Les congrès du PCF

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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Contre le piège identitaire, l'égalité des droits pour tous par Fabienne Haloui

Immigration- Racisme-Intégration
Un des documents de référence  du 36ème congrès du PCF, le rapport du conseil national du  13 septembre 2012, nous appelle à « déracialiser le débat ».
Seraient responsables de l’ethnicisation des rapports sociaux, la droite, mais aussi la gauche dans sa réponse à l’ethnoculturalisation de la société ainsi que tous les mouvements qui se sont constitués à partir des années 80 pour agir contre le racisme et pour l’égalité mais aussi pour défendre les particularismes liées à leurs identités (femmes, homosexuels, jeunes, immigrés…)
Une telle affirmation ne peut que faire débat, aussi ma contribution qui pourra  surprendre, vise, par des rappels historiques, à ce que tous les communistes puissent s’approprier ce débat.
Si pour tout marxiste, l’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes, il est évident qu’à droite et à l’extrême-droite, on préfère substituer à cette grille d’analyse celle du choc des civilisations :
celle qui prône la guerre des civilisations, des ethnies, des religions ;
celle qui prône la supériorité d’un occident blanc et chrétien aux valeurs universelles menacées par des hordes de migrants prêt à envahir l’Europe et par un nouvel ennemi de l’intérieur, le musulman forcément fanatisé cherchant à imposer ses pratiques culturelles et cultuelles « aux Français de souche ».
Cette vision du monde pensée et théorisée est intégrée aux stratégies de  domination capitaliste. Alors que les politiques ultra-libérales aggravent les inégalités, la question sociale est déplacée sur le terrain identitaire.
On masque ainsi l’aggravation des inégalités sociales et on renonce au combat pour l’égalité. Dans ce monde inquiétant et menaçant pour son avenir, l’affirmation d’une identité est un sentiment de réassurance !
Cette « parole ethnicisée » largement banalisée par les médias, n’apparaît plus comme raciste, mais comme l’expression d’un problème avec la différence. C’est là le produit de la « lepénisation des esprits », du discours officiel de la mandature de Nicolas Sarkozy, mais pas seulement.
Je ne partage pas l’idée que la « racialisation du débat » remonterait aux années 1980 sous prétexte que la gauche, dans son ensemble, en  renonçant  à changer la vie des classes populaires aurait fait le choix d’« une nouvelle clientèle électorale » porteuse de revendications minoritaires (femmes, homosexuels, immigrés, anti-racisme) et d’autres particularismes.
Le parti socialiste devant sa plus grande difficulté à se différencier de la droite sur le terrain social et économique aurait-il fait  progressivement, le choix, « d’abandonner les ouvriers au Front National », en ciblant un électorat plus bobo, les « minorités », en surinvestissant les questions sociétales, c’est une stratégie qui semble être partagée au PS.
Le Parti Communiste Français, quant à lui, s’est fixé l’ambition, depuis plusieurs congrès, d’articuler la lutte contre l’exploitation capitaliste à la lutte contre toutes les dominations qu’elles soient liées à la race, au genre ou au sexe en travaillant à l’unité des dominés et des exploités. Ces deux combats ne s’opposent pas, ils sont nécessairement complémentaires.
La « racialisation du débat » dans les années 80 est marquée par l’entrée en scène du Front National avec le slogan : « 1 million de chômeurs c’est 1 million d’immigrés en trop ! La France et les Français d’abord !».
Cette parole qui va d’abord prendre pour cible l’immigré puis le musulman a une histoire ; les mouvements de lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits dans les années 80, ne sont pas la cause mais plutôt la conséquence de ces « rapports racialisés ».
Les rapports « racialisés » se confondent avec l’histoire du capitalisme : ce que Marx appelait « l’accumulation primitive du capital » c’était le travail gratuit des esclaves aux Caraïbes et aux Etats Unis ; c’est sur des rapports de domination comme l’esclavage puis la colonisation qu’ont émergé les sociétés capitalistes. Ce sont ces rapports « racialisés » qui  ont conduit au « racisme d’état », à l’horreur concentrationnaire, au génocide juif.
