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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Rallumer les étoiles…en ayant les pieds sur terre par Alexandre Buteau

Le titre du texte de la base commune du 36ième congrès laisse entendre que notre salut politique passerait par l’idée de rallumer les étoiles, de retrouver le souffle d’une espérance, de raviver la flamme du changement, voire de l’utopie. Il faudrait opposer vigoureusement l’idéal d’une rupture « avec le capitalisme en le dépassant » à des politiques d’austérité cyniques et injustes qui se font au nom du pragmatisme et du réalisme. Il faudrait alors faire une révolution citoyenne, en finir avec un système capitaliste n’ayant « d’autre perspective que l’asservissement de l’immense majorité des êtres humains », seule solution crédible pour redonner du sens à l’humanité qui n’en finit pas de se noyer dans les « eaux glacées du calcul égoïste »(Marx). Et pourtant il (le système capitaliste) tourne…avec la servitude volontaire ou pas de l’immense majorité des êtres humains, sans que l’idée communiste ces dernières décennies aient pu sérieusement opposer quelque chose, tant sur le plan théorique que politique. Comment comprendre cet écart persistant ?

Le problème, qui n’est pas nouveau, c’est que cette perspective émancipatrice qui est la nôtre ne fait guère recette auprès des peuples des grands pays capitalistes. Au-delà du poids de l’histoire récente qui a tant contribué à salir l’idée communiste, la question essentielle demeure celle de la crédibilité et de la faisabilité d’une telle perspective et d’«un projet de société fondé sur l’humain » tels que nous pouvons en esquisser les grandes lignes. On pourra bien sûr accuser les médias, les autres partis politiques, l’idéologie qui déguise les intérêts de la classe dominante d’être les causes essentielles de nos difficultés, mais nous ne pouvons plus faire l’économie de nos propres faiblesses ou insuffisances : si les gens se déterminent toujours à partir de ce qui leur semble être leur bien, comment comprendre que l’idée communiste, son idéal d’émancipation …soient si peu désirables ?! Pourquoi les gens ne le considèrent pas comme possible ?souhaitable ?

Tout d’abord la politique est affaire de pratiques mais aussi de signes. Or, fondamentalement, nous apparaissons sans doute comme des défenseurs acharnés de l’égalité, des plus défavorisés, des salariés du secteur public…mais il n’est pas sûr que nous rendions visible et lisible l’idée que nous serions capables de gérer Toute la société et pas seulement de défendre certaines de ses catégories. Un parti de gouvernement qui aspire à exercer le pouvoir se doit de donner à voir un projet qui est capable de faire vivre ensemble une société, de donner du corps à des intérêts contradictoires en montrant qu’une gestion de cette conflictualité est possible. Demain, si nous avions le pouvoir, on ne supprimerait pas d’un coup de baguette magique le Medef et les entreprises du CAC 40, pas plus que les innombrables PME-PMI qui constituent également le tissu économique, de la même façon que Total ne deviendrait pas une Scop. Il nous faudrait donc avancer le plus loin possible dans la mise en œuvre d’un projet de transformation avec des rapports de force contradictoires, des blocages de la société, des mentalités elles-mêmes contradictoires, tant avec des alliés politiques divers qu’avec des partenaires économiques aux intérêts eux-mêmes sans doute très contrastés, de l’artisan à la multinationale en passant par les marchés financiers. Nous portons trop souvent des propositions qui ne tiennent pas compte des rapports de force et donc qui ne les modifient pas.

Voilà pourquoi, s’il faut bien indiquer un cap, nous avons peut être tendance à confondre la fin avec les moyens, la perspective et la stratégie, une ligne directrice et la politique conjoncturelle, bref de mettre la charrue du communisme avant les bœufs de la politique concrète. Dire cela ce n’est pas en rabattre sur les contenus ni sur une visée émancipatrice, mais c’est se poser sérieusement la question de la meilleure façon de les faire avancer. Or on peut être dans l’incantation permanente, penser qu’on est d’autant plus communiste qu’on maudit chaque jour un peu plus le capitalisme et ses serviteurs ,  force est de constater que si ça peut nous mobiliser, nous apparaissons sans doute aux yeux des gens comme de doux rêveurs impuissants ou des résistants inoffensifs, entre utopie abstraite et contestation marginale.

