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36e congrès - Le texte - Il est grand temps de rallumer les étoiles

Les statuts du PCF adoptés au 36e congrès

Discours de clôture par Pierre Laurent

Journal CommunisteS n°507 - Spécial 36e congrès - 13 février 2013

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Pas de voie royale, pas de raccourci : le chemin exigeant de la démocratie  ! par Jean-Louis LE MOING

« Sa faiblesse, ce sont les bulles qui enflent et qui éclatent. Sa force, c’est qu’il n’y a pas d’autre système qui ait pu passer l’épreuve de la réalité. » ( Pascal Lamy, interview à Libération au début de la crise des subprimes). Ainsi donc, ce système qui charrie tant de souffrances, d’inégalités, de violences, se trouverait acquitté au bénéfice du doute. Il faudrait se rendre à la raison et s’en accommoder, faute de toute alternative globale.

Cette tenaille idéologique est insupportable. D'autant que la crise systémique qui frappe aujourd'hui montre le vrai visage du capitalisme et appelle d'urgentes réformes structurelles pour notre société et notre monde. Pour moi, c'est au cœur de cette exigence que réside l'ardente actualité du communisme.

1 Une loi naturelle, indépassable?

Le postulat de Pascal Lamy peut certes paraître infondé. Mais s'il est pourtant partagé par beaucoup de responsables politiques à gauche - et ne l'oublions pas, par de nombreux citoyens - c'est qu'il émane d’un paysage idéologique rudement malmené par l’écroulement du soviétisme et par ce qui, aujourd'hui encore, est amalgamé au communisme, par les échecs cinglants de la gauche dans notre pays depuis 1981, et par le marquage lancinant des consciences opéré par le capitalisme au fil des décennies. Ne sous-estimons pas l’acuité du problème historique auquel sont confrontés les communistes et tous ceux qui ne veulent pas se résigner à la dure loi capitaliste.

Aucun projet alternatif crédible ne semble émerger réellement, alors que le libéralisme le plus débridé malmène les peuples et notre planète. Parfois mis en accusation, le système capitaliste rencontre certes des résistances mais, faute de réelle alternative, s'impose trop souvent comme une loi naturelle, indépassable.

2 Une nouvelle espérance

Le communisme a longtemps incarné cet espoir qui fait que les hommes se lèvent. Il a su mobiliser quantité d'énergies et d'intelligences. Avec l'écroulement du soviétisme érigé en son nom, on nous a sommés de nous renier ou de disparaître. Nous n'avons fait ni l'un ni l'autre. Nous sommes bien présents. Il y a du respect pour nous. Nous savons provoquer parfois l’intérêt. L'utilité et la portée émancipatrice de nos valeurs et de notre action sont souvent reconnues. Mais nous rencontrons des difficultés pour définir avec notre peuple les contours et les voies d'une nouvelle espérance. C'est sans doute là qu'il faut chercher l'explication du hiatus persistant entre notre image et nos résultats électoraux. Des communistes utiles, certes, assurément intéressants mais pas suffisamment crédibles pour prendre une part prépondérante dans les responsabilités nationales.

L’espoir d’une société et d’un monde de libre développement peut-il de nouveau claquer, résonner, entraîner ? Quelle est l’identité - nécessairement refondée - de ce projet, de cette visée dans ce monde capitaliste financiarisé ? Quelles nouvelles logiques substituer à « cette force qui va », avec comme seul moteur la recherche aveugle du profit et la concurrence ? Le communisme est-il capable de s'imposer comme porteur d'un nouveau projet d'émancipation ?

Pour répondre à ces questions, nous ne sommes évidemment pas des voyageurs sans bagages, nous disposons même d’un corpus idéologique conséquent… Mais sachons aussi mesurer lucidement l’ouvrage de conceptualisation et le niveau de la bataille idéologique qui restent devant nous pour ouvrir un nouveau chemin avec notre peuple.

