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Mesurer le défi de transformation du parti sur les entreprises - Nicolas Marchand - 94

Mesurer le défi de transformation du parti sur les entreprises

Quelles transformations du parti concernant les entreprises et le monde du travail ?
Il y a besoin de définir précisément notre objectif, et d'en fonder solidement les motivations.
S'agit-il seulement de « travailler à nouer ou renouer des liens politiques avec les salariés » ? S'agit-il seulement de « réorganiser notre travail politique à l'entreprise ».
Bien sur c'est nécessaire, mais cet objectif ne suffit pas à poser dans toute sa dimension politique la question de notre organisation pour l'action dans les entreprises. Elle ne suffit pas à mesurer le défi de transformation du parti que cela demande de relever. C'est une sorte de  « révolution culturelle » du parti qu'il s'agit de concevoir et d'engager: elle consisterait à tirer en pratique, en matière d'action et d'organisation, les implications du fait que le pouvoir n'est pas seulement à conquérir au niveau des institutions étatiques, mais aussi sur la gestion des entreprises et des banques.

Cela se heurte à la conception dominante de la politique, réduite aux élections, à l'action dans les institutions, et sur la politique de l’État. La politique qui se  fait dans le cadre des circonscriptions électorales, cadre dans lequel s'organisent les partis politiques. La politique qui n'a pas droit de cité dans les entreprises où sa pratique est l'objet d'une répression d'autant plus dissuasive que le chômage est massif.
Rappelons-nous qu'après le Congrès de Tours, lorsqu'il s'est agi d'accomplir la rupture organisationnelle avec la sociale-démocratie et de transformer radicalement le parti en parti révolutionnaire, un des axes a justement été sa structuration dans les entreprises.
Cela a été ensuite un facteur de son influence, et a donné au parti les moyens de jouer à différents moments un grand rôle, parfois décisif. Cela n'a pas été aussi sans effet positif pour le mouvement syndical de classe, qui a subi plus récemment des conséquences de notre retrait.

Il ne s'agit surtout pas de penser en termes de retour au passé. La situation est très différente de celle de 1920; mais pas dans un sens qui minorerait l'enjeu d'une organisation communiste à l'entreprise, bien au contraire ; j'en précise trois aspects :

1- les implications de la crise

Le système capitaliste est confronté à une crise durable, systémique, qui va connaître de nouveaux développements face auxquels sera indispensable la capacité de proposition des communistes, leur capacité d'action rassembleuse sur le terrain.
Cette crise fait des questions de choix de gestion et de pouvoir dans les groupes et les entreprises, ainsi que des questions de financement, du rôle des banques, de leur crédit, des questions politiques décisives qu'il nous faut articuler en permanence aux objectifs de progrès sociaux et sociétaux. Et cela du niveau local au niveau européen et mondial.
Comme nous l'avons souligné lors de la Convention sur l'industrie (novembre 2014), la bataille politique à mener ne consiste pas seulement à interpeller l’État ; mais tout autant le patronat et les banques. L'action politique transformatrice, pour être efficace et regagner en crédibilité face au sentiment d'impuissance de la politique qui la discrédite, doit viser à conquérir des positions de pouvoir étatiques, et des pouvoirs de décision face au patronat, aux actionnaires, aux marchés financiers pour la mise en œuvre de critères nouveaux de gestion des entreprises  et d'attribution des moyens financiers.

2- Le salariat, composante principale du rassemblement populaire à construire

Le salariat a changé, mais c'est dans le sens d'un accroissement massif : il est l'ossature, la composante principale du rassemblement majoritaire à construire.  
Mais la salariat s'est aussi diversifié (besoin de construire l'unité ouvriers-employés-cadres) ; et la mise en concurrence des salariés, avec le chômage et la précarité, avec le dumping social, avec l'individualisation des droits, la mise en opposition public/privé, sont des facteurs de division.
L'unité du salariat est une question politique essentielle ; elle ne peut progresser qu'en agissant sur des objectifs rassembleurs dans et autour des entreprises. C'est là qu'existent les meilleures possibilités de rencontre et de convergence d'intérêts des couches populaires ouvrières et employées et des couches moyennes salariées. (cela vaut pleinement à mon avis pour ce qui concerne la lutte face au Front National).

3 - L'entreprise est au cœur du combat politique de classe

Gattaz ne cesse de répéter que l'entreprise n'est pas un sujet politique : « l'entreprise n'est ni à droite, ni  gauche ; elle doit être hors du débat politique ».
Eh bien non ! Justement elle est au cœur du débat politique : elle tend à être l'enjeu et le lieu principal de la politique et du combat politique.
Avec Hollande et Valls elle est au cœur du « compromis historique » consistant à réaliser le consensus sur l'idée que la baisse massive du coût du travail et des dépenses publiques sont les conditions de la compétitivité. Une « révolution culturelle »  a pu dire Gattaz du pacte de responsabilité.
Cela se développe en attaque brutale contre le modèle social accusé de défavoriser notre pays et d'être cause de chômage. Le pouvoir et le patronat cherchent à généraliser la flexi-sécurité en prétendant avancer vers une sécurité sociale professionnelle. Au delà de l'abus de langage, il y a un espace pour une offensive pour des propositions de sécurisation de l'emploi et de la formation. Avec le projet de réforme du code du travail, ils cherchent aussi à réduire les possibilités de résistance collective et les droits des syndicats et les travailleurs, à renforcer la dictature patronale au niveau de l'entreprise avec le chantage à l'emploi.

