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L'Europe : enjeu majeur pour la France - Question de Congrès pour les communistes - Anne Sabourin - 75

Depuis le dernier congrès, la crise dans l'UE et de l'UE ont pris une ampleur inédite. Ses objectifs économiques et sociaux, son modèle de coopération, sa place dans le monde sont remis en question. Une lutte sans merci pour l'issue de la crise a commencé. C'est dans ce contexte que les communistes devront réviser ou préciser leur projet, définir une stratégie pour leurs batailles européennes en France, et pour élever le niveau de la confrontation de classe à l'échelle européenne.

 

Depuis l'éclatement de la crise financière de 2008, les forces dominant le paysage politique européen ont d'un côté, continué à protéger le capital (recapitalisations, mécanisme européen de stabilité qui protège les intérêts des créanciers, depuis janvier 2015, la Banque centrale européenne injecte 60 milliards d'euros par mois dans le système bancaire) et utilisé la crise pour accélérer les réformes libérales avec les politiques d'austérité, de privatisations et de libéralisation des marchés qui s'attaquent comme jamais au monde du travail, aux services publics, aux droits et besoins humains élémentaires.

Cette politique est à la fois un échec économique (une nouvelle crise financière se prépare et l'austérité tue la croissance) et le cataclysme social qui touche de plus en plus de pays européens et une part grandissante des populations de ceux-ci. Si les populations les plus vulnérables et les moins qualifiée ont payé les premières vagues d'austérité, les couches « moyennes » basculent ; et si les pays les plus endettés ont été ciblés les premiers, c'est désormais l'ensemble des pays membres, et singulièrement dans la zone euro, qui plongent.

 

Pour imposer cette politique de classe rejetée très majoritairement par les peuples, les outils technocratiques ont été considérablement sophistiqués (troïka, traité budgétaire européen, 2 pack, 6 pack), les outils financiers (BCE), médiatiques et les pressions politiques mobilisés à plein, jusqu'à réussir, face à la Grèce, un véritable coup d’État financier en juillet dernier. Le niveau de la violence capitaliste a atteint cette année un record, rendant visible aux yeux de tous la puissance (la BCE peut faire s'effondrer en un clic le système financier d'un pays), mais aussi les contradictions d'une construction européenne qui se fait tellement contre les peuples qu'elle en vient à nier la souveraineté de ses Etats membres.

Le grand marché transatlantique et l'ensemble des accords de libre échange négociés avec le reste du monde, sont eux aussi des outils de passage en force vis à vis des peuples européens.

 

Les chaos du monde, et en particulier les conflits militaires au Moyen Orient viennent aujourd'hui renforcer cette crise, en provocant de nouvelles divisions. La crise des réfugiés, malgré le mouvement citoyen pour l'accueil, a conduit au renforcement de l'Europe forteresse (accord avec les pays limitrophes des conflits pour qu'ils ferment leur frontières en échange d'argent) et, c'est nouveau, à une mise en cause sans précédent des accords de Schengen concernant la liberté de circulation des personnes (rétablissement des contrôles aux frontières, ou proposition, du gouvernement britannique de conditionner l’accès des travailleurs européens à certaines allocations chômage ou sociales à 4 ans de présence sur le sol britannique).

D'un autre côté, le patronat voit dans cette crise des réfugiés une opportunité d'engager une main d’œuvre à bas coût, parfois très qualifiée. En Allemagne par exemple, quand Merkel défend l'accueil des réfugiés syriens, le patronat propose un contrat spécifique, avec salaire et formation au rabais, spécialement destiné aux réfugiés. Rien de tel pour diviser les travailleurs et faire monter l'extrême droite.

Après les attentats du 13 novembre, la France a entraîné le reste de l'Europe dans une surenchère guerrière (tous les pays européens ont apporté une aide, au minimum logistique, à la France, après qu'elle ait invoqué la clause de défense mutuelle, pour l'intervention en Syrie) et sécuritaire (le PNR vient d'être adopté alors que le PE s'y opposait en raison des risques pour les libertés individuelles) qui risque à nouveau de créer les mêmes troubles.

