Les congrès du PCF

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Pour un Front de gauche au service de la refondation de la gauche – Marie-Pierre Vieu - 65

La première interrogation que l'on peut avoir quand on évoque le Front de Gauche porte sur la pertinence même du sujet. Y a t il encore une actualité, une vie de ce côté là ?

 

Je le crois, et je vais m'en expliquer.

 

Mon propos ne peut cependant nier l'état végétatif dans lequel il est aujourd’hui.

De l'élection de François Hollande aux régionales de décembre 2015, de scrutin en scrutin, ses forces se sont dispersées, sa cohérence étiolée, son activité s'est réduite jusqu'à devenir quasi inexistante. Le Front des luttes et les fronts thématiques ont jeté l'éponge alors qu'ils constituaient avec les assemblées citoyennes, la cheville militante et citoyenne du FdG.

On a vu nombre de personnalités sociales, intellectuelles qui avaient vu dans la création même de ce rassemblement puis dans la campagne présidentielle de 2012 la marque d'un renouveau à gauche, se retirer sur la pointe des pieds, aller parfois voir ailleurs pour finalement ressortir débités. Ce ressentiment lié à la perte de sens de notre action commune a aussi progressivement gagné les rangs militants jusqu'à nous dresser non plus les uns aux côtés des autres, mais les uns contre les autres.

 

En s engageant mercredi 10 février vers une nouvelle candidature à la Présidentielle de 2017, sans même que cette question n' ait fait l'objet d'un débat des composantes du FdG, Jean-Luc Mélenchon a rajouté de la confusion à la confusion, et porté un nouveau coup à l'édifice déjà suffisamment fissuré.

 

Cette annonce a été préjudiciable pas seulement du point de vue de sa symbolique, à savoir, la négation en actes de la 6ieme République au service de laquelle elle entend se mettre. Elle a aussi constitué un acte politique qui dans les conditions et au moment où il intervient, contribue à fragiliser plus qu'à aider la mise en mouvement des forces disponibles pour l'alternative, et hypothèque plus que ne sert les bases d'un grand mouvement populaire et citoyen.

 

Je trouve important de dire cela d'emblée et que nous en débattions, car il est important que le FdG sorte de la panne sèche l'immobilisant.

 

L'affirmation d'une autre politique comme la refondation de la gauche appellent à consolider et non à diviser l'unité des forces antilibérales. Elle appelle à renforcer au plan des luttes sociales, dans son assise politique et idéologique comme dans son périmètre de rassemblement, le combat anti-austeritaire.

 

L'acte de naissance du FdG est la campagne référendaire de 2005. Il est urgent qu'il s'adresse et vise à rassembler tous les déçus et victimes de la présidence Hollande pour ensemble ouvrir une autre voie que celle de la soumission aux marchés. L'Humain d'abord portions-nous en 2012, "un nouveau monde en commun" avons-nous écrit en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées lors des dernières régionales : c'est ce terreau là qui est d'actualité, et fédérateur.

 

Je voudrais ajouter un mot ici. L'extrême gravité de la situation politique nous demande de nous hisser au niveau de solutions, qu'il s agit de porter collectivement.

 

Le PCF est la force la plus importante du FdG, en terme militant d'ancrage local, et de bases électorales. Il nous incombe un rôle accru pour être collectivement force d'initiative et peser positivement sur les orientations à prendre.

L'avons-nous suffisamment fait, y compris entre les élections pour sortir de la notion de cartel comme nous en ambitionnions nous-mêmes?

Avons nous poussé comme il fallait, certains débats de fond qui avaient des incidences fortes sur notre existence de FDG ?

J-ai par exemple la conviction que nous aurions dû mieux ferrailler sur le fait qu'être autonomes des choix gouvernementaux, ne signifiait pas en rebaisser sur notre objectif politique de transformer toute la gauche. Aujourd’hui trop de militants dans nos rangs ont perdu de vue notre ambition majoritaire qu'ils vivent désormais comme une compromission.

