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Retour sur l'hypothèse d'une primaire à gauche (...et sur la stratégie erronée du Front de gauche) - Serge Goutmann

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RETOUR SUR L'HYPOTHESE D'UNE PRIMAIRE A GAUCHE"

(...et sur la stratégie erronée du Front de gauche)

 

 

Avertissement : La présente contribution ne porte volontairement que sur le volet "présidentiel" des questions qui se posent aux communistes dans le cadre de la préparation de leur prochain Congrès : Non pas que d'autres questions de fond ne se posent pas, mais la qualification de notre posture présente et future face à cette échéance politiquement et institutionnellement capitale en constitue comme le symptôme (ou le "précipité") qui mérite donc débat approfondi et clarté dans ses énoncés comme dans ses conclusions pratiques.

 

Dans la phase de préparation de notre congrès prévu en Juin 2016, essayons donc de nous poser honnêtement la question - en militants responsables que nous sommes, durement échaudés par les avanies de la période écoulée (...disons pour le moins depuis l'aventure avortée des "collectifs anti-libéraux" lors de la présidentielle de 2002, voire au-delà s'il le faut) : "Est-ce que, face au risque d'un nouveau 21 Avril - ou même plus simplement d'une Présidentielle 2017 réduite à un duel droite-droite au 2ème tour (quels qu'en soient les "nominés" : droite libérale, droite extrême ou droite social-libérale..?) -, il ne serait pas utile de réfléchir sérieusement et rapidement à une candidature de rassemblement de toute la gauche écologiste, communiste et socialiste ?"

 

Qu'on le veuille ou non, il n'est point besoin d'être grand-clerc pour imaginer le scénario-catastrophe dans lequel serait plongé notre pays si nous ne pouvions faire émerger une telle alternative au piège tendu à l'ensemble de l'électorat par les forces conservatrices en place dans le cadre de l'actuel jeu présidentiel !

 

Sans oublier bien sûr le fait que, quelque soit le cas de figure, l'effet "vote utile" joue à plein dans cette élection présidentielle - plus que dans tout autre -, portant le risque (en cas de candidature séparée, prétendument radicale ou alternative) d'une marginalisation durable de cette dernière (...souvenons-nous des 1,9% de Marie-George Buffet en 2002 !).

 

A quoi l'on peut ajouter que, de toutes façons, se poserait à l'issue du premier tour l'épineuse question de savoir pour qui appeler à voter au second tour, dans un climat d'incompréhension généralisée et de fortes dissensions sur le sujet au sein même du Front de Gauche (...voire du parti lui-même). Il n'est qu'à entendre encore aujourd'hui, pour le meilleur et pour le pire, les commentaires acerbes de nombre d'électeurs déçus sur l'utilité (ou l'inutilité) du vote Mélenchon en 2012 : "A quoi aurait donc servi ce joli vote d'espoir et de contestation au premier tour sinon à permettre l'élection au second d'un "social-traitre" ? (sic).

 

Bref, c'est le "serpent qui se mord la queue", sans jamais gagner en lisibilité ni en efficacité quelconque...

 

Sauf à jouer la politique de la "terre brûlée" et à repousser toute perspective de changement aux calendes grecques -... le temps par exemple que le mouvement "social et citoyen" se réveille, s'auto-réorganise et trace de nouvelles frontières pour de nouveaux espoirs avec de nouvelles générations de leaders et de nouvelles façons de faire de la politique, etc, etc...? (toutes perspectives qui s'imposent bien sûr comme des exigences, mais qui vont prendre du temps (1), alors que la crise sociale, humaine et démocratique que nous connaissons à l'échelle mondiale et européenne comme à l'échelle locale et nationale appelle des solutions d'urgence..!

 

Sauf donc à camper sur des positions attentistes et/ou utopistes, l'hypothèse factuelle d'une candidature de rassemblement à gauche pour la Présidentielle de 2017 nous semble relever de l'évidence...

