Les congrès du PCF

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NOTE DE PROBLEMATIQUE SUR LA CRISE SYSTEMIQUE - Yves Dimicoli et Frédéric Boccara COMMISSION ECONOMIQUE

Nous allons entrer dans une nouvelle phase de la crise systémique. Elle va faire saillir, comme jamais, le besoin de dépasser la coupure fondamentale, sur laquelle le capitalisme s'est historiquement constitué, entre le marché avec ses entreprises et ses banques privées, l’État avec ses institutions dites « publiques », la société et la vie quotidienne. Le principal défi pour le PCF consisterait à tenter de dépasser cette coupure fondamentale qui tend à lui fait placer l’économie en dehors du champ de la politique.

Cette nouvelle phase va s'ouvrir parce que la France, l'Europe et le monde se trouvent dans une impasse.  Les institutions mise en place après le choc de la crise financière de 2008 ne répondent pas et développent, au contraire, des contradiction d'une ampleur inédite. C'est l'impasse sur l'emploi, sur les services publics, sur les droits sociaux, sur le type de croissance. C'est l'impasse en matière d'écologie, malgré la COP-21, c'est l'impasse sur la démocratie...

► La révolution informationnelle (numérique, digitale…) fait émerger d'énormes potentiels de productivité nouvelle mais, sous l'empire de la rentabilité financière des capitaux, elle alimente d'énormes potentiels de chômage, de précarité d'emploi et de vie. De même, grandissent les risques d’aggravation radicale du climat et de dégradation de la niche écologique des humains.

Car, face à tous ces enjeux, la réponse dominante est toujours la même : l'accentuation de la domination des marchés financiers, en y subordonnant toutes les institutions d’État, en particulier la monnaie et les banques.

C'est dire l'impérieuse nécessité d'une gauche qui arrive à s'arracher au keynésianisme vulgaire et à l'étatisme, sous version suédoise ou soviétique, et d'un PCF qui arrive à « virer sa cuti » sur les enjeux d'utilisation  de l'argent et la conquête de pouvoirs décentralisés pour une autre production et d'autres buts sociaux. Il s'agirait, ce faisant, de cesser de se limiter à la recherche d'un seul changement dans la répartition des richesses, mais aussi de changer leur production et son financement.

L'enjeu d'une sécurisation de l'emploi, de la formation et de tous les moments de la vie de chacun-e va s'accentuer considérablement.

► Simultanément on voit s'accentuer les polarisations Nord-Sud de générations et de migrations de survie face à l'insuffisance criante des services publics partout dans le monde. De même se précisent, désormais, des enjeux renouvelés de sécurité civile et militaire avec le contrecoup des politiques néocoloniales, via des actions terroristes (guerre asymétrique) qui élargissent le terreau des nationalismes.

Cela ne pose-t-il pas l'exigence d'une nouvelle culture et la visée d'une nouvelle civilisation pour penser de nouvelles institutions, de nouveaux rapports parentaux et de genre, un nouveau « vivre ensemble » ? Cela ne va-il pas faire grandir le besoin de libération face à la soumission aux autorités patronales, religieuses et étatiques pour des biens qui doivent être communs et partagés jusqu'à chacun (culture, santé, éducation, alimentation, paix, sécurité, énergie, environnement,communications….) ? Ne faut-il pas chercher désormais à travailler concrètement à un nouvel internationalisme pour construire un monde vraiment multipolaire, une civilisation qui soit enfin celle de toute l'humanité ?

I – RETROSPECTIVE DE LA CRISE SYSTEMIQUE

Depuis l'entrée en crise systémique, au tournant des années 1967-1973, avec les difficultés durables et croissantes pour la rentabilité des capitaux sur-accumulés, le patronat et les dirigeants ont cherché des réponses.

Les grandes entreprises ont poussé leur multinationalisation et les transformations technologiques bases de leur développement dominateur. Elles l'ont fait en prenant progressivement le contrôle de tout le système monétaire public et de crédit à partir des marchés financiers privés.

