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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Protocolisons l'hybridation par Elvire Guern-Dalbi

Poser un problème c'est déjà reconnaitre son existence. En quelque sorte, reconnaitre qu'il existe un problème c'est déjà entamer sa résolution. Nous allons avoir un problème ...si, si...Camarade...et, peut -être, l'avons-nous déjà sans que nous nous en rendions compte.

Quel est -il ? L'arrivée massive de  nouveaux adhérents au sein du Parti ( j'en suis ) va forcément entrainer des tensions, si ce n'est qu'elle en provoque déjà.

Il serait naïf et irresponsable de benoitement croire en l'homogénéisation miraculeuse au socle historique de la pensée idéologique du parti communiste français   d'individus venus d'horizons de pensées différents sous l'impulsion de motivations aussi diverses que variées. Souviens-toi, Camarade,  des témoignages recueillis,  le fameux 10/11/12 lors de l'accueil des nouveaux à Colonel Fabien:  toi et moi  avons assisté à la naissance d'une constellation d'identités politiques. Souviens-toi,  Camarade,  là devant tes yeux... Tu les as vus se rallumer les étoiles... Il s'est mis  à briller des myriades d'idées, des galaxies de conception  radicalement subjectives , des super novae d'innovation éthique. Mais, ce big bang s'il t'a réjouit (laisse-moi jouer les Cassandre) est en passe de déstabiliser un cosmos qui jusqu'ici avait sa propre cohérence.

Quoi ? Non, non... Camarade,  je ne peux pas te laisser dire cela. Tu ne peux pas  me rétorquer que je ne dois pas m'inquiéter, que  l'angélique fraternité servira de ciment,  sera le  moteur à une intégration réussie et harmonieuse, qu'il faut laisser du temps au temps. Non, ton argument ne me rassure pas:   en ce bas monde, les rapports humains sont d'une plus grande complexité et d'autre part, nous n'avons pas le temps. Contre la  crise que je t'annonce ( qui te parait jusqu'ici bénigne, mais laisse-moi très vite te démontrer ces effets nocifs) : armons-nous.

 Armons-nous, anticipons,  reconnaissons-le : il n'y aura pas d'intégration lisse. Il n'y aura pas d'emboitement naturel et élégant. Non, ceux et celles qui sont là depuis plus de trente ans( qui ont - rendons leur hommage -  tenu la baraque alors qu'elle prenait l'eau) cesseront bientôt  d'écouter  ceux et celles qui  frais et dispos, arrivent la bouche en cœur en dérangeant les habitudes en bousculant les us et coutumes.
 Ni  les uns, ni les autres, ni les Anciens, ni les Nouveaux après la courte lune de miel éveillée par l'attrait de l'inattendu ne se comprendront dans la gestion morne et usante du quotidien militant.  Ils ne s'écouteront plus , ils ne s'entendront plus .  Ils ne s'écouteront plus , ils ne s'entendront plus - non pas - parce qu'ils ne s'aimeront plus.  Ils  ne s'écouteront plus , ils ne s'entendront plus - non pas - parce qu'ils ne voudront plus partager le même projet, non pas parce qu'ils ne voudront plus regarder dans le même sens. Les tensions naitront, parce que les anciens et les nouveaux -  tout simplement - ne parlent pas la même langue. Cette langue (qu'ils pensent être commune)  en réalité ne nomme pas les mêmes choses. S' ils  pensent  vouloir atteindre le même idéal existentiel, les chemins mentaux pour y parvenir sont tellement différents qu'on croirait à les voir qu'ils marchent en sens inverse. Déjà, deux mondes s'entrechoquent.  Pour le dire vite, il se  dessine   nouvelle Babel.

Les petits quiproquos bêtes du quotidien ( alors qu'au fond on parlait de la même chose ) se transforment  en petites vexations qui entrainent  de sérieuses  bouderies qui elles-mêmes se changent en inexorables fâcheries. L'on voulait dire ceci, mais cela a été compris ( qui nous a fait passer pour le dernier des imbéciles) . L'on commence à se sentir rejeté, malaimé, délaissé, alors qu'au fond, c'est eux qui n'ont pas compris ( les ringards).  Bientôt s'invite le ressentiment.

