Les congrès du PCF

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L’antiracisme, un défi à relever ! Celui de l’égalité et de l’unité du peuple ! - Contribution collective

Contribution collective : Fabienne HALOUI (84), Maryse TRIPIER (92), Naïma AIFAOUI (84), Elsa BARDEAUX (94), Florence BIHET (78), Pierre BOUKHALFA (74), Kamila BOUHASSANE (84), Agnès CLUZEL (93), Annick HERBIN (92), Mohamed ITRISSO (13), Brahim JLALJI (17), André LANDRAIN (92), Latifa MADANI (06), Anna MEYROUNE (89), Mehdi MOKRANI (94), Sonya NOUR (92), Henri POUILLOT (78), Mylène VESENTINI (11), Laurence ZADERATZKY (62)

Le Parti Communiste Français s’est fixé l’ambition, depuis plusieurs congrès, d’articuler la lutte contre l’exploitation capitaliste à la lutte contre toutes les dominations qu’elles soient liées à une prétendue « race », au genre ou à l’orientation sexuelle, en travaillant à l’unité des dominés et des exploités.

La commission Lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits, sous la responsabilité de Maryse TRIPIER et Fabienne HALOUI, a élaboré la présente contribution au 37ème congrès du PCF pour que notre projet de société intègre mieux la mise en cause de toutes les dominations. Nous voulons insister sur la capacité d’entremêlement et d’auto-alimentation de ces systèmes de domination : pour les vaincre, une seule solution, les affronter de front.

Nous pointons nos analyses, nos avancées, les sujets qui font débat car nous avons parfois des discussions intenses sur la caractérisation de certains phénomènes et la manière d’envisager la lutte antiraciste.

Nombreux-(ses)- sont les militant(e)s engagé(e)s dans le combat antiraciste qui s’intéressent au travail de notre commission. Nous sommes attendus sur ce sujet par des associations, des collectifs et par des jeunes et militants des quartiers populaires. Nous sommes, de plus en plus, sollicités pour participer à des débats et conférences.

L’antiracisme -comme les luttes anticoloniales ou antifascistes l’ont été- devrait être une des portes d’entrée au PCF si ce dernier intégrait mieux, dans son combat, la lutte contre toutes les formes de racisme et de discriminations.

Le racisme, dans sa forme ordinaire comme dans sa forme institutionnelle, produit des fractures durables, structurelles.

Construire un nouveau rapport à l’autre, entre la République et le citoyen, entre les citoyens eux-mêmes, est indispensable, en particulier dans les quartiers populaires. Au-delà de la distance qui se creuse entre les jeunes et les partis, il est impératif de porter l’idée d’une société du « tous ensemble» forte de ce qui nous unit.

La condamnation du racisme relève du politiquement correct, pourtant il ne s’agit pas d’une affaire morale consensuelle. Des lignes politiques s’affrontent sur la qualification des formes de racisme, la façon de les combattre, de les nier ou de les instrumentaliser.

Nous citerons, souvent, dans cette note, la CNCDH, la commission nationale consultative des droits de l’homme. C’est une institution de référence créée en 1947 pour éclairer l'action du  gouvernement et du Parlement dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Depuis 25 ans, elle rend un rapport annuel sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme.

Cette commission a acquis une expertise qui lui permet de comprendre les évolutions et de les analyser. Cette commission est présidée actuellement par Christine LAZERGUES, ancienne députée socialiste.

 

 

 

LE RACISME UNE APPROCHE RENOUVELEE,

L’ANTIRACISME UN ENJEU ENCORE SOUS ESTIME 

La question du racisme touche à des questions connexes comme l’immigration, la laïcité, la ségrégation et l’ensemble des discriminations cependant notre commission a considéré qu’il fallait se centrer sur le combat anti raciste.

« Quand on parle d'immigrés de la deuxième ou de la troisième génération, c'est un non-sens : l'immigré est né étranger à l'étranger; ses enfants nés en France ne peuvent donc pas être immigrés. Ce n'est pas transmis par le sang, il ne s'agit pas d'une propriété dont on hérite! La confusion de vocabulaire est donc révélatrice de notre manière de « racialiser » l'immigration. Analyser cette racialisation, c'est éviter de confondre l'origine et le traitement. Car s'il y a bien sûr des immigrés noirs, il y aussi des Noirs français - nés en France, voire Français "de souche" ! Et les seconds sont victimes de discriminations raciales non moins que les premiers. Ce qui définit les Noirs, ce ne sont pas tant leurs origines que la manière dont on les traite (comme des étrangers) fondée sur leur apparence………. il me semble très important aujourd'hui de distinguer "question immigrée" et " et "question raciale" pour mieux comprendre comment xénophobie et racisme, loin de se confondre, se renforcent mutuellement » Éric Fassin1.

En même temps, un étranger né à l’étranger qui acquiert la nationalité française conserve le qualificatif d’immigré (définition INSEE). Il y a donc des immigrés français.

L’URGENCE

Les phénomènes racistes prennent de l’ampleur, on parle de discriminations systémiques. Nous devons intégrer le racisme ordinaire qui, au quotidien rabaisse, humilie et qui n’est pas seulement le produit d’actes, de paroles mais aussi le produit de silences, de regards, d’évitements et de comportements inconscients. Ce racisme ordinaire fait rarement l’objet de plaintes.

Les évènements dramatiques de l’année 2015 (les attentats du 7 janvier, la crise des migrants, les attentats du 13 novembre) posent avec plus d’acuité ces questions.

En 2014, la CNCDH concluait à une « hausse inquiétante de l’intolérance et une odieuse libération de la parole raciste ». Elle pointait les « arabo musulmans » et les Rroms comme les principales victimes du racisme au point que la CNCDH reconnaissait pour la 1ère fois la validité du terme « islamophobie » au regard de la résurgence de l’intolérance religieuse.

En 2015, la CNCDH actait une recrudescence des préjugés antisémites et la montée de l’intolérance à l’encontre des rites musulmans, la banalisation d’un racisme biologisant à l’égard des Roms l’émergence d’une conception dévoyée de la laïcité pour faire rempart à l’Islam. La laïcité n’est plus un outil d’apaisement mais un prétexte au rejet des différences.

Thomas Deltombe, dans « L’islam imaginaire : La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005 » explique comment, de la révolution iranienne de 1979 aux suites du 11 septembre 2001 et aux débats sur le « foulard », au cœur de la machine à façonner l’imaginaire, le petit écran a fabriqué un « islam imaginaire », sous l’effet conjoint de la course à l’audience et d’une idéologie pernicieuse de stigmatisation de l’« Autre » le musulman.

Le rôle des médias et l’appui de certaines personnalités publiques (Finkielkraut, Zemmour…) banalisent un racisme qui ne dit pas son nom et la parole politique finit de le légitimer.

Des études montrent que le débat sur l’identité nationale, en 2009-2010 fut un accélérateur de l’offensive idéologique désignant le musulman comme le nouvel ennemi de l’intérieur, l’islam devenant, après la chute de l’URSS, le nouvel axe du mal.

La droite est sur le terrain de l’extrême droite. Mais les dérives identitaires de Valls et les renoncements d’Hollande permettent d’opérer des fissures à gauche, alors que jusqu’en 2012, la CNDCH avait noté une résistance des électeurs de gauche dans leur rapport à l’étranger, les valeurs d’ouverture et de tolérance faisant partie intégrante de leur identité politique.

Il existe un vrai clivage entre la droite et la gauche sur le rapport à l’immigration, l’acceptation de la différence religieuse ou culturelle. La lutte contre le racisme et les discriminations est souhaitée par 75 % des électeurs de gauche et par seulement 54 % des électeurs de droite. (source CNCDH)

 

 

Ils disent combattre l’extrême droite en reprenant son discours. Au final, c’est l’extrême droite qui est renforcée. C’est la preuve qu’on ne combat pas sur le terrain de l’adversaire !

Parce que le racisme hiérarchise, stigmatise, méprise, exclut, discrimine, le PCF doit réaffirmer avec force le combat antiraciste comme une composante essentielle de son projet émancipateur.

 

 

 

Cela nous impose d’élever notre analyse dans plusieurs directions

 

1/ NOTRE VISION POLITIQUE RESTE TROP ECONOMISTE

Dans l’approche du racisme et des discriminations, trop de camarades pensent le racisme comme une mauvaise idéologie, une simple division, un écran à la lutte de classes et non un rapport de domination, comme le sexisme…

Le racisme s’inscrit dans l’interaction entre une société et ceux qui y sont “récemment” venus, ou qui y sont maintenus en situation d’extériorité (une “frontière intérieure”) au nom de leurs origines, de leur nationalité, de leur culture, de leur religion, de leur apparence. 

Le racisme n’est pas forcément lié aux phénomènes migratoires récents (antisémitisme, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Guyane, gens du voyage…).

 

Le racisme, un rapport social spécifique de domination

 

Il n’existe pas de peuple naturellement colonisé, c’est le colonialisme qui fait le colon et le colonisé (Fanon, Memmi, Césaire).

C’est aussi le rapport social raciste qui crée le raciste et le racisé et non l’existence de supposées races biologiques. C’est pourquoi nous parlons de racisés qui s’incarnent dans différentes figures au cours de l’histoire (le juif, l’indigène, l’esclave, l’immigré, le musulman...) 2 (De Rudder)

En même temps, si le racisme est une construction sociale découlant d'un positionnement dominant, il existe des phénomènes de concurrence, de xénophobie, de repli haineux entre racisés.

Des Rroms sont parfois agressés par des personnes elles aussi stigmatisées. (Affaire Darius août 2014, quartiers nord de Marseille sept 2012).

Les derniers arrivés sont parfois victimes de descendants de migrants plus anciens, les avant-derniers considérant que les derniers nuisent à leur intégration.

Il y aussi les oppositions créées par la concurrence entre communautés

 

2/ RACISME ET NEO LIBERALISME

Le maintien de la domination capitaliste passe par des politiques néolibérales qui aggravent les inégalités, privatisent, réduisent la dépense publique, remettent en cause les droits sociaux, licencient, installent des populations dans le précariat.

La désagrégation de la société par l’aggravation des inégalités et le démantèlement de l’Etat social, poussent l’individu à se constituer une « protection » symbolique en cherchant des identifications compensatoires (identité nationale, préférence nationale, repli communautaire).

En l’absence d’alternative politique, l’individu pris au piège de l’ultra concurrence devient plus vulnérable aux discours racistes, xénophobes, populistes, l’identité se substituant à la classe !

Les boucs émissaires peuvent changer de figure dans l’histoire, le racisme peut muter (arméniens, italiens, juifs, arabes, noirs, musulmans).