Une aggravation par phases

Face à cela, la gauche n'a pas su prendre le tournant des nouveaux processus à l’œuvre. Elle n'a pas engagé la nécessaire révolution de ses modes de pensée et d'action. Le PCF, quant à lui, a su repérer le tournant dans la crise des années 1970, mais sans se mettre à jour pour prendre à bras le corps les défis immenses de cette nouveauté.

Cette situation d'une France, d'une Europe, d'un monde en crise systémique n'appelait-elle que de nouvelles alliances politiques en vue d'aller au gouvernement pour, en particulier, des nationalisations sans changement des critères de gestion et des pouvoirs, et un nouveau discours politique sur les diverses couches du salariat ?

Le recul permet de mesurer combien le combat aurait du être mené de façon tenace et persévérante sur ces nouveaux enjeux que sont le développement de toutes les capacités humaines, l'utilisation du crédit et de la monnaie, la transformation de tout le système de pouvoirs de l’entreprise et de la cité à l’État national et jusqu'aux institutions européennes et internationales.

Malgré quelques velléités et des travaux d’intellectuels communistes, notamment ceux de la COMECO, nous sommes passés à côté de la question des critères de gestion des entreprises. Or, elle est à la source de toutes les difficultés de la crise économique et politique. Pourtant n'est-ce pas là l'enjeu révolutionnaire le plus refoulé ; n'est-ce pas un élément majeur du glissement du PS et des couches sociales moyennes vers la droite et les arguments matraqués par le MEDEF ?

Depuis le début des années 1980 se confirme, phase après phase de la crise, une hypothèse fondamentale : l'antagonisme croissant entre l'utilisation faite des potentiels de productivité nouvelle (d'économie de travail) de la Révolution informationnelle, non pour développer toutes les capacités humaines, mais pour accroître les profits et leur utilisation massive dans des opérations financières. D'où les énormes suppressions d'emplois, le chômage explosif, la pression grandissante sur les revenus du travail et la demande salariale alimentant l'insuffisance des débouchés. On gagne sans cesse en productivité mais on le  fait en freinant de plus en plus la croissance des débouchés nécessaires pour absorber les productions supplémentaires. D'où un chômage sans cesse relancé, une précarité grandissante, une guerre économique exacerbée, l'inflation des marchés financiers et les progrès de la sur-accumulation de capital. L'appel massif au crédit et à la création monétaire  a servi à repousser les limites de ce régime de croissance antagoniste jusqu'à l'explosion de la crise financière de 2007-2008.

Dans ces conditions, l'enjeu ne peut plus être « intervention  publique ou pas ». C'est le contenu même de cette intervention publique et sa maîtrise sociale qui importe, ni au service de la domination des marchés financiers, ni pour en corriger les excès.

Comment le PCF s'est-il emparé de ces questions ?