Camarade, avons-nous les moyens de vivre cette crise qui s'annonce? Non. Nous n'avons ni le temps ni les moyens humains et financiers de pouvoir vivre cette crise-là. Alors que nous sommes en train de renaitre, elle nous achèvera. Camarade, détourne tes yeux des étoiles, je t'invite ici, l'espace de cette lecture à regarder le plancher des vaches. L'avenir du Parti, l'avenir du Front de gauche ne se jouent   dans la réflexion sur l'émancipation humaine,  mais sur la gestion humaine du quotidien militant. Je  sais, c'est pas très glamour, surtout en ces temps de congrès où nous avons l'ambition triomphale de vouloir changer le monde, plomber l'ambiance avec un sujet aussi trivial devrait être interdit...mais ce ne sera pas long, promis, de plus, rien ici d'idéologiquement révolutionnaire, cela te reposera. Ma contribution est une réflexion technique. Humblement technique.

Nous allons avoir un problème, mais pour l'anticiper et le résoudre, je te propose, Camarade,  que nous  "protocolisions l'hybridation".

 [protocole d'hybridation]
Posons tout de suite les choses:  je n'emploie pas des gros mots pour faire intello- chic et snob, si j'appelle ma démarche protocolisation de l'hybridation c'est pour appeler un chat un chat.  Oui, certes, mea culpa...j'aurai pu être moins brutale. J'aurai pu saupoudré mon article d'une métaphore vaporeuse du style," Arpenter les chemins de l'avenir" ou " Pour un imaginaire unitaire"... Camarade, laisse-moi te dire une grande vérité:  tu n'as pas de temps à perdre avec de la mauvaise poésie.

Le protocole d'hybridation est un outil  méthodologique. Il s'agit de penser  et de systématiser les différentes étapes afin de parvenir à anticiper et contenir la crise que je pointais en introduction. Tu dois te figurer  [protocole d'hybridation] comme un programme informatique dont je suis, certes,  la créatrice, mais dont le contenu est  open source . Le protocole  est non seulement libre de droits, mais obligatoirement augmentable afin d'en assurer le développement et la performance.

La fonction finale de ce programme est la mise en compatibilité de données idéologiques qui ne présentent pas a priori d'interface culturellement connue et reconnue à  la  souche idéologique de référence. Le principe d'agrégation artificielle mis en œuvre par le programme opère - de facto - une torsion sur l'objet conceptuel manipulé. Le résultat de la modification de l'objet est nommé l'hybridation. Par conséquent [protocole d'hybridation] est un processus d'inter-fécondation d'objets existants à des objets voulant exister dans l'ensemble des objets déjà existant.

Camarade, je sens que tu te poses quelques questions. Comment et pourquoi une nouvelle adhérente décide de s'engager dans une telle entreprise? C'est justement parce que je suis nouvelle, parce que mon regard est encore neuf, que mon esprit est encore en alerte, que je puis encore englober du premier coup d'oeil ce qui t'échappe à toi qui  vois toutes ces choses depuis longtemps. Vois -  tu, avant que l'habitude ne fasse son oeuvre, à savoir, doucement juguler mes premières impressions que je voulais, avant ne plus m'en souvenir les cristalliser autour de ce travail.

À présent, laisse-moi t'expliquer ce qui a motivé ma démarche.

 Lors de mon adhésion l'année dernière, en faisant le tour du propriétaire, j'ai lu le bouquin de Pierre Laurent " le nouveau pari communiste". À mon grand étonnement,  le Camarade Laurent parlait de bifurcation.
J'ai tout de suite été séduite par cette image  qui donnait à voir la flèche de l'Histoire comme non déterminée à parcourir un chemin tout tracé. J'y ai vu une autre métaphore, celle qui montrait  le lieu de résidence du parti: la croisée des chemins.