Il existe un lien entre capitalisme et racisme, entre esclavage et accumulation primitive du capital. Mais il faut distinguer le racisme de deux notions connexes, l’ethnocentrisme et la xénophobie :

L’ethnocentrisme : Surestimation de son groupe d’appartenance, tendance à regarder le monde avec comme seule référence sa propre culture ou sa norme sociale

La xénophobie : hostilité à l’égard des personnes désignées comme étrangères, extérieures au groupe d’appartenance.

 

3/ LE RACISME CULTUREL, UN NOUVEAU RACISME

Sommes-nous prêts à accepter que c’est le racisme qui fait la supposée « race » et non l’inverse ?

Le racisme : un rapport social, même logique, nouveaux habits

La matrice commune

Le racisme « classique » postulait l’existence de races distinctes : la race biologique supérieure s’accompagnait d’une supériorité psychologique, sociale, culturelle et spirituelle. Cette supériorité légitimait des rapports de domination.

Ce sont ces rapports de domination qui ont justifié la traite négrière, le code de l’indigénat dans les colonies et la politique très hiérarchisée de l’immigration en France.

Après les horreurs concentrationnaires de la 2ème guerre mondiale et l’évolution de la science, les théories raciales se sont effondrées, l’antiracisme est devenu la norme en occident.

D’ailleurs, la dédiabolisation du FN a consisté à montrer qu’il n’était ni raciste, ni xénophobe, ni surtout antisémite. Louis Aliot, vice-président du FN le dit sans fard : « La dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme. … le seul plafond de verre que je voyais, ce n’était pas l’immigration, ni l’islam… D’autres sont pires que nous sur ces sujets-là. C’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous. Il n’y a que cela… À partir du moment où vous faites sauter ce verrou idéologique, vous libérez le reste ... ». (Valérie Igounet, Le FN de 1972 à nos jours, Seuil)

Mais le racisme ne disparaît pas, il mute progressivement en racisme culturel. On ne parle plus de race biologique supérieure mais de culture, de civilisation. Ce néo-racisme est fondé sur le caractère irréductible et naturalisé de la différence culturelle. Les modes de vie et la culture se transmettent de génération en génération, la « race supérieure » étant celle qui porte et exporte sa civilisation, la « race inférieure » étant jugée en fonction de sa distance à la civilisation érigée en modèle et de sa capacité à s’assimiler. (Robert Castel)

Le nouveau racisme est un racisme de l’époque d’après la décolonisation, caractérisée par des déplacements de populations entre les anciennes colonies et les anciennes métropoles coloniales. C’est un racisme fondé sur l’irréductibilité des différences culturelles ; un racisme qui présuppose le danger de l’effacement des frontières, l’incompatibilité des styles de vie et des traditions. (Etienne Balibar 1998 Race, nation, classe, -Les identités ambigües)

L’essentialisation : l’individu « racisé » n’est pas autonome, il est un échantillon de son groupe dont il ne peut sortir : l’essentialisation actuelle des musulmans tendant à les globaliser.

La naturalisation : les traits supposés du groupe sont naturels et non construits par l’histoire, ainsi si les juifs sont commerçants c’est par nature et non par l’effet des discriminations qui leur interdisaient l’accès à la terre. Les stéréotypes deviennent intemporels, le Rrom est sale et voleur, le musulman dangereux, le noir naïf, le jaune sournois...

Le racisme implique la fermeture du destin individuel, contrairement à la xénophobie, même si ces deux contenus ont des traits communs et se renforcent mutuellement.

On ne peut échapper à sa race supposée, (pensons aux efforts désespérés de certains pour se blanchir, à ceux qui francisent leur nom ou changent de prénom lors des naturalisations) alors que l’étranger peut, en théorie, cesser de l’être.

En théorie car on cherche à trier les « assimilables » et les « non assimilables. » Les non assimilables (les Rroms, les musulmans, les arabes) rejoignent la cohorte des racisés dont on redoute la présence. Ce sont les thèmes de l’invasion, de la colonisation inversée, du « grand remplacement ».

Ce racisme permet la construction de l’« éternel immigré », si tu es « originaire de », d’autres sont de « souche », ta couleur de peau, ton patronyme, ton origine vraie ou supposée, ta religion ne font pas de toi un Français. C’est la construction du « eux » et du « nous », de l’altérité perpétuelle.

Quel sens donner à la suppression du mot race de notre législation ?

Le PCF a considéré qu’en supprimant la catégorie juridique de « race » nous cesserions de donner une légitimité juridique aux idéologies racistes et nous affirmerions qu’elles s’appuient sur un concept sans fondement scientifique.

Comme le disait le généticien Albert Jacquard : « Compte tenu des implications biologiques que tant d’écrits, de doctrines et de politiques ont accroché, de façon indélébile, au mot “race”, ne serait-il pas prudent de l’éliminer, comme on le fait d’un outil inutile et dangereux ? »

Cette position a conduit à l’adoption, en mai 2013, d’une proposition de loi des députés Front de Gauche visant à supprimer le mot « race » des textes législatifs (mais les décrets d’application n’ont pas été pris, cette loi n’est pas encore appliquée).

En même temps, ce vote a ré-ouvert des débats, des sociologues considèrent qu’en dépit de la biologie, de la génétique, un constat s'impose: le racisme existe et crée des rapports de « race ». La race est une construction sociale.

Citons ici Magali Bessone [2] lors d’un entretien : « Ma thèse, c’est que les races existent puisqu’elles sont socialement construites. En France, le terme est tabou. Refuser d’en parler, c’est s’interdire de diagnostiquer, puis de traiter une réalité sociale. C’est ne pas se donner les moyens de dire que les Français pensent, vivent, agissent, comme s’il existait des races différentes. Un prénom à connotation différente, une couleur de peau, un type de démarche ou d’accent fonctionnent comme des marqueurs raciaux qui suscitent un certain type de comportement. Par exemple, identifier quelqu’un comme d’une race différente et « inférieure » et lui demander deux mois de dépôt de garantie pour le loyer au lieu d’un mois. »

Au sein de notre commission, des camarades considèrent qu’il faut approfondir ces analyses.

 

EXPRESSION DU RACISME ET DE SES CONSEQUENCES

Le racisme peut conduire à déclasser un être humain, à l’assigner à un statut subalterne, à l’exploiter « légitimement », si ce n’est légalement : esclave, indigène, immigré.

Le racisme en France se déploie à différents niveaux :

Le racisme ordinaire porte atteinte à la dignité (insultes, évitement, regard, sous-entendus, inégalité de traitement).

Les minorités « visibles », celles qui n’appartiennent pas au groupe majoritaire d’apparence, sont celles qui doivent sans cesse répondre à la question de leur origine, de leur culture, de leur religion vraie ou supposée et supporter le poids des préjugés. C’est aussi cela le racisme ordinaire.

Les enquêtes d’opinion mettent en évidence une forme de mépris plus durable à l’encontre des descendants des immigrés des anciennes colonies. Si les immigrants italiens, espagnols, portugais, à leur arrivée en France, ont souffert d’un racisme violent, il n’en est pas allé de même pour leurs enfants et moins encore pour leurs petits-enfants.

On ne peut pas en dire autant des enfants et petits enfants d’immigrés maghrébins ou noirs-Africains, (confondus souvent avec les antillais ou les mahorais) seuls condamnés à l’appellation absurde, mais éloquente, d' « immigrés de 2ème ou 3ème génération » ou de « français issus de » quand les autres seraient des « français de souche ».

A situation sociale égale, ce « marqueur des origines » ne disparaît pas : des « noirs «ou des « arabes » très diplômés ne sont reconnus Français lorsqu’ils s’expatrient. Des familles ne sont vues françaises qu’en vacances à l’étranger.

Le racisme permet de se rehausser dans la hiérarchie sociale, (petits « blancs » anxieux du déclassement 3Beaud), les boucs émissaires sont les dérivatifs aux politiques inégalitaires : s’attaquer au concurrent potentiel, sans remettre en cause la mise en concurrence.

Le racisme institutionnel public ou privé se traduit par des discriminations directes ou indirectes à l’embauche, devant la justice, la police, dans l’accès au logement, à la culture, à son histoire, aux loisirs, à la vie syndicale, publique et politique.

Ces discriminations racistes génèrent frustration et colère, d’autant qu’elles sont supposées ne pas être légitimes dans le pays de la déclaration des droits de l’homme, elles dénaturent nos valeurs républicaines.

 

 

 

 

Racisme d’état, racisme institutionnel ou les deux ?

Des camarades préfèrent utiliser le terme « racisme d’Etat » pour qualifier ce racisme qui part du plus haut niveau de l’Etat estimant qu’il s’est exprimé de façon bruyante avec la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale sous Sarkozy ou avec sa déclaration à Dakar, en 2007.

Il avait déclaré, alors, que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l'Afrique » c’était que « l'homme africain n'était pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vivait trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y avait de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ».

L’Etat, pratique souvent des discriminations basées sur l’origine ou la religion sans jamais l’avouer. C’est le débat actuel sur la déchéance de la nationalité, les expulsions des roms et la non-scolarisation de leurs enfants, la circulaire Chatel sur les sorties scolaires, le fait que le CSA joue insuffisamment son rôle vis-à-vis des medias. 

L’utilisation de ce terme ne fait pas consensus dans notre commission.

Des camarades pensent que l’utilisation de ce terme ne permet pas de se faire comprendre du plus grand nombre. En effet le racisme d’Etat est souvent assimilé à la notion de racisme total, à une idéologie officielle comme le nazisme ou l’apartheid sud-africain.

Il faut donc s’interroger sur la façon de qualifier ce qui se passe dans des institutions comme l’hôpital, l’école, le sport, les transports, les bailleurs sociaux, les entreprises, les municipalités, qui mettent en jeu des acteurs liés directement ou indirectement à l’Etat : il existe bien des pratiques discriminatoires qui reproduisent silencieusement les inégalités ethniques de façon aveugle.

 

Peut-être s’agit-il d’avoir une vision large du racisme institutionnel, qui n’est ni le racisme ordinaire parce qu’il entraîne des pratiques discriminatoires, ni un racisme d’Etat avec ce que ce terme signifie pour beaucoup ?

 

Le terme « politique de la race » (Eric Fassin) fait aussi débat dans notre commission en raison de la référence à la « race », alors qu’est consensuelle l’utilisation du terme « xénophobie d’Etat » pour qualifier le quinquennat Sarkozy ou la politique du gouvernement Valls Hollande

La politique gouvernementale actuelle, les lois 2015 relatives au Code d' Entrée et de Séjour des Etrangers et au Droit d'Asile s'inscrivent dans la continuité de celles de la droite (précarisation, xénophobie, expulsions..)4. La solidarité avec les migrants, les luttes pour la régularisation des sans-papiers, la liberté de circulation et d'installation, l'égalité des droits entre travailleurs entre citoyens français et étrangers constitue une dimension indispensable de la lutte contre le racisme.