 

Une lutte sans merci est désormais ouverte sur l'issue de cette crise majeure. Il n'y aura pas de statut quo. Malgré les sanctions électorales, les forces du consensus libéral sont déterminées à aller plus loin dans les réformes néolibérales. La fuite en avant vers un fédéralisme autoritaire et dépolitisé est à l'agenda de l'Allemagne, soutenue par la France avec pour seule nuance, l'introduction d'un volet social dont l'évocation se fait de moins en moins régulière. C'est l'hypothèse qui aujourd'hui est la plus plausible à court terme car les forces qui la défendent sont aujourd'hui très majoritaires aux positions gouvernementales et institutionnelles en général.

Mais il faut aussi constater que la contestation augmente, tant sur le modèle économique et social que sur le modèle de coopération. Les fondements de l'UE sont fortement mis en cause par les peuples, de manière contradictoire.

Dans ce paysage de catastrophe économique, sociale et de dictature des marchés, où les souverainetés économiques et politiques des pays sont niées, où la mondialisation capitaliste est rendue coupable des délocalisations et suscite de grandes angoisses ; force est de constater que ce sont les solutions de repli qui gagnent du terrain. La profonde crise de légitimité démocratique et de l'intégration européenne favorise la montée des forces populistes et d'extrême droite et les mouvements centrifuges de types nationalistes/régionalistes (Catalogne) ou souverainistes (cf le referendum sur le maintien du Royaume uni dans l'UE). La poussée du Front national aux élections européennes, puis aux régionales, s'inscrit dans un mouvement européen de retour des nationalismes très inquiétant. L'extrême droite en Europe entretient des liens de plus en plus étroits comme l'illustrent d'une part, la constitution d'un groupe au Parlement européen et la présence de nombreux « alliés » au congrès du Front national.

Du côté des forces progressistes, une situation nouvelle s'est ouverte avec l'accession de Syriza au gouvernement grec, avec une place charnière pour le bloc de gauche et le PCP au Portugal qui pourrait orienter le gouvernement socialiste à gauche. Le 20 décembre, nous verrons ce qu'il en est de la gauche en Espagne. Avec le Parti de la gauche européenne, des efforts importants de dialogue et de construction de liens entre les forces progressistes, politiques mais aussi syndicales et sociales, ont été fournis. Nous sommes plutôt dans une phase de stagnation de ce point de vue. Après l'accord du 13 juillet signé par Tsipras, les débats sont difficiles à gauche, nous le voyons dans le Front de gauche et au sein du Parti. Il y a débat sur l'analyse de la situation mais surtout sur les solutions. D'un autre côté, ce coup d’État financier, les conséquences de l'austérité et les résultats des alliances contre nature type « grande coalition » provoquent des débats profonds au sein de la sociale démocratie qui peuvent conduire à des évolutions positives comme par exemple, la victoire de Jeremy Corbyn à la primaire du Labour anglais.

 

C'est dans ce contexte européen que les communistes devront débattre au congrès de juin.

Parce que la France est un acteur majeur de la construction européenne, parce que le niveau européen devient incontournable dans la confrontation de classe, et parce que le rapport négatif à la mondialisation et à l'UE qui se développe dans notre société fait progresser le Front national (au sortir des élections régionales Marine Le Pen annonce que l'élection de 2017 se jouera entre les « patriotes et les mondialistes »), le PCF doit faire de la question européenne un axe prioritaire de bataille pour les 3 années qui viennent.

 

 

 

Notre texte du 36e congrès situait bien la « particularité européenne » de la crise du capital mondialisé et contestait à juste titre les réponses apportées dans une UE dominée par le consensus libéral. Il appelait à « renforcer les espaces de coopération » des forces de gauche en Europe et à « donner une place majeure dans nos analyses et notre action à cette dimension européenne » pour « faire sauter le verrou de l'Europe austéritaire ». Nous devons aujourd'hui avancer sur plusieurs types de questionnements.

 

Questions de projet 1 : il est évident que nous avons un travail à fournir pour préciser notre vision, pour la France en Europe, et pour l'avenir de l'Europe en général, et pour la rendre intelligible par les populations auxquelles nous voulons nous adresser prioritairement.