Si l'Histoire vit une inflexion de sa trajectoire au profit d'une invention d'un chemin qui n'est pas tout tracé, le parti communiste devra être la formation politique qui contre-pointera en y apportant des traductions dans le réel les mouvements de cette même histoire  ré inventée.

Le Parti devra ( s'il aspire à être  à la hauteur de l'ambition d'avant-garde dont il se réclame)  devenir la caisse de résonnance politique de cette Histoire qui bifurque de son but initial.

La proposition était sérieuse, OK,  pourquoi pas, mais  comment? J'ai parcouru  le livre en espérant une révélation de type mystique qui m'aurait enjoint à me livrer corps et âme à la réalisation du projet de bifurcation. Or, ce que j'ai découvert en intégrant le parti était qu'on n'y livre pas de révélations  autres que le fait d'inciter les militants à se mettre les mains dans le cambouis.

J'attendais paresseusement que le Premier Secrétaire m'incante ce que je devais faire; au lieu de cela,  il m'a juste invitée à me secouer personnellement si je voulais construire avec l'ensemble des camarades un projet qui se tienne. Je me suis donc mise frileusement au boulot.

"Fenêtres..."
J'ai choisi de travailler sur le fait que nous devions trouver les réalités qui correspondaient aux bifurcations annoncées de l'Histoire afin d'en d'écrire les traductions politiques correspondantes. Mais, je dois t’avouer, Camarade, que ce fut un échec grandiloquent. Premièrement  je me suis aperçu que "faire de la politique idéologique" me gonflait, c’était pas mon truc.  Deuxièmement, j'avais pointé qu'on ne pouvait pas ouvrir le programme [bifurcation] afin d'écrire le texte que l'on désire, car il n'existait pas de  système d'exploitation qui permettait en amont de faire fonctionner le programme.

Autrement dit, si   idéologiquement et intellectuellement, le Parti - au travers du regard de son Premier Secrétaire - avait conscience que nous sommes à la croisée des chemins, qu'il va se passer une bifurcation, que le monde va changer et qu'il faut écrire un projet politique en accord avec ce nouveau paradigme:  les outils, à savoir  - les concepts, la grammaire, le vocabulaire, les sujets - destinés à construire le paradigme n'était pas excavé. On  avait   prescience qu'il allait se passer quelque chose, mais on ne possédait pas la matière permettant l'écriture du  projet politique correspondant à ce quelque chose - mutant.
C'est la raison pour laquelle, Camarade, tu l'auras compris, je me suis replié sur ce que je savais faire et qui ne me gonflait pas : produire des systèmes de méta -communication: j'ai crée [protocole d'hybridation]. J'ai imaginé un programme situé ( dans la chaine de mise en œuvre ) en amont de la volonté de penser la bifurcation, le protocole en est son interface technique.

Comment fonctionne le programme?

Le programme fonctionne de la manière suivante. Imaginons un plan sur lequel résident les habituelles données idéologiques conceptuelles ( le champ sémantique de L'Humain d'abord).  Premièrement, le programme a la fonction de mettre en lumière l'espace mental utilisé pour penser. On pense à partir d'où, jusqu'à où? À l'intérieur de ce champ se posent des concepts opératoires. Une fois qu'on a produit l'arpentage du cadastre mental, le programme entre dans sa seconde phase, il sert à élargir le spectre de résonnance. Le programme autorise l'élargissement du  champ de la pensée, dès lors,  il est possible de voir, parce que nous avons élargi le focus,  ce qui était jusqu'à présent caché ou rejeté.

[protocole d'hybridation]  a une fonction d'abaissement du standard de sécurité et de confort des habitudes intellectuelles :  ce qui apparaissait stupide, étrange, pas -de -chez -nous,  dangereux, iconoclaste, hors -sujet, non- communiste, non- culture du parti,  est ici retenu et  convoqué à des fins de manipulation et d'analyse.

