Les congrès du PCF

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Contribution à la discussion sur « La France en Commun » - Jean-Pierre Israël - 75

    Avertissement
1) Faire un texte qui soit à la hauteur des enjeux et qui impacte l'avenir est certes nécessaire, mais ce n'est pas suffisant, il faut réfléchir aux transformations du Parti pour que les adhérents se saisissent du congrès et se l'approprient (fonctionnement, formations, . .) Je n'aborderai pas ces problèmes aujourd'hui.
2) Je n'aborderai pas non plus tous les thèmes figurant dans le texte et qui seront abordés par la suite, je préfère me limiter à une critique de fond ; pour moi ce texte est un catalogue de bonnes intentions et de vœux dont le contenu n'est pas suffisamment explicité, c'est assez confus et cela manque de structuration. Je m'efforcerai donc de montrer la cohérence d'un point de vue qui se veut communiste, révolutionnaire. On ne peut qu'être entièrement d'accord avec l'ensemble des propositions de ce texte, mais il ne va pas assez loin car il ne montre pas comment utiliser les contradictions du capitalisme pour le dépasser.
3) Organisé comme cela, on ne saisit pas la transversalité et l'interdépendance des problèmes, faute d'une analyse historique, on n'explique pas les possibles à partir du réel et les perspectives d'avenir restent sans base (pas besoin d'en dire plusieurs tonnes ! Les analyses de Marx concernant le capitalisme sont plus que jamais d'actualité avec la nécessité d'un rapport critique à Marx et à tous les penseurs de la transformation sociale. Mise en lumière de la contradiction qui s'amplifie entre les rapports de production et le développement des forces productives ;)
       

    1) Le comité national du PCF a sorti un texte  qui se veut un point de départ du débat sur le projet. On ne peut qu'être d'accord avec tout ce qui est proposé, mais il faut aller au-delà des bonnes intentions, ce qui manque ce sont les fins dernières ! Il n'y manque que la bénédiction papale ! Je m'explique, on lit page 9-10 :  « Le capitalisme en crise n'est pas la fin de l'Histoire tant le monde qu'il nous fait est intenable . . . Le changement est inéluctable. Et à la question : « Est-il vraiment possible de l'orienter vers une voie de progrès, d'émancipation et de justice ? », notre réponse est ferme : c'est oui ! »
    Le reste du document explique comment il est possible d'aller vers cette société d'émancipation. Mais je n'ai pas adhéré au PCF pour « orienter » le capitalisme vers une voie de progrès mais pour dépasser le capitalisme et aller vers une société sans classe : le communisme. Le texte accomplit le tour de force de ne citer qu'une seule le terme communisme (page 14, « communisme de nouvelle génération). La question que devrait , selon moi, poser ce document est la suivante : Comment enclencher une dynamique pour que le processus sortie du capitalisme- entrée dans le communisme connaisse une accélération sensible ? Est-ce que c'est possible ? Notre réponse est ferme c'est oui !
    Qu'il soit nécessaire d'orienter le système pour enclencher le processus, d'accord mais à condition de ne pas oublier ce qui fait notre identité : l'idéal communiste.

    Bien sûr, cela exige de définir ce « communisme de nouvelle génération ». Par ailleurs si le capitalisme n'est pas la fin de l'histoire ce n'est pas parce que le monde qu'il fait est intenable ! Et le changement n'est pas inéluctable ! Dans sa conférence, à l'agora de l'Humanité, Michèle Riot-Sarcey disait que pour être libre et pouvoir agir, il faut d'abord connaître et comprendre ! Il faut éclairer deux points : 1) le moteur de l'histoire est la lutte des classes (depuis le néolithique la lutte des classes provoque l'évolution ou la non évolution des sociétés ; et les révolutions du vingtième siècle, issues de guerres de libération nationale, dans des pays sous-développés, avec comme base une immense paysannerie, n'ont pas réussi à dépasser le capitalisme) ; 2) le communisme n'est pas fatal (on peut en prendre le chemin, car les présupposés que fabrique le capitalisme en font une voie possible, mais rien ne garantit que les luttes politiques nécessaires existeront et réussiront).