Qu’est-ce alors qu’être communiste aujourd’hui sans se raconter d’histoires, en ayant les pieds sur terre, ce qui n’empêche pas de regarder les étoiles ? Ne sommes nous pas toujours victime d’un idéalisme rampant qui nous fait croire qu’on renonce à l’idéal communiste dès lors que l’on met les mains dans le cambouis du réel ? N’est-ce pas dans nos têtes aussi, et peut être d’abord, qu’il faut faire la révolution et modifier notre logiciel de fonctionnement ? Nous n’avons peut-être pas pris toute la mesure des deux paramètres incontournables de nos sociétés modernes, l’économie de marché (ce qui n’exclut pas bien entendu maîtrise publique, mixité économique, services publiques mais n’autorise pas non plus à penser que l’économie se plie entièrement à la politique) et l’esprit démocratique (qui implique réformes, rapports de force évolutifs, Etat de droit, débat contradictoire et recherche du consensus…). Tout ceci n’exclut nullement de remettre en cause de façon processuelle des aspects du capitalisme (nouveaux droits des salariés, pacte sécurité-emploi-formation… pour ne prendre que cet ex) mais n’autorise pas à se payer de mots sur l’abolition du capital ! Serait-on moins communiste si en prenant nos responsabilités au plus haut niveau nous faisions réellement valoir de telles propositions dans la vie concrète de millions de salariés sans préjuger des autres combats à venir qu’une dynamique enclenchée permettrait peut-être d’obtenir ? N’est-ce pas ce que font si bien nos élus à tous les niveaux ?

Par ailleurs l’idée de révolution, fut-elle citoyenne, fait sans doute plus peur aux gens qu’elle ne les séduit, et quand bien même un projet de société rompant avec le capitalisme serait désirable dans ses contenus, il n’est guère vécu comme possible car la démocratie implique la réforme, le compromis (parce que l’on gère les contradictions de toute la société), toutes choses processuelles qui font que les gens pensent qu’on ne rasera pas gratis demain et que de grandes ruptures ne sont pas forcément souhaitables. Plutôt que de véhiculer cette idée, sans doute un peu magique dans la conscience des gens, d’une révolution, même citoyenne, où ils sont invités à prendre le pouvoir, ne vaudrait-il pas mieux présenter quelques propositions fortes qui donneraient corps à une autre politique globale possible sans autre condition que celle d’une majorité politique suffisante pour les mettre en œuvre ? A-t-on besoin de dire qu’il faut faire la révolution pour mettre en œuvre ce qui ne se ferait que par la réforme, fut-elle audacieuse dans ses contenus ?

Ce n’est pas bien entendu laisser penser que rien n’est possible, mais que tout ne l’est pas non plus sous prétexte qu’on promet un grand coup de pied dans la fourmilière du Capital. Il nous appartient d’enraciner justement des propositions alternatives qui soient crédibles aux yeux d’une majorité de gens, ici et maintenant. Qui peut sérieusement croire qu’on romprait avec le capitalisme alors que nous serions déjà très heureux sans doute d’en contrarier ou d’en dépasser certains aspects !

Souvenons nous que le communisme est le mouvement réel qui abolit l’état de chose existant et que c’est pas à pas que l’on pourrait rendre effectives de nouvelles libertés, au rythme rendu possible par la société elle-même. N’est-ce pas avec une telle conception du changement dans nos têtes que nous serions prêts à participer à tous les pouvoirs et de le faire sentir aux gens et de nous poser sérieusement la question : que ferions-nous au pouvoir ? Alors oui, il y a une place à prendre pour une gauche de transformation qui ne se paye pas de mots et qui assume(rait) les risques et le pari de tout pouvoir, qui sont qu’on ne fait jamais ce que l’on veut complètement mais que cela n’interdit pas d’indiquer un cap, et de faire un bout de la route qui nous y mène, si longue soit la route d’un idéal-horizon. Alors on peut regarder les étoiles tout en essayant de mettre un pied devant l’autre pour faire avancer pas à pas une émancipation en acte qui change vraiment la vie sans seulement rêver de le faire.

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le 18 janvier 2013

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