Ensuite, le programme propulse le concept qui semble bon d'être retenu dans une sorte de "sas de quarantaine". Là, l'idée est analysée et passée au crible. Il ne faudrait pas que nous soyons en face d'un virus ou d'un cheval de Troie ou une vieille idée coco relookée. Autant prendre l'idée originale et faire en sorte de la promotionner dans le réel. Il faut "laver " l'idée, le concept, la posture, la proposition du verbiage amphigourique en usage dès que l'on décide de prendre la parole. Une fois, après lavage, qu'on ait déterminé qu'il s'agit réellement d'un objet digne d'intérêt, on le retient pour la dernière étape.

Enfin dernière partie du processus:  le travail d'hybridation à proprement parler. À savoir, la mise en compatibilité de ce qui a priori ne pouvait pas être en relation. Il faut tailler là, prendre une partie d'ici, extraire encore, dompter la nature, doser, essayer, tester, abandonner, revenir, rebouturer, faire une réelle expérience de laboratoire conceptuel. Bref, mettre la main de l'homme là où elle n'avait pas encore été afin de  produire de la culture... de  cultiver l'inculte.

Pas de cabinet de curiosité.

Mais prenons garde, Camarade,  il serait dommage que de cette entreprise naisse  cabinet de curiosité. On s'excite, on trouve, on entasse, on collectionne, on juxtapose ici et là des données qui - au final - ne forment qu'un mille-feuille incohérent. Camarade, ne te laisse pas charmer par la lucidité technico  technique de ma proposition: l'hybride en soit ne veut rien dire si on ne le positionne pas sur un champ du possible.
Laisse-moi définir  ici la limite et la fin du programme [protocole d'hybridation]. Le risque de ce programme sera d'attiser une accumulation de données, d'expériences que personne ne  traitera jamais. De plus, un autre risque se profile à mal maitriser le programme: à trop vouloir  élargir le focus, à  trop vouloir ouvrir,  à trop vouloir admettre, l'on finit par se retrouver avec des éléments qui n'ont  ni sens, ni valeur.  À trop vouloir se la raconter dans une pseudo modernité intellectuelle, l'on finit par produire un projet politique hystérique et incohérent.

Là se trouvent la  limite et la fin du programme. Ne braquons pas les lumières du vedettariat sur le vecteur, alors que le message resterait dans l'ombre. Soit bien conscient Camarade, que le programme [protocole d'hybridation] ne pense pas.  Le protocole sert à formaliser comment l'on trouve les matériaux nécessaires à faire émerger dans un second temps la pensée. Il sera obligatoire de produire un second chantier parallèle au premier:  ouvrir  le second programme [bifurcation].

Déjà, deux mondes s'entrechoquent.  Pour le dire vite, il se  dessine une nouvelle Babel.
Oui, bien sur Camarade, je donne tout de suite un exemple.

Je choisis volontairement un exemple hyper théorique, grossier de par l'énormité des sous-concepts qu'il véhicule, mais tu ne m'en voudras pas, je pense qu'on aura le temps d'y revenir.

Exemple: en travaillant sur une série d'interviews que j'ai menée au sein de ma section de Blanc-Mesnil, j'ai pu observer une différence fondamentale d'approche entre les nouveaux adhérents et les anciens adhérents.  J'ai posé la question de savoir quelles seraient les modalités de la réalisation de l'émancipation humaine (téléologie de L'Humain d'abord).

À cette question les anciens adhérents convoquent le concept de [Un-bien] et de l' [En-commun]. L'accès à cette [en- commun] à cet [un- bien] se réalise autour d'un double mouvement, d'abord,  l'individualité se fond par et pour un projet qui la transcende, d'autre part, la réalisation individuelle passe par la réalisation du projet. La récompense de cette abnégation jubilatoire et révolutionnaire est la révélation d'un espace nouveau dans lequel l'individu - loin d'avoir été dissous - se révèlera dans son intégrité nouvelle et à  des rapports aux autres nouveaux.