Ce sont bien sur les théories d’inégalités raciales que s’est élaborée la politique de l’immigration très hiérarchisée de l’Etat Français et que s’est construite la « parole racialisée ».
L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION EN FRANCE
L’immigration en France est un phénomène assez récent (18ème siècle) qui devient une réalité quand la notion d’étranger commence à être assimilée à la notion de différence de nationalité, c’est-à-dire vers la fin du 19ème siècle.
Lorsque l’immigration intérieure ne suffit plus (exode rural), les patrons se tournent vers les pays voisins ; on a recours à l’immigration pour des raisons économiques (main d’œuvre bon marché) et pour combler le déficit démographique (baisse des naissances et pertes militaires guerres 1870 et 1918).
C’est donc une immigration qui est pensée comme durable  devant s’assimiler, à terme, à la Nation. La politique s’élaborera avec l’apport de démographes, de médecins acquis à  la « conviction scientifique » de la supériorité de la race blanche.
Longtemps, la Belgique et la  Suisse fournirent les plus gros contingents d’immigrants, deux pays qui furent progressivement remplacés à partir de 1850 par l’Italie, pays à forte croissance démographique.
Au début du 20ème siècle, l’immigration est principalement constituée d’Italiens, mais aussi de Belges, de Suisses, d’Espagnols et d’Allemands. Puis arrivèrent les Russes les Hongrois, les Polonais, les Tchèques, les Yougoslaves…
Si l’administration française ne pratique pas alors la politique de quotas par nationalités, elle effectue une sélection des nationalités entrantes sur le territoire : plutôt à Milan qu’à Istanbul !
Du moment que l’on recrute des immigrés pour en faire des nationaux, il faut choisir le pays de recrutement. Pour que la fusion de ces peuples puisse se faire, cela doit se passer par leur acculturation, leur assimilation et le métissage.
Dès les années 20, le cadre politique est donné : « Les nations qui peuvent fournir à la France de bons immigrants sont peu nombreuses l’Italie, l’Espagne, la Tchécoslovaquie, la Pologne et la Roumanie ».
 « Quand aux Grecs, aux Levantins (juifs d’Europe Orientale), aux kabylles, ce sont des immigrants de second ordre dont personne ne veut et que nous n’avons pas intérêt à attirer chez nous »
Restent les hommes de couleur (Asie, Afrique) : « Malgré les périls de la dépopulation, nous devons soigneusement éviter leur immigration de masse….. »
A partir de 1915, pour participer à l’effort de guerre, on fait appel à des ouvriers algériens, noirs, indochinois qui seront vite renvoyés chez eux à la fin du conflit. On ne pouvait pas assimiler en France des « Indigènes » dominés dans l’empire colonial, sans droits.
 De surcroît, leur présence en métropole entraînerait «l'abâtardissement» racial de la population française.
C’est l’époque où on théorise sur le « métissage » nécessaire à la fusion dans la nation française et donc sur les compatibilités physiologiques des immigrants européens latins.
En 1946 André Siegfried écrit : « En France, les Italiens se francisent sans peine, surtout s’ils épousent des Françaises ; les Espagnols un peu moins facilement mais fort bien encore, c’est affaire de mariage. Les Polonais sont susceptibles d’assimilation sauf s’ils sont groupés séparément sous la surveillance de prêtres polonais »
Telle est aussi la position de Robert Debré et d'Alfred Sauvy, directeur de l'INED depuis sa fondation en 1945, qui, pour «garder au caractère et au type français ses meilleures qualités», proposent la création d'un «ministère unique» chargé de «diriger et contrôler l'immigration en France».
« Il y a les étrangers assimilables, Italiens, Espagnols, Belges, Hollandais. Il y a ceux qui ne sont pas assimilables et dont l’immigration doit être sévèrement surveillée : les Nord-Africains, les Grecs, les Arméniens, les Israélites de l'Europe orientale non pour des raisons biologiques mais culturelles »