 

 

Racisme et classes populaires ?

 

Le racisme n’est pas l’apanage des classes populaires, comme certains le font croire.

 

Cependant, ce sont dans les lieux de vie des classes populaires que se fait l’accueil des immigrés et des racisés qui n’entrent pas dans une France abstraite et, en dépit des difficultés, c’est aussi dans ces lieux de vie que se construit le « vivre ensemble » (école, mariages mixtes, culture.) 5Verret

 

L’existence sur des territoires ségrégués de groupes racisés entraîne une disqualification générale de toute la population, ce qui renforce le sentiment d’abandon de ces territoires.

En même temps des luttes et des initiatives rassembleuses permettent de renverser cette spirale perverse, comme le montrent les actions d’enseignants et de parents d’élèves contre l’abandon de l’école publique, en Seine Saint Denis. Il y a urgence à créer du commun !

 

4/ LES DIFFERENTES FORMES DE RACISME

Nous avons besoin d’affiner nos analyses.

Le racisme anti-Rroms (romophobie) ou anti- gens du voyage

 

Les Rroms

Ceux qui focalisent toutes les haines sont des migrants roumains et bulgares qui vivent principalement dans des bidonvilles autour de plusieurs grandes villes de France. Ils sont évalués de 15 à 20 000, c’est-à-dire environ 0,025 % de la population française, on ne le dit pas assez !

Le racisme qu’ils subissent est d’une rare violence. Les préjugés sur ces femmes et ces hommes, persécutés, discriminés, en situation de grande marginalisation sont multi séculaires (voleurs, clochards, mendiants, exploiteurs d’enfants, nomadisme inhérent à leur culture)

Ils sont vécus « hors système », on les traite de « sous-hommes », de déchets, de parasites, de vermine sans que cela choque. Nous atteignons la logique extrême du racisme, la déshumanisation. Les Roms souffrent d’un « racisme culturel biologisant » inquiétant.

La seule politique de l’Etat est celle des expulsions. Des fonds européens existent mais sont peu utilisés, le ministère de l’Education nationale ne respecte pas l’obligation de scolarisation.

Des associations parlent de mise en œuvre d’une « politique de la race » (Roms et riverains , Une politique municipale de la race Eric Fassin Serge Guichard, Caroline Fouteau, Aurélie Windels), nationalement et localement, y compris dans certaines mairies où les communistes sont gestionnaires.

Cette « politique de la race » se concrétise par « les roms n’ont pas vocation à rester en France », le refus de domiciliation dans les CCAS, le refus de collecter les ordures, le refus de scolarisation, les expulsions... Si on ne ramasse pas les ordures, on pourra dire qu’ils sont sales, c’est donc dans leur nature et leur culture.

Pour nier l’existence de bidonvilles on parle de démantèlement de camps pour des populations qui ne sont pas nomades, elles étaient sédentaires en Roumanie ou en Bulgarie : c’est moins honteux d’expulser des nomades que de détruire des bidonvilles surtout s’ils sont « sales » par nature.

La situation de ces familles est catastrophique. La solution ne peut être seulement municipale d’autant que l’Etat a été plusieurs fois condamné par l’Europe. .

Nos élus sont souvent en difficulté face à des contraintes contradictoires, sanitaires, légales, et humaines alors que les collectivités sont confrontées à la baisse des dotations par l’Etat.

Un plan d’urgence axé sur l’hébergement, la scolarisation, la santé, le travail et l’apprentissage du français doit être décrété, les fonds européens existent pour le financer. La solidarité nationale entre les communes doit être organisée sous la responsabilité de l’Etat, avec l’aide des associations et la participation des intéressés.

 

11 collectivités d’Ile De France, toutes dirigées par un maire communiste ou Front de Gauche viennent de lancer un appel contenant 6 propositions fortes dans ce sens, il nous faut prolonger son sens politique. Il est important que nous menions le débat avec les militants communistes et avec nos maires concernés pour agir, c’est urgent !

 

Gens du voyage

Ces derniers sont intégrés dans la définition des Rroms du Conseil de l’Europe qui établit leur nombre, en France, à environ 400 000, soit 0,62 % de la population,  (l’institution européenne ne fait pas de différence entre les roms d’origine roumaine et les gens du voyage).

Issus de plusieurs groupes (Manouches, Gitans, Tsiganes ou Roms des pays de l’est), les gens du voyage possèdent très majoritairement la nationalité française. Les plus stigmatisés et discriminés sont ceux qui ont conservé un mode de vie nomade qui fait d’eux des « étrangers irréductibles», des asociaux dont il faut se méfier.

Entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, sur les 700 000 qui vivaient en Europe, ont été exterminés pendant la 2ème guerre mondiale par les nazis. Ce génocide souvent oublié porte le nom de Samudaripen : « Tuez-les Tous ».

Ce n’est qu'en juin 2015 qu’une loi a, entres autres, supprimé le très discriminant livret de circulation que les gens du voyage devaient faire viser dans les gendarmeries et renforcé les pouvoirs des préfets car, malgré  la Loi Besson qui prévoyait, en 2000, la construction de 41 500 d’aires d’accueil dans les communes des + de 5000 habitants, 61 % des maires refusent de les accueillir.

 

 

La lutte contre les préjugés et les logiques de boucs émissaires doit être menée de front en lien avec des iqpolitiques de droit commun visant à rétablir de l’égalité.

 

 

Le racisme anti noir ou négrophobie

Entre 12 à 15 millions d’esclaves ont été déportés de l’Afrique vers les Amériques (la majorité sur moins de 2 siècles, le double si l’on compte ceux qui n’ont pas survécu à la déportation) mais aussi à La Réunion. Ce commerce, reconnu crime contre l’humanité, fut une des causes du sous-développement de l’Afrique.

A la différence des esclavages antiques ou orientaux, la traite coloniale fut massivement racialisée, seuls les noirs d’Afrique en furent victimes.

Le racisme anti-noir rappelle que les rapports « racialisés » se confondent avec l’histoire du capitalisme : ce que Marx appelait « l’accumulation primitive du capital » c’était le travail gratuit des esclaves aux Caraïbes, en Guyane, à la Réunion et aux Etats-Unis ; les sociétés capitalistes se sont développées sur des rapports de domination qu’ont été l’esclavage, le colonialisme puis le néo-colonialisme.

Nos rapports avec les ex colonisés de l’Empire français sont marqués par cette histoire : proximité linguistique, histoire commune, enrôlement pendant les guerres, plus tard appel à la main d’œuvre. Cependant perdure une situation d’exclusion qui se transmet à la descendance.

La fin de l’apartheid en Afrique du Sud c’était avant-hier. L’abolition de l’esclavage et l’hommage au souvenir des esclaves se commémore le 10 mai, seulement, depuis 2006.

L’affaire Taubira, en 2013 « un singe, Taubira retrouve la banane » et le manque de réactivité, dans un premier temps, de son propre gouvernement, en dit long sur nos comportements. Les propos de certains hommes politiques de droite après son départ du Gouvernement montrent que les séquelles sont toujours là dans notre subconscient.

 

Les initiatives mémorielles sont nécessaires mais insuffisantes d’autant que le racisme anti noir ne se manifeste pas seulement par les discours et des actes, il s'exprime aussi sous forme de discriminations, en particulier dans l'emploi, dans l'accès au logement, aux loisirs….

En témoigne aussi la situation faite aux Antillais, Mahorais ou Réunionnais, qui bien que Français sont racisés comme les autres dans l’espace public.

Récemment, une commerçante, à Quimper, a fermé son magasin devant les attaques et insultes racistes qu’elle subissait « Comment un propriétaire a pu louer à une négresse dans ce quartier? T'as rien à faire là. Dégage. » Cette dame meurtrie déclarait avoir en elle toutes les origines : antillaise, bretonne, africaine et asiatique. Et pourtant !!!

 

Le fait d’être noir ou foncé de peau, le fait de posséder un patronyme arabe ou africain renvoie à la notion de minorité visible, renvoie à l’image de l’éternel -étranger.

 

Se pose la question de la reconnaissance de la France telle qu’elle est dans sa diversité !

 

 

L’antisémitisme ou judéophobie

La commémoration, ces jours ci, du 71ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz nous rappelle à quelle folie meurtrière et exterminatoire le poison de la haine raciale et de l’antisémitisme érigé en système a produit la plus radicale des perversions : la négation de l’humanité en l’être humain, son anéantissement.

Près de 6 millions de juifs furent exterminés par les nazis qui les avaient désignés comme leurs ennemis et assimilés à une race inférieure. L’horreur de ce « crime de masse » a conduit, après-guerre, à la définition de notions juridiques, « crime contre l’humanité » et « génocide ».

 

Après les assassinats de l’Hyper Kasher il y a un an, la mort d’Ilan Halimi en 2006, le massacre perpétré par Mohamed Merah à l’école juive à Toulouse en 2012, beaucoup ont vu l’expression d’une vague d’antisémitisme.

Au-delà de l’émotion suscitée par l’extrême gravité de ces actes, nous devons analyser deux phénomènes de manière dissociée : les opinions antisémites et les actes antisémites.

Comme il est important de mieux cerner la nature de l’antisémitisme qui a été évolutif dans l’histoire (l’anti judaïsme religieux historique a muté en antisémitisme de nature sociale au 19ème siècle pour être assimilé ensuite à une race inférieure).

Après une hausse des actes antisémites en 2014, ces derniers ont baissé en 2015 de 5 % en restant à un niveau élevé. En même temps, l’indice de tolérance des français à l’égard des juifs est de 79,5% quand il est de 53 % pour les musulmans et de 28,5 % pour les roms. (CNCDH 2014)

Le sentiment que les juifs étaient des français comme les autres était partagé, en 1946, par seulement 1/3 des personnes interrogées par l’IFOP. Aujourd’hui le sentiment que les juifs sont des français comme les autres est partagé par 85 % des personnes interrogées.

Toutes les enquêtes décrivent que la « minorité » juive est la mieux acceptée et la mieux intégrée avec deux contradictions : la persistance des préjugés antisémites et des passages à l’acte violents qui génèrent un sentiment d’insécurité légitime chez les Juifs pratiquants.

Leur réponse est souvent le renforcement communautaire : fuite de l’école publique, endogamie dans les mariages, référence à leur communauté de destin….

Lorsqu’on recense les actes (atteintes aux biens et aux personnes) et les menaces (actes d’intimidation, tracts, graffitis) recensés par la police et la gendarmerie, c’est l’antisémitisme qui a connu la hausse la plus forte depuis le début de la Seconde Intifada, en 2000.