Inutile de dire que la plupart des nouveaux adhérents de ma section ne partagent pas du tout ce symbolisme. Mais entendons-nous bien, je ne pointe pas le fait que les anciens et les nouveaux s'opposent et n'aspirent pas aux mêmes choses, je tente de  démontrer comment l'on diffère quant aux méthodes déployées afin de  parvenir à l'émancipation humaine, et je tente de mesurer le différentiel des  résultats attendus.  Ainsi, si les nouveaux partagent le concept d'une émancipation humaine réalisée dans la sphère d'un espace qui reste à inventer. Le concept  diffère quant à la manière qu'on a dit parvenir et de le formuler.

L'individualité - pour les nouveaux adhérents-  est ici érigée comme aune à l'action.  On part de soi pour aller vers l'autre, mais dans la conscience de revenir à soi. L'espace nouveau que l'on voudra créer n'est pas figuré comme la sphère  cocon de  [en-commun], mais  sera un [ monde à soi seul] auquel viendront s'agréger une constellation de [ monde à soi seul], qui bientôt formeront une nouvelle galaxie des possibles.
Néanmoins, l'on précise qu' à la différence d'un micro espace clos et autiste [ monde à soi seul] est fondamentalement un espace ouvert aux autres tant que son intégrité et le principe non-ingérence sont respectés.

Dès lors, la possibilité de l' [En-commun]  dans la perspective de la constellation de [ monde à soi seul]  restes dans l'appréciation et l'observation des espaces non habités, des vides définissant les distances entre soi et les autres. L'enjeu étant la définition de la nature de cette espace et l'invention des règles qui le régissent.

Ce sont donc les chemins d'accès à l'émancipation humaine qui diffèrent profondément d'individu adhérent du même parti politique.  Si la réalisation de [En-commun] d'un coté sera pensé par  l'addition de multiple [En-commun]  sera de l'autre coté compris comme la justaxposition de multiple.

De plus,  l'ancien adhérent garde en tête qu'il n'est qu'un maillon de la chaine de la réalisation du projet. Le projet le dépasse,  il lui survivra dans le développement de l'histoire en marche. Si l'ancien adhérent a encore la culture d'une histoire collective , le nouveau quant à lui, se concentrera dans l'appréciation des réalisations concrètes qui amélioreront dans l'ici et le maintenant son hyper quotidien le temps de sa propre vie de son histoire personnelle. Oui, les uns et les autres veulent l'émancipation humaine, mais le concept n'est pas logé dans le même espace-temps.  

Et lorsque je fais remarquer au nouveau avec l'acide ironie qui me caractérise la dichotomie de leur pensée au regard du fondement culturel/idéologique du Parti, lorsque je leur demande s'ils ont bien choisi le bon parti, ils me répondent avec un aplomb qui invitent chacun au plus grand recueillement ( je ramasse ici les dires)  : "peut être oui, mais y a quoi d'autre comme parti?J’ai quoi d'autre comme alternative?  Au moins chez les Cocos, ils pensent au moins à l'humain. Les autres parlent avant toute économie, or, chacun sait que l'économie n'est que le résultat de choix de vie, on pense d'abord à l'humain et on adapte le système économique aux choix de vie, donc pour moi, c'est encore ici que je me retrouve le mieux même si je pense différemment".

Alors qui est qu'on fait Camarade? "Faut il nous débarrasser  des nouveaux?" comme le suggérait avec ironie le titre du la revue du Projet? Ou abaissons -nous  le standard de résistance? Élargissons-nous le focus?  Plaçons- nous  la confrontation de l'idée sur le plan de l'analyse ?   Tentons- nous  de formuler l'hybridation de [ l'hyper individualisme subjectif ] comme chemin d'accès à l' [En- commun] ? Hein.. Camarade? On fait quoi?

Je conclus...

Je vais conclure ma contribution en te livrant quelques arguments supplémentaires afin qu'un groupe de travail soit créé. Ce groupe qui je l'espère prendra la forme d'un think tank aura pour mission de finir l'élaboration du programme et de le faire fonctionner.

Réduire la fracture de représentativité  du segment des 25-40 ans et faciliter leur mise en mouvement et la captation des nouveaux sujets.