 

Ce sont toutes ces questions qui méritent d'être approfondies dans la préparation de notre congrès.

 

Je voudrais ici en pointer cinq autres attenant au sens de notre action politique, et à notre implication dans le FdG.

 

- La première concerne la situation politique dans notre pays et notre capacité à bien l'apprécier pour en tirer nos responsabilités collectives.

 

La recomposition à l'œuvre fait table rase des repères communs, des solidarités existantes. Porte sur des terrains aussi structurants que le travail, la démocratie, la République, les cadres de vie et l 'écologie. Elle conduit à des nouvelles ruptures d'égalité qui signifient plus de déclassement, de discriminations et de violences sociales. On parle d'éclatements possibles en Europe, de nouvelle crise financière. Le pouvoir assume ces orientations, les revendique même, la différenciation avec la droite s'opérant moins sur le fond que sur la graduation et le rythme des réformes. Sur ce terreau de régression organisée le FN voit son rayonnement se développer exponentiellement à l'absence de perspective et de désespérance. Le scénario d'un match à trois dès le 1er tour de la Présidentielle n'est pas un leurre.

 

Si rien ne se passe, il sera la reproduction de scénarios que nous avons connus aux régionales, en PACA ou dans le Nord.

 

Cela conduirait à la disparition des radars politiques de la gauche et de sa fonction transformatrice. En terme électoral, de représentation institutionnelle mais également en réduisant son rayonnement culturel.

 

- C est pourquoi, deuxième point, le PCF pointe comme déterminante la convergence de toutes les forces disponibles à gauche pour la construction d'une autre politique.

 

Disant cela nous ne sommes pas sur une logique de cartels mais de construction populaire qui implique évidemment de travailler la question du rassemblement de partis et forces sociales mais nous demande également de lever les obstacles à l'unité de populations catégories sociales, de publics tous également touchés, exploités, discriminés et laissés pour compte du capitalisme. Dit autrement cela appelle à travailler le terrain de la lutte des classes et celui de l'unité sociale de toutes celles et ceux victimes du système.

 

Voilà plusieurs années que le FdG a fait ce même diagnostic, que la seule addition de nos composantes ne suffirait pas à donner une légitimité une assise et une vocation majoritaire aux exigences de transformation émergeant de la société. On a pointé le besoin de débattre, de lister et faire vivre ce qui faisait du commun avec ceux qui dans les rangs écologistes et socialistes contestaient les orientations gouvernementales. En même temps, de travailler les mêmes convergences avec les forces sociales et chercher à fonder des outils pour l'intervention citoyenne. Est-il besoin de préciser que cette question de rassemblement n'a de sens que si elle est liée à des batailles politiques et d'idées?

 

La question écologiste de ce point de vue est apparue comme une entrée universelle pour faire grandir les exigences de rupture avec le libéralisme ; pour ne citer que la conscience aujourd’hui mondiale de faire face au réchauffement climatique.

 

Cela a eu des conséquences dans notre pratique militante et de rassemblement comme nous l'avons vécu dans plusieurs départements et régions.

 

L'actualité du débat sur la déchéance de nationalité comme celle de la révision du code du travail, le remaniement gouvernemental et la stratégie de division de gauche par Hollande doivent nous pousser à faire encore plus œuvre de rassemblement et de mise en mouvement.

 

C'est pourquoi quelque soit la légitimité de la candidature de Jean-Luc Mélenchon on ne peut en rester en l'état du débat. S'il est une urgence aujourd’hui elle réside moins dans la personnalisation du combat à mener que dans la clarification des termes politiques de la Présidentielle, la confrontation de projet et la construction de ponts pour créer du lien et du commun entre les exigences portées, les femmes et hommes, forces qui se retrouveront dans cette démarche de contenu.