3. Un doute profond

Or, c'est bien là que le « bât blesse ». Un doute pèse lourdement sur la possibilité de s'en prendre réellement à la nature du système. Un doute, certes chahuté d'exigences, sur la pertinence et la viabilité d'un chemin nouveau pour imposer les revendications populaires face aux oukases de la finance et de ses puissants relais. Un doute si profond qu'il n'épargne même pas la pointe la plus consciente de nos concitoyens. An fond, beaucoup à gauche sentent, constatent que la loi du profit est aveugle et provoque de lourds dégâts. Mais une autre loi est-elle à la portée de l'espèce humaine ? D'où l'impérieuse nécessité de rehausser le contenu de la bataille d'idées au service d'une alternative de dépassement du système capitaliste.

4 Un manifeste pour l'avenir

Cette espérance aura les couleurs de notre monde tel qu'il est aujourd'hui. En effet, des cadres naguère reconnus comme crédibles et efficaces se sont transformés et le monde a profondément changé :

1) Le transfert de la propriété vers l’Etat n'est pas la condition suffisante au dépassement des aliénations. Il faut pour y parvenir engager un processus d'exercice des pouvoirs par les citoyens-producteurs-consommateurs.

2) La nation demeure le lieu essentiel de la formation des rapports de force, de l'affrontement, et donc la matrice des transformations à opérer. En même temps, la problématique européenne imprègne toutes les questions de l'avenir de notre pays, et le développement d'un nouvel internationalisme se trouve posé avec une réelle acuité.

3) La révolution informationnelle, avec ses immenses potentialités et ses exigences nouvelles, les défis du développement durable posent en termes inédits, du point de vue qualitatif, les questions du dépassement de ce système capitaliste mondialisé.

« La lutte et la révolte impliquent toujours une certaine quantité d'espérance... » disait Beaudelaire. Il faut donc, comme nous avons commencé à le faire, « repenser le changement ». Nous avons besoin d’un projet utile pour résister et pour changer. Un projet apte à nourrir les résistances locales et une visée émancipatrice globale. Pas une addition de propositions, pas un catalogue de présentation d’un monde idéal, mais un projet porteur de sens, d’une ambition moderne et universelle. Un manifeste pour l’avenir qui, partant des contradictions actuelles du système, indique le sens de réformes à accomplir pour les années à venir. Un projet attractif, fort, cohérent, porteur de valeurs, de repères, permettant à la riposte de grandir, apte à générer des rassemblements majoritaires.

5 Ne pas tromper l'histoire

Nous avons emprunté bien des chemins, participé à bien des expériences pour tenter d’ouvrir la voie au changement. Nous avons contribué à de réelles avancées démocratiques et sociales. Mais avons-nous vraiment tiré toutes les conséquences de notre choix irréversible de la démocratie comme but et comme moyen ? Ce choix n’est pas un choix de circonstance, pas davantage une concession.

« Songez qu'on n'arrête jamais de se battre, et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien » nous dit Aragon (Épilogue) Il n’est pas de solution ailleurs que dans la démocratie. Le chemin et la visée sont con-substantiellement unis. Aussi est-il illusoire de penser les transformations nécessaires hors de leur pleine maîtrise par les gens eux-mêmes. Car c'est cette maîtrise qui permettra la vigilance et la mobilisation nécessaires à l'application de ces réformes, face à un capitalisme puissant et tentaculaire. Il est vain et dangereux de penser tromper l'Histoire. Pas de nouveau projet hors de son émergence et de sa promotion par les gens eux-mêmes.

Ce « chemin est escarpé », mais il n'est pas de voie royale, pas de raccourci. Le seul chemin qui vaille pour une nouvelle espérance est le chemin exigeant de la démocratie !