Tu n'es pas sans savoir que le parti observe une rupture de la représentativité des 25- 40 ans. Or, dans le groupe N des nouveaux adhérents ont retrouvé en majorité cette  classe d'âge élargie.

 La crise que je pointais au départ n'est pas que la crise de deux groupes allant à la confrontation entre  idées que je qualifie grossièrement de  nouvelle et ancienne, mais également il se dessine une autre problématique, celle du renouvellement des militants et des cadres.

Le programme a une fonction connexe,  celle d'accélérer la réduction de la fracture de représentativité par la mise en mouvement plus rapide dans l'action militante concrète des nouveaux adhérents.

Comment? En mettant une réalité concrète sur le slogan incantatoire de la campagne: "Prenez le pouvoir ! » Il ne s'agit pas ici d'une simple posture marketing, mais d'une définition de l'idée qu'on se fait de la politique. Dès lors, la volonté du programme à vouloir élargir le focus permet  d'offrir au nouveau une auto- conscientisation jouissive.

S'il ne se sent pas encore assez solide pour tracter sur le marché le dimanche, s'il est encore trop timide pour se pointer à la gare du RER B  à 7 heures du mat, s’il ne se sent pas encore les nerfs pour faire du porte-à-porte,  on lui laissera prendre le pouvoir dans la sphère de son action politique qui se situe sur  le territoire impérial de sa parole.

De cette parole chaotique et originale   émergera, ce qu'il convient d'appeler les nouveaux sujets. Les idées de l'air du temps, les préoccupations réelles des citoyens. De la parole des nouveaux, on peut attendre la production de rapports d'erreurs. Ces rapports d'erreurs sont les impressions bouillonnantes  qui mettent en lumière le différentiel entre les attentes réelles et les propositions politiques.

Lorsque l'on aura capté ces nouveaux sujets, on sera en mesure de les mettre en regard avec idées d'action militantes destinées à répondre concrètement aux attentes des gens en vrai dans la vie en vraie. Les nouveaux puisque chercheur/ émetteur/ trouveur des nouveaux sujets seront, cela va de soit,  les porteurs des actions concrètes.  Le protocole permet de mettre en mouvement d'une façon rapide et cohérente les nouveaux adhérents en fonction de leur centre d'intérêt qui comme cet article à la présomptueuse prétention de le vouloir le démontrer correspondent au centre d'intérêt d'une société en mutation.
                        *
J'en finis là, Camarade, tu vois, il n'y a que des avantages pratiques. Laisse-moi te faire l'article, il s'agit d'un bon produit fiable  et pas cher du tout. Il fonctionne à l'huile de coude et au neurotransmetteur. Tiens, Camarade, et si on l'essayait le programme afin de vérifier s'il fonctionne ?  Oui, là tout de suite, soyons fous... en tant que nouvelle adhérente, voici comme j'utiliserai [protocole d'hybridation]...
En tant que nouvelle adhérente voici les sujets qui me passionnent, fondent ma vie professionnelle et personnelle.

En vrac: les techno-sciences, la neuro-esthétique, les nanotechnologies, l'ethnomusicologie appliquée... Les FAB LAB, l'augmentation des corps, la réinvention de l'espace entre vies publiques et vie privée, la ville ouverte 24h sur 24h, l'hyper travail ( via internet) faisant exploser les notions traditionnelles du travail en boite... Le temps vécu, le temps subit, le temps condensé, les temps superposés... La famille réinventée , les concepts de territoire et de Patrie  à l'heure du virtuel ont il encore la même signification...  Le  monde qui se fait sensoriel, ubiquitaire, l'on vit plusieurs vies dans une vie...

Moi ce qui m'intéresse ce n'est pas qu'on se pose en extase tremblante d'un recueillement quasi religieux devant les techno-sciences ou le  numérique . Au fond, je me fous des techno-sciences et du numérique, ils ne sont que de vulgaires outils . J'attends qu'on interroge les raisons du comment et du pourquoi ces vulgaires outils ont produit une révolution  qui a bouleversé en profondeur le monde et les rapports humains et en quoi un parti politique peut y apporter une vision large.