Cet état de fait est instrumentalisé par le gouvernement israélien qui encourage les juifs à rejoindre Israël. Le CRIF est devenu une officine qui sert les intérêts des « faucons » israéliens qui accusent toute critique de la politique israélienne d’antisémitisme.

S’il était important de rendre hommage aux victimes de l’hyper Cacher, le 10 janvier dernier, il était par contre choquant que cette cérémonie se déroule sous drapeau israélien à l’invitation du CRIF, et qu’elle permette à Manuel Valls de dénoncer le boycott contre Israël en accusant d’antisémitisme les militants de la cause palestinienne, (et parmi elles pourtant des organisations juives) l’extrême gauche et les jeunes des quartiers populaires.

Alors que le boycott, moyen pacifique de mobilisation, prend de l’ampleur, alors que les décisions de l’Union Européenne sur l’étiquetage des produits fabriqués dans les colonies sont critiquées aussi bien par Valls que par Estrosi, la France est le seul pays au monde où la campagne BDS (boycott désinvestissement sanction) initiée par la société civile palestinienne est considérée comme illégale. En Israël, le boycott est présenté comme celui des magasins juifs par les nazis.

Les néo-conservateurs et néo-républicains –les réac de gauche- alignés sur l’ultra-droite sioniste évoquent un nouvel antisémitisme dissimulé derrière la critique d’Israël et la défense de la cause palestinienne.

Ce sont, souvent, les mêmes qui réfutent l’utilisation du terme « islamophobie » à l’image de Manuel Valls et de son délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme Gilles Claveuil.

Oui, certains « habillent » d’antisionisme leur haine des juifs comme d’autres invoquent la laïcité pour justifier leur islamophobie, mais la généralisation de cette affirmation « antisionisme = antisémitisme » n’est pas validée par les chercheurs travaillant pour la CNCDH. (Nonna Mayer).

Les enquêtes de la CNDCH démontrent que le plus souvent ceux qui n’aiment pas le juifs sont les mêmes qui n’aiment ni les Arabes, ni les Musulmans, ni les immigrés.

Si l’antisémitisme est un délit et n’a pas de place dans le soutien au peuple palestinien, le sionisme constitue, par contre, une opinion, par définition discutable : de quel droit ses tenants en interdiraient-ils la critique, pourquoi l’UNESCO, proposait même, en 2004, de la criminaliser ? 

Cette tentative de mise sous silence, d’intimidation, dépasse désormais le seul CRIF, beaucoup de nos concitoyens qui condamnent la politique israélienne craignent d’être taxés d’antisémites et se taisent, les « complotistes » y voient la preuve que les Juifs gouvernent le monde et les médias.

Le racisme actif exercé contre les juifs émane surtout des milieux d’extrême droite et de milieux musulmans extrémistes qui essentialisent les juifs en les assimilant à l’Etat d’Israël.

Les préjugés sur les juifs sont tenaces : croyance dans le pouvoir excessif des Juifs, déni de leur pleine citoyenneté française, formation d’un groupe « à part », défini par son rapport à l’argent. 

Réfléchir sur les causes n'est en rien excuser ou légitimer, c’est tout le contraire !

 

 

 

Si l'on veut combattre un phénomène, il faut en comprendre les causes : pourquoi le passage à l’acte antisémite est plus fréquent, plus violent en prenant soin de distinguer les actes qui relèvent du terrorisme, ceux qui relèvent de la grande délinquance et ceux qui relèvent de l’antisémitisme ordinaire ?

 

 

En fait le positionnement du Gouvernement Israélien, du CRIF ou d’hommes comme Manuel Valls alimentent qu’ils le veuillent ou non, l’antisémitisme, car il nourrit la concurrence communautaire et les thèses du lobby juif en raison de l’impunité dont jouit l’Etat d’Israël.

Chez certains racisés descendants de l’immigration post-coloniale, existe, effectivement, le sentiment d'avoir un statut de seconde zone, de subir la discrimination dans l'accès à l'emploi, au logement alors que les Juifs seraient des citoyens de plein droit, existe le sentiment que les politiques et les médias sont intraitables avec l'antisémitisme et le sont moins avec le racisme anti-arabe et l’islamophobie. Le traitement de l’information ne peut que malheureusement alimenter ce sentiment.

Avec « Egalité et Réconciliation » Alain Soral, l’antisémite, vise à réconcilier la gauche du travail et la droite des valeurs. Il instrumentalise l’injustice faite au peuple palestinien, il utilise le 2 poids 2 mesures (vous comptez moins que les juifs), il propose aux musulmans le piège de leur communautarisation en vue d’un rééquilibrage communautaire face au « lobby juif » Il s’appuie sur les préjugés ancestraux  des milieux populaires. Soral, sur les réseaux sociaux, n’est pas seul sur ce terrain ; des forces politico-religieuses œuvrent aussi pour créer des fractures communautaires.

Alors qu’Edwy Plenel, auteur du livre « Pour les musulmans » écrivait, dans le Monde 2, à propos de Dieudonné : « son discours est raciste. Au nom de la « souffrance des Noirs », il verse dans un antijudaïsme radical où se ressource ce noyau dur du racisme qu'est l'antisémitisme. Il fait sauter l'interdit négationniste en parlant de « pornographie mémorielle » à propos de la mémoire du génocide des juifs. Il exacerbe une concurrence entre victimes où la hiérarchie des malheurs fait régresser l'universalité de leur dénonciation. »

 

 

Il n’y a pas d’antisémitisme excusable ! Mais nous savons qu’il est possible de prévenir l’antisémitisme qui relève de la concurrence victimaire et communautaire, en cessant d’alimenter le deux poids deux mesures que ressentent les citoyens de confession musulmane soumis à une stigmatisation médiatique et politique permanente.

 

C’est avec la même force qu’il faut combattre toutes les formes de racismes, l’antisémitisme comme l’islamophobie.

 

 

La République doit mettre tous ses enfants sur un pied d'égalité, ce que, pour de multiples raisons, elle n'a pas fait.

La grande force des antidreyfusards a été de ne pas tenir compte de ces préjugés et d’insister sur l’injustice faite au motif que Dreyfus était juif. Beaucoup de « juifs », soit ès-qualité, (le Bund) soit comme individus, ont été et sont présents dans le mouvement communiste. L’histoire d’Henri Krasucki est à cet égard très éclairante.

 

Le Parti Communiste doit renforcer ses liens avec l’UJFP ou une autre voix juive (UAVJ) ainsi qu’avec le Parti Communiste Israélien.

Ne laissons pas s’installer un fossé entre judaïsme et communisme sans pour autant transiger sur la légitime critique de la politique de colonisation de l’Etat d’Israël.

 

Le PCF doit faire sienne la pétition « Pour le droit au boycott » qui est déjà signée par Patrick Le Hyaric et le Maire de Stains.

 

 

La sinophobie

 

Un sujet bien tabou mais présent dans l’imaginaire collectif français.

Le phénomène de la sinophobie en France est relativement récent. Il est exacerbé par le contexte des tensions concurrentielles économiques de la mondialisation. L'amalgame entre la communauté chinoise en France d'une part et la politique commerciale appliquée par l'Etat chinois d'autre part est trop souvent constaté.

Il semble que la lutte contre le racisme subi par les asiatiques ne passionne que très peu les politiques, le tissu associatif et les médias. En France, rire «des jaunes», faire des jeux de mots sur leur apparence ou brandir la «menace» chinoise ne soulève pas l'indignation.

Pourtant, la France est le pays d’Europe où réside la plus grande communauté chinoise (entre 400 000 et 700 000) à laquelle il faut inclure les immigrés de l’ex-Indochine. Emmanuel Ma Mung, chercheur au laboratoire Migrinter de l'université de Poitiers considère que ce racisme augmente :

«Si on compare au racisme anti-africain, anti-maghrébin ou à l’antisémitisme, jusqu'à une époque récente, le racisme anti-chinois était très faible. Il y a cependant un changement depuis quelques années. A l'intérieur de la communauté chinoise, on sent bien dans les conversations que les gens ressentent une hostilité plus forte.»

Le 20 juin 2010, 8 500 personnes, pour la plupart issues de l'immigration asiatique, avaient manifesté à Belleville contre des violences de plus en plus fréquentes subies par leur communauté. Les associations avaient évoqué des «fantasmes» sur les Chinois plutôt que des agressions racistes. Pourtant, «la population chinoise à Belleville mais aussi dans d'autres quartiers comme Aubervilliers est victime de violences justement parce qu'elle est chinoise», affirme Olivier Wang, secrétaire de l’Association des Jeunes chinois de France (AJCF). Le racisme anti-chinois est «un phénomène en augmentation, plus de violences et de stigmatisations».

Dans certains quartiers populaires (Ex La Courneuve) des chinois sont victimes de « ratonnades » dont les auteurs sont eux-mêmes des racisés.

Peu portent plainte à cause de la langue. La barrière linguistique est un écueil qui amplifie le phénomène de "ghetto" de cette communauté.

Seul point commun entre des groupes d’origines différentes : la discrétion et le repli.

 

Tous ces français d’origine chinoise souffrent de cette essentialisation. C’est un racisme à regarder de plus près et à combattre au même titre que tous les autres formes de racismes.

 

 

 

 

 

L’arabophobie et l’islamophobie

 

Ces deux formes de racisme ne se manifestent pas seulement par des discours et actes. Elles s'expriment également sous forme de discriminations, en particulier dans l'emploi, la formation, mais aussi dans l'accès aux services et au logement.

 

 

L’intégration de l’immigration post coloniale va se heurter à plusieurs obstacles :

D’abord au fait que cette immigration non occidentale visible fut longtemps impensée car impensable par les pouvoirs publics. Elle ne pouvait être que temporaire (OS, hommes seuls en foyers).

Aux préjugés racistes hérités de la domination coloniale, va se surajouter le traumatisme de la Guerre d’Algérie qui va générer un « racisme anti-arabes ».

Laurent Mucchielli, spécialiste en criminologie, rappelle qu’une étude journalistique, avait conclu à plusieurs centaines « d’arabicides » perpétrés dans les années 70-80.

En 1974, l’immigration de travail est suspendue et le regroupement familial prend de l’ampleur. C’est, alors, l’autre face de l’immigré qui va surgir.

On ne voit plus l’immigration de travail, qui a reconstruit la France, mais seulement l’immigration familiale, celle qui signifie installation durable et vivre ensemble dans un contexte de crise économique.

Cette immigration qui était soumise au Code l’Indigénat dans l’Algérie française, « ces races inférieures que le Colonialisme voulait civiliser » (Jules Ferry 1885) et qu’il fallait encore, dans les années 50 « laisser regroupée …. La fusion étant supposée difficile et peu souhaitable en raison du fossé profond creusé par l’islam » (L’invention de l’immigré, Hervé Bras Google books 2012)

Le racisme anti musulman  est la continuation du rejet de l’immigré arabe, mais pas seulement. Il s’inscrit dans le rapport colonial mais le dépasse. L’arabe devenant français, le musulman devient l’étranger. Comme il existe un racisme contre les juifs il existe un racisme contre les musulmans.