► La crise systémique a été surtout traitée comme une donnée extérieure à l’initiative politique transformatrice des communistes. Nous sommes restés arque-boutés sur l'idée que, pour en sortir,  il suffisait de viser un rassemblement ayant pour principale ambition d'accéder au pouvoir d’État dans le but de changer la répartition des richesses avec une « réforme fiscale » d’État prétendant faire reculer les inégalités, sans chercher à inciter à produire autrement les richesses. La question des   nouveaux pouvoirs des salariés pour changer les gestions d'entreprises et les responsabiliser socialement et territorialement, comme celles de la sélectivité  du crédit et des rapports banques-entreprises étant sans cesse refoulées en pratique.
► Ce faisant, ne nous sommes-nous pas enfermés dans une vision finalement social-démocrate traditionnelle de défense d'un « Etat-providence » servant à « corriger les excès du marchés » au lieu de maîtriser le marché, alors même que sa domination par le marché financier, évidente désormais pour le plus grand nombre avec la mondialisation et la dette publique, lui fait prendre l'eau de toute part et pèse si lourdement sur les marges de manœuvre des élus qu'ils finissent pas en perdre leur légitimité aux yeux des plus révoltés.
► La crise systémique est demeurée analysée comme une suite de catastrophes dont les processus seraient dépourvus de toute ambivalence et que seul devait pouvoir conjurer un changement d'équipes « bien à gauche » aux manettes de l’État. Et cela sans clairvoyance et travail de pédagogie politique sur la nécessité d 'une cohérence de propositions précises et de luttes permettant leur développement dans des expérimentations rassembleuses. Cela a perduré malgré des occasions dont on s'est peu ou pas saisi comme, par exemple, la bataille de sécurisation de l'emploi et de la formation, celle concernant le coût du capital (batailles pourtant clairement pointées par le mouvement syndical) et celle sur les banques.
► Du coup, nous sommes restés sans alternative, face au choix de Hollande et Valls de ne plus corriger les excès du marchés, démarche considérée, sous l'aiguillon du MEDEF, comme freinant la compétitivité et l'adaptation de la France à la mondialisation, mais au contraire de placer délibérément l’État au service de la domination des marchés. Et on  a délaissé un peu plus, malgré des velléités nouvelles depuis 2012 mais non accompagnées nationalement, les terrains de bataille des entreprises (coût du capital et droits des salariés) et des banques (crédit, BCE…) ;
►Demeurant polarisés sur une telle visée politique, nous n'avons pas assez cherché à renouveler notre façon de travailler avec les luttes, nous contentant de les soutenir, sans  essayer vraiment de les politiser avec des contre-propositions concrètes. Nous avons surtout cherché à construire des alliances politiques, à but électoral. Cela ne nous a-t-il pas conduit à perdre de notre originalité d'apport, pour les gens en recherche d'issue, articulant les luttes, les idées (théorie) et les élections ? Et au nom du rassemblement, n'avons-nous pas, en fait, sans cesse refoulé nos idées novatrices et leur cohérence si indispensables pour donner à voir qu'une autre politique est possible.

Vers une nouvelle phase de la crise systémique

Une nouvelle phase s'est ouverte en 2007-2008 avec la crise financière majeure partie des États-Unis. Elle résulte de l’excès d'endettement de tous les acteurs relativement à l'insuffisance des richesses nouvelles créées.

A l'opposé du « laissez faire » de l'entre deux guerres, les États et les banques centrales ont largement ouvert les robinets des liquidités pour que le système financier mondial ne s'effondre pas. Il s'est agi, au contraire, de le sauver pour qu'il  puisse continuer à fonctionner selon les mêmes règles et critères fondamentaux, alimentant le régime de croissance extrêmement antagoniste que nous avons décrit plus haut (cf. encadré).

De nouvelles institutions internationales ont été mise en place, d'autres se cherchent. La BCE elle-même, censée n'avoir à se préoccuper que de l'inflation, a été contrainte, face au risque de déflation engendré par l'énorme chômage dans l'Union, de transgresser ses propres dogmes fondateurs faisant saillir la possibilité de principe d'un changement radical dans l'utilisation de son formidable pouvoir de création monétaire. Mais le but fondamental de tous ces changements est demeuré le soutien sans faille à la rentabilité financière et aux marchés financiers.

A présent, n'est-ce pas ce type de réponses capitalistes qui est désormais lui-même en crise ?

Cela crée un sentiment d'enfermement dans une impasse et d'impuissance généralisée qui exacerbe le besoin de solutions nouvelles vraiment radicales.

Si les communistes ne sont pas au rendez-vous pour montrer que le cœur des difficultés c'est l'argent, la monnaie et leur utilisation au service du capital financier, plutôt que pour d'autres buts de civilisation, alors ce besoin de radicalité des réponses peut être instrumentalisé par les dominants qui n'hésitent pas à favoriser la montée des illusions populistes et autoritaires d'extrême droite aussi bien islamistes que fascistes, voire nihilistes.

La phase en cours de la crise, qui a commencé en 2009, pourrait se terminer vers 2017-2019 dans une nouvelle explosion de toutes les difficultés (krach mondial, guerres monétaires…).

