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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Le féminisme ne tue pas ! contribution collective (L. Cohen, E., H. Bidard, M-G. Buffet, B. Dionnet, Colette Mô, F. Perrot)

Pour plagier une grand écrivaine, Simone de Beauvoir : « On ne nait pas féministe, on le devient ».
De cette constatation est née l’envie de rédiger une contribution féministe en amont de la rédaction de la base commune.

En effet, il n’est plus supportable d’amender des textes à la marge en luttant pied à pied pour obtenir la féminisation des termes, l’ajout d’une ou deux phrases de ci delà, ou encore un catalogue de propositions.
D’autant que  la contestation n’est pas à la hauteur de la remise en cause, constante et universelle, des droits des femmes par les politiques néo-libérales.

Le système patriarcal, un rapport de domination

Les contradictions entre les sexes sont de fait beaucoup plus anciennes que les contradictions entre les classes et elles ne leur donnent pas naissance. Elles se développent ensemble sans pour cela se confondre mais en se favorisant mutuellement.

Ce schéma, qui a imprégné les siècles, a structuré profondément nos sociétés. La démocratie moderne ne dénonce pas la domination sexiste, elle continue de la maintenir et même de la fabriquer.

L’éducation, les images stéréotypées des femmes, les rôles assignés selon le sexe de la personne sont autant de verrous qui empêchent l’émancipation humaine.

Pour mener à bien notre combat révolutionnaire, notre pensée politique ne peut donc se passer d’une analyse  réelle de ce que produit la domination patriarcale, dans notre société mais aussi dans  notre organisation politique.

Vers la fin du 20ème siècle, dans les années 90, de nombreux  travaux ont permis de mieux appréhender les questions du communisme et du féminisme. Cette prise de conscience des combats féministes comme vecteurs d’émancipation humaine nous a permis d’enrichir notre visée communiste pour transformer la société.

Si la domination capital/travail est et demeure la structure dominante des sociétés en France, en Europe et dans le monde, les autres formes de domination, notamment masculine, empêchent toute transformation sociale, car elles contribuent à opposer les individus entre eux, à fixer les préjugés et à fragmenter les résistances. Le patriarcat traverse les structures de classe.

Sans tomber dans la victimisation des femmes, les agressions envers elles ont lieu partout dans le monde et constituent une arme pour imposer la terreur, un système, un ordre moral : qui dit viol, dit femme ; qui dit fanatisme, intégrisme religieux, quelle que soit la religion, dit haine des femmes ; qui dit misère et soumission dit esclavage des femmes ; qui dit  violences dit violences faites aux femmes, la violence se substituant ou se superposant aux mécanismes inégalitaires.  

Patriarcat et capitalisme se nourrissent mutuellement. Le capitalisme engendre de terribles inégalités, en faisant voler en éclat toute entrave à la libre circulation des capitaux. Les réponses qu’il prétend apporter aux maux de l’humanité apparaissent de plus en plus comme inefficaces, inadaptées, dangereuses  et suscitent, fort heureusement, des résistances, des révoltes, des rassemblements.

Changer la société est un objectif qui s’impose avec de plus en plus d’acuité,  mais comment prétendre changer la société si on ne fait pas disparaître les rapports de domination entre les individus ?
Dénoncer l’ordre patriarcal, montrer que cet ordre (universel) a existé et continue d’exister  indépendamment des structures socio-économiques de classe, des structures ethniques, est de nature à faire évoluer les mentalités pour opérer et élargir les rassemblements indispensables à la transformation de la société.

Les femmes forment la grande majorité des pauvres dans le monde, des travailleurs précaires et des temps partiels imposés, des bas salaires. En France, elles continuent de gagner 20% de moins que les hommes à poste équivalent alors qu’en moyenne, elles réussissent mieux leurs parcours scolaires. Cet écart monte à 47% concernant les retraites.

Elles représentent la majorité du corps électoral mais sont très minoritaires à l’Assemblée Nationale, au Sénat et comme maires de grandes villes.

Pour les révolutionnaires que nous sommes, comment continuer à ignorer cette situation ? Ignorer, parfaitement,  puisqu’elle n’est pas portée par l’ensemble de notre organisation mais par des militantes et militants convaincus.