Après les attentats du 11 septembre, Bush appelle à la croisade du bien contre le mal, le nouvel ennemi de l’occident est désigné, cette vision qui prône le choc des civilisations, des religions : à la menace de l’immigration de masse, se rajoute celle du musulman fanatisé.

A partir de 2010 (débat sur l’identité nationale), ledit indice de tolérance reste stable pour les juifs et pour les noirs mais il baisse de 8.5 points pour les maghrébins et de 9 points pour les musulmans. (CNDH  2014).

Ce n’est pas l’ensemble des minorités qui pâtissent du retour des préjugés mais bien celles qui sont devenues les « meilleurs suspects » dans les discours politiques (port du voile, viande hallal, laïcité, pains au chocolat, prières de rue, repas de substitution).

D’ailleurs l’impact de la politisation de ces questions est frappant, quand on regarde évoluer l’indice longitudinal, cette fois, en fonction de la position politique des individus. C’est à droite que la baisse de la tolérance est de loin la plus marquée. (CNCDH 2014)

Si ce phénomène se retrouve dans d’autres pays européens, Benjamin Stora pense qu’il y a une spécificité française, en plus du chômage, de la fracture sociale…

Il évoque un apartheid à la française, en particulier dans le sud de la France, il parle de comportements « sudistes » (Etats Unis) qui s’expliquent par la prégnance, depuis la fin de la guerre d'Algérie, des représentations du racisme colonial, anti-arabe et anti-musulman. (Agora de l’Humanité-Musée de l’Immigration janvier 2016)

Thomas Deltombe explique comment le glissement s’est opéré. Les « musulmans » remplacent les « arabes ». Là où l’on disait la « civilisation chrétienne », on privilégie les supposées « valeurs de la République française ». … Ce discours a émergé, dans les années 1980, au moment où les élites françaises découvraient les « Français issus de l’immigration », ces Français de 2ème zone « culturellement différents » : ce discours fonctionne comme un code qui permet de dire le racisme sans le dire explicitement. (interview Thomas Deltombe par Middle East Eye 18.01.2016)

 

« Devant le CRIF, Valls est venu au secours d’Elisabeth Badinter, lorsqu’il dit qu’il est absolument illégitime de se dire antisémite, mais par contre, qu’on ne devrait pas avoir peur de se dire islamophobe. Cela participe à la mise en scène de l’équation : "Islam = guerre des civilisations = Islam, civilisation anti-occidentale donc antisociale = Islam désirable chez les djihadistes dont on sait qu’ils ne sont pas musulmans à la base". Valls fait le jeu de Daesh. » (Raphael Liogier, Regards, 21.01.2016)

Devant l’ampleur des actes antimusulmans (profanations de mosquées, agressions et insultes de femmes voilées, discriminations liées à la religion, refus de femmes voilées dans des lieux non concernés par la neutralité de l'Etat et des services publics), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a institutionnalisé le concept d’islamophobie, dans son rapport 2013, au prix d’une argumentation charpentée d’une dizaine de pages. 

«L’objectif était de disposer d’un autre vocable que celui d’actes antimusulmans, afin de rendre compte d’un climat inquiétant : le rejet des pratiques de l’islam ne se traduit pas forcément par la commission d’une infraction pénale, explique Christine Lazerges, la présidente de la CNCDH.

Dans l’étude publiée en avril 2015, la CNCDH mesure les sentiments de plus en plus hostiles des Français à l’égard des pratiques religieuses musulmanes, parfois basiques :

 

Alors qu’en 2006, seulement 33 % des personnes interrogées pensaient que le sacrifice du mouton posait problème pour vivre en société, elles sont 49 % à la penser aujourd’hui.

 

Alors qu’en 2006, seulement 20 % des personnes interrogées pensaient que la pratique du ramadan, l’interdiction de boire de l’alcool ou du porc, posaient problème pour vivre en société, elles sont 40% à la penser aujourd’hui. On voit là les effets des campagnes médiatiques et d’une parole politique décomplexée.

 

Pourtant 70 % des personnes interrogées pensent que les musulmans doivent pouvoir pratiquer leur religion dans de bonnes conditions. Faut-il voir, là, la marque d’une opinion réversible over-dosée par le discours incantatoire et autoritaire du « républicanisme franco-centré » ? (Philippe Marlière 13.04.2015 Médiapart)

 

 

Islamophobie : un terme controversé

 

Le terme « Islamophobie » est contesté, une invention des mollahs iraniens reprise par les salafistes pour empêcher la critique de l’islam d’après Caroline Fourest et Fiammetta Venner ou Manuel Valls.

Loin des mollahs iraniens, Alain Ruscio nous rappelle que la première utilisation du terme islamophobie date de 1910, sous la plume d’Alain Quellien. Il proposait une définition d’une surprenante modernité :

L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme  (l’islam) est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans (musulmans). (La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose)

On a pu, un temps, préférer l’usage du mot « musulmanophobie » mais c’est le terme «Islamophobie» qui s’est imposé dans le débat public, il est reconnu dans les instances européennes, à l’ONU, il est utilisé tant par les journalistes que par la plupart des responsables politiques ainsi que par des associations comme le MRAP ou la LDH.

Pierre Tartakowsky (LDH) « …..Le racisme a toujours été évolutif. L’islamophobie en est aujourd’hui l’un des avatars. Vouloir à toute force éradiquer ce mot me semble renvoyer à autre chose de malsain : au prétexte d’écarter un mot, on veut écarter des gens.» Libération (26 avril 2015)

Alain Jakubowicz, (LICRA) qui s’est longtemps opposé au terme « islamophobie » dit  «Un combat aujourd’hui d’arrière-garde… Je n’utilise pas le mot, mais il ne me choque pas, car il correspond à une réalité sociale.» Libération (26 avril 2015)

Marie Christine VERGIAT, eurodéputée FDG réagit sur Facebook  à l’édito de Guillaume Roubaud-Quashie de la Revue du Projet n°47 consacré aux Musulmans : « Drôle d'article avec un oubli, le mot islamophobie est reconnu par toutes les instances internationales en matière de droits de l'Homme de l'ONU au Conseil de l'Europe. Il vient d'être validé par la CNCDH. La querelle de mots tend bien à éviter que l'on parle du fond. Pourquoi phobie ne vaut pas pour Islam mais vaut pour les homos ? Le terme antisémite est tout aussi critiquable étymologiquement mais il s'est imposé. Enfin ce sont les victimes qui en général choisissent le vocabulaire et là il n'y a pas photo. Une querelle bien franco française qui laisse souvent les étrangers qui travaillent sur ces questions assez interloqués. »

 

Dounia BOUZAR qui préférait l’usage de « musulmanophobie » utilise désormais les 2 termes.

 

Que le terme « islamophobie » soit instrumentalisé par certains courants fondamentalistes, qu’il pose des questions d’usage comme en pose le terme « antisémitisme » ne doit pas nous conduire à renoncer à son utilisation.

Ce terme fait l’objet d’une appropriation par les collectifs organisés contre le racisme anti musulman, les associations des quartiers populaires : se priver de son utilisation serait se priver de tout dialogue avec ces mouvements ainsi que d’un concept qui permet de saisir les évolutions du racisme culturel et des discriminations dans nos sociétés.

 

 

 

La laïcité et le féminisme instrumentalisés pour interdire

On confond neutralité et invisibilité : On veut séparer l’espace public et l’espace privé alors que la laïcité est fondée, non sur la séparation de l’espace public et de l’espace privé mais sur la séparation des églises et de l’Etat. Pour paraphraser Jaurès en 1905 : l’ennemi ce n’est pas la religion c’est le capitalisme.

Nous avons conscience que le port du voile, dans sa signification religieuse s’apparente à des symboles d’oppression patriarcale, de soumission et de séparation des sexes. Nous savons que des femmes risquent leur vie dans certains pays arabes pour refuser de le porter quand d’autres relisent le Coran dans une perspective féministe ou donnent au voile une dimension spirituelle ou identitaire, quand d’autres encore peuvent le porter à la demande d’un tiers.

Pourquoi penser et décider à la place des femmes qui ont fait le choix de le porter ? Ce sont à elles de définir le sens et la fonction de leur foulard dans la mesure où s’exerce la liberté vestimentaire.

Le statut des femmes dans le monde musulman est sûrement problématique, mais c’est d’abord aux intéressées de dégager ce qui est, pour elles, oppressif. En général, ce sont aux gens qui subissent l’oppression de lutter contre la soumission. On ne libère pas les gens par substitution. (Jacques Rancière Entretien de l’Obs du 2.04.2015 Les idéaux républicains sont devenus des armes de discrimination et de mépris)

La question n’est pas « est-on pour ou contre le port du foulard ? » (qui n’est ni la burka ni le niqab), la question est « respecte-t-on les femmes qui ont fait le choix de le porter ? ». 

Sans arrêt montrés du doigt, sans arrêt sommés de condamner ou de se désolidariser, les musulmans ont le sentiment qu’ils ne seront jamais des français à part entière d’autant que la discrimination subie est souvent triple :

  • religieuse et souvent liée à l’origine

  • sociale (nombreux sont ouvriers, employés, plus au chômage ou en situation de précarité),

  • territoriale (assignés à résidence dans des quartiers où la problématique n’est pas de ne pas pouvoir y entrer mais de ne pas pouvoir en sortir),

 

Cette triple discrimination est un cocktail explosif qui fait le bonheur des radicaux et des extrémistes qui exploitent la relégation, le racisme, les discriminations pour inciter au repli, encourager des logiques de victimisation en surfant sur la hiérarchie des racismes.

Menace du communautarisme ?

 

Parlerait-t-on de communautarisme si les habitants des quartiers montrés du doigt disposaient du droit à la mobilité sociale et résidentielle ?

Un sondage de Gallup, en mai 2009, en Europe, confirmait, qu'en France, 83 % des musulmans souhaitaient vivre dans un environnement diversifié contre 4 % qui souhaitaient vivre entre eux.

60 % des immigrés du Maghreb (majoritairement de confession ou de culture musulmane) vivent dans le logement social ou des logements privés faisant fonction de logement social, en raison de leur état dégradé.

Il s’agit d’une assignation à résidence et non d’un choix de vie, les raisons sont sociales et liées à la discrimination subie dans le privé. Cette assignation à résidence favorise la ségrégation ethnique.

69 % des ménages immigrés souhaitent changer de quartier, ils sont 2 fois plus nombreux que les ménages français de parents français à vouloir déménager !

