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L'apprentissage ou l'école de l’abus - Arthur GIRY et Samuel FRANCESCHI - 86

Actuellement en France l’apprentissage est soumis à de nombreux abus, souvent passés sous silence. Heures supplémentaires non payées, conditions de travail dégradées, programme éducatif au rabais : en France les apprentis ont la vie dure. Malheureusement l'apprentissage est aussi souvent perçu comme une voie de garage, une sous-formation pour des élèves qu’on déclare « inaptes » au système scolaire. Pourtant l’apprentissage mérite mieux, et peut devenir  une richesse pour notre pays, à condition d’être largement transformé. Choisir de devenir apprenti, c’est l’opportunité d’entamer son insertion professionnelle plus tôt que la majorité de ses camarades, c’est se donner la possibilité d’acquérir une expérience de terrain importante tout en développant son savoir théorique. L’apprentissage est aussi d’une formidable richesse, proposant plus de 800 cursus dans la quasi-totalité des secteurs professionnels, hormis les institutions publiques qui pour le moment refusent d’embaucher des apprentis. L’apprentissage c’est enfin la possibilité donnée à un jeune ne souhaitant pas poursuivre ses études dans une filière en formation initiale  de se former et d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat (du CAP au Master). Cependant la situation actuelle d’un apprenti est peu enviable et il en va de la responsabilité d’une organisation de jeunesse révolutionnaire et progressiste de porter le combat des droits sociaux, de l’égalité et de la formation dans ce milieu qui voit passer plus de 350.000 jeunes (de 15 à 26 ans) par an.

 

La première bataille à mener autour de l’apprentissage est celle de l’orientation. Il est nécessaire que les communistes revendiquent un « Grand service public de l’orientation » la situation des apprentis est révélatrice des carences actuelles du système. Actuellement, peu sont les jeunes qui choisissent de s’orienter dans une filière en alternance en toute connaissance de cause. En effet l’image de formation aux rabais pour jeunes en difficulté de l’apprentissage amène le système éducatif, impuissant face à sa défaillance, à se débarrasser  des éléments nuisibles à leurs statistiques en les orientant vers l’apprentissage. Le résultat est inéluctable : de nombreux jeunes démoralisés, désorientés, changeant pendant plusieurs années de cursus, bien partis pour devenir à terme des jeunes sans qualification et diplôme.

La seconde bataille qui doit nous préoccuper est le droit à la formation. Alors que ces filières se targuent de fournir un enseignement professionnel important, ce qu’on ne peut renier, l’enseignement général est lui aussi victime de l’image négative de l’apprentissage. Les programmes sont faibles, ces enseignements qui pourtant permettent d’acquérir un esprit critique sur le monde sont fortement délaissés. Cette logique, volontaire de la part de l’Etat et des chambres consulaires[1], amène à former des travailleurs qu’elle pourra insulter « d’illettrés » plus tard. Au final, l’idée est simple : il s'agit de former des travailleurs qui, par l’absence de formation générale, en droit par exemple, seront corvéables à merci. Il est d’autant plus inquiétant que l’Etat et ses amis du capital se fixent comme objectif de parvenir à 500.000 apprentis d’ici 2015-2016.

 

Au-delà des erreurs d’orientation c’est bien l’absence totale d’information sur l’apprentissage et les droits des apprentis qui est mise en cause. Vous n’entendrez jamais un conseiller d’orientation expliquer à un jeune de 15 ans qu’en CAP Restauration (ou toutes autres formations) il travaillera 45 heures par semaine, que ses heures supplémentaires ne seront pas déclarées ni payées et qu’il touchera pour cela 361€. Là est le lot de malheurs de l’apprenti, un salaire qui au maximum atteindra 78% du SMIC et des patrons qui souvent abusent largement de la situation de faiblesse du jeune en outrepassant totalement le code du travail et en faisant planer la menace du licenciement qui mettrait fin à la formation. Ces derniers entraînent les apprentis à se trouver dans des situations dangereuses, exposés à la fatigue et, du fait d’une formation encore incomplète, les accidents du travail sont plus nombreux. La santé aussi est donc mise en jeu, car surcharge de travail, manque de repos et absence quasi-totale de contrôle mènent aux TMS et à la dépression. Il faut le rappeler inlassablement : l’apprenti est là pour apprendre un métier et non pas pour être exploité. Malheureusement à l’heure actuelle les parcours de formation ne laissent que très peu, si ce n’est aucune, place à l’apprentissage des droits individuels ou collectifs. L’action syndicale en direction des apprentis se limite à la CGT dans certaines régions et, depuis 2010, à l’ANAF. Énormément de travail reste à faire, d’abord en termes d’information puis ensuite en termes d'organisation et de revendications.