- Quelle est notre vision pour une Europe du développement partagé ? Face à l'agenda néolibéral d'austérité, de concurrence accrue entre les travailleurs, face à la domination de la finance, quel modèle de développement économique, social et écologique avons nous à opposer ? Comment mettre l'argent et les outils de l'union économique et monétaire au service des besoins humains ? La section économique du parti a développé un ensemble de propositions, concernant notamment le rôle de la Banque centrale européenne et les critères du crédit bancaire. Le Parti de la gauche européenne lance un « plan d'action pour sortir de l'austérité et de la domination de la finance » (ci-joint). Quelles priorités pour l'investissement public ainsi dégagé ? Quelle construction sociale peut contrecarrer la concurrence et le dumping entre les travailleurs et entre les Etats membres ? Faut-il une harmonisation sociale ? Quelle méthode de convergence peut la tirer vers le haut ? Faut-il une harmonisation fiscale ?

- Quel modèle de coopération démocratique et respectueuse des souverainetés populaires souhaitons-nous pour l'avenir ? Cette question est un débat en soi puisque parmi les forces de gauche se développe aussi une vision souverainiste qui défend l'idée d'une sortie de la France de l'euro et/ou de l'UE. Jusqu'ici nous avons pris le parti de développer l'idée d'un modèle hybride, une « Europe des Nations et des peuples, libres, souverains et associés » ayant pour conséquence une construction « à géométrie choisie ». Cette vision implique un débat public national constant et démocratique sur le niveau d'intégration voulu selon les secteurs d'activité et une réflexion sur les compétences et pouvoirs souverains de la République.

=> Proposition : après un effort de formulation des débats ci dessus et l'inclusion d'autres points de débats, nous pourrions construire un temps de débat au congrès et/ou mettre en place en lien avec le comité du projet et la commission internationale, un groupe de travail sur le projet européen du PCF.

 

Question de programme2 : Si nous voulons gouverner la France, il faut dire ce que nous ferons en Europe. Aucune force ne peut prétendre gouverner la France sans un plan de bataille en Europe. C'est une question de crédibilité et d'efficacité. Un effort de « narration » est indispensable pour rendre concrète une démarche de transformation qui allie reconquête de souveraineté populaire ET construction régionale différente (Quelles batailles prioritaires d'un gouvernement de gauche en Europe ? Que faire de la règle d'or et du traité budgétaire ? Faut-il renégocier le contrat d'adhésion à l'UE ? Engager un processus référendaire ? Imposer un mandat parlementaire à l’exécutif avant les sommets européens?).

 

Constructions politiques en France

Bien entendu, nos choix stratégiques sur l'avenir de la gauche en France, sur le Front de gauche, conditionnent cette partie de la réflexion. Mais il est clair, d'une part, de les espaces de coopération existants et nouveaux entre forces progressistes devront chercher des convergences sur la question européenne, et d'autre part, que le parti, face au FN, doit être à l'initiative d'une démarche populaire autour de cet enjeu.

=> Propositions :

- Notre congrès pourrait décider de lancer un processus de construction démocratique et populaire d'un mandat européen pour la France (pour « une Nation unie dans une Europe solidaire et démocratique »). Nous pourrions innover dans la méthode : campagne de consultation populaire pour imposer le débat dans l'opinion publique d'une manière positive, sur le diagnostic (étape 1) et les solutions (étape 2, sur la base de la hiérarchie des priorités exprimées à l'étape 1) avec des outils diversifiés (questionnaire de rue ou de porte à porte, outils numériques nouveaux type logiciel de sondage, rubrique web TV, minis sondages twitter, débats publics).

- Engager un dialogue avec les forces progressistes en France, politiques et sociales, autour de l'avenir de l'Europe et de la place que devrait y occuper la France

 

Agir au niveau européen

De l'expérience grecque, nous tirons au moins une leçon : face au capital, aux forces politiques qui le protègent et à l'arsenal politique, médiatique et financier à leur disposition, aucun pays, aucun parti ne peut se passer d'une élévation considérable du rapport de forces au plan européen. Par conséquent, le PCF, qui peut s'adresser en confiance et dans le respect mutuel à l'ensemble des forces de la gauche européenne, a une responsabilité particulière, pour unir et solidariser les forces progressistes en Europe.

=> Propositions :

- Au delà d'un travail accru dans les espaces existants (PGE, GUE-NGL), est-il possible d'être à l'initiative de la création d'un espace, plus large, horizontal, inspiré du Foro do Sao Paulo en Amérique latine, dans lequel toutes les forces progressistes puissent dialoguer (forces politiques, monde du travail, mouvement social et associatif, intellectuels et personnalités de la culture) ? De ce point de vue, le Forum européen des alternatives que nous avons organisé à Paris en mai dernier était un premier pas, mais n'a pas trouvé de suite immédiate. C'est une question qui se posera au congrès du PGE en décembre 2016.