6 L'ambition d'ouvrir un nouveau chemin

La solution viendra d'un peuple en mouvement autour de ses exigences : rien ne doit altérer cette conviction qui appelle un parti d'un nouveau type. Nous avons franchi des caps dans les nécessaires transformations et mises à jour correspondant à cette fonction. Mais nous avons accompli tout ce travail dans un contexte de résistance, le dos au mur. Je crois le moment venu de croire davantage en nous pour mieux nous tourner vers les gens.

Je pense qu'il nous faut à la fois être plus accusateur vis-à-vis du capitalisme et plus convaincants sur les réformes à mettre en œuvre afin de changer la vie maintenant et donner un nouveau sens à la société. Pour cela, nous devons renverser la table, accuser plus frontalement que nous le faisons en général ce système violent, injuste et inefficace. Ne sommes-nous pas parfois trop « sages» ? Nous devons, de ce point de vue, réfléchir aux côtés positifs de l'expérience de la présidentielle. Mais il nous faut aussi mesurer que nos concitoyens, y compris les plus engagés, ne veulent pas l'aventure, que même ceux qui n'ont rien à perdre craignent le saut dans l'inconnu. Il faut affirmer, il faut accuser, et il faut tout autant démontrer, prouver, entraîner... et rassembler encore et toujours.

Nous nous sommes parfois « brûlé les ailes » en empruntant ce chemin difficile qui exige de ne pas devancer le mouvement, mais de ne pas davantage renoncer à traduire sur le terrain de la politique et des institutions les aspirations et les exigences qui s'expriment. Gérer cette tension entre le nécessaire - ce que commande les transformations - et le possible - le niveau de conscience et d'exigence de notre peuple - commande une grande maturité. Mais c'est le seul chemin qui vaille.

7 Quelles objectifs avec le Front de gauche?

Nous voulons ouvrir la voie aux rassemblements les plus larges, les plus féconds pour imposer de nouveaux rapports de force et transformer ainsi profondément la société et le monde. C'est là qu'il faut trouver la raison d'être d'un parti communiste qui place le rassemblement émancipateur au cœur de son action.

Aussi, pour moi, le Front de gauche n'est pas l'alpha et l'oméga de notre visée, mais le moyen de porter au cœur de la gauche les attentes de changement qu'exprime une majorité de Français. Nous ne devons jamais en rabattre sur notre ambition de rassembler toute la gauche et les forces progressistes sur des objectifs élevés de transformation. Le Front est la force qui peut rendre crédible le changement à gauche.

C'est pourquoi je pense que, bien davantage que du bruit et de la fureur, le Front doit favoriser une dynamique populaire consciente et exigeante. « Un outil par lequel forger un mouvement du peuple, une agrégation des luttes sociales, de la politique et de l'effort intellectuel. » comme l'a affirmé Pierre Laurent à la Fête de l'Humanité.

8 Pas de simples passeurs

Selon moi, cette volonté de rassemblement ne doit aboutir à aucun effacement, mais implique au contraire un nouveau déploiement de la pensée et de l'action communiste. Car les communistes ne sont pas des catalyseurs, de simples passeurs. Ils ont quelque chose de fondamental à apporter. Nous ne sommes certes pas seuls dans la contestation de l'ordre actuel. Et c'est heureux. Nous voulons, nous devons contribuer au rassemblement de ces forces. Et nous devons, inséparablement, dans le mouvement des consciences, faire valoir notre ambition d'une visée émancipatrice globale. L'héritage communiste comporte certes des périodes d'éclat et des zones d'ombre et de douleurs, comme toute œuvre humaine de portée émancipatrice. Nier cette réalité ou vouloir la contourner porterait préjudice à notre combat. Mais une période de renaissance idéologique s'ouvre. Elle peut permettre une contre-offensive d'ampleur du communisme face à un système en pleine crise et à une social-démocratie qui montre son incapacité à imaginer d'autres règles économiques et sociales que celles en vigueur. Ce n'est donc pas la foi du charbonnier ou la nostalgie qui doivent aujourd'hui nous faire agir et vouloir continuer le PCF, mais la conviction que le communisme est un projet d'actualité et d'avenir.« C'est le capitalisme qui est en crise, plus nous. » (Pierre Laurent à la fête de l'Humanité )

Voilà pourquoi je pense que s'effacer serait une faute. Pas seulement un reniement, une faute. Car s'effacer obscurcirait le chemin vers le changement.

