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Débat n°5 : quelles pratiques militantes pour améliorer notre action ?

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Débattre en communistes - Claude Simon - 28

« Tout changer pour que rien ne change » : à en croire un personnage du Guépard, de Lampedusa, les classes dominantes de la Sicile à la fin du XIXe siècle eurent une remarquable capacité d'adaptation, presque anticipée, aux effets à long terme des développements et mutations des forces productives de la révolution industrielle naissante. Ce « théorème de Tancrède », comme l’appelait notre camarade Pierre
Laroche, semble guider encore aujourd'hui la grande bourgeoisie néolibérale, qui n'en finit pas de prêcher le changement (voire la révolution!) comme seul mode d'adaptation au monde engendré par la révolution informationnelle : tout serait destiné à changer, sauf sa domination. Le changement par la précarité, la compétitivité et la flexibilité serait ainsi le sort des classes dominées, fatal si elles refusent la règle du jeu, « choisi » si cela peut, un temps, les tenter, les amuser, ou les tromper.

Pour sortir de la nasse de ce capitalisme en crise pas forcément finale, les dominés, qui constatent que pour eux rien ne change, sinon en pire (et jusqu'où ce pire?), ne peuvent certes reprendre tel quel le théorème qui les prend en tenaille ; mais ils doivent se demander si, pour que tout finisse par changer pour eux, il vaut mieux que tout change (d'un coup ? Comment ? Dans quel sens ?...) ou s'il faut que quelque chose (au moins ?) commence à changer pour que tout finisse (vraiment) par changer dans les rapports de
production. Autrement dit : quelle stratégie révolutionnaire aujourd'hui ?
Et, indissociablement (car rien de totalement spontané n'irait au bout) mais secondairement (car rien de totalement programmé ne se produit totalement) quels outils imaginer, construire et faire à sa main (un ou plusieurs ? expérimentés/usagés ou radicalement neufs/naïfs ? rigide ou souple ? froidement monolithique ou benoîtement pluraliste ?...) pour se préparer à cette révolution, toujours « inattendue » (F. Lazare) ?

La métaphore du parti-outil est peut-être elle-même déjà obsolète devant les nouvelles formes de mobilisations en réseaux, comme la machine outil devant les robots ? On s'en contentera pourtant ci-dessous, pour le moment.

Si comme parti le PCF a fait ses preuves (quoique déclinantes), comme communiste il doit continuer à les faire, et sans doute pour longtemps encore, et de plus en plus : l'hypothèse communiste lui demeure en effet consubstantielle, et il disparaîtrait corps (militants ?) et âme (idéologie?) si l'étincelle venait à s'éteindre – à supposer que cela soit possible, tant l'exigence de communs conscients et concrets est criante, urgente et peut devenir exaltante. Soit dit en passant, un parti qui limiterait son apport théorique à une juste analyse du capitalisme, de sa crise, voire de son issue, sans donner à entrevoir l'appel d'être vers le monde du commun (écologique, économique, social, culturel) et à poser les repères et jalons du communisme concret mériterait-il encore, par sa seule tradition, son qualitatif de communiste ? Or pour notre époque, notre parti a sans doute de bons repères sur l'analyse des forces productives (mais est-il seul à les avoir ? et
l'ensemble du parti est-il en possession de ces « avancées » ?), mais il a bien du mal à suivre, afin de les endiguer, les reculs vécus dans les rapports de production : la lutte des classes aujourd'hui est d'une complexité parfois désarmante, et comme le suggérait Warren Buffet, la bourgeoisie (mais à quelle échelle?) semble terriblement mieux armée pour la mener.

Le principal levier politique de notre parti, et d'ailleurs son principal apport à la vie politique et sociale en France est encore la puissance de l'organisation démocratique de ses débats. C'est cela qui, pour s'en tenir aux dernières années, a permis, après des échecs électoraux cuisants, les deux formidables sursauts que furent la campagne contre le TCE en 2003-2005 et l'invention du Front de gauche en 2008-2009. C'est aujourd'hui d'un sursaut de cette ampleur que notre peuple a besoin- et notre parti donc ! Mais il ne
s'agirait pas non plus de s'habituer à un tel scénario d'échec « nécessaire » pour continuer à inventer, dos au mur, du neuf : après chacun de ces succès « miraculeux » nous avons été incapables de formuler des analyses mesurées de la situation, d'où la rechute en 2007, puis dès les législatives de 2012. Quand la démocratie va dans le parti, tout va mieux non seulement dans le parti, mais autour de lui et bien au-delà (comme on l'a vu dans la campagne de 2005, dans celle de 2012) : la capacité d'intervention et de conviction de chaque communiste, la dynamique confiante de l'action collective, la pertinence des diverses formes de la représentation (élus, presse, propagande, direction) de notre politique sont décuplées. Quand, comme aujourd'hui, elle retombe, tout devient plus difficile. J'entends bien qu'on objectera que « c'est dialectique », et qu'il est plus facile de faire marcher la démocratie interne quand tout va mieux au dehors, mais d'une part il est aussi plus tentant alors de se laisser vivre sur de fragiles lauriers, et d'autre part le premier effort que nous ayons à faire (pas le plus simple mais le plus efficace) est sur nous- mêmes, ne serait-ce que parce qu'il dépend principalement de nous.