« …Pour les Nord-Africains, avec lesquels l’islam a creusé un fossé profond, la fusion est difficile et peu souhaitable.  Il faut au contraire les laisser groupés et concevoir une admission collective, voire familiale d’Africains sur des chantiers… ».
A la fin de la 2ème guerre mondiale, le rideau de fer mettra un terme à l’immigration polonaise, roumaine et tchèque. C’est aussi la fin de l’immigration italienne.
Malgré les réticences d’une partie des autorités publiques et le contexte de la Guerre d’Algérie, les entreprises se tournent alors vers le Maghreb.
Durant les 30 glorieuses, les patrons feront appel à une immigration provenant du Portugal, d’Algérie, de Tunisie et du Maroc jusqu’ 1974 qui marque le début de la crise : le Gouvernement français met fin à l’immigration de travail et autorise le regroupement familial.
Ces rappels historiques nous permettent de mieux comprendre la construction des préjugés raciaux et xénophobes qui imprègnent notre société.
Pour certains migrants, la mixité est souhaitée pour favoriser l’assimilation par le métissage car cela procède d’un processus d’acculturation. Pour d’autres suscitant la « mixophobie », il faut les regrouper, éviter le métissage car jugés inassimilables et donc les maintenir dans leur culture !
On comprend mieux pourquoi les Harkis qui avaient choisi la France ont été parqués et si longtemps méprisés, les foyers SONACOTRA dont la mission était d’accueillir mais aussi de regrouper pour les contrôler les migrants du Maghreb et de l’Afrique Subsaharienne. On comprend mieux les « politiques d’attribution communautaires » qui ont prévalu dans le logement social.
La théorie des 3 cercles n’empêche pas le développement de la xénophobie. Quant aux processus d’assimilation ils sont longs, même lorsqu’il s’agit d’immigrés jugés « assimilables ».
Le racisme contre les Italiens fut violent, celui contre les Belges également. Les Italiens sont jugés primitifs et barbares. Les « Ritals » les « Macaroni » … les noms méprisants ne manquaient pas, ils sont accusés de vols, de viols… Le vocabulaire xénophobe traverse les âges…..
 Voici une citation du Parti des Croix de Feu en 1934 à propos des Italiens : « travailleur français, tu entretiens les étrangers quand ils sont à l’hôpital, quand ils sont au chômage, quand ils sont en prison. Ils te récompensent en  prenant ta place, en travaillant en dessous du tarif, en te mouchardant à l’usine »
Aujourd’hui, plus personne ne parle des Italiens, plus personne ne parle des Arméniens qui furent si longtemps jugés inassimilables. Leurs enfants et petits-enfants ont conquis le droit à l’indifférence après 2 ou 3 générations !
Aujourd’hui, ce droit à l’indifférence est toujours refusé aux enfants et petits- enfants d’immigrés africains et nord africains. Un récent sondage nous dit qu’ils sont français à 97 % mais qu’ils se sentent toujours perçus comme des « issus de ».
Ils sont 67 % à penser que « Le regard des autres ne fait pas d’eux des Français, les questions des autres ne font pas d’eux des Français…».
A situation sociale égale, ils sont plus discriminés dans l’accès à l’emploi, au logement, aux loisirs.
La patrie de l’universalisme ne traite pas ses enfants à égalité !
Force est de constater la persistance de pratiques racistes et discriminatoires à l’encontre de ces citoyens  français. Un petit fils d’immigré algérien reste, dans le regard de l'autre, un étranger sur la base de la couleur de sa peau, de son patronyme ou de sa religion vraie ou supposée.
A la discrimination raciale se rajoutent souvent la discrimination sociale et l’assignation à résidence dans des quartiers ghettoïsés. C’est alors la triple peine !
Mais on peut avoir aussi brillamment réussi ses études ou être issu d’une famille ayant réussi socialement et être confronté au racisme ou à la discrimination.
Une enquête du Bureau International du Travail, en 2005,  confirmait qu'un employeur dans 4 cas sur 5 préférait embaucher un candidat « d'origine hexagonale ancienne » plutôt qu'un postulant d'origine maghrebine, noire africaine ou des DOM TOM.

