Les congrès du PCF

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Un apport à la réflexion collective - Wladimir Bronès - 14

 

Le déclin du PCF

Un apport à la réflexion collective

1.- Le rôle historique du Parti

Le PCF revendique une action sociétale en s’appuyant sur une solide théorie qui séduisait de nombreux intellectuels et permettait la fusion dans un creuset exceptionnel des catégories les plus diverses et à motivations fort différentes mais avec la claire vision d’un autre avenir auquel cadres et intellectuels adhéraient totalement tout en reconnaissant à la classe ouvrière le rôle moteur.

Cette vision faisait du PCF une entité originale dans le paysage politique focalisant contre lui toutes les haines du capital et de la bourgeoisie et lui permettait de disposer d’une aura indiscutable accompagnée d’une véritable capacité de mobilisation encouragée par ses prises de position sur les guerres coloniales, par sa capacité d’actions au quotidien et le dynamisme affiché pour la paix.

La crédibilité de son action a longtemps reposé sur l’assurance qu’il était possible de porter des coups décisifs à partir d’une base solide où s’était édifié le socialisme, une utopie enfin réalisée, l’URSS, et sa volonté d’omniprésence à l’international.

La profonde capacité du Parti de porter l’espérance répondait ainsi à la désespérance en luttant pour une toute autre vision du monde tout en contribuant à démontrer qu’il n’était pas un Parti comme les autres et qu’il ne fallait absolument pas le confondre aux autres formations du paysage politique.

La structure interne du Parti répondait à cette osmose de catégories sociales très différentes et parfois quelque peu divergentes. Ainsi le C.C – Comité Central – organisme de concertation à la tête de la pyramide était voulu comme témoin de la stricte alliance entre le monde ouvrier et paysan, la science et la pensée. La répartition entre ces 3 composantes était relativement bien équilibrée au sein d’une structure comptant bien moins de participants, bien loin des dérives constatées par la suite au sein du CN, le Conseil National qui lui a succédé.

2.- Les profondes modifications au sein de la société.

Depuis, le territoire social s’est profondément modifié sous les coups de buttoir de la technique et devant la capacité de manœuvre et d’adaptation du Capital aux évolutions, d’en saisir les opportunités susceptibles d’entraîner non seulement un repli de la masse numérique du mouvement social mais aussi d’intervenir pour aboutir aux corporatismes.

Cette rupture sociale a coïncidé avec une large prise de conscience dans de nombreux milieux que l’expérience soviétique ne pouvait perdurer dans sa conception et dans ses orientations et qu’elle ne constituait pas la réponse de valeur devant les nouveaux problèmes créés par une mondialisation galopante. En fait cette prise de conscience n’a eu, au départ, qu’un faible impact sur la crédibilité du PCF.

Le facteur essentiel qui a conditionné toute l’évolution de la société  résulte de l’irruption dans le quotidien de la révolution informationnelle aussi importante pour l'histoire de l'humanité, que celle de Gutenberg (Francette Lazard).

Cette révolution informationnelle s'est traduite par une transformation de la société passant progressivement à l'état de société de post-emploi industriel notamment par le développement impétueux de la robotique traduisant la substitution de la main de l’homme par une machine très élaborée tout en entraînant parallèlement une réorientation fondamentale du capitalisme.  

A titre d’exemple, on sait aujourd’hui, on sait mais on ne le fait encore que très partiellement, qu’il est possible de produire un million de voitures avec une centaine de techniciens et ingénieurs, pas d'ouvriers, cependant que l'industriel a besoin de dizaines de milliers de salariés, pour les achats, les entretiens, pour monter un réseau de marketing, pour la gestion, donc d’activités sociétales tout en se confortant financièrement par le maintien d’une masse de futurs acheteurs de véhicules.....

La plus-value n’est alors plus créée par la force de travail de l’ouvrier, elle devient aujourd'hui fonction du robot qui a l'avantage formel de ne pas prendre de vacances, de ne pas revendiquer, de ne pas faire appel à la Sécurité Sociale, de travailler à la demande sans horaires contraignant tout en permettant l’émargement dans seulement trois colonnes des comptes d'exploitation : investissements, dépenses de fonctionnements et rentabilités.

Cette nouvelle dynamique a ainsi contribué à créer une masse d’acteurs indispensables dans la vie de la société, fortement individualisés, non engagés directement dans la production mais aussi à conscience de classe fortement atténuée et amenés ainsi à s’identifier dans une autre classe moyenne, sans réels avantages en rémunérations, cependant que le Capital s’engageait résolument dans sa révolution culturelle par une reconversion encore inachevée dans le champ du sociétal : les télécoms, la santé et les hôpitaux, les transports, voire demain les routes nationales, les mutuelles, les assurances....par un abandon volontaire des pans entiers de l'industrie.

Le PCF de son côté dénonçait ces abandons tout en oubliant le champ majeur de l'analyse de la société et son adéquation au marxisme et en réorientant ainsi son champ politique d’action vers un politico-para-syndicalisme.