Il y a besoin d'agir, d'aider les salariés à agir.
Le rôle politique des communistes ne peut se limiter à une bataille parlementaire, et de propagande.
Il faut nourrir l'action des salariés, aider, en lien avec les syndicats, et avec nos propres initiatives et propositions, à des batailles concrètes, en particulier sur l'emploi, les salaires, les services publics.
La campagne de longue durée sur l'emploi, le travail, la formation qui vient d'être décidée peut répondre à ce besoin;  face à un pouvoir qui utilise le thème de la sécurité pour une unité nationale aux dépens des luttes et du social, notre campagne pourrait se développer en campagne sur toutes les sécurités, sociale, d'emploi et de formation, environnementale, développement des services publics ... avec les moyens de responsabiliser les entreprises vis à vis de l'emploi, de la formation, de la santé : crédit, pouvoirs des salariés et des populations, et avec la mobilisation des moyens de la BCE.

Pour une réorganisation du parti vers les entreprises
La situation, la nature de la bataille à mener fondent le besoin de communistes organisés pour mener avec continuité l'action et la bataille idéologique parmi les salariés, à l’intérieur des entreprises, dans les bassins d'emploi, et à l'échelle des groupes et branches de l'industrie et des services. Avancer dans une ré-organisation dans les entreprises est une clé pour les luttes immédiates et pour avancer dans la construction d'un rassemblement populaire transformateur, comme pour les luttes qui suivraient une victoire.

Nous avons beaucoup reculé, et notre culture originale d'organisation politique à l'entreprise aussi. Nous avons besoin non pas de chercher à refaire à l'identique ce qui a existé, mais de chercher comment nous donner les moyens de répondre aux défis d'action politique d'aujourd'hui, dans le salariat et les entreprises tels qu'ils sont, au défi d'unité du salariat face à tout ce qui le divise, d'affirmation consciente de la classe ouvrière d'aujourd'hui.

Je dis « chercher comment », parce qu'il n'y a pas de réponse toute faite, ni facile. Et on voit bien les obstacles de toutes sortes, face auquel il y a besoin d'une volonté politique particulièrement tenace et affirmée.  
Des cellules, quelques sections ont continué d'exister ou dans quelques cas se sont constituées. Certaines fonctionnent activement, d'autres moins. Quelques formes de réseaux ont été expérimentées. Une évaluation serait utile, par exemple à l'occasion d'une réunion avec les animateurs des différents réseaux. Dans tous les cas, rien n'est spontané ; il y a besoin d'animateurs pour impulser. Mais au total on est loin du compte. Beaucoup d'adhérents du parti sont des salariés ou des retraités de l'industrie et des services, mais peu sont organisés pour agir dans le champ de l'entreprise. En même temps le parti est très sollicité par les batailles électorales, incontournables, mais qui ne nous rapprochent pas forcément des entreprises.

Comment avancer ?
il y a besoin d'animer un débat sur les enjeux de fond tout en cherchant sans attendre à avancer dans l'expérimentation et la construction
il faut préciser le dispositif de travail national : quelle conception du secteur entreprises-lieux de travail ; je ne pense pas qu'il doive rester durablement une branche du secteur vie du parti ; il y a besoin d'un secteur travaillant en liaison avec la vie du parti (pour l'impulsion  et la maîtrise sur les enjeux d'orga), mais aussi, pour l'action, en coordination structurée, régulière (comme cela se faisait avec la cellule de veille emploi-industrie) avec les commissions industrie et économie. Il y a besoin d'un collectif d'animation et il faudrait remettre sur pied une commission nationale; la campagne sur l'emploi pourrait justifier une réunion nationale de militants d'entreprise.
Il y a besoin de moyens de communication (lettre d'info régulière, modèles de tract, argumentaires, etc …).
on a besoin d'un état des lieux, à réaliser avec les directions fédérales : cellules, sections d'entreprises existantes, collectifs fédéraux, recensement des salariés communistes, ainsi que des retraités susceptibles d'être disponibles pour contribuer à une activité (en cherchant particulièrement à préciser ce qu'il en est concernant les grands groupes et les services publics) ; point des dispositifs de travail existants ; état des rapports avec le mouvement syndical ; avis sur des modalités et possibilités de réorganisation
sur la base de l'état des lieux, on pourrait travailler avec les fédérations disponibles des plans de travail, des objectifs réalisables, faisant l'objet d'évaluations ;  
on chercherait, en s'appuyant sur une impulsion suivie de direction nationale (session du CN, décision du Congrès, dispositif de direction national), encourageant l'initiative des militants et des fédérations, avec le partage d'expériences, à faire de notre implantation organisée pour l'action dans les entreprises, les groupes, les branches de l'industrie et des services un objectif majeur et une orientation partagée, une nouvelle priorité ; dans ce cadre peut-être faudrait-il choisir des objectifs plus précis (quelques grandes branches ou groupes : par exemple automobile, banques, hôpitaux, fonction publique territoriale ...)
je pense qu'on peut le faire sans idée préconçue sur les modalités, collectifs, réseaux, cellules, sections ; sans opposer une forme à l'autre, l'important étant de parvenir à organiser les militants pour agir ; au niveau national, en fonction des possibilités à évaluer, on pourrait encourager la constitution de réseaux de branche, et intégrer ceux qui existent déjà (aéro, cheminots, énergie) au secteur entreprises, sans mettre en cause leurs liens avec d'autres commissions.
il faudra aussi, dans la perspective du Congrès, travailler à la présence de plus nombreux militantes et militants des entreprises ( =  se consacrant à l'action du parti et aux luttes dans les entreprises) dans les directions aux différents niveaux, particulièrement national.

On pourrait ainsi progresser vers une nouvelle culture collective d'action et d'organisation communiste dans les entreprises, c'est à dire une véritable et utile transformation du parti.

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