- La montée des nationalismes est des forces d’extrême droite inquiète beaucoup et la France, avec le Front national, est sous les projecteurs. Nous pourrions proposer une journée de travail à l'initiative du PGE en France, juste avant le congrès. Cela permettrait, au-delà de l'apport d'une réflexion commune, que des représentants des partis européens partenaires restent pour assister à notre congrès. 

 

 

1 NB : les travaux de la Convention Europe étaient une étape importante qu'il conviendrait de revaloriser.

2 Je ne sais si le terme est bien choisi.

 

Il y a actuellement 1 réactions

  • INTERESSANTE CONTRIBUTION

    Au delà du titre qui indique une contribution solide, je reste préocupé par ce que j'entends sur la Gréce ; ici et là et chez Mélenchon pour ne pas le nommer mais aussi chez des communistes et pas des moindres , la Gréce c'est clos ; je ne peux pas être d'accord avec ça ; oui c'est une bataille gigantesque mais si le gouvernement Tsipras 2 reste seul que peut t-il???? je trouve la contribution très très elliptique sur ce point ; ce que la Gréce a commencé nous DEVONS le poursuivre ; pouvons nous empêcher l'étau de se resserrer ? je le crois ; mais en tout cas impossible d'être muet ; si , ce que je ne crois pas une seconde Tsipras a capitulé , il serait bien de le dire ; il est sur que c'est une phase complexe mais tout est t-il perdu??? "Au delà d'un travail accru dans les espaces existants (PGE, GUE-NGL), est-il possible d'être à l'initiative de la création d'un espace, plus large, horizontal, inspiré du Foro do Sao Paulo en Amérique latine, dans lequel toutes les forces progressistes puissent dialoguer (forces politiques, monde du travail, mouvement social et associatif, intellectuels et personnalités de la culture) ? De ce point de vue, le Forum européen des alternatives que nous avons organisé à Paris en mai dernier était un premier pas, mais n'a pas trouvé de suite immédiate. C'est une question qui se posera au congrès du PGE en décembre 2016." Oui mais avant décembre 2016 quelles initiatives ? Ne pouvons nous faire davantage pour assimiler l'expérience grecque et éventuellement la soutenir si c'est encore possible sans dérailler ? La Gréce n'occupe pas tout mon champ de vision mais c'était le premier coin de ciel bleu ; a-t-il disparu ?Sachons le dire si c'est notre point de vue ; ne cachons pas les choses . A part ça , j'approuve sans réserve ces propositions mais il fait resserrer les calendriers

    Par OLIVIER.GEBUHRER, le 07 February 2016 à 11:24.

  • L'Europe : enjeu majeur pour la France - Question de Congrès pou

    La population attend des propositions fortes concernant l'UE et l'euro. On dit que les sondages ne sont pas favorables à la sortie de l'UE et de l'Euro. Depuis quand un parti révolutionnaire mène-t-il une ligne politique en fonction des sondages ? Le référendum de 2005 a donné lieu à de vastes discussions et d'études des textes, d'un grand nombre de citoyens dont les communistes. Pourquoi ne relancerions-nous pas ce débat en proposant à la population un référendum. Le gouvernement ne le fera pas pour nous, bien sûr. Mais les gens qui ne votent plus pour nous pourraient adhérer à ce projet et recommencer à s'intéresser à nos propositions. Nous avons organisé une formidable votation citoyenne pour empêcher la privatisation de la poste. Ne pouvons-nous pas en faire autant au sujet de l'UE et de l'euro. Est-ce la peur de voir des gens du FN se rapprocher de nous ou qu'on nous amalgame à ses idées réactionnaires ? Ne peut-on proposer une sortie de "gauche", pour le bien des peuples... Cette question a déjà été mûrement réfléchie par des organisations de gauche, qui ont préparé un plan de retour à la souveraineté de la France. Nous ne sommes pas en terre inconnue... Arrêtons d'invoquer la "catastrophe".

    Par Séméria Nicole, le 02 February 2016 à 10:02.