Il est urgent de chausser « des lunettes féministes », comme le disent nos amies suédoises dans toutes nos analyses politiques.

Il ne s’agit pas pour nous de faire un catalogue de revendications mais d’analyser 3 conditions, sinon suffisantes du moins essentielles,  pour parvenir à une égalité réelle, source de progrès humains :

  • Autonomie financière
  • Liberté de pouvoir disposer de son corps
  • Partage des pouvoirs

Femmes et travail

Le travail reproduit dans la sphère salariée le partage traditionnel des rôles. C’est une des causes majeures de la persistance des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. C’est l’une des questions principales à faire bouger dans une perspective d’émancipation.

Et en s’attaquant à cette question, on pose la question de la nécessité de révolutionner le travail, ce qui concerne l’ensemble de la société et doit donc nourrir notre projet.

En analysant les conditions d’exploitation des femmes, on perçoit que le travail féminin a servi de laboratoire d’expérimentation pour le grand patronat. C’est ce qui lui a permis d’étendre ses pratiques  à l’ensemble du monde du travail.

Les femmes sont à la fois des salariés comme les autres et des travailleuses à part. Ainsi qu'une enquête réalisée par Radio France l’a montré, à la question le travail est-il plutôt un droit ou une obligation ? La majorité des femmes ont répondu un droit, les hommes une obligation....

C’est très révélateur  de la situation des femmes  dans notre société. En effet, même si ce travail est pénible, le droit au travail des femmes reste une conquête chèrement acquise et ouvre vers une liberté : l’autonomie financière.

La tolérance sociale au sur-chômage féminin, aux emplois à temps partiel (féminins à 80%), à la précarité des femmes témoigne  bien que dans les mentalités, le travail salarié des femmes reste moins naturel que celui des hommes.

La problématique de l’émancipation englobe à la fois la question du travail salarié et celle du travail domestique : c’est en ce sens qu’on peut comprendre la formule « le privé est politique »
L’approche « genrée »du monde du travail permet de repérer les discriminations professionnelles entre les hommes et les femmes qui prolongent dans l’organisation du travail salarié la répartition des rôles selon les sexes : l’emploi des femmes est ainsi majoritairement cantonné dans dix filières professionnelles (services à la personne, santé, éducation, commerce…). Dans ces filières, les salaires sont plus bas, les possibilités de carrières et d’évolution professionnelles plus réduites que dans les filières à prédominance masculine. Même dans les filières relativement mixtes, la discrimination se manifeste quant aux emplois occupés : assistantes, adjointes, etc.

La précarité des femmes est le fil conducteur à partir duquel on peut appréhender ce qui se joue dans la société autour du travail des femmes : depuis plus de trente ans, l’emploi des femmes a continué de croitre mais à l’ombre du sur-chômage féminin, d’un sous-emploi féminin massif, du temps partiel et des contrats atypiques.

Si la précarité s’accentue pour toutes et tous, elle n’obéit pas aux mêmes caractéristiques selon les sexes : la précarité est un mode permanent de gestion de l’emploi des femmes (notamment les moins qualifiées), alors qu’elle est pour les hommes un sas, une situation transitoire vers l’emploi en CDI à temps plein.
Pour les femmes les précarités s’ajoutent, s’entretiennent mutuellement (travail, logement, transports…) et constituent un enfermement.

Le temps partiel est au carrefour de toutes les inégalités : entre femmes et hommes d’une part, entre les femmes d’autre part. Cette organisation du travail cible d’abord  les femmes et s’est développée en France sous couvert  « d’articulation des temps ».

Idéologiquement, le temps partiel est présenté comme une bonne solution pour les femmes.  En réalité, il s’agit de permettre que l’emploi des femmes constitue la principale variable d’ajustement des politiques d’emploi : au nom du « salaire d’appoint », de l’équilibre entre travail et famille. La plus grande partie des emplois à temps partiel se situe dans le commerce et la grande distribution, dans l’hôtellerie, la restauration, dans le nettoyage, là où la flexibilité est la plus recherchée par le patronat.