 

Une autre injustice touche de plein fouet les apprentis, les contrats. De forme multiple et inégale, ils engendrent d’importants écarts entre les jeunes comme nous le montre le témoignage qui suit :

 

« Durant mon année de bac pro mon employeur a embauché un autre apprenti pour qu'il puisse passer son CAP. Il avait un an de moins que moi (18ans), je touchais pour travailler 35 heures officielles (45 heures officieuses) 651 €, et lui touchait 775 €. Pourquoi une telle différence, alors que j'avais plus qualification que lui ? Tout simplement une question de contrat. Lui était sous le régime d'un contrat d'apprentissage classique signé avec le CFA, et moi je dépendais du régime du contrat de professionnalisation, signé avec un organisme privé financé par un fond d'investissement patronal. »

 

Quelle est la logique ? Bien évidemment, comme partout dans le monde du travail, multiplier les situations pour limiter les luttes collectives et donc plus facilement attaquer les droits sociaux en mettant les salariés en opposition. Il est donc urgent de réfléchir à un contrat d’apprentissage unique avec une rémunération en fonction de l’âge qui ne pourrait pas être inférieure au seuil de pauvreté à minima. La logique patronale, portée par Gattaz et ses sbires, gouvernement compris, est de continuer à fournir aux employeurs des travailleurs en grand nombre pour un prix modique car il faut savoir qu'une large part du salaire de l’apprenti est compensée aux entreprises par l’Etat sous la forme d’aides. Rappelons-nous que Macron se vante d’avoir rendu les apprentis « gratuits » en 1er année. Alors que l’apprentissage se veut une filière permettant de s’insérer rapidement et durablement dans le monde du travail, c’est au final seulement 63% des apprentis qui sont embauchés dans l’entreprise qui les a formés : comment le patronat peut-il se glorifier de laisser un tiers des jeunes qu’il forme sur le banc de touche ? En parallèle de la multitude de contrats, il existe également une multitude d’établissements: CFA consulaires, organismes privés financés ou non par des fonds/fondations patronaux ou encore des établissements publics. Il est donc urgent de repenser l’organisation de l’apprentissage en France, de porter la nécessité d’un vaste service public doté des moyens nécessaires à une formation professionnelle et générale de qualité. Mais aussi il est nécessaire de renforcer les contrôles académiques, quasi inexistant, dans les établissements d’apprentissage, tout comme les moyens de l’inspection du travail afin de lutter contre les abus envers la jeunesse. Là est la seule manière de permettre à chaque apprenti de France de devenir acteur du système productif, de permettre à notre pays de relever le défi de la production au XXIe siècle. Il est essentiel, surtout, que ces apprentis puissent s’épanouir dans leur formation et commencer leur vie de travailleur avec une base solide, de qualité et commune.

 

Il est donc urgent que les communistes de France s’emparent de la question pour porter des revendications progressistes afin de contrer les attaques incessantes du patronat sur les droits sociaux. Il nous faut exiger un service public de l’apprentissage, l’unification des contrats, des contrôles drastiques envers les entreprises, une amélioration des rémunérations, une augmentation des moyens (matériels et humains) de formation et un meilleur maillage géographique des centres de formation sur notre territoire.

 

 

Sam Franceschi, ancien apprenti, fédération des Deux-Sèvres

Arthur Giry, éducateur dans un CFA, fédération de la Vienne (86), membre du conseil départemental.

 

 

 

[1]Les chambres consulaires sont de trois types en France, les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) et les chambres d’agriculture. Ce sont elles qui très largement administrent les Centre de Formation d’Apprentis (CFA). La direction de ses chambres est très largement tenue par les syndicats patronaux MEDEF dans le cas des CCI, UPA pour les CMA.

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