Ce n'est pas en soi les FAB LAB qui sont intéressants, mais les bouleversements qu'entraine l'exercice de style des FAB LAB et en quoi ce sujet challenge la  capacité d'un parti politique à anticiper les changements sociétaux.

Ce qui me passionnent dans les nouveaux sujets que je viens d'évoquer, c'est que derrière les gros mots dont ils semblent être fait ils parlent en fait de la vie en vraie. Ils parlent de révolution qui a lieu en ce moment même. Ce qui me passionne dans les sujets que je convoque  c'est qu'on croit qu'ils parlent d'un  futur science fictionnelle qui potentiellement arriverait dans un siècle alors qu'en réalité ils évoquent la réalité de Madame Michu. La réalité de Madame Michu qui est déjà mutante, déjà polymorphe, déjà métamorphosée, déjà ubiquitaire. Et notre Madame Michu actrice semi-consciente de son rôle fondamental dans cette révolution radicale se réinvente comme une grande son monde qui va avec...
Si Madame Michu a rebooté toute seule sa réalité, j'espère avec insistance que mon parti politique sera en capacité de rebooter la sienne. Mon parti politique aura il le cran de  créer à l'intérieur de son système un endroit ou s'anticipe des questions qui paraissent à l'heure actuelle hors sujet par rapport à ses propositions politiques  têtes de gondoles?

Oui je le crois.

S’il y en a bien un qui n'a pas d'autre choix que de faire une révolution paradigmatique et qui en a les moyens, c'est bien le Parti communiste et c'est d'ailleurs pour cela que j'y ai adhéré.  Pourquoi? Parce qu’il est un laboratoire d'expériences poétique. Des types et des nanas qui sont assez fleur bleue pour intituler leur congrès "Il est grand temps de rallumer les étoiles" peuvent prétendre à se laisser captiver par d'autres images symboliques. J'attends que mon parti politique hybride à son disque dur mes questionnements.
Pour le dire avec plus de lyrisme,  j'attends que mon parti politique ait assez de courage pour se faire peur. Oui, j'attends  que nous convoquions d'autres images, pas celles douces et éternelles du balai majestueux des corps célestes, mais celles autrement plus inquiétantes du monde tel qu'il sera dans vingt ans, et qui comme beaucoup comme moi le subodore ne sera pas égal à ce que nous espérons qu'il devienne.
 Non, je ne convoque pas les sempiternelles annonces apocalyptiques névrosées qui font peur aux braves gens. Bien au contraire, j'espère que  le cours des évènements conduira la dérive de notre continent intellectuel à aborder des contrées encore inexplorées dans lesquelles le champ de nouveaux possibles s'ouvrira largement devant nous. Faisons preuve de courage,  envoyons-nous une décharge d'adrénaline et prenons plaisir à l'effroi de la surprise et du suspens.   Réjouissons- nous , Camarade,  car se profile à l'horizon la fin de l'insupportable ennui dans lequel le monde tel qu'il nous apparait nous emprisonne.
 Réjouissons-nous, Camarade!  Nous avons un immense défi à relever,  il va nous falloir décrypter, donner à voir, expliquer, appréhender, comprendre, maitriser, cultiver  un Nouveau Monde. Et j'ai même entendu dire, Camarade,  que dans ce Nouveau Monde les étoiles y scintillent si d'un éclat si intense que l'on dirait que se lèvent en pleine nuit des aurores aux couleurs étranges et inconnues...
Elvire Guern-Dalbi Janvier 2013

Il y a actuellement 2 réactions

  • Plutôt à méditer

    Quelle contribution! Je reste ébahi.

    Même si la longueur et le style la pénalise, la contrubution d'Elvire soulève un véritable problème auquel nous sommes déjà tous confrontés.

    Nous voulons la révolution et celle-ci se fait tous les jours, pas forcément dans les domaines que nous aurions souhaités.

