, c'est-à-dire au mieux un acquiescement à une déclaration sur les « valeurs de gauche », puisse être crédible pour cela et refonder un espoir et une dynamique ancré à gauche ?

 

A ce stade, et au vu des premiers débats et échanges ça risque plus d’être un accord sur un « plus petit dénominateur commun », dont la seule base commune réelle serait d’éviter un face à face FN Droite. Or je ne crois pas qu’une stratégie du plus petit dénominateur commun remobilise les abstentionnistes de gauche par exemple, et donc permette d’y parvenir ; bref que ce ne soit pas très mobilisateur pour déjouer « le piège de 2017 », et encore moins pour préparer l’avenir.

 

Pour qu’il n’y ait aucune ambigüité dans mon propos, je précise que je n’ai pas non plus d’appétit pour la candidature de Jean Luc Mélenchon telle qu’il l’a proposée pour 2017, et que la direction du PG a, à mes yeux, autant de responsabilités que la notre, même si elles sont différentes, dans la panne du FDG.

 

Mais peut-être est-il encore temps, de faire tout autre chose que ce que notre CN a mis sur de mauvais rails dans sa réunion de janvier 2016 : inviter à une consultation nationale des personnes encartées ou non qui se sont reconnus dans le FDG à un moment donné ou à un autre de ces huit dernières années, plus toutes celles écologistes, socialistes etc …. qui veulent refonder la gauche, en rupture avec ce qui s’est fait depuis 2012, pour définir ensemble comment affronter les échéances de 2017, et par exemple actualiser L’Humain d’abord.

 

Voilà pourquoi je souhaite une base commune qui ne suive franchement pas le chemin dessiné par le rapport au CN de janvier, qui me semble ni pertinent pour affronter 2017, ni pour préparer un Congrès utile.

 

Et je redouterais une situation où nous n’aurions qu’un le projet de base commune adopté sur cette mauvaise base par le CN et en face des textes alternatifs du genre « identitaire » , comme si nos maux venait du fait qu’on n’aurait pas assez fait vivre une « identité » communiste. Dans ce cas, en tant qu’adhérent du PCF, la préparation du Congrès, très honnêtement, ne me « parlerait » pas beaucoup.

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