 L’emploi  à temps partiel  n'ouvre  pas de choix, ni de pseudo retour au temps plein. D’ailleurs l’intensité du travail est telle que le même emploi ne serait pas tenable à temps plein : ainsi,  non seulement le temps partiel sert de variable d’ajustement au chômage mais il permet aux employeurs des gains de productivité.

Parce qu'elles sont en première ligne face à la crise, qui renforce la précarité et le sentiment de vulnérabilité du monde du travail, les femmes par leurs luttes font avancer aussi les conditions de travail de toutes et de tous : historiquement, les acquis des femmes ont toujours profité aux hommes.

Féministes et communistes, nous voulons rendre au travail sa fonction émancipatrice et sa dimension d'expérience collective à rebours de l'épreuve individuelle et douloureuse que le patronat en a fait dans sa quête effrénée de profit.

Mais aujourd’hui, le parti communiste n’apparaît pas comme porteur de cette visée émancipatrice.

Liberté de pouvoir disposer de son corps

Les luttes féministes des années 60 et 70 ont donné aux femmes la maitrise de leur corps, une avancée de civilisation majeure à préserver. Pourquoi à préserver ? Parce qu'on le voit bien avec le non remboursement de la majorité des pilules contraceptives ou encore les attaques contre le fonctionnement et  l'existence des centres d'IVG, rien  n'est jamais acquis définitivement. Dans le même temps, il est important de voir que  nos combats marquent des points, ainsi le nouveau gouvernement vient d’acter le remboursement à 100% des IVG  (revendication exigée depuis 20 ans par les mouvements féministes).

Par ailleurs, notons que le libre choix de la maternité et de l'épanouissement sexuel ont permis l’arrivée massive des femmes dans le travail salarié, par le temps plein. Et l’offensive du temps partiel imposé est parallèle et liée à ces attaques contre le droit de disposer de leur corps.

La liberté de pouvoir disposer de son corps s’oppose à la marchandisation des corps.

Or, que veut dire vouloir un enfant à tout prix et se servir du ventre d’une autre femme pour y parvenir ? Comment faire abstraction de la rémunération, voire du dédommagement donné, à la mère porteuse, pour service rendu ? Le ventre d’une femme n’est pas à louer.

Parallèlement, il faut simplifier les adoptions  et lever les interdits, les blocages qui pèsent sur tous les couples adoptants quelle que soit leur orientation sexuelle.

Dans un monde où deux systèmes d’exploitation, de domination se conjuguent, il n’y a pas de limite à la marchandisation et le corps devient une marchandise comme une autre.

La prostitution  en est à la fois l’une des traductions et l’expression d’une des formes extrêmes de violences faites aux femmes. Or, se livre une bataille idéologique tendant à faire passer les personnes que l’on prostitue pour des « travailleuses du sexe ». La prostitution serait un métier comme un autre !

Ce n’est pas un métier mais une organisation criminelle avec des filières clandestines dont la loi est le règne de la violence, de l’intimidation, des contraintes physiques et morales : violence des mafieux, des proxénètes, des dealers. Qui dit prostitution dit rapports de domination extrême : Nord/ Sud, Hommes/ Femmes.

Lutter pour l’abolition de la prostitution est une question éminemment politique.  C’est un combat mixte en faveur du respect et de l’universalité des droits humains.

La parité

Cet objectif  est un outil pour permettre un partage des pouvoirs  politiques à tous les niveaux donc y compris dans notre organisation.

La parité se différencie d’une politique de quotas parce que ce qui se joue n’est pas une discrimination parmi d’autres. En effet, les femmes ne sont ni une « catégorie » sociale, ni un groupe spécifique à défendre, elles constituent tout simplement la moitié de l’Humanité.

La  question politique posée est donc celle de reconnaître l’égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère publique alors que la domination patriarcale leur assignait un rôle confiné à la sphère privée.
Cette sphère publique est celle du lieu où sont effectuées les décisions politiques, en l’occurrence les choix effectués pour toute la société,  pour toutes et tous. Il s’agit ainsi de rompre avec l’exclusion des  femmes des décisions qui les concernent et de leur permettre de participer aux  choix comptant aussi pour  la vie des hommes, n'est- ce pas ce que l’on appelle la démocratie ?