    
2) Essayons de proposer un chemin :
- non pas la prise du pouvoir politique, la dictature du prolétariat, la collectivisation des grands moyens de production et d'échange ; un socialisme étatisé (qui n'empêche pas le retour du capitalisme).
- mais le développement d'un long processus de luttes transformatrices dans tous les secteurs et à tous les niveaux : politique, culturel, économique, social, écologique – local, régional, national, européen, mondial.
    Ces luttes transformatrices auraient pour objectifs de changer les rapports des êtres humains entre eux et les rapports des êtres humains à la nature, de telle sorte de non seulement, satisfaire les besoins fondamentaux mais de permettre le développement intégral de tous les individus.
    Dans ses vœux, Pierre Laurent lance un premier appel : « C'est le moment d'ouvrir ces espaces, de rencontres, de recherches, de constructions, d'innovation, de luttes et d'actions, ces lieux de valeurs aussi. Partout, faites émerger des fabriques citoyennes, des coopératives populaires d'idées et d'actions. C'est ce mouvement populaire qui peut changer la donne. » Et page 12, « Aucun effort . . . . Nous invitons à réinventer la gauche, élargir le Front de gauche et travailler aux multiples rassemblements pour redonner espoir et faire rêver à nouveau autour d'un projet d'émancipation »
. . .  qui organise le partage des avoirs, des savoirs et des pouvoirs.

    3) « le communisme est à la fois le processus et le résultat du dépassement de toutes les grandes aliénations historiques à travers lesquelles s'est contradictoirement développé jusqu'ici le genre humain »
(exploitation permet de penser le socialisme ; aliénation -terme qui englobe sans la dissoudre l'exploitation économique, mais comme l'une de ses dimensions majeures parmi d'autres non moins essentielles : morcellement biographique, chosification sociale, sujétion politique, illusion idéologique ...constitue la catégorie par excellence du communisme) ;

Engageons le dépassement du capitalisme : « à la fois suppression, conservation et élévation, autrement dit passage en une forme supérieure », la désaliénation du travail, du pouvoir de l'argent, le dépérissement de l'état de classe (à ce sujet, la répression anti-syndicale montre le caractère  de classe de la justice). Le dépassement des rapports marchands, la désaliénation générale des consciences, sont nécessaires pour aller vers l'objectif essentiel du communisme : le développement intégral de tous les individus.
« Nous vivons la plus historique des crises de sens, signe manifeste que d'une façon ou d'une autre notre préhistoire sociale ne pourra plus durer plus longtemps : communisme naissant ou déshumanisation finale ? »
    Entreprendre la désaliénation culturelle est un levier essentiel pour une transformation de la société vers le projet communiste. Comment prendre appui sur cette contradiction nouvelle du capitalisme : d'un côté, il a besoin d'un salariat mieux formé et plus créatif, mais de l'autre, il refuse d'en assumer le coût et de donner aux travailleurs les pouvoirs nouveaux correspondants. La réponse libérale à cette contradiction consiste à transformer profondément les systèmes de création et de diffusion des connaissances et les politiques culturelles pour reconfigurer le salariat et la société de demain, sur la base de trois grands principes : une discrimination accrue (école du tri social, opposition entre une culture marchande et une culture élitiste…) ; l'individualisation de l'accès à la culture, pour isoler les travailleurs, casser la possibilité de qualifications et donc de revendications collectives mais aussi isoler le citoyen, casser la culture commune ; la fragmentation des savoirs pour en limiter la maîtrise par les acteurs.
    La place nouvelle des savoirs et de la création donne une actualité nouvelle aux logiques de partage et de mise en commun qui sont au cœur de notre projet. La création, la culture, ne sont pas des marchandises aliénables. Elles s'enrichissent au contraire d'être partagées. Notre ambition est celle d'une culture émancipatrice, permettant à chacun de prendre pouvoir sur le monde pour le transformer. Il s'agit donc de mettre la place nouvelle des savoirs et de la création au service de l'émancipation par une élévation continue du niveau de formation, de qualification et de créativité.