REDEFINIR LES BASES DU VIVRE ENSEMBLE
Notre « modèle » d’intégration est en panne
Jusque dans les années 70-80, malgré des périodes de crise temporaire, l’intégration des immigrés et de leurs enfants s’est faite par le travail et par leur socialisation dans les organisations politiques et syndicales de gauche.
L’intégration de l’immigration post coloniale va se heurter à plusieurs obstacles :
D’abord au fait que cette immigration non occidentale visible fut longtemps impensée car impensable, c’est sûrement cette immigration que les pouvoirs publics ont envisagé le plus longtemps comme temporaire.
Lorsqu’en 1974, Giscard d’Estaing accepte l’immigration familiale en échange de l’arrêt de l’immigration du travail, c’est l’autre face de l’immigré qui va surgir.
On ne voit plus l’immigré, force de travail, qui a contribué à la reconstruction de la France, on ne voit plus que l’immigration familiale, celle qui signifie l’installation et qui pose la question du vivre ensemble dans un contexte de crise économique entrainant un chômage durable et de masse.
La France, l’état le moins religieux d’Europe va devoir intégrer la pratique d’une nouvelle religion sur son territoire.
Aux préjugés racistes hérités de la domination coloniale, va se sur-rajouter le traumatisme de la Guerre d’Algérie qui va générer un « racisme anti-arabes ».
Laurent Mucchielli, spécialiste en criminologie, rappelle qu’une étude journalistique,  à partir d’archives,  avait conclu à plusieurs centaines « d’arabicides » perpétrés dans les années 70-80.
Quand les fils d’ouvriers avaient un CAP ou lorsqu’ils n’avaient pas réussi à l’école, ils rentraient à l’usine. On imagine la suite quand les usines vont fermer les unes après les autres : le chômage passe de 3 % en 1975, à 7 % en 1983 à 9 % en 1988 %.
Avec les horreurs de la 2ème guerre mondiale, les théories sur l’inégalité raciale s’effondrent. Un racisme culturel se substitue au racisme biologique : les modes de vie et la culture se transmettent de génération en génération, la « race supérieure » étant celle qui porte et exporte sa civilisation, la « race inférieure » étant jugée en fonction de sa distance à la civilisation érigée en modèle et de sa capacité à s’assimiler (Robert Castel).
Ces différences « essentialisées »  sont inscrites dans notre histoire, celle de la traite négrière, du code de l’indigénat en terres coloniales et de l’immigration hiérarchisée sur un concept culturel : on voit bien dans la hiérarchie qui a longtemps prévalu où seraient classés les Roms aujourd’hui !
Mais un sondage CSA réalisé en décembre 2011 nous confirme qu’à la fois les Français sont imprégnés de ce « néo-racisme » mais que cohabitent en eux les valeurs permettant de le faire reculer.
87 % des personnes interrogées considèrent soit que les races se valent ou qu’elles n’existent pas tout en estimant que le racisme est répandu. 47 % citent  les Nord Africains/musulmans et 30 % les noirs comme les victimes principales du racisme.
62 % considèrent que les gens d’origine étrangère ne se donnent pas les moyens de s’intégrer, en 2009, ils n’étaient que 50 % à le penser.
72 % pensent que l’augmentation du nombre d’immigrés rend la vie plus difficile, ils n’étaient que 54 % à le penser en 2009. On voit là le poids des campagnes de stigmatisation.
51 % pensent que les musulmans sont un groupe à part.
Un autre exemple qui montre comment toutes les questions liées à l’immigration sont l’enjeu d’une véritable bataille idéologique.
Sur le droit de vote des résidents étrangers non européens : à partir de  2006, les français ont partagé majoritairement cette proposition jusqu’en 2010. A partir de 2011, l’opinion favorable de 59 % chute à 44 %
Et pourtant malgré le climat malsain que nous avons vécu sous le quinquennat de Sarkozy :
74 % pensent que tout le monde peut réussir quelle que soit la couleur de sa peau,
72 % considèrent que les Français musulmans sont des Français comme les autres qui doivent pouvoir exercer leur religion dans de bonnes conditions.
64 % des français pensent que la présence d’immigrés est un enrichissement culturel.
59 % pensent qu’il faut engager une campagne vigoureuse contre le racisme.
L’enjeu est bien de savoir comment mettre en échec ces campagnes faisant de ces français  qualifiés de minorités soit par la couleur de leur peau, soit par leur patronyme ou pour leur appartenance à l’islam des éternels étrangers de l’intérieur.
Il y a urgence ! Il y a urgence de faire reculer, dans un même mouvement,  les inégalités sociales et tous les préjugés racistes.
Il y a urgence car la situation sociale s’est tellement dégradée qu’elle conduit, d’une part, à des comportements de séparatisme social chez les français qui se considèrent « de souche » et, d’autre part, à des replis identitaires exploités par les intégristes religieux.
Quelle conception du vivre ensemble portons-nous pour créer du commun et une nouvelle conscience de classe ? Comment combattre les visions ethnicisées de la société et faire reculer l’extrême droite ?
Poser la question du vivre ensemble, c’est redéfinir les bases qui le rendent possible, c’est poser la question de nos rapports avec toutes celles et tous qui dans leur diversité  forment le tous ensemble, dans la France telle qu’elle est, « c’est-à-dire un vieux pays d’immigration, un pays pluriel, métissé mais qui ne se représente pas et ne s’assume pas comme tel. »
Historiquement pour mériter la citoyenneté française  il fallait se mettre en étroite conformité  avec les principes de la République, il fallait renoncer à sa culture d’origine. Pour devenir citoyens français et sortir des ghettos et des juiveries, les juifs ont renoncé à leurs particularismes religieux, en 1791. Mais leur assimilation sera très longue.
Si ce concept d’assimilation autoritaire a fait place à celui d’intégration, celui-ci reste encore marqué par une démarche ethno-centrée, à fortiori, lorsqu’il s’agit d’aborder la pratique d’une religion jugée extérieure.
Si c’est avant tout la crise sociale qui rend l’intégration difficile, la question religieuse est posée, ne l’esquivons plus.