    Et bien des choses nous échappent: mais il est impératif que nous réussissions le métissage du plus ancien au tout récent.

    Ce qu'il faut obtenir, c'est que chacun s'écoute et que personne ne s'exaspère ou ne se sente rejeté.

    Faire cohabiter le vieux militant soucieux et acteur du collectif avec les plus jeunes adhérents et sympathisants guidés principalement par une importante dose d'individualisme est une contradiction bien réelle qu'il va nous falloir apprendre à résoudre tous ensemble, en faisant chacun des pas dans la direction de l'autre.

    Plus dure encore que l'individualisme qui comprend au moins le besoin pour chacun de trouver sa place et d'être reconnu: le consumérisme! Pour l'instant, je constate au sein de mon syndicat que la partie va être plus que compliquée.

    Elvire, STP, la prochaine fois, peux-tu être un peu plus concise. Merci: j'ai besoin de lire les autres contributions.

    Par Hervé RADUREAU, le 02 février 2013 à 21:46.

  • Protocole d'hybridation... du présent piégé au futur libéré

    La base matérielle sur laquelle est en cours de mutation ce que nous appelions "le genre humain", si elle a techniquement changé, elle, n'a en rien "muté"...

    Ce qui continue à produire la nécessité de la fonction "communiste" reste que l'équation complexe du développement humain est profondément opposée à cette rigidité linéaire du système prétendant gérer la totalité des existences.

    Le communisme, à travers les illusoires "changements sociétaux", demeure le mouvement nécessaire à l'émergence-réémergence de l'humain, destiné à transformer l'équation de cette base matérielle: ce que Marx appelait "abolition" , nous l'appelons provisoirement "dépassement", mais il s'agit en perspective dynamique d'une fécondation des potentiels du réel gelés par un système obsolète forcément "en crise".

    Si le but du protocole d'hybridation est de reproduire un "parti dominant cohérent" avec une nouvelle ambition de perfection totalitaire, ce protocole reproduira à terme "les erreurs du passé"...

    Personnellement je conçois "l'hybridation" comme "exogène" : le communisme fécondera la réalité vivante porteuse de potentiels "révolutionnaires" extérieurs à lui-même, ce qui signifie que ce n'est pas l'avenir qui doit être "communiste", mais le mode de passage... du présent piégé, au futur libéré.

    L'hybridation suppose partage avec entités extérieures, sans recherche d'intégration.

    C'est pourquoi la "dynamique du Front de Gauche" m'intéresse : nous y créons un lieu de proximité où la "contamination féconde" est réciproque, entre collectifs autonomes ayant signé un "protocole ": celui des fronts de lutte pour "l'humain d'abord"...

    La vertu de cette dynamique réside dans son potentiel d'élargissement par hybridations successives sans qu'aucune des composantes historiques diversement "datées" ne perde de son énergie transformatrice: ce qui est alors "révolutionnaire" ce n'est pas l'organisation , ce devient "le peuple qui joue avec"...

    Inutile de répéter ce que Marx disait : ce "peuple intéressé par la convergence de ses luttes", il entre dans un "processus constituant le nouveau prolétariat": le prolétariat en mouvement dans ce qui une fois réalisé , pourra être constaté comme "abolition de l'ordre ancien"...

    Pour "commettre cette hybridation", il faut donc travailler à son protocole dans le "front des luttes" en question.

    Car il serait insuffisant de ne relever que la distorsion générationnelle comme défi à relever : c'est pourquoi je crois à l'utilité "entre autre, bien évidemment", de l'expérimentation du tirage au sort ici et là, et d'un "travail en coopérative" partout où il est possible de l'expérimenter....ce qui me conduit à imaginer un parti communiste existant de manière multiforme, dans des collectifs entrant en résonnance avec d'une part "le peuple constituant", d'autre part "une théorie constituante en cours d'écriture"...Celle dont les premiers soupçons ont été écrits par Marx...

    Par Alain Guillou, le 01 février 2013 à 08:45.

 

le 29 janvier 2013

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