 

 

- L'urgence est aussi à construire et c'est mon troisième point, un cadre et un processus partagé pour une plate-forme et d'une candidature commune pour 2017. C'est ce qui a conduit le PCF mais également Ensemble! et également République et Socialisme à examiner les conditions de l'organisation de primaires.

 

Pourquoi ? Parce qu'il existe aujourd'hui une aspiration profonde et forte à gauche de voir émerger quelque chose d autre, de vivre un autre scénario que celui décrit plus haut d une candidature Hollande comme ultime recours face aux faux frères ennemis droite/FN.

Parce que cette aspiration conduit une partie importante de nos concitoyens à penser qu'une primaire pourrait être le bon moyen pour permettre la dynamique d'intervention utile à une telle construction.

 

Nous avons trouvé important de ne pas passer à côté de cette aspiration et de lui donner un contenu. Le PCF a ainsi rendu publique jeudi 18 février la proposition de l'élaboration citoyenne d'une plate-forme comme socle d'entrée dans le processus, et pour les candidats à l'investiture.

 

Il est clair dans notre esprit comme pour beaucoup d'autres, que cette plate-forme pour répondre aux exigences exprimées doit rompre avec les orientations conduites par le pouvoir lors de ce mandat. A commencer par l'Europe.

 

Dès lors une telle démarche de débats et recherche de convergences à gauche avec l'ambition à terme d'une candidature commun ne peut elle pas devenir le bien commun de tout le FdG ? Et pour JLM, intégrer un tel processus ?

 

Je crois qu'arriver à cette cohésion constituerait un point d'appui certain pour la démarche.

 

- Quatrième point. Il a trait au lien FdG / refondation de la gauche. Je suis bien consciente que ce dernier "terme" ne signifie plus grand chose pour toute une partie de ceux que nous voulons rassembler, et qu'il convient de le faire vivre par son contenu, ce qui est signifiant pour eux.

Par exemple, ce qui est facteur de progrès pour tous, de libération et émancipation, ce qui est facteur développant les bases existantes pour faire émerger et affirmer un autre monde...

 

De fait nous avons un travail d'écoute et de conviction à mener. Il ne s'oppose en rien à celui de rassemblement que nous voulons opérer. Dans son intervention politique le FdG n a pas à exacerber la fracture peuple et partis, citoyens et establishment comme je le lis parfois sur les réseaux sociaux. Les lignes de clivage existent, il n'est pas besoin de les accroître au risque de dresser un mur entre des forces qu'il y a urgence à faire se retrouver sans une ambition commune et positive.

Je suis consciente que ce débat traverse tout le débat alternatif européen et pour l'heure d'ailleurs demeure ouvert. Pour ma part, je reste convaincue qu'en France on ne peut faire l'économie d une convergence politique sociale et citoyenne.

 

- Mon tout dernier point très court concerne le congrès du PCF.

 

Je n ai jamais considérée le FdG comme une construction électoraliste qui pourrait ponctuellement combler nos propres manques dans notre réflexion stratégique et de projet. En fait je pense tout le contraire, à savoir qu'il est besoin que le FdG a besoin pour se développer que le PCF avance dans ces débats. Il me semble alors que le triple travail que nous menons sur le projet, les évolutions militantes et 2017 doit être autant de moyens de mieux définir la fonction communiste.

 

« Un de nos soucis politiques est de tenter de résister à l'altération de l'identité comme un petit magot que les autres viendraient grignoter » a souligné Patrick Boucheron sur Inter il y a quelques semaines. Il ne parlait pas du PCF en particulier, mais c est à lui qu'il m'a renvoyée. Je crois que la période nous intime d'être en capacité d'identifier, donner du sens et de la force à tout ce qui concourt à transformer la société. De fait à être une force ouverte à la diversité du monde... une force en mouvement. Il est temps que nous produisons les outils théoriques pour mieux l'inscrire collectivement au cœur de notre pratique militante.

 

 

Pour un Front de gauche au service de la refondation de la gauche – Marie-Pierre Vieu - 65