Comment appréhender nos rapports avec les croyants musulmans qui constituent la 2ème communauté religieuse de France ?
Si on connait la main tendue aux chrétiens par Maurice Thorez en 1936, on connaît moins les prises de position officielles de dirigeants     -Waldeck Rochet, Rolland Leroy ou Georges Marchais- visant à unir le combat des communistes et des chrétiens pour une vie meilleure pour tous les hommes.
Si l’histoire du PCF est marquée par le respect des religions, la question de notre rapport aux musulmans doit bien être posée et débattue car nous sommes traversés par plusieurs courants de pensée.
Cohabitent le courant assimilationniste, celui de la philosophie marxiste incompatible avec la foi chrétienne pouvant conduire parfois à des comportements anti religieux mais aussi au respect, celui de l’approche unitaire entres les communistes et les chrétiens et celui des croyants qui se retrouvent dans la finalité humaniste du Parti.
Sommes-nous capables de réaffirmer très fortement notre conception de la laïcité alors que la droite extrême et l’extrême droite en dénaturent le sens avec une version identitaire et coercitive : une laïcité, garante de l’égalité des droits, de la tolérance, de l’acceptation des différences, du respect de toutes les croyances et religions, du refus de l’intégrisme.
Pouvons-nous essayer de définir une pratique de la laïcité dans l’espace public et débattre des réponses à apporter à des demandes relevant de l’exercice de la religion, ne serait-ce que pour que nos élus aient des positionnements cohérents ?
Si le PCF a, longtemps, su accueillir les enfants de l’immigration et a participé au processus de leur intégration dans la classe ouvrière  dans un contexte de travail, comment aujourd’hui, dans des quartiers confrontés au chômage de masse, réconcilier les populations discriminées avec l’action politique, comment travailler, à égalité, avec des mouvements « politisés » qui se structurent souvent en dehors des partis ?
Quand le PCF était le « parti de la classe ouvrière », il était, de fait, le parti des quartiers populaires, que faire pour qu’il redevienne le parti des quartiers populaires ?
Le PCF est- il  à l’image de la société dans sa diversité ? Un peu mieux, certes avec la vague d’adhésions que nous connaissons, mais cela se traduit-il dans la prise de responsabilités, sans doute est-ce une question que nous devons mieux intégrer dans notre « politique des cadres » ?
Dommage qu’aux élections législatives la nécessité de travailler à la diversité du Front de Gauche nous ait fait reculer sur le critère de la diversité sociale et la diversité des origines pour choisir nos candidats (avant dernier avant le FN sur cette question)
Le critère de la diversité relèverait, du point de vue de certains camarades, de la démarche d’insertion multi-culturelle et donc avec les notions afférentes comme la discrimination positive et les quotas (statistiques ethniques à partir du ressenti d’appartenance et de l’origine).
Je ne partage pas cet amalgame. Le choix du multi-culturalisme consacre  l’existence de groupes ethniques, et participe au phénomène de fragmentation. C’est une conception qui permet dans une société où on a renoncé à l'égalité de traitement pour tous, de reconnaître des individus dans une spécificité ethnique, culturelle ou religieuse pour étouffer leurs aspirations à l'égalité réelle. C’est prendre le risque que des groupes vivent à côté mais pas ensemble. Cela n’a jamais été  notre conception !