 

Une évidence certes inimaginable dans le paysage politique actuel tant le bilan de l'exécutif PS et son acharnement à persister dans la voie de la soumission zélée aux injonctions du Medef, du grand capital et de la Commission Européenne (voire la prédisposition du trio Hollande-Valls-Macron à précéder de façon inspirée les voeux les plus chers des forces les plus conservatrices en matière de déconstruction du modèle social et/ou des valeurs de notre République...) semble irrémédiables. Aucun scénario n'est pourtant écrit d'avance...

 

Deux conditions s'imposent pour surmonter l'écart et déjouer collectivement le piège qui se tend :

 

1°) D'abord que les communistes, pour la part qui leur revient, cessent d'aliéner leur liberté et d'altérer leur visibilité en s'enfermant comme ils le font depuis trop longtemps dans les contradictions et les apories du "Front de Gauche" : Qu'en est-il sur le fond de l'efficacité d'une volonté de "rupture" inconditionnelle et radicale d'avec le PS (telle que la souhaite le PG de Mélenchon, partenaire certes incontournable, mais ô combien tyrannique..?), quid du chantage permanent à l'engagement d'une non-participation à quelque exécutif que ce soit, stratégie à la carte mâtinée parfois de quelques ambitions personnelles, mépris et sous-estimation du rôle des élus, etc, etc... Est-ce ainsi que l'on gagne en confiance et en lisibilité ?

 

Ce ne sont pas ces rodomontades perpétuelles qui sont et qui font le Parti Communiste Français qui, sans rien renier de sa politique de "main tendue" envers toutes les formations et tous les citoyens avec lesquels des actions communes et des engagements communs peuvent être développés, peut et doit retrouver une autonomie de pensée et d'action (...pour autant bien sûr qu'il en soit capable : c'est l'un des autres enjeux du Congrès que d'en éprouver la possibilité à partir de la volonté exprimée et partagée - ou non - par les communistes eux-mêmes).

 

Pour le dire plus simplement, le PCF - pour exister et pour agir efficacement - n'a pas besoin de se diluer dans un "mouvement" unitaire plus ou moins disparate, il a surtout besoin d'exister en tant que tel, avec ses modes de fonctionnement démocratique entre autres, pour se poser comme intellectuel collectif et comme force organisée capable d'influer sur le réel.

 

Soyons précis : Il ne s'agit pas ici de préconiser quelque rupture violente que ce soit, ni de prendre la responsabilité d'un éclatement du Front de Gauche (...qui de toutes façons arrivera à un moment ou à un autre ?!). Il s'agit plutôt de ne pas s'enfermer dans un "tête-à-tête" (2) avec des partenaires honorables et respectables lesquels subsistent, et c'est bien naturel, des désaccords stratégiques de fond.

 

Chacun se souvient à ce propos des jugements (auto)-critiques assez forts portés par les communistes eux-mêmes sur les méfaits du prétendu "tête-à-tête" avec le PS durant toute la période du Programme Commun, alors même que certains résultats et certaines avancées en ont été bien tangibles... Mais nous faudrait-il alors considérer aujourd'hui que le PS aurait historiquement connu une telle dérive droitière (...ce qui n'est malgré tout pas totalement faux dans les faits !) qu'aucun compromis ou qu'aucune alliance, lorsque les circonstances l'exigent, ne pourrait plus s'envisager ?

 

 

De là à théoriser de nouvelles frontières au sein même du "peuple de gauche" (...comme on l'entend dire çà et là, depuis le début des débats au sein même de notre parti, déjà à partir des années deux-mille, sur le "pôle de radicalité"...), une césure entre courants politiques divergents pouvant mener - pourquoi pas...- à un retour aux fameuses vingt-et-une conditions du "Congrès de Tours" ?

 

Ne serait-ce pas là oublier que depuis 1920 au moins (...voire depuis les Girondins ?), il est dans la nature même du PS que de fluctuer au gré des rapports de forces politiques et idéologiques dans le pays et à l'échelle mondiale : Les choix répétés de la direction du PS dans la dernière période - plus ou moins validés jusqu'alors par sa base militante - en faveur d'orientations délibérément "ordo-libérales" constitueraient-ils une véritable rupture avec la nature "social-démocrate" de ce parti, pourtant bien rompu à une tradition de collaboration de classes de ses élites (...que l'on pense aux diverses prises de position des Guy Mollet, Mitterrand et autres Jules Moch au moment de la guerre d'Algérie et d'Indochine, ou face aux grandes grèves des mineurs, ou encore face à la construction européenne et aux résultats du référendum sur le TCE, etc, etc) ? En fait, et malgré la dureté des coups portés aujourd'hui par le gouvernement Hollande-Valls, rien de véritablement neuf sous le soleil qui mérite que nous renoncions - à nos propres dépens - à notre historique combat sans naïveté pour l'union des forces populaires dans leur diversité et même leurs contradictions.