La parité favorise la possibilité pour les femmes d’exister vraiment dans le domaine de la politique,  le nombre étant  une condition pour y parvenir, pour pouvoir se sentir le droit d'être soi même sans avoir à devenir «  l’autre ».

Mais, on le constate chaque jour, il est difficile de s’attaquer aux pouvoirs. Et les institutions sont de véritables citadelles qui se sentent assiégées par l’arrivée des femmes à égalité avec les hommes.

Il n’est pas facile de renverser l’ordre établi dans un monde où les lois ont été faites par des hommes pour asseoir le pouvoir politique des hommes.

C’est un enjeu démocratique majeur : la conquête du pouvoir, de son partage effectif entre hommes et femmes dans toutes les sphères de la vie ; un pouvoir qui ne soit plus synonyme d’oppression, mais moyen de construire avec les autres.

L’humanité est mixte, le(s) pouvoir(s) doivent l’être aussi !

Comme la société, le mouvement ouvrier, les syndicats, les institutions, le parti communiste est traversé du même phénomène: il s’est construit au masculin.

Il nous faut faire preuve d’audace pour faire avancer les mentalités y compris dans nos rangs. C’est ce que nous avions su faire en 1925, par exemple, quand le PCF avait présenté des femmes aux municipales alors qu’elles n’avaient pas le droit de vote et donc n’étaient pas éligibles.

L’occasion nous en est fournie avec l’ordre du jour de ce nouveau congrès, puisque figure la transformation de notre parti. Comment y parvenir, en effet, si on occulte la question de la  place des femmes dans notre organisation ? L’impérieuse nécessité qu’elles prennent plus et mieux leur place dans le parti en général et qu’elles y assument des responsabilités de dirigeantes à parité partout.

Ce n’est pas chose facile car on s’aventure aussi sur le terrain de l’intime.

Pourtant la parité  est un des axes essentiels des transformations à opérer car il tient autant à la démocratie qu’à l’ouverture à la société dans laquelle ces exigences sont très présentes.

Faire vivre la parité- construire une vie et une activité de parti sur de nouveaux modèles et modes de fonctionnement  - est un moyen d’enrichir le parti de l’altérité créatrice. Elle peut être vectrice de transformation nécessaire :

  • pour être plus en osmose avec la société comme lors des scrutins de liste
  • pour être plus proche de la réalité : le monde n’est pas exclusivement masculin, ni dans les quartiers, ni dans les entreprises
  • pour favoriser la souveraineté des adhérentes et adhérents et un nouveau rapport au pouvoir dans le fonctionnement de nos directions.

Favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités c’est à la fois agir pour qu’elles puissent accéder aux responsabilités et agir pour qu’elles y restent.  

La parité dans nos statuts a été utile pour l’établir au CN, et dans les conseils départementaux. Nous avons ainsi pu faire la démonstration que la question de la  compétence n’était pas liée au sexe de la personne.
Mais force est de constater qu’il y a recul dans nos instances et ce à tous les niveaux.

Une des questions décisive  pour faire vivre la parité est de rendre visible la réalité de la présence de femmes dans la société, dans notre organisation et nos directions.

C’est ce qui fonde la nécessité de faire exister  le féminin dans nos écrits  et les images que nous renvoyons.
Le lien avec la parité se trouve dans le fait que la visibilité du féminin dans l’écriture et le vocabulaire est justement un des moyens de rendre les femmes visibles et donc de leur permettre d’exister comme individu, à égalité.

Enfin, tous les secteurs de notre activité doivent intégrer cette dimension de genre. Il faut particulièrement veiller aux formations des militantes et militants qui doivent en être nourries.

Il s’agit ainsi pour nous en ne relâchant pas notre travail sur cette question de ne pas rester dans les normes de la société actuelle et donc de travailler à la subvertir dans nos rangs pour subvertir la société elle même.

 

Laurence Cohen, Elisabeth Ackermann, Hélène Bidard, Marie-George Buffet, Brigitte Dionnet, Colette Mô, Francine Perrot.
 

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le 15 octobre 2012

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