Nombreuses sont les familles issues de l’immigration qui cherchent, par tous les moyens, à obtenir une dérogation à la carte scolaire ou qui mettent leurs enfants à l’école privée pour contourner l’école ou le collège ghetto du quartier.

Pour ces raisons, ces familles, de condition modeste pourtant, sont majoritairement opposées à la carte scolaire. C’est une preuve que l’entre soi décrié est subi et non choisi.

Ces familles rêvent d’un autre quartier, d’un emploi stable, d’une autre école pour leurs enfants.

Le communautarisme qui est dénoncé renvoie à la visibilité des pratiques culturelles ou religieuses distinctes des pratiques dominantes. La question posée est donc celle de l’acceptation des différences : jusqu’où peuvent-elles s’exprimer ? Force est de constater que le niveau de tolérance a dramatiquement baissé si l’on en croit la multiplication des références au communautarisme. (Patrick Simon INED 2015)

Si communautarisme il y a, c’est un communautarisme d’attente, de réaction à la ségrégation, et non une construction sécessionniste. Les mêmes reproches étaient faits aux juifs au début du 20ème siècle.

Il faut s’attaquer aux mécanismes précoces d’enferment des individus dans des destins tracés d’avance.

En 2002, l’appel de la CNCDH, aux pouvoirs publics, de mettre fin à l’exclusion économique, sociale et spatiale de ces quartiers est ni plus ni moins que l’exigence portée par les communistes !

 

 

Il faut arrêter de regarder les français de confession ou de culture musulmane par le prisme exclusif de la religion, il faut mettre fin  au phénomène d’essentialisation des musulmans qui sont renvoyés systématiquement à leur pratique religieuse, en leur déniant leur qualité de citoyen d’autant qu’il y a de multiples façons d’être de confession ou de culture musulmane.

 

La reconnaissance passe par la non désignation : désigner c’est assigner et c’est stigmatiser !

 

 

 

On présente souvent la France comme une cible de DAESH en raison de l’idéal démocratique ou républicain qu’elle représente, en écartant trop vite les raisons de politique étrangère de la France. C’est là une façon d’exacerber « ce néo-républicanisme franco-centré » et d’évacuer une autre raison qu’on met rarement en avant :

Il y a en France la plus grosse communauté musulmane et la plus grosse communauté juive d’Europe. L’objectif de DAESH est de provoquer une vraie fracture dans la société française et d’alimenter le choc des civilisations. L’enjeu est là !

Christophe Ayad, journaliste international, évoque dans le Hors-Série du Monde (Janvier Mars 2016) « Jihadisme 100 pages pour comprendre» que « le mouvement jihadiste cherche à attirer les musulmans européens dans des enclaves libérées afin de les entrainer à mener des attaques en Europe contre des cibles faciles et peu coûteuses (écoles juives, apostats, etc..) afin de provoquer une montée de l’islamophobie et un ralliement par contrecoup des communautés musulmanes en Occident. ».

De ce point de vue, la France est une cible de choix : les plus grosses communautés musulmanes et juives d’Europe, son passé colonial, le score du FN et une ségrégation ethnique qui gangrène notre pays. (Monde 24.01.2015 Georges Felouzis, spécialiste des inégalités scolaires)

Nous dénonçons l’islamisme radical, obscurantiste et violent. C’est un vrai danger. C’est entrer dans leur jeu que de se placer sur le terrain religieux, alors que les musulmans sont leur première cible.

Nous refusons l’amalgame entre terrorisme et islam et combattons l’essentialisation des musulmans qui fait le jeu du discours islamiste extrémiste d’un monde binaire où il y a les musulmans et leurs ennemis, toujours le Eux et le Nous mais cette fois-ci dans l’autre sens.

 

NOTRE UNIVERSALISME EST AVEUGLE AUX DIFFERENCES

La lutte contre les discriminations : tout reste à faire !

 

La société française ne traite pas ses enfants à égalité.

30 ans après la marche pour l’égalité, 10 ans après la révolte des banlieues, la jeunesse des quartiers populaires subit un mépris de classe et une humiliation « de race ».

A situation sociale égale, les descendants des migrants du Maghreb, d’Afrique Subsaharienne ou les populations issues des DOM-TOM sont plus discriminés dans l’accès à l’emploi, au logement, aux loisirs en raison de la couleur de leur  peau, de leur patronyme, de leurs origines. Ils ne sont pas considérés comme vraiment Français par 63 % des Français. Se déclarer de confession musulmane accentue, encore, cette discrimination. (Patrick Simon Enquête Trajectoires et Origines INED 2015)

Les discriminations liées à l’origine arrivent largement en tête des discriminations à l’embauche (6cf. Amadieu,). Les discriminations sont le lot de 26% des immigrés et de 31% des descendants de deux parents immigrés. A CV comparable, un candidat d’origine maghrébine a 5 fois moins de chance d’être appelé pour un entretien d’embauche.

Les contrôles au faciès (contrôles d’identité abusifs et discriminatoires, basés sur l’apparence de l’individu) sont illégaux sauf qu’être noir ou arabe multiplie de 6 à 8 fois le risque de contrôle (étude CNRS Police et minorités visibles, les contrôles d’identité à Paris 2009, Open Society Institute.)

 

La discrimination à l’encontre des femmes voilées s’est aggravée, il leur est difficile de travailler, certaines, très diplômées, sont contraintes d’accepter des emplois de ménage ou des postes non visibles sur des plateformes téléphoniques ; leur acceptation dans les sorties scolaires a provoqué de nombreux conflits sur la base d’interprétations dévoyées de la laïcité.

 

La lutte pour faire reculer les discriminations a disparu des radars médiatiques

qui ne captent plus que les questions d’identité, de religion et de laïcité !

 

 

Le débat sur les statistiques ethniques est tabou au nom de la menace du multiculturalisme et du communautarisme à l’anglo-saxonne.

 

Le PCF est opposé à l’utilisation des statistiques ethniques basées sur le ressenti d’appartenance: au nom de nos principes constitutionnels d’égalité devant la loi, nous refusons de voir la société française comme une multiplication de communautés.

 

Des chartes de la diversité ont été signées par de grandes entreprises, il y a une dizaine d’années, mais depuis ces questions ne sont plus abordées !

 

 

Nous avons besoin d’un vrai débat pour parvenir à la déconstruction des mécanismes fondés sur des préjugés et des stéréotypes masqués.

Le passé colonial est avancé comme une des matrices qui fonde les caractéristiques de la discrimination.

 

L’importance démographique des minorités ethno-raciales, notamment dans les grandes métropoles, est une réalité quotidienne et banale. Il n’y a plus le « peuple français » face à des petites minorités racialisées : les Français sont un assemblage de diversités. Un quart de la population française est d’origine immigrée sur deux générations, 42% de la population en Ile-de-France et 75% en Seine Saint-Denis. (Patrick Simon TEO  2015)

Il existe des statistiques légales à partir de l’origine (INED), ce sont ces statistiques qui ont permis l’importante étude « Trajectoires et Origines », ces données pourraient permettre d’avancer à partir de la nationalité, du lieu de naissance, des parents, mais elles sont très peu utilisées. Ce ne sont d’ailleurs pas des statistiques « ethniques » au sens strict du terme, elles ne reposent pas sur l’existence d’ethnies, (qui n’existent pas) elles approchent la question.

 

Patrick Simon, socio-démographe déclare que lorsque les “vrais gens” ont l’impression de n’apparaître nulle part dans un ensemble social qui est censé les représenter, il se crée des tensions génératrices de discriminations et de ressentiment, tensions d’autant plus sourdes  et potentiellement dangereuses que le système politique en contrôle l’expression.

 

 

 

Comment alors s’attaquer à ces discriminations racistes systémiques?

 

La question n’est pas de reconnaître les différences mais de reconnaître l’existence de discriminations. Notre république ne reconnaît pas les minorités mais ce sont souvent des politiques de minorités qui font reculer les inégalités subies par les femmes et les handicapés.

Approfondissons ces questions en lien avec la lutte contre le racisme institutionnel.

Les efforts pour changer nos représentations au sein de notre parti sont réels mais inégaux, il faut les intensifier.

 

 

 

 

QUELLES REPONSES POLITIQUES POUR FAIRE RECULER

LE RACISME ET LES DISCRIMINATIONS ?

 

L’antiracisme politique

 

Le moteur de l’extrême droite s’est construit sur la négation du principe d’égalité, et oppose l’identité à l’égalité, établit une hiérarchie  entre nationaux, entre citoyens, entre peuples, entre cultures, entre religions…

L’extrême droite n’est pas la seule sur le terrain de l’ethnicisation des rapports sociaux, elle est rejointe par une grande partie de la droite mais pas seulement.

Le gouvernement Valls-Hollande montre que le ver est dans le fruit d’une partie de la gauche. Au-delà du désenchantement social et économique, aucune annonce dans la lutte contre les discriminations n’a été faite qui aurait pu caractériser une politique de gauche. Deux promesses emblématiques ont été reléguées : le droit de vote pour les résidents étrangers non européens et le récépissé de lutte contre le contrôle au faciès.

Hormis l’annonce nécessaire d’une réglementation renforcée pour lutter contre le racisme sur les réseaux sociaux, l’année 2015, déclarée Grande Cause Nationale contre le racisme et l’antisémitisme, a relevé de l’effet d’annonce en se terminant par une proposition de loi d’extrême droite, la déchéance de la nationalité.

En plus des renoncements gouvernementaux, de l’incapacité culturelle des Rroms à s’intégrer, Manuel VALLS, le 1er ministre, consciemment ou non, joue un jeu dangereux  en hiérarchisant les formes de racisme, en jouant les oppositions entre communautés, en alimentant la concurrence victimaire. Au final, il fait le lit de ceux qu’il prétend combattre.

Manuel Valls, le laïque, qui avait déclaré, le 17 juin 2011 à Radio Judaïca à Strasbourg, que par sa femme il était éternellement lié à la communauté juive et à Israël, (on se doute que certains ne se privent pas de faire circuler la vidéo de cet interview sur les réseaux sociaux) ne peut pas régulièrement déclarer que la France ne serait plus la France sans les Juifs de France sans envisager de dire que la France ne serait pas aussi la France sans ses Italiens, ses Polonais, ses Arméniens, ses Arabes, ses Kabyles, ses Kurdes,... et sans ses musulmans.

Quand on est le premier ministre de tous les Français, on ne peut pas déclarer que les juifs peuvent être fiers d’être juifs pendant que les musulmans ne doivent pas avoir honte d’être musulmans dans le même discours comme il l’a fait en janvier et en mars 2015.