    4) Prenons un exemple illustrant la nécessité de prolonger les luttes syndicales par des luttes politiques (ou de mettre en place ces dernières): actuellement, les paysans luttent pour obtenir des prix leur permettant de survivre. Nous devrions essayer de politiser cette lutte sociale : en montrant que le seul avenir des petits paysans et éleveurs dans le système capitaliste est leur disparition, en proposant des circuits courts gérés par des coopératives assurant le transport et la distribution, en expliquant les solutions de l'agroécologie, de l'agroforesterie, (récupération des eaux de pluie, plantations d'arbres, d'arbustes, de haies, arrêt de la destruction des sols par les labours, utilisation du couvert végétal, association de cultures complémentaires, arrêt des pesticides, des engrais chimiques … Il faut 5 ans pour que le passage à l'agroécologie, permette une meilleure rentabilité, avec des produits de meilleure qualité, . . . c'est à l'état, aux collectivités territoriales d'impliquer les banques dans l'aide à l'agriculture paysanne). Du local au mondial : fixation de prix minimums, stocks alimentaires, stop au TAFTA, aux agro-carburants, les semences doivent échapper aux multinationales de l'agrobusiness. Le scandale, dans un pays comme la France qu'il y ait besoin de restos du cœur, qu'on importe des pommes, des pommes de terre….
Il faut un nouveau mode de production et de consommation, sortir l'agriculture et l'élevage du marché capitaliste, nous n'avancerons dans cette voie que si nous en faisons des revendications prises en compte par les citoyens.

    5) Pour une société d'émancipation, page 14. Cela ne va pas assez loin !
D'abord, mettre la lutte contre le patriarcat en tête (point 3). Ensuite ajouter :
     Cela passe tout d'abord par la satisfaction des besoins de mise en sécurité de chacun : assurer la paix, éradiquer la violence entre les êtres humains, bien sûr, mais aussi assurer le développement social (garantir les droits à la santé, à l'habitat, à la nourriture, à l'énergie, à l'eau, à l'air, au travail, à un cadre de vie de qualité . . . ). Il s'agit ensuite de satisfaire la nécessité pour les êtres humains, de maîtriser leur vie dans le cadre d'une temporalité respectée de la nature et cela comprend le temps des apprentissages et du développement personnel. Enfin, chacun doit pouvoir disposer des capacités concrètes à décider en ayant accès à la formation, la connaissance, la culture scientifique et artistique.
    
    « Au lieu d'escompter une conquête électorale du pouvoir, dont tout le monde pressent qu'elle ne changerait rien d'essentiel même si elle s'avérait possible, s'investir sans attendre et sur tous les terrains dans L'APPROPRIATION ASSOCIATIVE DES PUISSANCES SOCIALES ALIÉNÉES : favoriser chez tous et chacun, chacune le développement culturel et pratique des compétences requises pour prendre en main leurs affaires en tous domaines, engager en chaque champ d'activité la construction d'une hégémonie d'idées et de façons de faire transformatrices, aider inventivement les gens à changer leur vie sans délai, remporter sur cette base des succès électoraux non pour s'installer au pouvoir mais pour engager des dépérissements au service d'une croissante prise en main citoyenne, commençant ainsi à rendre tangible la possibilité d'un vrai processus de dépassement du vieil ordre de classe. »

    [6) Pour faire de la liberté, de l'égalité, et de la solidarité des axes centraux, page 15-16.       Faire entrer l'égalité entre les femmes et les hommes dans le 21ème siècle, page 23.]

    7) L'emploi pour toutes et tous doit devenir une cause nationale, page 17.
    Vers un nouveau mode de développement social et écologique, page 18.
    Ajouter : « Il n'y a pas question plus importante à poser aujourd'hui que celle des buts de nos activités humaines : quelle humanité voulons-nous être, quel vivre-ensemble social voulons-nous édifier, vers quels horizons historiques voulons-nous nous diriger ? La nouvelle phase civilisationnelle qui s'ébauche ainsi sous nos yeux pose donc l'alternative suivante : ou bien l'émancipation humaine, dans le respect des biens communs de l'humanité (le climat, l'air, l'eau, la biodiversité, les sols, l'énergie, la connaissance, les médicaments, la culture…) et dans la vigilance soutenue exercée à l'égard de l'évolution des équilibres naturels, devient le but absolu de toutes les productions que nous engageons, et un monde où il fait bon vivre peut émerger ; ou bien c'est le productivisme qui l'emporte et nos sociétés se dirigent vers leur déshumanisation progressive, la déstabilisation de plus en plus importante des équilibres naturels, la marchandisation de l'être humain et de tout ce qui l'entoure, c'est à dire l'aliénation la plus totale. » « Appelons les citoyens ici et maintenant à engager toutes les initiatives conduisant à se ressaisir de leurs biens communs.