Par contre, nous voyons bien où peut nous conduire l’instrumentalisation rigide du modèle républicain qui a dominé jusqu’à présent : lorsque la différence est déniée ou méprisée elle peut conduire au repli identitaire, à l’entre soi.

Pour produire du commun, pour l’humain d’abord, ne pouvons- nous pas penser intégration interculturelle, celle qui demande aux uns et aux autres de produire l’effort d’aller vers l’autre : voir la différence non comme une menace mais comme un atout, miser sur le respect, la connaissance de l’autre pour que l’échange et la compréhension ait lieu, pour que le brassage des cultures s’opère et qu’il participe à la construction de notre identité.

Faire connaître l’apport économique, social, culturel et historique de l’immigration, valoriser la culture du métissage et de la diversité,  c’est créer les conditions du bien vivre ensemble dans l’égalité avec nos différences, c’est dans cette approche apaisée que les processus d’intégration s’opéreront.

Cette approche culturelle ne peut pas se dissocier d’une lutte sans concession contre les inégalités sociales mais également contre le racisme et toutes les discriminations qu’elles soient liées au genre, à la race, au sexe ou au handicap.

Pour rester sur la discrimination sociale et raciale, quelles propositions d’urgence portons nous dans les quartiers populaires sur l’emploi, le l’école, logement pour faire reculer la ségrégation  et quelle politique portons nous pour faire reculer durablement les discriminations et les divisions ?

Les discriminations résultent de systèmes complexes, d’opinions, de perceptions et de représentations qui traversent la société et construisent notre imaginaire. il faut faire découvrir l’histoire du racisme et des racismes, les théories sur l’inégalité des races, le colonialisme, la traite négrière, le génocide juif, l’histoire des roms pour contribuer à la déconstruction des préjugés.

Quelles dynamiques autour de la diversité dans l’accès à l’emploi, au logement ? Quelles propositions contre les discriminations ? Le débat sur la charte de la diversité dans les années 2004-2007 a, je suis convaincue, commencé à produire les résultats.
Sans fixer de quotas, considérant cette démarche  comme transitoire, nous avons besoins de recourir aux statistiques de la diversité qui, à la différence des statistiques ethniques, cherchent à savoir si des personnes de même sexe et même âge, d'un milieu social comparable, et de qualification de même niveau, voient leurs chances se réduire du fait de leurs origines qui s’identifient au ‘lieu de naissance d’un parent ou d’un grand parent. l’étude de l’Insee qui vient d’être publiée découle de cette démarche et prouve que c’est nécessaire.
C’est avec une forte volonté politique qu’il faut envisager la bataille du rétablissement de l’égalité car ce sont sur des temps longs que reculeront durablement et réellement le racisme et les discriminations.

Ce combat nécessite de mener le débat sur la diversité, non pas dans une démarche fragmentée et d’opposition mais pour favoriser la mixité et parvenir à ce à quoi aspirent les « minorités visibles » le droit à l’invisibilité ou le droit à l’indifférence.

Ce débat doit traverser notre parti pour que nous puissions être porteurs de propositions fortes mais aussi parce que nous avons besoin de travailler sur nous-mêmes, sur notre collectif politique, sur notre rapport à l’autre, à la pratique religieuse, sur la représentation de la diversité dans ses instances de direction et dans les fonctions électives.

Dans l’immédiat et pour ouvrir le débat : nous portions la proposition que soient décrétées sur une mandature la lutte contre le racisme et toutes les discriminations Grande Cause Nationale, peut-on envisager de la réactualiser sous ce Gouvernement en définissant les propositions de lutte contre les discriminations sur lesquelles il faudrait légiférer à partir de nos propositions et de celles des organisations anti racistes ? La proposition de loi contre le contrôle au faciès peut-elle voir le jour rapidement alors que Valls a reculé sur la promesse de François Hollande d’établir un reçu du contrôle d’identité ?

Conclusion

Lors du meurtre de Kevin et Sofiane à Echirolles, François Hollande s’est rendu sur place pour rendre hommage aux familles. A la fenêtre d’un immeuble, une femme qui portait le foulard l’a interpelé « Monsieur le Président, Nous voulons vivre en sécurité, je suis Française, Monsieur le Président, je suis musulmane mais Française »

Qu’attendent les habitants des quartiers populaires : la République, rien que la république, toute la république !

Fabienne HALOUI
Section d’ORANGE
Secrétaire Départementale du PCF
Membre du CEN
Animatrice de la Lutte contre le
Racisme et les Discriminations
 

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