 Les tous premiers acteurs en France de cette révolution culturelle du monde capitaliste, ont   été, dès les années 50, Antoine Ribout abandonnant Boussois pour se consacrer à l’agro-alimentaire (Gervais) et Mulliez, abandonnant les filatures du Nord pour développer Auchan, la grande distribution. Il est d’ailleurs intéressant de noter que tous deux ont fait partie de l’entourage économique privé de François Mitterrand aux côtés de Dale ( L’Oreal) et Dejouany (Général Electric).

3.- Analyses sur le déclin du PCF. Le principal facteur du déclin.

Il semble logique de situer très précisément le déclin du PCF aux travaux de son 19ème congrès, en février 1970,  même si ses scores électoraux ont perduré pendant une dizaine d’années, entre 20 et 22%, malgré le fait qu’un grand nombre d’intellectuels s’étaient déjà détournés de lui, notamment à l’occasion des évènements de Budapest.

En cette période, et ce depuis des années, Francette Lazard qui dirigeait avec succès l'espace Marx, tentait d'expliquer les profondes modifications en cours dans la société et le rôle croissant de la technologie appelée à induire de profondes mutations dans la société avec de sérieux impacts sur la classe ouvrière traditionnelle tant dans son nombre que dans les qualifications. Force de constater qu’elle n’a jamais été écoutée par la direction de son Parti.

Roger Garaudy, en relai, est intervenu avec force lors de ce congrès pour expliquer qu'il fallait repenser les analyses autour de plusieurs thèmes conducteurs ---- un nécessaire regroupement des forces sociales anticapitalistes pour lutter efficacement, ---- une définition précise d’un modèle de socialisme à construire,---- une véritable interrogation sur le modèle soviétique,---- une remise en cause de l'organisation du parti en fonction des évolutions sociétales. 

Garaudy, définissait ainsi une nouvelle stratégie de rupture en demandant vigoureusement la redéfinition des rapports entre classe ouvrière et les nouvelles couches sociales tout en repensant les analyses traditionnelles sur l'alliance entre classe ouvrière et paysannerie – faucille et marteau.

Sa position, en totale opposition avec les options en cours au sein du Parti, ne pouvait que susciter de furieuses réactions au sein d’un Congrès où, de toute évidence, la répartition habituelle entre composantes à équilibre bien dosé : ouvriers-paysans – intellectuels – scientifiques avait été quelque peu malmenée. La violente réponse du secrétaire Général Georges Marchais, solidement adoubé par l’ensemble des congressistes, ne pouvait que conduire à l’exclusion de Garaudy.

En fait force est de constater que ce congrès a été totalement étranger à l’évolution de la société. Il intervenait juste au lendemain de mai 68, alors que la mémoire en était encore vivace. Les aspirations, les revendications du monde des jeunes demandant une vie autre, appelant à l’émancipation individuelle, à la liberté sexuelle, à une réflexion sur le rôle des femmes…ont simplement été marginalisées par un congrès uniquement ouvert en une relève en substitution et par la seule ouverture aux préoccupations du monde ouvrier.

Douze ans plus tard, au congrès de 1982, alors que Georges Marchais venait de perdre 5 points (15,8%), le Parti a finalement abordé et reconnu ces transformations sociétales, mais en les doublant de l’habituelle et antique vision de régression sociale donc toujours avec la difficulté d’intégrer dans ses analyses les évolutions sociétales qui remettent en cause l’identité de classe si chère aux communistes. Il est vrai par contre que le nouveau discours n’avait que très peu de rapport avec la l’habituelle dénonciation du misérabilisme autrefois systématiquement affirmé.

4.- Un autre facteur majeur du déclin.

Il est toujours facile de faire référence à la disparition de l’URSS et si cet aspect historique a eu, en toute certitude, un impact certain sur la crédibilité à accorder aux communistes, il convient de souligner combien le travail acharné des cadres du Parti, bien suivi par l’ensemble des militants, a contribué par la suite au laminage de telles affirmations, notamment lors des évènements de Prague et l’intervention de l’armée soviétique, le tout fermement condamné par tout l’ensemble des militants.

Le problème majeur, fondamental, auquel le Parti se trouve aujourd’hui confronté, sans qu’il n’en ait jamais abordé le fond sous-jacent est intimement lié aux questions de délocalisations qui interviennent très sérieusement dans l’économie de la Nation. Une délocalisation signifie chômage et le syndicaliste a raison de se battre contre une manœuvre destinée à conforter des plus-values grâce à une main d’œuvre autre et très peu chère. Ce problème interpelle en fait la conscience du Parti car un communiste, dans son internationalisme, ne peut que se réjouir de voir apparaître en pays arriéré de nouvelles consciences de classe, telles qu’en témoignent les récents évènements au Bengladesh ou en Ethiopie. La contradiction est solide, fondamentale, entre une vision très terre à terre franco-française et une conception communiste d’émancipation. Le PCF n’a jamais étudié sérieusement cette contradiction, il l’a soigneusement évitée en épousant systématiquement les thèses syndicalistes alors qu’il est patent qu’il y a un exode massif du monde du salariat, traumatisé, vers le FN et son discours de protection nationale, un salariat traumatisé mais conscient que la gauche n’a jamais constitué un obstacle majeur pour l’ordre institutionnel, avec un PCF visiblement placé sur le même rang que les autres, donc à l’avant-gardisme dénié, donc peu crédible.