 

2°) La seconde condition posée pour l'émergence d'une éventuelle candidature de rassemblement de toute la gauche porte précisément sur le rôle et la responsabilité du PS et de ses militants dans la période actuelle :

 

Les tiraillements internes (entre base et sommet, et entre courants...) sur l'opportunité ou non d'une "primaire" en vue du choix du candidat pour les prochaines présidentielles, gravement plombées par ailleurs par le bilan de l'exécutif néolibéral en place à la tête de l'Etat et le reniement de toutes les promesses faites en 2012, dénotent de façon explicite le malaise qui traverse l'appareil PS et son électorat, après les graves défaites électorales enregistrées aux municipales-départementales-régionales et face au risque d'un simple duel droite-FN au 2ème tour de la Présidentielle...

 

Pas étonnant dans ce contexte que des voix de plus en plus nombreuses se fassent entendre pour que l'appareil PS organise, conformément à ses statuts, une "primaire" ouverte au plus grand nombre en vue de la désignation de son candidat à l'élection présidentielle - tant la candidature éventuelle du sortant n'apparait à personne, dans les rangs même du PS, comme "naturelle" (ni virtuelle, ni potentielle...).

L'enjeu de cette "primaire" se pose clairement : Soit les militants consultés se prononcent en faveur d'une candidature ordo-libérale (qu'il s'agisse de François Hollande, ou de tout autre membre de l'exécutif actuel), soit émerge et triomphe une candidature plus nettement porteuse des valeurs de gauche - de justice sociale, de solidarité et de démocratie - vers lesquelles leur engagement "socialiste" est censé les porter.., en tout état de cause un candidat - ou une candidate - (3) susceptible d'engager un dialogue positif et constructif avec les autres forces de gauche, et de rallier un espoir de rassemblement unitaire face à la droite et l'extrême-droite (...toutes dispositions clairement impossibles et mises de côté par l'actuelle équipe Hollande).

 

Car précisons qu'il nous faut bien parler ici d'une primaire "socialiste" (même s'il advient qu'elle soit ouverte à d'autres) - et non d'une primaire "de toute la gauche", comme certains l'appellent de leur voeux, portant l'intention légitime et louable de vouloir ré-ouvrir le débat à gauche. Mais l'on perçoit aussi le piège dans lequel une partie de la gauche pourrait se voir enfermée si elle acceptait par avance de se voir liée par une décision majoritaire du seul PS.

 

Pour l'heure, il s'agit donc simplement - et c'est déterminant, à partir de quoi les militants et sympathisants communistes auraient néanmoins tout intérêt à y participer le cas échéant, ne serait-ce que pour peser sur le cours des choses si on leur en donne la faculté - de savoir si les militants PS et celles et ceux qui participeraient à cette primaire se prononceraient en faveur d'une candidature de division ou d'une candidature d'union.

 

Certes on pourra opposer à la probabilité toute relative d'un vote "courageux" de la part des adhérents du PS, le fait que lors du dernier Congrès socialiste, il ne s'est pas trouvé de majorité pour remettre en cause l'exécutif et sa politique austéritaire. Mais nonobstant le résultat non négligeable obtenu par la motion alternative à celle de la direction (environ 30% si ma mémoire est bonne), combien de militants sincères, de sympathisants et d'électeurs du PS qui souffrent aujourd'hui de voir leurs valeurs piétinées et les promesses foulées au pied ?

 

Faut-il en la circonstance leur opposer mépris (en les assimilant sans distinction à leurs funestes dirigeants) et les laisser se méprendre au filet d'un sinistre chantage au FN, ou faut-il les éclairer et les accompagner dans leur recherche d'une solution positive, en ouvrant par exemple l'espoir d'une victoire de la gauche unie ?