 

 

On ne peut pas dire qu’un juif doit être fier de porter sa kippa après l’ignoble agression d’un professeur juif à Marseille mais rester silencieux devant l’agression au couteau d’une femme voilée dans la même ville ou devant l’agression verbale dont a été victime Latifa Ibn Ziaten la « mère courage » du soldat Imad Ibn Ziaten, victime de Mohamed Merah, invitée, le 8 décembre dernier, à l’assemblée nationale et à qui on a reproché de faire honte à la France en portant le voile.

Manuel Valls qui se présente comme un pompier est un dangereux pyromane !

 

Notre combat contre le racisme passe par une contre-offensive idéologique car le dangereux déplacement de la question sociale sur le terrain identitaire, c’est aussi la résultante des combats que le camp progressiste a renoncé à mener.

 

 

Alors que la société libérale aggrave les fragmentations et les divisions, le mouvement anti raciste est lui aussi divisé entre ceux qui parlent d’auto-organisation des racisés au même titre que les féministes ou les homosexuels pour lutter contre des formes spécifiques de racisme et les associations anti racistes universalistes qui reprochent aux premières de détacher leur combat antiraciste du combat général pour l’émancipation quand d’autres encore hiérarchisent lutte de classes et lutte contre les dominations au lieu de les articuler.

 

Dans le respect des uns et des autres, nous devons travailler à des convergences pour faire reculer toutes les formes de racisme et avancer dans la voie de l’émancipation de toutes et de tous.

 

 

L’anti racisme, partie intégrante du projet émancipateur du PCF

Nous avons bien sûr des propositions à intégrer à un contrat de législature comme :

  • la lutte contre toutes les formes de racismes et toutes les discriminations.

  • le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales,

  • la mise en place du récépissé contre les contrôles au faciès,

  • l’abrogation de la circulaire Chatel relative aux sorties scolaires

 

 

 

Alors que la France est dans le monde et le monde est dans la France, nous devons interroger et repenser notre universalisme aveugle aux différences, nous devons raisonner dans une démarche transculturelle sans avoir peur du débat sur le multiculturalisme qui paralyse toute évolution de la pensée progressiste.

Passer de la morale à l’anti racisme politique, c’est se placer sur le terrain de la bataille des idées.

 

 

C’est à partir de nos liens avec les classes populaires telles qu’elles sont que peuvent se redéfinir les bases du vivre ensemble. Cela passe par un discours clair mais surtout par des actes et des luttes communes, notamment avec les jeunes.

Construire une nouvelle conscience de classe en luttant contre les divisions et les préjugés pourrait faire l’objet d’une campagne permanente :

  • le pauvre et l’immigré ne sont ni des assistés ni des fraudeurs ;

  • les salaires et les charges ne nuisent pas à la compétitivité du travail,

  • les immigrés ne prennent pas le travail des français

  • les fonctionnaires ne sont pas des nantis

  • les musulmans ne sont pas des terroristes,

  • il n’y a pas des français  « issus de » et d’autres « de souche » mais une seule catégorie de français quelle que soit leur origine, leur religion, leur patronyme ou leur couleur de peau

Jean-Luc Mélenchon avait su travailler cette symbolique de réconciliation pendant la campagne des présidentielles, n’avons-nous pas entendu ces citoyens heureux de déclarer « C’est la première fois que je me sens considéré comme français ».

Après le meurtre de Kevin et Sofiane à Echirolles, rappelez-vous, à la télévision, cette femme, foulard sur la tête, à la fenêtre de son appartement, interpeller François Hollande : « Monsieur le président, nous voulons vivre en sécurité, je suis française. Monsieur le Président, je suis musulmane mais française. »

 

 

Recréer de l’unité de classe, oui, mais la classe n’est pas une chose abstraite sans couleur, sans sexe, sans âge, sans territoire, sans histoire, sans imaginaire.

 

Nous avons besoin de construire un discours qui parle à tous, nous ne voulons pas des privilèges pour quelques-uns mais la dignité et le rétablissement de l’égalité pour tous celles et tous ceux qui souffrent du racisme et des discriminations quelles qu’elles soient liées à l’origine, au genre, à l’orientation sexuelle, à la religion, au territoire de relégation…

 

En démocratie, les représentants du peuple proposent au peuple des représentations du monde, de la société, et du peuple lui-même. Ainsi, le peuple n’est pas une donnée brute : il se constitue en peuple dans le jeu politique. (Eric Fassin Regards 6 mai 2014)

 

Ceux qui sont désignés comme extérieurs à l’identité nationale doivent pouvoir se reconnaître dans la définition du peuple que nous voulons rassembler.

 

Travaillons la question des représentations que les classes populaires ont d’elles-mêmes, en repositionnant les minorités visibles en leur sein.

 

 

Nous ne développerons pas ici les propositions relevant de l’éducation et du travail de sensibilisation menés par les associations, les enseignants, pour prévenir ou faire reculer l'incompréhension, les préjugés, l'ignorance, la peur de l'autre, et pour développer des échanges mutuels au quotidien.

 

Le rôle du PCF est ailleurs !

 

La décolonisation des mentalités reste à faire !

 

Comme le dit Benjamin Stora, (Agora de l’Humanité janvier 2016) la décolonisation des imaginaires n’est pas une question achevée. C’est une question politique posée à ceux qui gouvernent mais aussi à notre parti.

Le travail de mémoire est important, nous sommes confrontés à la fragmentation des mémoires car nous n’avons pas réussi à construire un récit national unifié qui donne un sens commun et qui reconnaisse les souffrances mémorielles et nos histoires plurielles. Il est urgent que les enfants et leurs parents puissent s’approprier leur histoire, celles des autres, de leurs ascendants afin que cet héritage soit assumé par tous.

Bien heureusement, l’entreprise génocidaire étatique des nazis a durablement culpabilisé la conscience européenne.

Mais Hannah Arendt, connue pour ses travaux sur les totalitarismes, considérait que le système colonialiste, mélange de violence et de bureaucratie, avait été une ébauche du système concentrationnaire. Nous ne connaissons quasiment pas cette période de l’histoire.

La France doit reconnaître des crimes coloniaux, Sétif 8 mai 1945, Paris 17 octobre 1961, les crimes contre l’humanité pendant les guerres coloniales (tortures, décapitations, meurtres collectifs par enfumage, viols, utilisation du napalm et du gaz sarin…). Cette non reconnaissance permet de maintenir dans le subconscient national un relent colonial traduit par l'expression "issu de " qui n'englobe que l'immigration d'origine coloniale, mais pas les Valls et les Sarkozy.

L’histoire ultramarine, l’histoire coloniale et celle de l’esclavage, l’histoire séculaire des juifs, tout comme l’histoire d’un siècle d’immigration font partie intégrante de notre histoire.

La nation ce n’est pas seulement une réalité objective, c’est un imaginaire dans la façon de se représenter le peuple, un récit collectif. La France de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour relève d’un fantasme qu’il faut démystifier.

Notre imaginaire, ne se confond pas avec le récit mou, européiste, occidentalo-centré du PS. Malgré l’échec des pays socialistes, l’émancipation reste notre histoire et notre boussole. Nous avons nos héros célèbres ou anonymes (Saint Just, Manouchian, des porteurs de valises), nos valeurs, nos batailles (les liens PCA-PCF, la lutte contre l’apartheid sud-africain) qu’il est bon de faire partager.

La France, c’est un brassage d’identités locales, régionales, étrangères : c’est un pays d’immigration depuis plus d’un siècle mais qui ne s’assume pas comme tel. 1/3 des français ont un ascendant étranger si on remonte aux arrières grands-parents.

Ne manque-t-il pas à notre récit national mais aussi à notre récit communiste  quelques chapitres, comme celui de la colonisation et de l’immigration ?

La France est multi confessionnelle : catholique, protestante, juive, agnostique, athée. La France est aussi musulmane, c’est un fait de société incontestable. Certes l’acceptation de sa diversité religieuse s’est souvent faite dans la conflictualité mais soyons convaincus que nous avons des actes à produire pour que la France s’assume telle qu’elle est.

Tendons la main aux musulmans et aux autres minorités

 

Si on connait la main tendue aux chrétiens par Maurice Thorez en 1936, on connaît moins les prises de position officielles de dirigeants -Waldeck-Rochet, Roland Leroy ou Georges Marchais- visant à unir le combat des communistes et des chrétiens pour une vie meilleure pour tous les hommes.

Si l’histoire du PCF est généralement marquée par le respect des religions, la question de notre rapport aux citoyens de confession musulmane doit être posée et débattue car plusieurs courants de pensée traversent notre organisation.

Cohabitent le courant assimilationniste qui, en son temps, a fait démissionner Aimé Césaire du PCF, celui de l’athéisme ou de la philosophie marxiste « incompatible avec la foi » pouvant provoquer des comportements anti religieux mais le plus souvent le respect de ceux qui croient, celui des croyants qui se retrouvent dans la finalité humaniste du Parti.

 

 

Comme communistes, notre place n’est pas dans le débat interne, vif et passionnant, qui agite l’islam. Non qu’il ne nous intéresse pas, mais il convient de laisser aux musulmans le soin de définir quelle doit être leur religion. Aux assignations identitaires, bienveillantes ou malveillantes, nous opposons le principe de laïcité… qui garantit la possibilité pour chacun d’exercer librement son culte et la nécessaire critique des religions, quelles qu’elles soient Mickaël Bouali et Clément Garcia (La Revue du Projet n°47).

 

Que l’on soit athée, agnostique ou croyant, chaque citoyen doit pouvoir vivre librement ses convictions ou sa foi.

 

Quant aux débats actuels sur les interprétations du Coran, la terreur générée par l’inquisition catholique s’est faite au nom de la religion, ce sont aussi des motifs religieux qui ont motivé, pendant des siècles, les persécutions et l’errance des juifs (peuple déicide et peuple élu).

On sait moins que c’est la malédiction de Cham dans la Bible qui a permis de justifier l’esclavage, la colonisation ou encore l’apartheid en Afrique du Sud ? Pensons aux ravages qu’a pu produire cette infériorisation définie par le sacré ?

 

 

Le PCF a su tendre la main aux chrétiens non pas en dépit de, mais en raison d’idéaux partagés.

Ayons le même geste en direction des musulmans.

 

 

Dans le pays le moins religieux d’Europe, vit la plus grosse communauté musulmane pour qui la religion joue un rôle plus important que pour les chrétiens, que ce soit comme référence spirituelle, culturelle ou sociale, ainsi que comme trait identitaire. » (Patrick Simon TeO).

 

Nier cette réalité c’est ouvrir un boulevard aux religieux obscurantistes dont la propagande repose sur le rejet des musulmans et l’affrontement identitaire.

Aujourd’hui, des jeunes cherchent du sens et une reconnaissance dans l’affirmation de leur identité religieuse. Est-ce incompatible avec un engagement politique à gauche ?