    8) pages 20 à 23
    Mettre fin à la dictature des marchés financiers.
    Ajouter : désaliénation par rapport à l'argent : La seule possibilité est que les citoyens s'impliquent dans les luttes pour partir à la CONQUÊTE DE NOUVEAUX POUVOIRS AU NIVEAU LOCAL (nouveaux pouvoirs des salariés dans l'entreprise), RÉGIONAL (fonds régionaux pour l'emploi, la formation, la recherche), NATIONAL (création d'un pôle financier public), EUROPÉEN (nouveau rôle de la BCE) ET MONDIAL (lutte contre les paradis fiscaux, la spéculation, le TAFTA . . . ). Ce serait une première dans l'histoire : la conquête par les citoyens d'un pouvoir direct sur l'utilisation de l'argent, monopolisé depuis des siècles par les détenteurs du capital.
    C'est une nécessité d'avoir pour objectif la désaliénation du du travail, pour qu'une part toujours plus importante de celui-ci devienne réalisation de soi, et que son objectif soit la création de valeurs d'usage plutôt que de valeurs marchandes.
    Quelques objectifs, qu'il faut rappeler page 20 : zéro chômage et pour cela :système de sécurité-emploi-formation, nouveau statut de l'entreprise, nouveaux droits des travailleurs permettant le blocage des plans de licenciement, des délocalisations, l'intervention dans la gestion, dans l'organisation et les conditions du travail ; développement des scoop et des scic ; appropriation sociale et non pas étatisation des services publics, création de services publics européens ; Diminution du temps de travail à 32 heures, retraite à 60 ans  et pas de retraite en-dessous du SMIC.

    Répondre au défi climatique, page 26.
    Là encore aller plus loin : contre le réchauffement climatique : prolonger les luttes pour condamner les pollueurs non pas à des amendes mais à investir dans la recherche pour cesser toute pollution, pour développer l'économie circulaire (écoconception, zéro déchet, recyclage des produits et des déchets), les recherches sur la captation, le stockage et la décomposition du CO2. Stopper le nucléaire militaire et recycler les industries d'armement correspondantes.

Dans une prochaine contribution :
Au cœur du changement démocratique : la culture pages 24-25.
La démocratie : une République pour toutes et tous pages 26-27.
Une nation de liberté et d'égalité pages 27-28.
Ville et ruralité : repenser les territoires page 29.
Refonder l'Europe page 30.
Construire un monde de paix et de solidarité.

    Enfin, je proposerai de réfléchir aux thèses de Bernard Friot :
« copropriété d'usage de tous les outils de travail, salaire à vie pour tous de 18 ans à la mort ( par exemple dans une fourchette 1500-6000 euros nets mensuels), mesure de la valeur par la qualification du producteur, subventionnement de l'investissement par une cotisation économique et une création monétaire sans crédit, démocratie sociale dans toutes les institutions de la valeur sur le modèle de la gestion du régime général de la Sécurité sociale par des salariés élus élisant les directions des caisses entre 1947 et 1960 »

      
 

Il y a actuellement 0 réactions

  • la france en commun

    Une contribution vraiment intéressante, dont j'attends la suite impatiemment notamment sur la question de la culture et celle de l'éducation dont cette contribution montre bien le lien essentiel avec celle du travail. La critique sur l'architecture d'ensemble me paraît tout à fait juste. Plutôt même que de dire qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'ensemble des propositions, je dirais "avec chacune des propositions" l'écueil étant précisément l'absence de perspective cohérente...

    Par francoise.chardin, le 05 March 2016 à 18:02.

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