 

Ces deux conditions (1 - Retour du PCF à une plus grande autonomie de décision sur sa ligne d'union (...si tel s'avère être le choix majoritaire des communistes, bien sûr), 2 - Organisation d'une primaire PS majoritairement favorable à une candidature ouverte à l'union ) sont-elles hors de portée ? Je ne le pense pas :

 

Plusieurs signes et nombre d'échanges témoignent d'une véritable inquiétude, dans tous les milieux, vis-à-vis de la façon dont l'échéance présidentielle se prépare (ou ne se prépare pas favorablement), et de la volonté de reprendre main sur le débat, voire d'y apporter sa pierre.

 

Dans ce cadre, les récentes prises de position publiques du PCF ne souffrent pas, de mon point de vue, de critique dirimante; elles ont même tendance à manifester une plus grande ouverture et une plus grande disponibilité que par le passé sur l'examen des différentes possibilités qui s'offrent pour tenter de conjurer la menace d'une victoire durable de la droite la plus conservatrice.

 

Mais dire que nous sommes "disponibles", comme l'a fait notre secrétaire national lors de son allocution pour les voeux 2016, suffit-il ? J'aurais personnellement tendance (et c'est donc le sens premier de ma modeste contribution, qui aurait pu traiter d'autres aspects stratégiques sur le plus long terme - comme notre vision de l'Etat, notre acceptation de la République, le rôle indispensable des partis (et de la forme-parti) dans le fonctionnement démocratique, etc, etc...) - à penser qu'il ne suffit pas de se dire "disponibles", mais que notre Parti se grandirait à porter le plus massivement possible - quelle que soit par ailleurs la position du PG de Mélenchon...- une grande initiative publique en faveur de l'hypothèse d'une candidature de rassemblement à gauche.

 

Serge GOUTMANN

Section de Chelles - Fédération de Seine-et-Marne

 

1 Voir par exemple l'article de Clémentine Autain dans l'Humanité du 8 Février 2016 sur la nécessité de "s'adapter aux réalités contemporaines" - de "prendre conscience de la fin d'un monde" (et du "modèle social issu de la Seconde Guerre Mondiale") pour engager un "processus de refondation" - dont la présidentielle 2017 constituerait une "étape" - en vue de l'émergence d'une "nouvelle gauche" ?!

 

2 A l'exclusion de fait d'une autre partie de la "gauche" et/ou de l'électorat et/ou du mouvement citoyen...

 

3 Voir à ce sujet l'article de Serge Goutmann publié dans l'Humanité du 23 Décembre 2015 posant l'hypothèse hypothétique d'une éventuelle candidature unique autour de la personne d'Anne Hidalgo, maire de Paris, connue pour ses engagements (et apparemment peu impliquée dans les luttes d'appareil au sein du PS...).

 

 

 

 

PS : Au lendemain même de la rédaction de cette note, nous apprenions la candidature auto-proclamée de Jean-Luc Mélenchon..: Faute d'élégance caractérisée, tant sur le fond que sur la façon de faire vis-à-vis des autres composantes du "Front de Gauche" ! Mais aussi grave provocation politique à laquelle le PCF ne saurait selon moi se soumettre...

 

Prenons néanmoins les choses au positif : Ce geste inconsidéré de la part de celui qui a pourtant porté les espoirs de la gauche alternative en 2012 aura peut-être le mérite de clarifier la nature du choix que doivent faire maintenant les communistes :

- Soit reprendre le chemin de la construction patiente d'un rassemblement populaire pour une politique de gauche, malgré les heurts et les difficultés

- Soit accepter l'oukase et se ranger derrière Mélenchon, au risque d'une transformation du "Front de Gauche" en ersatz de l'ex-NPA (dont la disparition des écrans constitue à-peu-près la seule avancée à mettre au crédit du Front de Gauche depuis sa création...).

- Troisième option : Présenter un candidat en propre, comme nous l'avons fait avec MG.Buffet en 2002 (...on se souvient du résultat et des conséquences !).

 

 

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