Elle se caractérise par un profond désarroi sur les solutions possibles et une défiance par rapport aux politiques. Elle est marquée par une demande accrue de protection des dominés aux dominants, dans les entreprises, les localités, les régions, à l'échelle nationale, européenne et mondiale. Cela concerne désormais les questions de sécurité civile, militaire et économique. Dans cette situation, pourraient grandir les oppositions entre les diverses couches sociales et culturelles dans chaque pays et entre pays.

Tout ceci commence déjà d'être instrumentalisé par les dirigeants pour cacher la domination du capital financier, de sa culture, de son système de pouvoirs. Les entreprises, identifiée au patronat, vont être un lieu majeur de cette instrumentalisation et un enjeu sociétal d'intégration idéologique et, inversement, de rassemblement pour briser, avec de nouvelles idées au service des luttes, cette domination.

La guerre contre le terrorisme redoublerait ainsi la guerre économique associant toujours plus étroitement baisse du coût du travail et monarchie renforcée dans les entreprises au recul des services publics et au renforcement du présidentialisme avec l'enjeu prétendu de la défense de l'emploi, du « modèle social » et du mode de vie face à une mondialisation hostile.

Ne faut-il pas revisiter notre conception de l'économie dans notre bataille politique ?

Le nouveau contexte politique des élections de 2017 va être marqué par le besoin de rassembler sur des contenus et des propositions précises

Il sera marqué notamment par le besoin immédiat de réponses concrètes aux urgences sociales avec les moyens financiers et les pouvoirs nécessaires . Mais il sera inséparablement travaillé au plus profond par le besoin d'une nouvelle perspective de développement avec un nouveau type de rassemblement associant des conquêtes politiques immédiates à la visée d'une nouvelle civilisation (dépassement graduel du capitalisme).

Il sera d'autant plus nécessaire de conjuguer luttes immédiates et projet, bataille sur le social et bataille sur les valeurs que :
-  La montée du FN et des populismes en Europe  va se poursuivre ;
- Vont redoubler les efforts du PS et d'une partie de la droite pour essayer d'aller vers une grande coalition  et une union sacrée derrière le capital financier;
- Le champ des alternatives prétendues exclurait la question sociale, celle des moyens financiers et des pouvoirs nécessaires (nouvelle République sociale) : Au lieu du rassemblement contre le capital financier en France, en Europe et dans le monde, vont être développées « ad nauseam » l'opposition prétendue cardinale entre « mondialistes et patriotes » comme l'opposition prétendue cardinale entre Républicains et anti-républicains (FN ).
- Tout cela avec l'agitation de deux grandes peurs pour rassembler : la peur du FN et la peur du terrorisme avec l’entraînement dans une logique de guerre.

Ce contexte ne va-t-il pas créer un besoin crucial de rassembler sur des contenus et des propositions précises  plutôt que sur des discours généraux sans portée opérationnelle? Cela élève le niveau de responsabilité du PCF dans une telle situation et le place devant l'exigence de se transformer.

D'où quelques questions essentielles :
- Comment articuler besoins immédiats de réponse aux urgences sociales et perspectives rassembleuse de transformation radicale ?
- Comment répondre au défi de la montée du FN tout en combattant la politique de Valls et celle de la droite ?
- Comment aider le peuple de gauche à se ressaisir, « tordre le bras » au PS et  pousser une recomposition politique et idéologique de la gauche, bien au-delà d'un simple jeu d'alliances.

Il nous semble que certains thèmes de bataille devraient donner lieu, dans ce contexte, à des expérimentations de lutte et à de véritables campagnes :
- Argent, banques, BCE, FMI… ;
- Coût du capital ;
- Entreprises et production ;
- Emploi, travail, formation et dépassement du salariat ;
- Services publics, démocratie et biens publics communs ;
- Nouvelle République démocratique, sociale, économique et internationaliste ;
- Autre mondialisation avec de nouvelles alliances internationalistes contre le capital financier et le dollar pour une émancipation de tous les peuples du monde.
 

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