Stéphane Lavignotte, auteur de « Les religions sont-elles réactionnaires ? » invite à « renouer à gauche avec une politique de la main tendue », sans gommer les appartenances religieuses…, à construire une gauche « plus large, plus inclusive des milieux populaires, des croyants, des personnes issues du monde associatif ».

Ismahane Chouder, musulmane et féministe, déclarait lors d’une interview réalisée par la Commission du PCF Laïcité et relations avec les croyants, en novembre 2013, dans le Journal La Rose et le Réséda : « Je souhaite que le PCF s’engage en tant que tel, et pas seulement par le biais d’individualités, dans ce front large contre l’islamophobie qui reste à constituer, au nom de nos principes communs et de nos valeurs partagées. »

Pierre Dharréville, titrait dans la Rose et le Réséda, novembre 2013 : « Engager le dialogue avec les croyants, c’est le moment ».

Pierre Laurent s’était adressé en avril 2012 « A ceux qui croient au ciel et à ceux qui n’y croient pas » mais la publicité de cette adresse est restée confidentielle.

Il en fut de même pour ses conclusions à la conférence nationale du PCF le 9 novembre 2014 lorsqu’il déclara :

« A nos amis, musulmans, tous les jours stigmatisés et suspectés, nous disons vous êtes nos frères et nos soeurs. Oui nous disons, vive la république de tous, avec tous, pour tous ! Jamais, le racisme ne franchira la porte de notre République. Antisémitisme et islamophobie sont les deux faces d'une même pièce empoisonnée qui n'a pas de droit de circulation dans la Nation que nous aimons, et pour laquelle tant des nôtres ont combattu, parfois jusqu'au péril de leur vie ».

Ces propos n’eurent aucune visibilité.

Laïcité : mettons un terme à son instrumentalisation !

C’est le mot républicain par excellence utilisé par le Front National pour opérer sa dédiabolisation apparente et légitimer, au nom de la République, le racisme culturel tout en affirmant son rejet de l’antisémitisme (même si les électeurs les plus antisémites restent ceux du FN Nonna Mayer)

 

Face à cette offensive idéologique, les partis de gauche ont été peu réactifs continuant à cultiver leurs divergences et leurs affrontements sur l’approche de la laïcité laissant le FN en dévoyer totalement le sens.

Majoritairement les électeurs de droite considèrent la laïcité comme un outil de combat pour protéger leur identité nationale contre l’islam.

 

La position du PCF sur la laïcité est de nature à créer de l’égalité et du commun mais elle est invisible dans le débat public. Quelles initiatives ?

 

La récente polémique suscitée par les attaques de Manuel Valls contre Jean Louis Bianco, président de l’Observatoire de la Laïcité, a relancé le débat sur la laïcité dans la presse et sur les réseaux sociaux avec des prises de position extrêmement intéressantes isolant le 1er ministre.

Le journal l’Humanité et le PCF ont presque ignoré cette polémique qui était l’occasion de mieux faire connaître la position du PCF et redonner du sens à la laïcité.

Ce sont dans les termes de l’excellent article d’Alain HAYOT « La laïcité est comme la République, indivisible ! » http://13.pcf.fr/81477 que le PCF aurait dû s’exprimer !

L’Humanité a donné la parole à Pierre Dharréville trop tardivement.

Ne laissons pas l’extrême droite préempter la laïcité qui doit rester la séparation des églises et de l’Etat et non la neutralisation de l’espace public, raisonnons identités plurielles et retravaillons l’imaginaire de la gauche dans une perspective de reconquête de l’hégémonie culturelle.

 

Les électeurs de gauche doivent retrouver le sens de ce qui garantit le vivre ensemble, les citoyens de confession musulmane ont besoin de savoir que la laïcité n’est pas une arme pointée contre eux, le PCF doit être à l’initiative.

 

 

LES DEFIS A RELEVER !

 

Les descendants de l’immigration post coloniale très présents dans les quartiers populaires, sont identifiés comme majoritairement des électeurs de gauche.

Après la révolte des banlieues en 2005, ils se sont massivement inscrits sur les listes électorales, ils ont voté massivement pour Ségolène Royal en 2007.

En 2012, les électeurs identifiés comme de confession musulmane ont voté au 1er tour à 57 % pour François Hollande et à 20 % pour Jean Luc Mélenchon, ils ont voté à 85 % pour Hollande au 2ème tour.

Leurs attentes sociales étaient fortes (emploi et salaires) avec des demandes pour rentrer dans la normalité (droit de vote des résidents étrangers, lutte contre le contrôle au faciès, lutte contre les discriminations, fin de la stigmatisation des musulmans et des quartiers populaires).

En avril 2014, l’ancienne députée socialiste, Christine Lazergues, présidente de la CNCDH, déclarait que la politique de l’évitement du Gouvernement sur tous les sujets liés à la lutte contre le racisme avait, aux élections municipales, découragé l’électorat de gauche des quartiers populaires de voter alors que le racisme culturel et l’intolérance religieuse étaient en constante augmentation depuis 4 ans.

L’enquête produite dans le livre « Karim vote à gauche et son voisin vote FN », confirme le rôle joué par les citoyens ayant un patronyme arabo musulman dans la victoire de Hollande en 2012 et dans la défaite de la gauche en 2014. Sociologie électorale de l’immigration  par Gilles Finchelstein Jérôme Fourquet

 

Les résultats des élections départementales et régionales ont confirmé l’abstention massive de ces électeurs.

Cet électorat stigmatisé, instrumentalisé, montré du doigt, trahi a démontré qu’il pouvait faire gagner ou perdre une élection et qu’il pouvait se mobiliser au 2ème tour face à la menace du FN.

Les électeurs du Front de Gauche, socialistes, écologistes qu’ils votent ou qu’ils se réfugient dans l’abstention peuvent se retrouver sur les questions sociales articulées à la lutte contre le racisme et les discriminations, ils refusent la stigmatisation des pauvres et des étrangers et sont plus favorables au droit de vote des résidents citoyens non européens aux élections locales.

Les bases d’un rassemblement pour transformer l’actuel pessimisme en force d’espérance existent à condition de ne pas subir l’extrême-droitisation du débat politique.

Si le PCF a, longtemps, su accueillir les enfants de l’immigration et a participé au processus de leur intégration dans la classe ouvrière au sein de l’entreprise, comment aujourd’hui, dans des quartiers confrontés au chômage de masse, réconcilier les populations discriminées avec l’action politique, comment travailler, à égalité, avec des mouvements « politisés » qui se structurent parfois en dehors des partis ?

Face à l’offensive des néo conservateurs et des néo-républicains porteurs d’une vision républicaine franco-centrée autoritaire et incantatoire portons une 6ème république sociale, solidaire, participative, humaniste et antiraciste.

Dans son  livre « Femmes, race et classe » Angela Davis  démonte et démontre les liens entre le pouvoir « blanc », l’exploitation de classe et la domination masculine.

Elle met en avant la nécessité, pour ceux et celles qui vivent ce cumul de discriminations,  d’articuler les luttes, de les mener de manière solidaire pour faire reculer toutes ces dominations. Angela dénonce tout ce qui empêche la convergence des luttes entre dominé-es. Elle nous dit que ces luttes sont politiques.

Ce qu'elle a dénoncé comme femme noire américaine, dans les années 60, reste d'actualité en France, les exemples crèvent les yeux.

Chaque fois que nous le pouvons, nous devons créer des passerelles, des convergences entre les luttes mettant en cause la domination capitaliste, les combats féministes et  anti racistes sans les hiérarchiser en dépassant les contradictions pour gagner le rassemblement de tous les opprimés.

C’est là une des responsabilités du PCF comme celle de dénoncer le piège de l’instrumentalisation et de la hiérarchisation des différentes formes de racismes, mais aussi celle d’affirmer que le combat anti raciste pour la dignité et l’égalité réelle est celui de l’émancipation !

Au Festival d’Avignon 2015, lors du débat « Quelle réponse culturelle à la crise de sens » entre Alain Hayot, Pierre Laurent et Edwy Plenel, ce dernier est revenu sur son livre « Pour les musulmans » titre en résonance avec « Pour les juifs » de Zola, qui vibre de cette aspiration à considérer l’autre tel qu’il est, sans chercher à l’assimiler.

 « Ce livre est comme un cri d’alarme » disait Edwy Plenel « nous vivons dans des sociétés inégalitaires, autoritaires dans lesquelles nous demandons à l’autre de nous ressembler ». Il évoquait le paternalisme colonial mais aussi la lettre d’Aimé Césaire à Maurice Thorez, en 1956, lui reprochant le « fraternalisme » du PCF et la suprématie du « grand frère ».

Ce qui amena Pierre Laurent à affirmer sa volonté de mener jusqu’au bout la réflexion sur les transformations du PCF afin que notre parti soit vraiment capable de « créer du commun ».

Relevons ce défi ! Celui de l’égalité et de l’unité du peuple !

Cette contribution doit se voir comme une invitation à débattre de questions insuffisamment discutées, à notre sens, dans notre parti afin que les communistes s’emparent de questions qui traversent la société et sur lesquelles nous avons besoin de confronter nos analyses, nos points de vue afin que le PCF se positionne politiquement dans le combat anti raciste pour faire reculer toutes les formes de racismes et les discriminations et gagner la bataille de l’égalité.

 

Fabienne HALOUI (84), Maryse TRIPIER (92),   

Naïma AIFAOUI (84), Elsa BARDEAUX (94), Florence BIHET (78),

Pierre BOUKHALFA (74), Kamila BOUHASSANE (84), Agnès CLUZEL (93),

Annick HERBIN (92), Mohamed ITRISSO (13), Brahim JLALJI (17),

André LANDRAIN (92), Latifa MADANI (06), Anna MEYROUNE (89),

Mehdi MOKRANI (94), Sonya NOUR (92), Henri POUILLOT (78),

Mylène VESENTINI (11), Laurence ZADERATZKY (62)

 

 

 

1

 Les pouvoirs publics sont responsables d'une racialisation de la société qu'ils prétendent pourtant combattre." Entretien de Caroline Trouillet avec Éric Fassin - Africultures

 

2 De Rudder Véronique « Racisme » entrée du Dictionnaire de l’immigration en France sous la direction de Smaïn Laacher, Larousse 2012 p357,366

 

3 BEAUD (Stéphane), PIALOUX (Michel). - Retour sur la condition ouvrière. - Paris : Fayard, 1999. -

 

4 Cf. l'analyse commune des associations sur le site du GISTI : http://www.gisti.org/spip.php?article4888

 

5 Verret Michel, L’espace ouvrier, l’Harmattan, Logiques sociales 1979

 

6 Amadieu JF. Le poids des apparences, Odile Jacob, 2005.

 

 

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