9 Cinq questions, cinq défis pour le Congrès

a) Les jeunes sont aujourd'hui les premières victimes du capitalisme. Cette génération est au cœur de toutes les contradictions. C'est la jeunesse qui renversera la table. L'action et le discours du Parti doivent être imprégnés de cette certitude. Je pense aussi qu'il est vital de permettre à la jeunesse communiste de se développer encore davantage.

b) La politique, c'est porter une conception de la société, un projet, pour les faire partager. Mais n'est-on pas trop souvent tentés d'asséner, en cherchant confusément un ralliement, alors qu'il faut démontrer, avec la volonté d'inclure la majorité de notre peuple dans la pensée et dans l'action en faveur du changement, en faisant appel à l'intelligence et à l'expérience ? Nous devons certes parler à ceux qui ont les moyens de porter un regard critique sur la société. Et il nous faut aussi intéresser ceux que le capitalisme a remisé au rang des accessoires. Je pense à tous ces travailleurs, à toutes ces familles méprisées, précarisées, ignorées, rejetées... toutes celles et tous ceux qui subissent de plein fouet la violence de ce système sans lui donner son nom. Ne laissons pas la noirceur politique envahir davantage leurs consciences. Je pense que nous avons des efforts à accomplir sur nous-mêmes et dans notre capacité d'écoute et d'intervention pour -re?-devenir un grand parti d'éducation populaire. Il faut sans doute repenser notre communication et notre façon de faire de la politique à partir de tels objectifs.

c) Nous devons porter haut notre volonté de permettre tout pas en avant, en favorisant la résistance et la prise de conscience des causes, des responsabilités et des solutions aux problèmes de la cité, du pays et du monde. Nous n'opposons pas le réforme et la révolution. Notre volonté de participer aux affaires quand les conditions le permettent est liée à cette ambition. C'est parce que les conditions de la victoire de la gauche ne permettaient pas d'espérer d'avancées significatives que nous avons décidé de ne pas participer au gouvernement. Notre décision ne peut pas être considérée comme un recul dans notre volonté de lier résistance et construction dans la vie et le feu des responsabilités. Et c'est à l'aulne de cette volonté que nous devrons aborder la préparation des échéances électorales territoriales.

d) Pour permettre l'irruption d'un projet maîtrisé par les gens eux-mêmes et écrire une nouvelle page du communisme, portons-nous assez l'effort pour redevenir un parti enraciné dans les territoires et les lieux de travail, un parti nombreux, organisé, fraternel? Ce devrait être, selon moi, l'objet d'un débat dans le cadre des transformations du Parti. Il ne suffira pas de claironner cette ambition si elle devient nôtre. Il faudra la faire progresser. Cela appellera des avancées positives, des mesures vigoureuses et un engagement déterminé des directions du Parti.

e) Nous avons encore beaucoup à faire pour apprendre à vivre et à rayonner, non pas malgré, mais grâce à nos différences au sein du PCF. L'unité du Parti s'est trouvée chahutée dans les dernières décennies. Or, cette unité dans la diversité est pour moi un capital précieux et une condition du changement. Le débat dans le Parti n'a pas besoin d'angélisme, mais il réclame de la franchise, du respect et de la fraternité. Des valeurs qui vont bien au-delà des règles statutaires qu'il faudra évidemment réformer.

Voilà, à mon sens, les principaux défis que nous devons nous lancer à nous-mêmes pour donner à l'hypothèse communiste la force d'une espérance populaire.

 

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le 04 octobre 2012

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