Vu d'où je suis (une petite fédération d'un département proche de l'Ile de France archi dominé par la droite et son extrême) il me semble que notre parti dans son ensemble est traumatisé par les récentes élections régionales, comme s'il n'avait pas vu le coup venir.
En revanche, nous avons vu, très nettement dans notre région et dans notre département, mais aussi, à des degrés divers, dans tout le pays, l'élan du Front de gauche s'évanouir, sinon s'auto-détruire depuis des mois voire des années, presque sans réagir – du moins sans réagir à la hauteur de l'enjeu politique. Et notre parti-outil s'en trouve fortement émoussé. Il n'y aura pas de sursaut cette fois-ci, si nous ne faisons pas, à tous les niveaux, et dans le débat démocratique, l'analyse critique de ce qui s'est passé : quelles forces, à
l'extérieur certes, mais aussi à l'intérieur du parti ont conduit à briser la dynamique de 2005 -2012 ? Je n'ai pas d'hypothèse définitive sur la question, mais je sais que, dans notre département, nombre de nos partenaires bien intentionnés m'ont souvent fait part, dans le cadre de débats intenses avec eux, de l'effet « d'appareil » qui produit chez les militants communistes une attitude de bloc, voire de blocage, et donne de notre fonctionnement une image de démocratie caricaturée. Je n'ai pas de position globale à défendre, mais je crois que le moindre sursaut dont nous devons être capables lors de ce congrès doit concerner une avancée de nos pratiques démocratiques à tous égards : dans nos niveaux d'organisation et de direction, et dans notre lien intime avec notre peuple, voire avec « la gauche », pour autant qu'elle reste attachée au service prioritaire des classes populaires. Même si nous avons bien d'autres chats à fouetter d'urgence, l'ordre du jour de ce congrès tient heureusement compte de cette exigence sine qua non.

Ainsi, l’affaiblissement de nos moyens d'action, d'information et de propagande vers l'extérieur nous dédouane-t-il de l'exigence de rendre chaque communiste pleinement porteur critique de la politique du parti ? De toutes parts monte une demande de formation des militants : mais celle-ci peut-elle être déconnectée de l'exigence démocratique ? Pour ne prendre qu'un exemple à multiples entrées, que savent aujourd'hui les communistes des débats qui déterminent la position du parti, aussi juste puisse-t-elle être, sur les questions européennes essentielles (et clivantes au sein du FdG) : l'euro, la Grèce, Etat/Nation/UE super-état ? Comment rendre les militants plus largement co-décideurs de choix complexes, aujourd'hui dans le parti presque comme ailleurs réservés sinon à des experts du moins à des cercles restreints? On a rarement l'impression que dans notre parti les questions économiques, du moins les plus chaudes,
font l'objet de débats avant de déboucher sur des positions pouvant être régulièrement remises en cause, comme si le débat ne faisait rage qu'en dehors de nos rangs.

De toutes parts aussi monte une insatisfaction concernant l'efficacité concrète de nos réunions en matière d'initiative individuelle et collective. Il s'agit bien là de conjurer le risque de l'entre soi : entre communistes on est bien, mais quand on se retrouve « dehors », faute de réelle prise sur la vie et la politique nationale du parti, on se sent un peu décontenancé, alors même qu'on croit comprendre que des gens nous attendent,
attendent de nous quelque chose, que nous avons du mal à leur donner. C'est bien, à tous les niveaux, la question des directions (orientations, équipes animatrices) dont notre parti se dote qui est posée. Et je regrette, en vieux maniaque, que les débats du CN, naguère encore retranscrits dans l'Humanité puis dans Communistes, ne donnent plus lieu à des comptes rendus complets- quelque fastidieuse que soit cette tâche. Comment les militants peuvent-ils encore se tenir au plus près de leurs directions pour les solliciter, les critiquer, les encourager ? Nous avons besoin de savoir ce qui se discute, et comment : les militants
ne doivent pas devenir de simples cibles pour la communication interne !

Pour être encore plus dans l'actualité de ce congrès, je crois, sur la base de maintes années
d'activité militante, que le calendrier de préparation et les modalités statutaires de ce congrès handicapent la démocratie de nos débats : deux mois pour choisir un base commune de discussion entre plusieurs textes de natures très différentes (l'un se voulant déjà une synthèse, les autres des options critiques plus fermées mais en apparence plus activistes), et un seul mois pour travailler la base commune retenue pour le débat général et l'amender, c'est-à-dire approfondir les questions clés ! Ma proposition personnelle, qui rejoint explicitement mon vote d'alors, ce serait de faire le bilan critique de ces statuts qui ouvrent sans le dire la voie à un fonctionnement en tendances, et d'en finir avec ce scrutin censé départager des textes. La démocratie dans le parti n'y a rien gagné ; elle risque d'y perdre désormais. Il faut trouver d'autres outils pour déployer et approfondir le débat entre nous, sans conclave ni forum public permanent.
 

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