Il est clair que dans la lutte ainsi engagée, l’ennemi à combattre est et reste le Capital, et non les délocalisations si propices au FN. Il y a donc aujourd’hui matière à dialogues et controverses avec les syndicalistes. La tâche du Parti, dans ces dialogues où doivent être affichés ouvertement les territoires respectifs, reste d’être concentré sur sa propre vision de l’avenir et la place du monde du travail dans le futur qu’il veut construire.

Finalement la résultante actuelle conduit à la conclusion que l’exclu Roger Garaudy de l’époque avait réellement vu clair dans ses prises de position sur le rôle du Parti.

5.- L’ouverture tous à gauche ?

La volonté d’un large rassemblement à gauche, est toujours restée la constante immuable de l’action des communistes. Cette orientation avait démontré dans les faits une certaine efficacité, mais cette efficacité se doit d’être porteuse d’espérances donc également profitable pour tous ses acteurs dans le combat pour une autre société.

L’expérience du Front Populaire en a été la preuve. Le Programme commun a été prometteur. Toutes ces avancées ont abouti à une de rupture, toujours de la part de nos partenaires du moment. Certaines ouvertures, dont la dernière menée tambour battant pour la constitution d’un front de gauche a aussi abouti, mais avec des résultats très médiocres et toujours bénéfiques pour des candidats à motivations autres, mais pas pour son promoteur. Tel a été le cas aux européennes mais avec un seul communiste parmi les 4 élus, Le Hyaric, et ce avec des scores très voisins et très faibles, autour de 6%.

Le nième et très récent appel à la constitution d’un large front de gauche lancé par le secrétaire général du PCF n’a que peu de chance d’aboutir sur du concret perdurable.

La construction d’une voie du renouveau a toujours été l’objectif de ces tentatives de rassemblement. La construction dès le départ avec des partenaires à motivations parfois peu décelables, le plus souvent pleins de bonne volonté mais trop souvent avec des raisonnements très généreux où le passionnel l’emporte sur le rationnel ne peut que conduire à un fourre-tout, à des compromis peu applicables et souvent teintés d’expériences vécues. Le Parti y apporte force et expériences, en restant sur le terrain d’égal à égal alors qu’en fait le souhait maintes fois évoqué d’élaboration en commun d’un programme a toujours butté sur des velléités difficilement avouables tel le Front Populaire destiné pour nos partenaires à plumer la volaille communiste, ce en quoi ils ont toujours réussi.

Dans ce long cheminement vers un rassemblement, la question de base posée est bien celle de réunir au départ des acteurs à sensibilités souvent fort différentes, souvent teintées d’une vision libérale car vécue dans le quotidien. Ces acteurs peuvent-ils être définis comme de gauche ou, au contraire, ne nous faut-il pas, dès le départ, nous affranchir de ce clivage gauche-droite pour aboutir à un rassemblement largement majoritaire à multiples composantes ?

Seul le rassemblement largement majoritaire peut aboutir à des conclusions positives, donc en dépassement de la traditionnelle classification gauche-droite, seule alternative possible pour une réelle concrétisation de notre utopie communiste. Il nous faut donc raisonner, entre nous, sur la base d’une claire vision du système politique que nous voulons mettre en place, sur ses implications et les dangers potentiels, sur les voies détectables pour y parvenir et présenter ensuite le tout, en un tout concret, pour en faire une vraie base concrète de discussion, d’échanges, notamment avec la classe moyenne actuelle, voire de compromis acceptables pour gagner enfin, tous ensemble, le rassemblement largement majoritaire transformateur et enrichisseur de la société.

 

 

Il y a actuellement 0 réactions

  • Clarifions pour retrouver la confiance et plus ...

    introduire en conclusion "...les classes moyennes actuelles ..." brouille l' analyse pourtant pertinente et vraie .

    Deux classes opposées seulement : la bourgeoisie/capitaliste vs le prolétariat /classe ouvrière et il existe des couches petites bourgeoises qui tendent selon ...vers la bourgeoisie en mimétisme ou comme aujourd' hui , avec l' offensive de casser tout et même le Code du travail ces couches flirtent avec la classe ouvrière et retrouvent le prolétariat , mais sans lire dans le marc de café à la première occase cireront les pompes de la bourgeoisie en se mettant à genoux !

    Par M. Berdagué, le 25 février 2016 à 13:30.

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